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Haie d'Avesnes

La « Haie d’Avesnes » (anciennement dite « Haye d’Avesnes ») est un toponyme forestier qui ne dĂ©crit pas (ou plus) un seul massif forestier, mais un ensemble de boisements plus ou moins proches les uns des autres qui entourait la ville fortifiĂ©e d’Avesnes-sur-Helpe, dans l’est du dĂ©partement du Nord, en France.

Partie Est du bois nommé « les hayes d'Avesnes » jouxtant « la verde valée », sur l'Atlas de Trudaine (établi de 1745 à 1780 pour les Ponts et Chaussées et conservé aux Archives nationales)

Cette succession de bois constituait autrefois un continuum linĂ©aire forestier atteignant probablement une vingtaine de kilomĂštres ; ici le mot « haie » n’a pas son sens habituel d’alignement d’arbres et de buissons taillĂ©s, mais dĂ©signe une large bande forestiĂšre, comme on en trouvait encore ailleurs dans cette rĂ©gion (Avesnois-ThiĂ©rache) aprĂšs la Renaissance[1].

Description, localisation

La Haye d’Avesnes Ă©tait une forĂȘt linĂ©aire autrefois longue d'une vingtaine de kilomĂštres. Mais son origine pourrait ĂȘtre bien plus ancienne que celle de la ville d'Avesnes.

Il s’agit aujourd'hui d’un ensemble relictuel et morcelĂ© de forĂȘts et petits bois, qui marque nĂ©anmoins encore fortement le paysage au nord de la ville sur les communes de Beaufort, Beugnies, Eclaibes, Floursies, Saint-Aubin, Saint-Remy-ChaussĂ©e.

Histoire

Si elle n’a pu retenir les armĂ©es allemandes lors des deux guerres mondiales, cette « haye » relique d’une ancienne forĂȘt fĂ©odale et en partie royale aurait Ă©tĂ© antĂ©rieurement destinĂ©e Ă  se prĂ©munir contre les grandes invasions venues du nord, puis contre les tentatives d’invasions qui ont suivi les cycles de guerres de conquĂȘtes lors de la Renaissance et des siĂšcles qui ont suivi. Cette vocation n'a pas empĂȘchĂ© la production de bois et de gibier, probablement avec une exploitation modĂ©rĂ©e de type pied Ă  pied (on coupe les arbres intĂ©ressants Ă  maturitĂ©, en laissant les autres pousser), en taillis dispersĂ©s et taillis sous futaie.

Cette haie est une probable relique des épaisses « cloisons forestiÚres » de l'époque gauloise, qui ont ensuite pour partie été conservées pour limiter les finages ; sans relation avec la topographie ou le contexte pédogéologique.

Des haies dĂ©fensives, grandes et petites semblent avoir existĂ© dans cette rĂ©gion au moins depuis l’époque de Jules CĂ©sar.
Selon J.-J Dubois (biogĂ©ographe et historien des forĂȘts), ces haies sont typiques non de la ThiĂ©rache, mais de ses frontiĂšres ; le cƓur la ThiĂ©rache Ă©tant un bocage qui a presque totalement disparu au XIXe siĂšcle pour ĂȘtre pour partie reconstituĂ© ensuite, et Ă  nouveau dĂ©gradĂ© Ă  l'Ă©poque des grands remembrements du XXe siĂšcle. SituĂ©e dans la vallĂ©e de la Sambre, cette haie forestiĂšre est effectivement situĂ©e sur un couloir historique d’invasions, passant par Maubeuge plus au nord et conduisant au bassin parisien en passant par la Picardie, plus au sud ; couloir qui a Ă©tĂ© utilisĂ© au XVIIIe siĂšcle pour la construction d’une route quasi-rectiligne menant de Paris en Belgique en passant par la forteresse de Maubeuge, route devenue la RN2 qui fait l’objet de travaux d’élargissement (construction de 4 nouvelles voies, parallĂšles aux deux voies existantes de la RN2 dans la haie d’Avesnes, ce qui pose de complexes problĂšmes environnementaux, soulignĂ©s par l’étude d'impact)

Certaines ont persistĂ© jusqu'Ă  la fin du XXe siĂšcle grĂące au fait que cette rĂ©gion ait Ă©tĂ© relativement Ă©pargnĂ©e par la vague de remembrements des annĂ©es 1970-1990 : la haie de Fourmies, qui est de forme massive et non linĂ©aire (ce mot dĂ©signe donc bien une forĂȘt); les haies de Cartignies, d’Aubenton et Rumigny, de Bohain et Beaurevois, d’Hargnies ou de Gommegnies.

