Histoire du textile en Mayenne
Cet article présente les faits saillants de l'histoire du textile dans le département de la Mayenne en France.
Origine
Dès la période gallo-romaine, on utilisait le lin et le chanvre. Et c'est à partir du XIIe siècle que l'on s'est mis à l'exploiter dans le secteur du textile en Mayenne. L'activité est devenue la principale source de revenus de Laval et de la Mayenne. À tel point qu'au XVIe siècle, le comte de Laval, Guy XIX de Laval, a conféré le monopole de la production, de la vente et de l'exportation du textile aux Lavallois. La Révolution française et l'Empire porteront un coup fatal à cette réussite.
En Mayenne, où la terre est plutôt ingrate, l’industrie ou, comme on la nomme à l’époque, la fabrique, fournit un indispensable salaire ou complément de salaire, auxquels peuvent contribuer tous les membres d’une même famille. L’Annuaire de la Mayenne de 1803, insiste sur la spécificité du département, où l’habitant des villes, comme celui des campagnes, se livre au commerce, fabrique, vend ou achète des fils et des toiles, [et] où ce dernier est souvent, et en même temps, cultivateur, fabricant et négociant.
La main-d’œuvre est particulièrement compétente et coûte deux fois moins cher qu’à Paris. En Mayenne, tisser est une seconde nature : Tous les laboureurs des campagnes sont momentanément des fabricants et des tisserands dans les mauvaises saisons de l’année ou dans les temps où l’agriculture ne les occupe pas ; ils prennent la navette […]. Le même ouvrier sert à faire de la toile, de la siamoise, des mouchoirs et tous les tisserands eux-mêmes qui travaillent au compte du fabricant sont obligés de connaître les procédés de ces trois variétés de la fabrique..
Les députés Bouvet et Cocard, envoyés à la fête du 1er vendémiaire an IX, adressaient au premier Consul un rapport sur la situation politique de la Mayenne, où ils disaient déjà : « Ce département a eu, pour presque unique ressource, la fabrication de la toile, la filature, et c'était le seul moyen de faire subsister une population nombreuse sur un sol aussi stérile[1].
Situation en 1811
Le , Jean-Pierre de Montalivet envoyait à tous les préfets de l'Empire une circulaire dans laquelle il leur posait une série de questions pour obtenir d'eux des renseignements exacts et détaillés sur le degré d'extension qu'avait pris la culture du lin et du chanvre dans chaque département. À l'époque, cette culture périclitait depuis 25 ans en Mayenne. Le préfet Harmand se mit cependant en devoir de répondre au questionnaire et, comme dans ses bureaux personne ne pouvait le faire avec une égale compétence, il s'adressa à son ancien secrétaire général Michel-René Maupetit, qui siégeait alors au Corps législatif.
Avant de répondre aux questions proposées par Son Excellence sur la culture du lin et du chanvre dans le département de la Mayenne, on croit devoir faire précéder les renseignements demandés d'un précis historique sur la culture du lin dans le département. C'est le lin qu'on y cultive principalement, c'est le lin qui l'ait la matière première d'une fabrique naguère considérable de toile. Quant au chanvre, quelques fermiers dont les fermes sont peu étendues pour y faire du lin, sèment dans des clos, dans leurs jardins quelques planches de chanvre, soit pour occuper leurs femmes et leurs tilles, soit pour la consommation de leur ménage. Il n'y a guère que quelques communes du canton d'Evron, arrondissement de Laval, des cantons de Prez-en-Pail et de Couptrain, arrondissement de Mayenne, où le chanvre soit cultivé pour des toiles à drap et à nappes et erviettes qui se portent à Alençon et s'y vendent, entrant dans le commerce des toiles de brin ou chanvre connues sous le nom de toiles d' Alençon. Ce commerce est peu considérable et difficile à apprécier.
Mais il en est différemment du lin ; il était devenu une branche du plus grand intérêt pour les populations nombreuses de ce département qui compte, sur un sol médiocre, coupé de hauteurs stériles, couvert de landes arides, une population de 1.232 habitants par lieue carrée d'une superficie de 1.344 t.
De 1765 à 1789, le département de la Mayenne offrait sur les 268 lieues carrées qu'il renferme une vaste manufacture de toile de lin dont tous les éléments étaient disséminés dans les 285 communes qui le composent et, dans chaque commune, sur tous les points de la commune.
Dans ce département toutes les fermes, au nombre de 31.580, sont éparses sur l'étendue de son sol; les habitations sans culture rurale sont au nombre de 37.731 : au total 69.291 qui composent 72.026 ménages. Toutes les maisons ont deux, trois, quatre filcuses ; c'est l'occupation habituelle de toutes les femmes, les filles, les servantes, souvent des jeunes garçons.
Sur la population totale du département de 332.253 habitants qu'offre le dernier recensement nominatif, les femmes étaient au nombre de 49.543, les filles de 105.383, les veuves de 16.190 : au total 171.116; si on en retranche un cinquième qui ne se livrent point à cette occupation, il reste 134.093 femmes ou filles qui, dans tous les moments que leur laisse libres leur ménage, se remettent à leur rouet à main, à grandes roues, et filent, l'une dans l'autre, de six à huit heures par jour.
Telles sont les premières ramifications de l'ancien commerce des toiles connues sous le nom de toiles de Laval, Mayenne et Chàteau-Gontier.
