Los Solidarios
Los Solidarios - également appelé Crisol[1] - est un « groupe d'action »[2] ou un « groupe armé d'autodéfense »[3] formé, à l'initiative de la Confédération nationale du travail[4], en à Barcelone en réponse au pistolérisme, politique d'assassinats ciblés de militants syndicalistes par certains milieux patronaux, couverts par les autorités gouvernementales espagnoles, surtout en Catalogne.
Nosotros
Forme juridique | groupe armé d'autodéfense |
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Zone dâinfluence | Espagne |
Fondation | octobre 1922 Ă Barcelone |
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Structure | collectif |
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Personnages clés |
Buenaventura Durruti Joan GarcĂa Oliver Francisco Ascaso Ricardo Sanz |
ComposĂ© de quatorze jeunes ouvriers[5], ce groupe affinitaire rĂ©unit, entre autres, Buenaventura Durruti (1896-1936), Joan GarcĂa Oliver (1901-1980), Francisco Ascaso (1901-1936), Miguel GarcĂa Vivancos (1895-1972), Ricardo Sanz (1898-1986), Ramona Berri, Eusebio Brau, Manuel Campos et Aurelio FernĂĄndez[6] - [7] - [8]
Revendiquant l'assassinat de plusieurs personnalités liées, d'aprÚs eux, au pistolérisme (dont le cardinal Juan Soldevilla y Romero et l'ex-gouverneur Faustino Regueral de Bilbao), le groupe se finance en menant des braquages à main armée (« expropriations ») dans des banques[9].
En 1923, le groupe dévalise la Banque d'Espagne à Gijón. L'argent sert à venir en aide aux familles de militants emprisonnés.
Partisan d'un « anarchisme pur », le groupe s'oppose dans le mouvement libertaire espagnol au courant « syndicaliste » (« possibilisme libertaire ») rassemblé, en 1931, autour du Manifeste des Trente[10]. Son influence est importante dans le domaine de l'action mais faible sur le plan politique[11].
En 1933, aprÚs la légalisation de la Confédération nationale du travail, la plupart des membres se retrouvent dans le groupe Nosotros (Nous autres en espagnol) qui défend des positions anarchistes au sein de la confédération.
Histoire
Los Solidarios succÚde à un groupe appelé Los Justicieros créé à Saragosse.
En , immĂ©diatement aprĂšs lâassassinat du cĂ©lĂšbre dirigeant de la CNT Salvador SeguĂ, la ConfĂ©dĂ©ration nationale du travail crĂ©e un ComitĂ© dâaction composĂ© de Juan PeirĂł, Camilo Piñón[12], Narciso MarcĂł[13] et Ăngel Pestaña, qui charge Juan GarcĂa Oliver dâobtenir par tous les moyens les fonds nĂ©cessaires Ă la lutte armĂ©e[14].
Los Solidarios aura pour objectif l'achat et le stockage d'armes dans le but de riposter au pistolérisme patronal et d'anticiper une future dictature du général Miguel Primo de Rivera[15].
Actions notables
Le , à León alors que la ville célÚbre la Fiesta Mayor, les anarchistes Gregorio Suberviela et Martinez Garzon abattent l'ex-gouverneur Faustino Gonzålez Regueral[16] qui sort d'un théùtre (il était un des responsables du pistolérisme patronal et de la répression du début des années 1920). Les deux activistes réussissent à prendre la fuite malgré la présence des gardes du corps et de la police[17]
Le , Ă Saragosse, Francisco Ascaso et Rafael Torres EscartĂn (es) aidĂ©s des militants Juliana LĂłpez et Esteban Salamero abattent l'archevĂȘque-cardinal Juan Soldevilla y Romero et le religieux qui l'accompagne en les criblant de balles alors qu'ils circulent dans une automobile. Le cardinal Soldevila aurait Ă©tĂ©, d'aprĂšs les anarchistes, le principal financier et recruteur des pistoleros du patronat de Saragosse[18].
Ces actions interviennent quelques semaines aprĂšs l'assassinat Ă Barcelone de Salvador SeguĂ (), l'un des principaux leaders de la CNT en Catalogne[19] - [20].
Le , Ă GijĂłn, Durruti, Rafael Torres EscartĂn (es), Gregorio Suberviela et Eusebio Brau achĂštent des armes dans le but de s'opposer Ă une future dictature de Primo de Rivera et attaquent en plein midi la Banque d'Espagne de GijĂłn et s'emparent de 650 mille pesetas. Couvrant la fuite de leurs complices, Eusebio Brau et Rafael Torres EscartĂn (es) opposent un feu nourri Ă la police, mais ne peuvent semer leurs poursuivants. LocalisĂ© le lendemain prĂšs d'Oviedo, Eusebio Brau est tuĂ© aprĂšs avoir rĂ©sistĂ© Ă la police. EscartĂn, arrĂȘtĂ©, sera torturĂ© avant d'ĂȘtre emprisonnĂ©[21].