Cependant le parcellaire conserve les traces de défrichement relativement récents (depuis le XVIIIe siÚcle) dans les anciennes haies défensives, véritables « cloisons forestiÚres circulaires » souvent discontinues mais encore repérables sur les cartes ou vues satellitaires depuis leur mises en culture ou géométrisation parcellaire cartésienne du XVIIIe siÚcle[2]).

Les cloisons forestiĂšres d'Avesnes-sur Helpe, de Bohain, Beaurevoir, CrĂ©quy, Saulty Ă©taient peut-ĂȘtre Ă©galement des vestiges des haies dĂ©fensives d'anciens finages mĂ©diĂ©vaux[3]. Ces cloisons encadrant des finages ou groupes de finages suggĂšrent que le dĂ©frichement s'est fait « en alvĂ©oles » ouvertes dans la forĂȘt dense ou plus probablement Ă  partir de clairiĂšres naturelles dans l'Ă©paisse marche forestiĂšre de la ThiĂ©rache, elle-mĂȘme relique de la forĂȘt antique et consacrĂ©e par le traitĂ© carolingien de Verdun en 843. Ce bocage selon G. Sivery est un surgeon de l'ancienne Theorascia silva dĂšs la fin du Moyen Âge, cadrĂ© par des chartes qui se succĂšdent dĂšs 1150 dans le Nord de la ThiĂ©rache oĂč les communautĂ©s rurales repoussent peu Ă  peu la forĂȘt jusqu'aux bordures des Ardennes et au sud de l'ancienne Sambre[4] J Harmand a posĂ© l'hypothĂšse que ces haies forestiĂšres Ă©taient une persistance d'un systĂšme d'organisation frontaliĂšre du paysage, en 3 Ă©lĂ©ments :

  • un cadre vĂ©gĂ©tal travaillĂ© (champs labourĂ©s, probablement initialement en vallĂ©es humides ou dans d'anciennes clairiĂšres agrandies)
  • Des haies de bocage interne Ă  chaque tache dĂ©frichĂ©e (Ă©voquant le bocage normand et les haies nerviennes dĂ©crites par CĂ©sar)
  • Des haies pĂ©riphĂ©riques, dĂ©fensives, denses conservant un environnement forestier proche de la sylve primitive. Faute de preuves et archives suffisantes, JJ Dubois ne reprend pas cette classification, mais la cite en prĂ©cisant que « la rĂ©alitĂ© de ces cloisonnements forestiers ne peut ĂȘtre mise en doute », dont en ThiĂ©rache.

Remarque : Une structure comparable a existĂ© en Champagne ; la Haie de Nangis. Toutes ces forĂȘts linĂ©aires, selon Jean-Jacques Dubois (dans sa thĂšse[5]) auraient eu un rĂŽle dĂ©fensif, Ă  l'instar des zassieka (voir Ă  ce sujet : ru:Đ—Đ°ŃĐ”Ń‡ĐœĐ°Ń чДрта) qui protĂ©geaient l'État de Moscou des attaques de cavalerie notamment entre les XVIe et XVIIIe siĂšcles.

IntĂ©rĂȘt patrimonial

Outre un indiscutable intĂ©rĂȘt paysager dans une rĂ©gion qui a prĂ©cocement perdu l’essentiel de ses forĂȘts au profit de l’agriculture puis de l’industrie et de l’urbanisation, ces massifs pourraient encore protĂ©ger des descendants de la forĂȘt prĂ©historiques et antique (ForĂȘt hercynienne, forĂȘt charbonniĂšre citĂ©es de l’antiquitĂ© au haut Moyen Âge). LĂ  oĂč la rĂ©gĂ©nĂ©ration naturelle s'est poursuivie de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration, ces massifs pourraient donc aussi avoir une valeur de conservatoire gĂ©nĂ©tique (rĂ©servoir de diversitĂ© gĂ©nĂ©tique), utile et mĂȘme prĂ©cieux, alors que les sylviculteurs s’attendent Ă  devoir s’adapter et adapter leur gestion forestiĂšre aux changements climatiques et Ă©cologiques annoncĂ©s par les climatologues.