En 1789, lors de la division territoriale de la France en départements, les commissaires s'occupèrent moins de donner au département de la Mayenne une grande étendue que de le composer de toutes les communes où on cultivait le lin, où on le manœuvrait, on l'apprêtait, on le filait, on le convertissait en toile. Sa superficie composait réellement la vaste manufacture dont le centre était Laval, chef-lieu du département ; dont les marchés secondaires étaient Mayenne et Château-Gontier, chefs-lieux des deux autres arrondissements.
Ces mêmes arrondissements offraient dans les petites villes, chefs-lieux de cantons, des marchés où, aux différents jours de la semaine, la fileuse portait son fil et le vendait au comptant, où le fabricant se procurait les fils assortis à sa fabrication et les payait en s'en livrant.
Le temps avait seul organisé cette fabrique importante, avait fixé dans cette étendue des capitaux suffisants pour se procurer, au moment du besoin, les matières premières dont l'emploi était destiné à faire des toiles de différentes laises, de différents degrés de finesse et dont le produit total s'est élevé annuellement, de 1765 à 1789, à 36.000 pièces de toiles de 110 aunes chaque ou 160 mètres. Chaque toile évaluée l'une dans l'autre à 300 livres, donnait annuellement une circulation de 10 à 11 millions.
Ce capital passait du négociant au fabricant, du fabricant à la classe nombreuse des tisserands, des fileuses, des poupeliers, des lamiers, des rouettiers. des cultivateurs qui faisaient croître le lin. Cette rapide circulation répandait l'aisance dans plus de 60.000 ménages ; chaque jour de marché était u jour de recette, les contributions se levaient avec la plus grande facilité, l'argent était partout abondant et toujours à la main de tout ménage qui avait ou filasse à vendre, ou fil ouvré, ou toile confectionnée.
L'origine de cette fabrique si avantageuse remonte à la fin du XIIe siècle ; elle est due à Béatrix de Gavre, épouse de Guy IX, seigneur de Laval. Béatrix de Gavre était fille du comte de Faukembourg et originaire de Flandre ; elle fit venir à Laval des ouvriers flamands qui apprirent aux habitants les procèdes en usage en Flandre pour préparer, blanchir les toiles. On ne peut douter que ce soit là l'époque du commencement de la fabrique ; on retrouve des actes du milieu du XIVe siècle qui sont la première mention de lavanderies, d'établissement à blanchir des toiles. Guy IX est mort en 1333. On peut donc fixer vers 1300 le commencement de cette fabrique qui. faible d'abord, n'a pris de grands accroissements que vers le XVIIe siècle ; elle était venue à un état très prospère au milieu du XVIIIe siècle. Dès le commencement de ce siècle, la fabrique avait paru être assez étendue, ses exportations au dehors assez considérables pour assurer par des règlements la bonté, la largeur, les dimensions des toiles, la qualité, la quantité de fils dont devaient se composer les chaînes.
Différents arrêts du Conseil de 1718, 1730, avaient pourvu à la bonne qualité comme à des dimensions fixes des, toiles, avaient réglé les jours de vente, fixé les jours et l'heure des marchés, établi des bureaux de visite et de marque avec des inspecteurs ; des halles pour la vente des toiles ont été élevées, en 1754 à Laval, en 1772 à Mayenne[2] ; des tables pour auner les toiles sont placées sous les halles et desservies par deux auneurs jurés qui tiennent registre des toiles qu'ils aunent, de l'aunage et quelquefois du prix de la vente.
Mais depuis 1789, la fabrique n'a fait que décliner. Les assignats ont fait d'abord disparaître le numéraire si nécessaire dans les détails, la fermeture des ports a enlevé le débouché de près des deux tiers de la fabrique qui s'expédiaient par Nantes, Bordeaux, Cadix, pour les colonies françaises et espagnoles.
Les 36.000 pièces qui se fabriquaient employaient annuellement deux millions environ de livres de fil, produit de la filature éparse sur tout le département. Cette filature s'est soutenue encore pendant la Révolution, mais elle a sensiblement diminué depuis quatre à cinq années que les femmes des cultivateurs, des journaliers remplacent les jeunes gens appelés aux armées et tiennent lieu des gardons de labour, des journaliers qu'on occupait aux différents travaux champêtres.
Depuis la fermeture des ports, on avait trouvé dans les mouchoirs, dans les siamoises l'emploi qu'avaient les fils qui s'exportaient convertis en toile, en Amérique ; on en était venu à dresser des chaînes toutes préparées qu'on envoyait à Rouen, à Troyes, à Lyon, en Béarn. Le prix élevé des cotons a fait disparaître ces ressources. Depuis trois à quatre ans, les toiles de Suisse, de Silésie pénètrent en France et le bas prix de la main d'œuvre de ces pays les fait préférer pour la consommation intérieure. Chaque année les demandes diminuent, les toiles restent invendues ; au lieu de 36.000 pièces qu'offraient les marchés, il n'en a plus été vendu, en 1810. que 18.254.