Le , Ă Barcelone, la police opĂšre un coup de filet contre les activistes du groupe Los Solidarios : Gregorio Suberviela qui tente de s'Ă©chapper tombe sous les balles des policiers ainsi que Marcelino del Campo qui est tuĂ© aprĂšs avoir mortellement blessĂ© plusieurs policiers. Les frĂšres Ceferino et Aurelio FernĂĄndez SĂĄnchez (es) ainsi qu'Adolfo Ballano, sont arrĂȘtĂ©s sans avoir eu le temps de faire usage de leurs armes. Quant Ă Gregorio Jover, arrĂȘtĂ© et conduit au commissariat, il s'en Ă©vade en trompant la vigilance de ses gardiens et en sautant par une fenĂȘtre. Domingo Ascaso (es), parvient aussi Ă s'Ă©chapper aprĂšs avoir tenu en respect les policiers venus l'arrĂȘter[22].
Publications
Le groupe finance plusieurs publications dont Cristol, revista grafica de ideas, ciencia y arte et, imprimé en France, le journal Liberion, organe de la Fédération des groupes anarchistes de langue espagnole, rebaptisé Iberion aprÚs l'interdiction ministérielle de [23].
Exil
AprÚs ces actions, sous la pression de la dictature de Miguel Primo de Rivera et à la demande de la Confédération nationale du travail le groupe se dissout. Durruti, Ascaso, Jover et d'autres membres fuient vers la France, puis en Amérique latine en 1924. Les trois arrivent au Chili en 1925[24].
Durruti, Ascaso, Jover retournent ensuite en France oĂč ils vivent dans la clandestinitĂ©. AccusĂ©s de tentative d'assassinat sur la personne du roi Alfonso XIII en visite Ă Paris, ils sont emprisonnĂ©s en 1927. Ă l'initiative d'un ComitĂ© international du droit dâasile (CIDA) animĂ© par Nicolas Faucier[25] et de Louis Lecoin[26], une campagne en faveur de l'amnistie des trois militants aboutit Ă leur libĂ©ration. ExpulsĂ©s de France, ils obtiennent l'autorisation de s'installer en Belgique.
Postérité
Oliver, Durruti et Ascaso sont parfois surnommés les « trois mousquetaires de l'anarchisme espagnol »[27] - [28] qui eux aussi, étaient quatre, avec Jover[29].
Il existe un enregistrement sonore d'un discours prononcĂ© par Joan GarcĂa Oliver qui dĂ©crit les membres du groupe, y compris lui-mĂȘme, comme « les meilleurs terroristes de la classe ouvriĂšre, ceux qui pourraient le mieux rĂ©pondre coup pour coup au terrorisme blanc contre le prolĂ©tariat », en citant comme exemple les meurtres de Salvador SeguĂ et Francesc Layret (en).
Nosotros
Avec la proclamation de la Seconde République espagnole (1931), certains membres, qui ont réussi à revenir en Catalogne, intÚgrent la Fédération anarchiste ibérique en 1933 sous le nom de Nosotros (Nous autres en espagnol)[30], et défendent des positions anarchistes au sein de la Confédération nationale du travail.
Ă cette Ă©poque, le groupe rĂ©unit, entre autres, Francisco Ascaso, Buenaventura Durruti, Joan GarcĂa Oliver, Aurelio FernĂĄndez SĂĄnchez (es), Ricardo Sanz, Miguel GarcĂa Vivancos, Gregorio Jover, JosĂ© PĂ©rez Ibåñez (« El Valencià »), Quico SabatĂ© et Antonio Ortiz RamĂrez[31].
Avec le début de la révolution sociale espagnole de 1936, le groupe cesse d'agir en tant que tel.