Écologie

Par son anciennetĂ© et le fait qu’elle ait presque conservĂ© une continuitĂ© physique (c'est encore un « continuum Ă©cologique » pour les espĂšces mobiles et/ou peu sensibles au roadkill, elle constitue un Ă©lĂ©ment essentiel de la trame verte rĂ©gionale et locale, qui dĂ©cline localement la trame verte nationale (Cf. Grenelle de l'environnement) et le rĂ©seau Ă©cologique paneuropĂ©en.

Cette « haie » est cependant trÚs fragmentée par les routes, depuis plusieurs siÚcles parfois, comme on peut le voir[6] sur les atlas anciens (carte de Cassini, Atlas de Trudaine..)

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Amat Jean-Paul, 1999, La ForĂȘt entre guerres et paix, 1870-1995. Étude de biogĂ©ographie historique sur l’Arc meusien de l’Argonne Ă  la WoĂ«vre. ThĂšse d’État, universitĂ© Lille-I, 3 vol., 1 116 p.
  • Marty Pascal, 1998, ForĂȘts et sociĂ©tĂ©s. Appropriation et production de l’espace forestier. Les logiques d’action des propriĂ©taires privĂ©s. L’exemple de la moyenne montagne rouergate. ThĂšse de doctorat, UniversitĂ© Paris -I PanthĂ©on-Sorbonne, 2 vol., 162 p., 247 p.
  • Palierne Jean-Max, 1975, Les forĂȘts et leur environnement dans les pays ligĂ©ro-atlantiques nord. Recherches et rĂ©flexions biogĂ©ographiques sur les discontinuitĂ©s et la dynamique des paysages naturels et humains. ThĂšse d’État, universitĂ© de Rennes, 799 p.
  • Petit-Berghem Yves, 1996, Étude de la dynamique des milieux forestiers du littoral du Nord de la France. ThĂšse de doctorat, universitĂ© Lille-I, 2 vol., 473 p.
  • Puyo Jean-Yves, 1996, AmĂ©nagement forestier et enjeux scientifiques en France, de 1820 Ă  1940. ThĂšse de doctorat, universitĂ© de Pau et des Pays de l’Adour, 602 p.
  • Arnould P., 1991, « ForĂȘts, nouvelles forĂȘts, vieilles forĂȘts ». La forĂȘt. ComitĂ© des travaux scientifiques et historiques, 113e CongrĂšs National des SociĂ©tĂ©s Savantes, p. 13-30
  • Dubois J.-J., 1991, L’approche de la "biogĂ©ographie historique : concepts, mĂ©thodes, limites Ă  l’interface de la phytodynamique et de l’histoire forestiĂšres ». Phytodynamique et biogĂ©ographie historique des forĂȘts. Colloques phytosociologiques, tome XX, p. 7-13.
  • Dubois J.-J., 1992, « La dynamique des sylvosystĂšmes du Nord de la France : l’apport de la biogĂ©ographie historique ». Les Cahiers Nantais, no 38, p. 173-192

Notes et références

  1. Voir par exemple les planches gouachées représentant les propriétés des ducs de Croÿ, dans les albums de Croÿ
  2. Chapitre 2, p. 200, thĂšse de JJ Dubois
  3. Jean-Jacques Dubois, thĂšse p. 419
  4. G. SIvery, l'alternance des champs et des prés dans le Nord de la Thiérache du XIIe siÚcle, Revue géographique de l'Est, 1983,/3-4, p. 291-298.
  5. DUBOIS Jean-Jacques, 1989, Espaces et milieux forestiers dans le Nord de la France. Étude de biogĂ©ographie historique. ThĂšse d’État, universitĂ© Paris -I PanthĂ©on-Sorbonne, 2 vol., 1 023 pages
  6. Exemple de carte extrait de l’Atlas de Trudaine vers 1745-1780 (Base de donnĂ©es ARCHIM, Archives nationales)
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