Nulle demande ne vient faire renaître l'espoir. Les maîtres de prés voient l'impossiblité de soutenir leurs blanchisseries en 1812. Obligés de louer leurs ouvriers au commencement de l'année pour toute l'année, dans l'incertitude d'avoir des toiles à blanchir, ils se voient forcés de renoncer à maintenir leur usine. L'établissement le plus considérable en ce genre, la Masure, formé il y a vingt ans à la porte de Laval avec les usines les plus étendues, les apprêts en grand des moulins pour battre des toiles où on pouvait blanchir huit à dix mille pièces, vient d'être obligé de cesser et de renvoyer de 300 à 400 ouvriers que le propriétaire occupait. D'autres blanchisseurs ferment également leurs usines et bientôt va être totalement rompue la chaîne qui liait toutes les parties du département à une même industrie, au même commerce, à celui le plus approprié à une population nombreuse qui, par sa division entre tous les états divers, y maintenait l'aisance et permettait de suffire aux fortes contributions dont le pays était chargé comme ancien pays d'élection et assujetti à tous les droits des anciennes fermes générales.
Il ne peut y avoir d'espoir de voir rétablir ce commerce qu'autant qu'une paix générale rouvrirait les débouchés que la guerre maritime a fermés depuis vingt ans. On a en vain tenté d'ouvrir un écoulement dans l'Italie, l'Allemagne ; le voisinage de la Suisse pour le premier pays, celui de la Silésie pour le second sont des obstacles que ne peut vaincre la position du département. Peut-être serait-il possible d'assurer quelque préférence aux toiles du département dans l'intérieur en gênant l'introduction des toiles étrangères ; ce serait pour le moment le seul moyen d'arrêter la dissolution totale de la fabrique : les éléments sont encore existants; mais si, comme tout le fait craindre, les établissements pour l'apprêt des toiles sont interrompus, ne fût-ce qu'une année, leur dépérissement en rendra presque impraticable le rétablissement ; les fonds affectés à ce commerce prendront une autre direction.
Dans les réponses aux questions, on les bornera au lin et dans les renseignements on ne peut plus dire ce qui est : ils ne sont applicables qu'à l'état où étaient les choses il y a dix, quinze, vingt années. Pour connaître même la quantité de terrain affecté annuellement à la culture du lin, il faut remonter à l'époque de la prospérité de la fabrique, au temps où tous les fus étaient employés en toile, c'est-à-dire de 1765 à 1789, parce que c'est du nombre des toiles vendues chaque année qu'on peut calculer la quantité de lin qu'on cultivait. Si depuis 1789 on a continué de cultiver du lin, il a fallu inventer, trouver des moyens d'employer le fil que les toiles ne consommaient plus ; il n'est tenu aucun registre comme on le faisait pour les toiles, des siamoises, des mouchoirs, des chaînes, moyens par lesquels on utilisait les lils qu'on ne pouvait plus convertir en toiles : ainsi la seule époque ci-dessus de 1765 à 1789 peut mettre sur la voie de la quantité de terres qu'on destinait annuellement à la culture du lin.
Malgré l'importance dont était cette culture pour le département, le lin n'entrait point dans la rotation des assolements ; l'usage variait dans les divers arrondissements. Dans les uns, le lin se semait au lieu du froment et du seigle ; dans un autre ce n'était qu'en retour de l'une et l'autre graine ; souvent ceux qui avaient semé le lin en place du froment ou du seigle ne reprenaient plus les mêmes champs, mais différaient d'une année, d'une seconde, d'après la nécessité de reposer la terre que le lin épuise plus que les céréales. Dans cet état il serait impossible autrement que par la quantité de lin converti en toile d'apprécier la quantité de lin qu'on cultivait annuellement et d'en trouver le résultat hors de l'époque où tout le fil était employé en toiles, où toutes les toiles étaient apportées aux bureaux de marque, enregistrées.
Sur ce nombre même de toiles et la quantité de lin dont elles étaient formées, il faut déduire le quart environ de toiles faites de lins tirés de la ci-devant Belgique, parce que les lins du pays ne suffisaient pas pour la totalité de 36.000 pièces de toiles apportées aux trois marchés.
Dans les réponses suivantes, il ne sera question que du lin. parce que le lin est la principale culture du département. 11 ne se fait de chanvre que dans quelques communes à l'est du département, sur les limites qui séparent la Mayenne des départements de l'Orne et de la Sarthe. Là dans 12 ou 15 communes, il se fait du chanvre en place de lin pour des toiles à draps, à nappes, à serviettes, mais ce n'est qu'un commerce peu étendu ainsi qu'on l'a observé; le mu de chanvre qui peut être cultivé se consomme directement par les cultivateurs pour leur usage personnel.
D'après ces observations, on passe aux questions proposées par Son Excellence, et dans les réponses on se trouve forcé de se servir des anciennes mesures, les seules en usage pendant la prospérité de la fabrique.
I. — Quelle est dans chacun de vos arrondissements l'étendue au moins approximative des terrains employés à la culture du lin ?
La fabrique des 36.000 pièces de toile exigeait au moins 2 millions de livres de fil chaque année ; on évalue à un quart la quantité des fils confectionnés avec les lins tirés de la Belgique : on retirait donc des lins cultivés dans le département 1.500.000 livres de fil. Année commune, pour obtenir ce produit, il fallait ensemencer de 1.200 à 1.400 hectares de terre.
L'arrondissement de Mayenne, quoique le plus étendu, mais dont le sol est le moins bon, y entrait pour 300 à 400 hectares ; l'arrondissement de Château-Gontier, le moins étendu, mais le plus approprié à cette culture, pour 600 à 700 hectares, et l'arrondissement de Laval pour le surplus, c'est-à-dire 300 à 400 hectares.
En reprenant le terme moyen de chaque arrondissement : Mayenne 350, Laval 350, Château-Gontier 650, le total en hectares pour tout le département monte à 1.350.