Le , au cimetiĂšre de Montjuich (Barcelone), Juan GarcĂa Oliver rend hommage Ă Durruti, tuĂ© un an plus tĂŽt sur le front de Madrid. Lâex-ministre de la Justice du gouvernement Largo Caballero remonte le cours de lâhistoire : « Je nâai pas honte de le dire, je le confesse avec fiertĂ©, nous avons Ă©tĂ© les rois du pistolet ouvrier de Barcelone, les meilleurs terroristes de la classe ouvriĂšre⊠âNosotrosâ, ceux qui nâont pas de nom, ceux qui nâont pas dâorgueil, ceux qui ne forment quâun bloc, ceux qui payent lâ un aprĂšs lâautre, âNosotrosâ⊠La mort nâest rien, nos vies individuelles ne sont rien ! Tant que lâun de nous vivra, âNosotrosâ vivra ! »[32]
Commentaires
Selon JosĂ© Fergo dans la « revue de critique bibliographique et d'histoire du mouvement libertaire », Ă contretemps : « [En 1923], lâassassinat de Salvador SeguĂ Ă Barcelone conduit les instances dirigeantes de la CNT, constituĂ©es en « commission exĂ©cutive », Ă [...] former un groupe dâaction armĂ© [...] « Los Solidarios » sans que ses membres sachent le moins du monde quâils sont, de fait, le bras armĂ© dâun Ă©tat-major de guerre. La lĂ©gende a retenu une version plus glorieuse - plus anarchiste aussi - de cette histoire : celle dâun groupe dâaffinitĂ© nĂ© spontanĂ©ment pour pallier les carences dâune CNT dirigĂ©e par des rĂ©formistes. Sur ce point, El eco de los pasos remet indiscutablement lâhistoire sur ses pieds. LâĂ©popĂ©e des « Solidarios » se solde par un Ă©chec. Ses deux principaux faits dâarmes - lâexĂ©cution, Ă Saragosse, du cardinal Soldevila et celle, Ă TolĂšde, de Regueral, ancien gouverneur de Bilbao - relĂšvent de lâinitiative personnelle de ses auteurs. Ils sont, en tout cas, sans lien avec les objectifs fixĂ©s par la « commission exĂ©cutive », qui dĂ©cide, dâun commun accord avec GarcĂa Oliver, de dissoudre le groupe. »[33]
Membres notoires
- Juan GarcĂa Oliver
- Buenaventura Durruti
- Francisco Ascaso
- Antonio Ortiz RamĂrez
- Gregorio Jover
- Ricardo Sanz
- Domingo Ascaso (es)[34]
- Antonio MartĂn Escudero (es)
- Miguel GarcĂa Vivancos
- Rafael Torres EscartĂn (es)
Bibliographie
- Abel Paz, Durruti, le peuple en armes. ParĂs, TĂȘte de Feuille, 1972.
- Michel Ragon, Dictionnaire de l'anarchie, Albin Michel, 2008, page 182.
- Abel Paz, Durruti : un anarchiste espagnol, Quai Voltaire, 1993, page 55.
- Thierry Vareilles, Histoire d'attentats politiques, de l'an 44 av. JĂ©sus-Christ Ă nos jours, Ăditions L'Harmattan, 2005, (ISBN 9782747596855), page 102.
- Evelyn Mesquida, La Nueve, : ces Républicains espagnols qui ont libéré Paris, Le Cherche Midi, 2011 (ISBN 2749120462), page 188.
- Michel Christ, Le POUM : Histoire d'un parti révolutionnaire espagnol (1935-1952), L'Harmattan, Paris, 2005, page 129, (ISBN 2-747598-04-7).
- Freddy Gomez, Un entretien avec Juan GarcĂa Oliver, Ă contretemps, no 17, , texte intĂ©gral.
- (es) Ricardo Sanz, El sindicalismo y la polĂtica : Los âSolidariosâ y âNosotrosâ, Toulouse, Imprimerie Dulaurier, 1966.
- (en) Robert J. Alexander, The Anarchists in the Spanish Civil War, volume 1, Janus Publishing Company Lim, 1999, page 83.
- (en) Robert J. Alexander, The Anarchists in the Spanish Civil War, volume 2, Janus Publishing Company Lim, 1999, extraits en ligne.
- (en) Stuart Christie, We, the Anarchists ! : A Study of the Iberian Anarchist Federation (FAI), 1927-1937, Christie Books, 2000, extraits en ligne..
- (en) Abel Paz, Durruti in the Spanish Revolution, AK Press, 2007, pp. 34-37.
- (es) Antonio Morales Toro, Javier Ortega PĂ©rez, El Lenguaje de Los Hechos: Ocho Ensayos en Torno a Buenaventura Durruti, Los Libros de la Catarata, 1996, extraits en ligne.
- (es) Jose Agustin Goytisolo, Durruti, muerte y leyenda de un anarquista, Diario 16, , lire en ligne.
Vidéo
- (es) Mateo Santos, Juan GarcĂa Oliver, ministre de Justice, durant l'inauguration du monument Ă la mĂ©moire de Durruti, Francisco Ascaso et Francisco Ferrer au cimetiĂšre de MontjuĂŻc de Barcelone, , voir en ligne.
Cinéma
- Gun City (La sombra de la ley).
Notices
- Fideus : notice.
- (ca) « Los Solidarios », Gran EnciclopÚdia Catalana, sur enciclopedia.cat, Barcelone, Edicions 62..
- (es) Miguel Iñiguez, Esbozo de una Enciclopedia histórica del anarquismo español, Fundación de Estudios Libertarios Anselmo Lorenzo, Madrid, 2001, page 581.
- (en) Libcom : notices.
Articles connexes
Notes et références
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- Ădouard Waintrop, Abel Paz, un ado sur les barricades, LibĂ©ration, 6 aoĂ»t 2001, lire en ligne.
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- (en) Robert J. Alexander, The Anarchists in the Spanish Civil War, volume 1, Janus Publishing Company Lim, 1999, page 83.
- Robert J. Alexander, Violence et terrorisme anarchiste durant la guerre civile, in The anarchists in the Spanish war, Janus Publishing Company Limited, 1999, (fr) lire en ligne, (en) lire en ligne.
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