II — Quels sont les cantons et les communes où la culture du lin est la plus considérable ?
En première ligne les communes qui environnent la ville de Craon : Saint-Clément. Athée, Ballots, Livré, Pommerieux ; ensuite autour de Château-Gontier, les communes de Bazouges, Azé, Fromentières et Menil ; dans les cantons de Cossé-le-Vivien, même arrondissement : Cossé, Cosmes, Quelaines ;
Dans l'arrondissement de Laval : Grenoux, Avénières, Saint-Berthevin, Ahuillé, Changé, Louverné, Argentré, Bonchamp, Arquenai, Maisoncelles, Meslai, La Cropte, Chemeré, Cossé-en-Champagne ;
Dans l'arrondissement de Mayenne, sont renommés les lins de Grazai et Montenai ; viennent après les lins de Larchamp, Saint-Denis-de-Gastine, ceux de Gorron, Hercé, Colombiers, Brécé, le Pas, Ceaulcé, Mellcrai, Courberie, Le Horps.
Hors les cantons de Prez-en-Pail dans l'arrondissement de Mayenne, d'Evron dans l'arrondissement de Laval, où le chanvre est le plus cultivé, il y a peu de communes où il ne soit ensemencé quelques hectares de lin, lorsque la saison est favorable. Un cultivateur retire de cette récolte un produit plus avantageux que du surplus de ses cultures ; il est donc tenté de faire des essais lorsque toutefois il a quelque aisance, car cette culture exige et de nombreux labours et de forts engrais et dès lors des avances.
III. — Quelle est l'ancienneté connue ou présumée de celle branche d'économie rurale dans le pays ?
Son origine remonte, ainsi qu'on l'a dit, vers 1300 et c'est à Béatrix de Gavre. femme de Guy IX, seigneur de Laval, née en Flandre, qu'on la doit.
IV. — Quelle est l'espèce du sol qui convient le mieux au lin ? De quelle manière le prèpare-t-on ? Quelles espèces d'engrais emploie-t-on pour l'amender ?
Le sol où le lin réussit le mieux dans le département est le sol argileux rendu meuble par un mélange de sable. Tel est le sol des prairies, sur les bords des ruisseaux et des rivières, le sol d'étangs supprimés. Mais au défaut de cette espèce de sol, le cultivateur sème son lin dans les champs où le froment et le seigle réussissent le mieux ; le sol très meuble ou ameubli par de fréquents labours, par des racines pivotantes, réussit assez généralement.
Dans les cantons où la culture est mieux entendue, on sème sur le champ qui, dans l'assolement en usage, est destiné pour le froment. Ce champ est ouvert un an en avance, labouré à diverses reprises dans l'été et l'automne et reste ainsi l'hiver lorsqu'on ne sème qu'au printemps ou, si le lin est semé dans l'automne, la terre est préparée dès l'automne précédent. Les lins d'hiver sont rares, parce que le fil qui en provient est toujours dur et trop fort pour les toiles du commerce.
Dans l'arrondissement de Laval, on sème le lin en retour du froment ou du seigle et dès lors dans l'assolement usité, tandis que ce même assolement fait rester en pâture ou en jachère, pendant 6 années, 7 et 8 sur 12, la moitié des terres labourables.
Quant aux engrais, on ne fait usage que des fumiers les plus consommés, à leur défaut de compot de bonne terre de gazons mélangea de chaux en pierre qu'on y laisse fuser et s'éteindre : ers mélanges se préparent dix-huit mois, un an avant de les employer. On se sert aussi de cendres, de chances qu'on répand sur les champs après qu'ils sont ensemencés.
V. — Ne se sert-on pour l'ensemencement du lin que des graines provenant de la récolte du pays même ou bien en tire-t-on ou en tirait-on précédemment d'autres départements ou de l'étranger ? Dans le dernier cas quels sont comparativement en qualité et le prix des graines du pays et de celles qui viennent d'ailleurs ?
Le plus généralement on emploie des graines du pays. Les cultivateurs choisissent celle qui provient d'une graine de lin semée une première fois ; les plus aisés préfèrent la graine neuve de vallée de la Loire. On a tiré jusqu'en 1804 de la graine de Riga, mais depuis il n'a plus été possible d'en faire venir.
La graine du pays se vend : celle de lin d'hiver 3 sous la livre, 6 sous le kilogramme ; la graine de lin de printemps à sa seconde année de semence dans le pays 8 sous le kilogramme ; la graine de vallée, 12 sous le kilogramme ; la graine de lin de Riga revenait dans le département de 70 à 72 francs le baril pesant de 160 à 180 livres.
Pour les lins fins de printemps la graine de vallée est préférable ; le lin en est plus doux, plus facile à blanchir sans perdre de sa force.
La graine du pays ordinaire donne également un lin doux qui blanchit bien, mais il ne donne pas un fil très égal.
Le lin provenu de graine de Riga donne des lins très longs les deux premières années ; d'après cela le lin dégénère et redescend à la hauteur des lins provenus de graine indigène. Plus long, il est aussi plus difficile à traiter ; le fil est plus dur et plus coûteux à blanchir. Le lin des deux premières années ressemble aux lins longs et gros de la Belgique, au moins à la plupart de ceux qu'on tire de ce pays.
Les communes qui semaient le plus ordinairement le lin de Riga étaient les communes de Chemeré-le-Roi, Ballée, le Bignon, Maisoncelles, dans l'arrondissement de Laval.
VI. — Quelle quotité de semence de l'une et de l'autre espèce est-il d'usage de répandre sur un hectare de terrain et quel est à proportion le produit moyen de cette superficie ?
Sur un hectare on répand deux hectolitres de graine de lin en terme moyen. Ceux qui recherchent des lins fins sèment plus dru ; ceux qui désirent le poids et plus de graine sèment plus clair.
Le produit par hectare d'une année passable est de 200 à 220 bottes ou nombres ; chaque nombre se compose de 10 poignées. Le nombre ou la botte pèse de 25 à 30 livres ; le lin est en branche avec ses racines et totalement vert.
Quand le lin a été roui, broyé et écoché, passé au serans et mis en poupée, chaque botte de 25 à 30 livres se réduit en poupées à environ 4 livres ou 2 kilogrammes : c'est le terme moyen entre les grands et les petits lins. Les lins lins du Craonnais ne rendent que 2 livres 1/2 à 3 livres, ancien poids.
VIL — De quelle manière s'opère le rouissage et quels sont les procédés dont on fait usage ?
Le procédé le plus ordinaire est d'étendre sur les prairies les poignées de lin, de les y laisser, suivant la température de l'automne et le plus ou moins de rosée, trois semaines, un mois, jusqu'à cinq semaines.
Les lins d'hiver sont mis à l'eau huit à dix jours comme plus durs, et ensuite étendus sur les prairies. Lorsqu'ils sont attendris et qu'ils ont blanchi, on les laisse sécher, on les serre au grenier et, à partir du mois de novembre, à chaque fournée de pain, on remplit le four, lorsque le pain est retiré, et le lendemain on passe les poignées à la braie.
Quand les grettes ou chenevolles sont en partie enlevées avec une planche de bois en forme de couperet, on écoche la filasse, on fait tomber toutes les grettes et dans cet état en envoie le lin en gros torchis roulés au poupelier. Le poupelier passe les filasses à travers différents serans suivant la grosseur ou la finesse qu'on désire donner aux poupées ; ces poupées très blondes, très luisantes, du poids de 2 à 3 onces, sont mises en paquet pour être livrées à la fileuse ou vendues au marché.
VIII. — Quel est le prix ordinaire des brins de lin prêts à être mis en œuvre ?
Le lin simplement broyé et écoché, en torche, se vend de 10 à 12 sols la livre.
Lorsqu'il a été seransé et paré en poupées, le même lin, qui a perdu souvent plus de moitié de son poids en torche, se vend de 20, 22 à 26 sols la livre.
Les déchets nommés coupeaux se vendent pour les cordiers ou pour faire de grosses couvertures qu'on nomme couvertures de tranche.
IX. — Quels sont les marchés où ils se vendent le plus habituellement ?
Sur tous les points du département, le ménage qui a du fil à vendre, trouve à une lieue, deux lieues au plus de distance, un gros bourg, une petite ville avec marché où se rendent des fabricants, des commissionnaires qui achètent les fils, en ramassent des paquets de tous poids. On appareille ces divers fils et on les porte aux marchés plus considérables des trois chefs-lieux d'arrondissement : Mayenne, Laval, Château-Gontier, où ils sont achetés par les fabricants qui ensuite les trient pour les chaînes et les textures des toiles. Les besoins fréquents des ménages qui filent font porter toutes les semaines, tous les quinze jours, la filature de la semaine, de la quinzaine, du mois, comme les mêmes besoins font trouver les fabricants.
Le fabricant trouve et paie comptant les espèces de fil dont il a besoin. La fileuse vend son fil, en reçoit le prix, rachète des poupées, trouve sous la main rouet, épingles, bobines, cordes à rouet, tout ce qui lui est nécessaire. En deux heures, tout ce commerce se fait et se solde et le prix du travail se répand dans tous les ménages nombreux dont la filature fait la principale occupation l'été, et l'unique pendant les courts jours de l'hiver ; on file depuis 7 heures du matin jusqu'à 11 heures, minuit ; les hommes dévident, d'autres assemblent, retordent.
Outre les trois marchés considérables des trois chefs-lieux d'arrondissement, l'arrondissement de Mayenne a les petites villes d'Ernée, Gorron, Ambrières, Lassay, Villaines, Prez-en-Pail ; les bourgs de Saint-Denis, Fougerolles, Désertines, Ceaulcé, La Ferté-Macé, Thubœuf, Couptrain, La Poôté ; l'arrondissement de Laval a Evron. Sainte-Suzanne, Saint-Ouen-des-Toits, Meslay, Vaiges ; Château-Gontier a Craon, Cossé-le-Vivien, la Roë, Daon, Bouère, Grez, Saint- Denis-du-Maine.
X. — A quels usages sont particulièrement propres les filasses de lin qui se récoltent dans chaque arrondissement ? Quels débouchés trouvent-elles soit pour l'industrie locale, soit pour l' exportation au dehors ?
Les filasses mises en poupées occupent de 120.000 à 130.000 femmes pendant le cours de l'année. Une fileuse qui se livre sans distraction à son rouet, doit filer par jour son quarteron de fil ; mais les femmes occupées de leur ménage, de leurs enfants, ne filent par semaine dans l'hiver que leur livre et, dans l'été, dans la saison des travaux champêtres, la filature est interrompue souvent.
Les fils séchés, les uns sont ensuite lessivés et blanchis, d'autres restent écrus. Les fils blanchis servent à faire les toiles blondines pour doublure, les fils écrus pour des toiles à blanchir sur les prés : ces toiles de deux tiers d'aune de Paris de laise sont destinées pour chemises.
Le fabricant porte ses toiles pliées par plis qui se succèdent les uns sur les autres à l'un des trois marchés de Laval, Mayenne, Château-Gontier où, avant d'entrer sous la halle, elles étaient visitées, soumises à la bauge pour leur largeur, marquées sur les deux bouts du nom du fabricant, inscrites sur le registre. A l'ouverture du marché, les fabricants colportent leurs toiles aux bancs des divers négociants qui en examinent la qualité, l'achètent, écrivent leurs noms et le prix. Ces toiles sont portées aux auneurs établis sous la halles qui les aunent par 5 aunes, inscrivent l'aunage sur la toile. C'est sur cet aunage que le négociant la reçoit du fabricant et la lui paie en la livrant.
Le négociant dont les achats se font dans la proportion des demandes ou des débouchés dont il a l'espoir, destine les toiles blondes pour doublure, les toiles écrues pour le pré où elles seront blanchies.
Vingt-cinq à trente prairies étendues, situées à Mayenne.Laval, Château-Gontier, sur la Mayenne, sont munies d'arrivoirs sur le bord de la rivière pour laver les toiles dans des bâtiments nommés lavanderies. Construits près des arrivoirs sont élevés deux, quelquefois quatre mortiers de pierre dure cimentés où sont entassées dans chacun de 60 à 80 pièces de toile sur lesquelles on verse une lessive bouillante de soude, de potasse, de cendres gravelées.
Au sortir des mortiers, les toiles sont jetées dans les arrivoirs, retirées après y avoir dégorgé le lessif, sont ou battues par quatre hommes armés de palerons ou portées dans une auge de moulin que fait tourner un cheval : des pilons au nombre de huit retombent sur les toiles, les font tourner lentement dans l'auge arrondie et, après une demi-heure, une heure, les toiles sont de nouveau reportées à l'arrivoir, étendues sur le pré. Elles passent successivement à huit, dix lessives et à l'étendage sur le pré et, au bout de trois à quatre mois, lorsqu'elles ont acquis un blanc passable, on les passe au vitriol dans des cuves enterrées, on les y laisse un jour ou deux, on les trempe de nouveau à l'eau pour y étendre toutes les parties de vitriol qui brûlerait les fils, on les passe ensuite au bleu d'indigo, on les fait sécher, on divise les toiles en coupons de 18 aunes de Paris ; les coupons mis sur des rouleaux de hêtre, sont passés sous de fortes calandres, ensuite plies, enveloppés dans des papiers. C'est ainsi qu'elles s'ex-pédient pour la consommation et qu'annuellement, de 1765 à 1789, il s'en expédiait pour dix à douze millions.
Maintenant qu'on repasse les travaux divers que cette fabrique, cette vaste manufacture éparse sur tous les points du territoire, ordonnait, dirigeait et réglait; depuis le cultivateur qui sème le lin, le marchand qui en procure la graine, on remarque une succession rapide de travaux de main d'œuvre qui passait par de nombreux ménages, par beaucoup d'ouvriers distincts, et on ne sera pas surpris que les deux tiers au moins, si ce n'est la moitié des 332.000 habitants avaient pour ressource, pour travail principal quelque partie de la fabrique. On y voit pour le lin seul le cultivateur et sa famille occupés cinqmoisàsemer, sarcler, cueillir, faire rouir, broyer le lin ; des filassiers sous le nom de poupeliers écocher et séranser, former les poupées ; les cordiers pour les cordes. Vient la nombreuse série des fileuses, des dévideuses, des blanchisseuses du fil ; bientôt ce fil est mis sur des bobines fortes pour passer à l'ourdissoir, former les chaînes des toiles: viennent les tisserands, les fabricants en chef qui trient, disposent les fils. La toile faite, il faut la plier, la faire passer à la visite, la faire auner sur des tables disposées sur les halles par des auneurs jurés ; la toile passe ou directement à la calandre pour doublure ou va sur les prés pour y être blanchie; des lavandiersla traitent pendant trois à quatre mois; de là elle passe aux apprêts divers, à la calandre, au pliage et enfin au roulier.
Telle était l'active industrie départie à une nombreuse population qui retrouvait dans un travail facile ses moyens d'existence. Voilà ce qu'elle perd dans ce moment, sans espoir bien fondé de voir se rétablir sa principale ressource.
Depuis 1789, le besoin d'employer ces fils qui ne passaient plus en Amérique a fait élever des manufactures de mouchoirs, de siamoises ; on a fait des chaînes qu'on envoyait à Rouen, à Lyon, à Troyes, en Béarn : la rareté du coton, son prix élevé, celui des teintures, ont anéanti ces branches d'industrie.
Dans ce déclin de la manufacture, on a cherché à faire du linge de table; quelques fabricants ont fait des serviettes, mais les métiers ordinaires, trop peu étendus, ne comportaient pas des toiles larges pour des nappes ; M. le Préfet, après avoir envoyé un sujet à Paris pous apprendre à faire usage de la navette volante, a fini par faire venir deux des métiers de M. Desjoian pour lesquels il avaitobtenu un brevet d'invention et qu'il a rétrocédé à M . Vigneron. Ces métiers sur lesquels on peut monter des toiles de 2 aunes 1/2 de large, laissent au tisserand deux bras et toute sa force pour serrer le fil que fait passer une forte navette chassée par deux ressorts de corde aux deux bouts du métier. A l'aide de ces métiers et des marches qu'on peut y joindre, on peut faire des toiles damassées dans les dessins les plus compliqués.
Cette nouvelle industrie, accompagnée d'un dévidoir, d'un ourdissoir ingénieux et expéditif, eût dû remplacer une parlie dos toiles qui ne trouvent plus d'emploi ; il y a lieu de croire qu'elle prendra avec le temps. Le plus grand obstacle est le prix des métiers, leur étendue, leur élévation : la plupart des caves des tisserands sont trop étroites, trop basses, et il n'y aura que le besoin à amener les fabricants à prendre une invention neuve pour eux et qui les déroute de leur marche ordinaire. Le Préfet a fait ouvrir la route, a fait tout ce qu'il pouvait en appelant un contre-maître habile qui est près de montrer toutes les branches de cette nouvelle industrie et qui la montre à ceux qui se présentent. Les premiers éléments de la manufacture, la filature, est toujours en action ; les nombreux produits qui s'accumuleront forceront peut-être à saisir ce moyen de les utiliser.
XI. — Quelle quantité défilasse des deux espèces recueille annuellement chaque arrondissement et quel est le prix marchand ordinaire ?
La quantité de 36.000 pièces de toile exigeait environ 2.000.000 de livres de fil, produit au moins de 4.000.000 de filasse au sortir de la braye ; en distrayant environ 500.000 livres qu'on tirait de la Flandre, restait en fil indigène 1.500.000 livres.
La filasse au sortir de la braie se vend 10 à 12 sous la livre, poids de marc ; écochée, mise en poupée, de 20, 22 à 26 sols. Les lins de Flandre étaient moins chers : les poupées ne se vendaient que de 20 à 24 sols.
Tels sont les renseignements qu'il est possible de réunir sur l'importante culture du lin dans le département de la Mayenne.
On ne peut douter que cette culture et les métiers divers qu'elle a amenés dans le département n'aient beaucoup contribué à augmenter la population, puisque, partout où l'homme trouve un état, il le prend, s'y fixe et y forme un ménage. Avec une si nombreuse population, l'activité de la manufacture, ses produits pouvaient seuls soutenir son entretien. La grande manufacture de l'agriculture eût été moins active sans le besoin de la matière première dont elle procurait les 3/4 des lins nécessaires ; mais d'ailleurs il s'en faut qu'elle occupe, malgré son extrême division, autant de bras que la fabrique des toiles, des mouchoirs, des siamoises, et bientôt la seule agriculture restera comme principale et unique occupation de la nombreuse population.
CHANVRE
On a annoncé qu'il se cultivait peu de chanvre. On n'en fait en effet un objet de culture que dans quelques communes des cantons d'Evron, de Bais, de Pré-en-Pail ; c'est beaucoup, si en réunissant ce que quelques cultivateurs en sèment dansdescloseauxdansleurs jardins, on peut compter 100 hectares employés annuellement à cette culture.
Les petites portions ont pour emploi le linge à l'usage des cultivateurs. Les toiles fabriquées dans les cantons d'Evron sont destinées pour draps, pour nappes, pour serviettes.
On n'a que peu de données sur la quantité de ces toiles qui entre dans le commerce. Ces toiles sont envoyées à Alençon où elle se vendent et entrent dans le commerce des toiles de brin connues sous le nom de toiles d'Alençon. Dans ce genre de commerce, il y a nécessairement beaucoup de variétés : on trouve des toiles de chanvre depuis 1 franc jusques à 4 francs l'aune, des poupées depuis 10 sols jusques à 24 sols la livre.
Les grosses toiles sont destinées pour torchons, pour emballage, et sont dans les prix de 18 à 24 sols ; on en trouve pour chemises dans les prix de 25 à 35 sols ; les plus fines pour nappes et draps, dans la laze de l'aune de Paris, sont dans les prix de 3 livres 10 sols à 4 francs. Les toiles de cette laize sont de 80 aunes de Paris, elles sont fortes et solides et cependant souvent elles se coupent, défaut qui dans presque tout le département fait préférer le lin pour les toiles de ménage, chemises, draps et serviettes.
18 décembre 1811.Le XIXe siècle
Petit à petit, le textile s'enfonce dans la crise économique. La culture du lin a été progressivement abandonnée, au profit du coton importé. Des filatures ont été créées, bien sûr, comme les Toiles de Mayenne, à Fontaine-Daniel en 1806, ou la filature de Bootz, Duhomme qui deviendra Coulange à Mayenne, à Laval en 1826 en aux Textiles du Vermandois, elle fermera ses portes en 1977, mais cela n'empêche pas le déclin.
La Révolution industrielle, avec la mécanisation des métiers à tisser, ainsi que le traité de commerce signé en 1860 marque la baisse d'activité des industries textiles et le déclin de cette activité en Mayenne[3].
À la fin du XIXe siècle, l'industrie mayennaise a trouvé sa voie dans la fabrication de coutil, une sorte de toile lisse, croisée et serrée, pour les vêtements. En 1896, l'usine de la Tisonnière s'installe à Laval et produit. Parmi les activités : la teinture, le tissage, le blanchiment. Les techniques et les produits évoluent. Entre 1920 et 1928, l'usine est entièrement modernisée. Il ne restera plus rien des anciennes fabrications. La Tisonnière devient la Société des coutils de Laval et Mayenne.
XXe siècle
Au cours de la première moitié du XXe siècle, la Mayenne a ainsi perdu 40 % de ses emplois dans l'industrie. En 1995, le secteur du textile et de l'habillement pesait 6 000 emplois. À Fontaine-Daniel, en 1980, on comptait 350 salariés. Ils sont 150 en 2005. En septembre 2004, les Ateliers du Plessis, fabricant de prêt-à-porter féminin implanté à Fougerolles-du-Plessis, ont fermé leurs portes. Même cas de figure pour la Confections Coulange, à Mayenne en décembre 2004. En 2005, Les Coutils de Laval étaient les derniers à fabriquer des toiles à matelas, cette entreprise a cessé de produire à Laval en .
La disparition
La mondialisation a raison d'un secteur autrefois florissant (concurrence venue de Chine, de Turquie, d'Espagne. Des pays à la main-d'œuvre bon marché, où les entreprises délocalisent désormais leurs sites de production). En 2005, le secteur du textile et de l'habillement pesait 1 500 emplois. Certains tentent de résister, comme Styl'Couture, à Saint-Berthevin, qui a recentré ses activités sur le moyen et le haut de gamme. Comme Fonlupt, basé à Ballots, qui a choisi de se spécialiser dans la fabrication de chemisiers, robes et autres pièces en flou (soie, mousseline, organdi) pour de grands créateurs. À Laval, il ne reste plus que les Tissus d'Avesnières, spécialisés dans l'impression et la teinture de tissus d'ameublement, et TDV Industries, fabricant de tissus pour vêtements professionnels.
BIBLIOGRAPHIE
Christian Ferault, Lignières, le lin et l'industrie textile dans le Bas-Maine. Quelques regards. Avril 2020, 5p., lignieres-orgeres.fr
Notes et références
- « Le commerce de la toile, l'envoi qui s'en faisait en Amérique, occupait plus de 20.000.000 de fonds, fruit de plus de deux siècles d'économie ; ils ont disparu avec les assignats et il faudra de longues années pour les ramener au commerce. « Cependant les éléments de ce commerce subsistent : femmes, enfants, vieillards continuent de filer et d'occuper les 2/3 de la population; mais sans débouchés, sans toiles à envoyer au dehors, les fils restent invendus et le pays sans moyen de subsistance. « On a établi quelques manufactures de mouchoirs : la consommation de l'intérieur les a d'abord alimentées; un débouché s'était ouvert avec l'Espagne, mais ces mouchoirs, mêlés de coton, ne pouvaient y entrer et ont été repoussés. « Il faudrait savoir teindre les fils en bon teint de diverses couleurs comme les cotons. Ce n'est plus aujourd'hui un secret pour la nouvelle chimie que ces procédés pour teindre les fils en couleurs brillantes indélébiles, mais les procédés restent dans le fait un secret pour les manufactures en grand. La teinture du coton en beau rouge est encore le procédé particulier de quelques teinturiers et ces procédés, concentrés dans peu de mains, renchérissent le prix des matières. « Une école de grande teinture pour les fils et cotons, où tous les procédés seraient démontrés, rendus faciles à saisir, ouvrirait aux fils du département de la Mayenne un emploi qu'ils n'ont plus et par l'exportation à l'extérieur ils contribueraient à un résultat avantageux pour toute la République dans la balance de son commerce » (Archives de la Mayenne, M, Police générale).
- Maupetit commet ici une erreur. La première pierre de la halle aux toiles de Laval fut posée le 7 décembre 1730 et l'ouverture s'en fit au mois d'octobre 1732. Les halles de Mayenne, commencées en 1772, utilisées en partie par le commerce en 1774, ne furent achevées qu'en 1776.
- Un rapport de la Banque de France rédigé en 1870 indique : Depuis la création de la succursale de Laval (autorisée par décret du 17 juin 1857), l'état industriel et agricole du département de la Mayenne a subi une transformation complète. L'industrie des toiles, qui avait fait la fortune du pays il y a une dizaine d'années, n'existe plus. Elle a été remplaçée par la fabrication des coutils. Le peu de ressources des fabricants actuels ne permet pas d'espérer un grand développement dans cette nouvelle partie industrielle et au contraire les Lavallois travaillent dans des conditions déplorables pour soutenir la concurrence du Nord et de l'Angleterre. L'absence de capitaux chez les petits fabricants et l'esprit de routine et de concurrence qui les animent ne leur permettent aucune association profitable ; ils restent divisés et livrés à leurs propres ressources. De plus ils reculent devant les dépenses d'une installation mécanique, les métiers à la main sont encore en usage dans tout le département, seul le bas prix des salaires leur permet de soutenir leur fabrication ; les ouvriers, dissiminés dans la campagne, gagnent 1f50 à 2f par journée de 12 à 14h de travail. Ils ne forment plus d'apprentis et abandonnent un métier qui ne les fait plus vivre. C'est devant cette grave question ouvrière que se trouve l'industrie des coutils et il faut bien reconnaître qu'elle doit forcément disparaitre comme celle des toiles si les fabricants ne parviennent pas à comprendre que l'avenir est dans le tissage mécanique.. (http://gabriel.bougrain.free.fr/descendance_piednoir/auguste2.php]