AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Grotte de Cussac

La grotte de Cussac est une grotte ornée et sépulcrale du département français de la Dordogne, en région Nouvelle-Aquitaine, sur la commune du Buisson-de-Cadouin. Elle abrite plus de cent cinquante gravures paléolithiques attribuées au Gravettien ainsi que de nombreux restes humains, sans doute des sépultures, apparemment associés aux figures pariétales.

Grotte de Cussac
alias « grotte des Amoureux Â»
Grille du porche d'entrée de la grotte de Cussac
Localisation
Coordonnées
44° 49â€Č 47″ N, 0° 50â€Č 53″ E
Pays
RĂ©gion
DĂ©partement
Commune
Vallée
Caractéristiques
Type
PĂ©riode de formation
Âge des gravures : 22 000 ans
Patrimonialité
Localisation sur la carte de France
voir sur la carte de France
Localisation sur la carte de Nouvelle-Aquitaine
voir sur la carte de Nouvelle-Aquitaine
Localisation sur la carte de la Dordogne
voir sur la carte de la Dordogne

Localisation et historique

Cette grotte est situĂ©e en France, dans le dĂ©partement de la Dordogne et la rĂ©gion Nouvelle-Aquitaine, au cƓur du PĂ©rigord, entre Bergerac et Sarlat-la-CanĂ©da, sur la commune du Buisson-de-Cadouin dans la vallĂ©e de la Dordogne. Elle se dĂ©veloppe sur 1,6 kilomĂštre de longueur, dans un massif karstique, sur la rive droite du BĂ©lingou, un des affluents mĂ©ridionaux de la Dordogne. L'entrĂ©e de cette « grotte des Amoureux Â» (toponyme dans la langue vernaculaire locale) est sur une terrasse de travertin dans le massif de Cussac, correspondant Ă  l'exsurgence de la partie active d'un rĂ©seau de riviĂšres souterraines dont la galerie ornĂ©e forme le segment fossile dans les fissures de ce massif composĂ© d'une assise supĂ©rieure du Campanien (CrĂ©tacĂ© supĂ©rieur).

Elle est fouillée en 1950 par le préhistorien Denis Peyrony, puis quelques années plus tard par son fils Elie, sur une dizaine de mÚtres, sans déboucher sur la grotte[1]. D'autres spéléologues prospectent cette zone vestibulaire, mais l'éboulis obstruant l'entrée et l'absence de courant d'air les font renoncer dans leur entreprise[2].

La grotte est inventĂ©e au cours d'une prospection spĂ©lĂ©ologique le par les spĂ©lĂ©ologues Marc Delluc[3] (°1957 - †3 dĂ©cembre 2017[4]) et Fabrice Massoulier[5]. AprĂšs dĂ©sobstruction du boyau d'entrĂ©e, Marc Delluc y retourne les samedis suivants, les et , d'abord seul, puis aidĂ© de deux collĂšgues spĂ©lĂ©ologues (Fabrice Massoulier et HervĂ© Durif) le pour forcer un passage difficile menacĂ© d'Ă©boulis (phĂ©nomĂšne de cryoclastie qui dĂ©bite le calcaire en plaquettes)[6].

Sur le plan rĂ©glementaire, la procĂ©dure de classement au titre des monuments historiques est trĂšs vite initiĂ©e, avec une instance de classement dĂšs le , une inscription Ă  l'inventaire supplĂ©mentaire des monuments historiques le et enfin un arrĂȘtĂ© de classement dĂ©finitif parmi les monuments historiques le [7]. TraumatisĂ©s par les complications sur le plan juridique et l'imbroglio judiciaire qui a terni l'image de la grotte Chauvet et de Cosquer, les services de l'État (ministĂšre de la Culture et de la Communication, SRA et CMRH Aquitaine, Centre national de prĂ©histoire) mettent en Ɠuvre une politique prudente[8] et raisonnĂ©e d'acquisition Ă  l'amiable des quatorze parcelles, de protection physique (double fermeture), juridique (classement au titre des monuments historiques, arrĂȘtĂ© de zonage archĂ©ologique) et environnementale (protection pĂ©renne du massif classĂ© pour l'Ă©tablissement d'un pĂ©rimĂštre de protection au titre des sites Ă  la suite d'un bilan climatique et d'une cartographie de l'aquifĂšre karstique perchĂ©) et d'amĂ©nagement (stabilisation du conduit d'entrĂ©e, cheminement balisĂ©, passerelles
) dans le cadre d'une gestion et valorisation du patrimoine archĂ©ologique[9] - [10] - [11]. L'exploration et l'Ă©tude de la cavitĂ© dĂ©butent en 2009 dans le cadre d'un projet collectif de recherche pluridisciplinaire[12].

La grotte, sous protection scientifique, est en cours d'Ă©tude. La prĂ©sence Ă©pisodique de gaz carbonique rend difficile son accĂšs et le travail souterrain ; elle ne sera probablement jamais ouverte au public, ce qui explique que le prĂ©historien et archĂ©ologue Jacques Jaubert la considĂšre comme une Â« anti-Lascaux Â» de par le professionnalisme de son inventeur, la prĂ©sence de restes humains contemporains des gravures, et l'absence d'amĂ©nagement pour une exploitation touristique, ce qui favorise la prĂ©servation du site[13].

Description

Le site consiste en une longue galerie ornĂ©e au profil linĂ©aire, avec une entrĂ©e mĂ©diane qui permet de distinguer deux branches : l'Aval de 600 m de longueur (appelĂ© un temps Galerie des ChĂątaigniers) qui « regroupe l'essentiel des panneaux ornĂ©s et les trois locus Ă  restes humains avec, comme point d’orgue, le Grand Panneau Ă  310 m de l’entrĂ©e actuelle (environ 130 entitĂ©s graphiques) » et l'Amont (un temps Galerie de la TruffiĂšre) d'environ km qui « prĂ©sente des figures majeures ou originales (panneaux du RhinocĂ©ros, de l’Oie, des Figures fĂ©minines, des Signes au sol, pointe en bois de cervidĂ©, lampes[14]
)[12]. »

Art pariétal de Cussac

Femme gravée à Cussac

« L'art pariĂ©tal est presque exclusivement gravĂ© : 93,4 % des entitĂ©s graphiques (EG) dĂ©comptĂ©es en 2005, si l’on exclut les tracĂ©s digitĂ©s et les raclages. Le premier inventaire (Aujoulat 2005)[15] indique 135 EG se dĂ©composant en 91 animaux (67 %), 15 % d’indĂ©terminĂ©s (digitĂ©s, entrelacs, serpentiformes, phylactĂšre
), 9 % de signes (rĂ©ticulĂ©, signes en amande, tracĂ©s digitĂ©s rouges, petites ponctuations noires, gravures au sol
) et une douzaine d’anthropomorphes (9 %). Parmi le bestiaire, le bison domine (31 %), suivi du mammouth (15 %), du cheval (12 %), de l’aurochs (7 %), de l’oie (4,4 %), du bouquetin (4 %), du rhinocĂ©ros (2 %), enfin des animaux reprĂ©sentĂ©s Ă  l’unitĂ© (ours, fĂ©lin). Il y a quelques animaux composites (2 %) et une proportion notable d’animaux indĂ©terminĂ©s ou monstrueux (17 %)[16]. »

Les gravures, souvent de trĂšs grandes dimensions (la plus imposante, un des bisons du Grand Panneau, mesure m de long), sont rĂ©alisĂ©es soit Ă  l'aide d'outils lithiques, osseux, ou en bois dur sur les parois de calcaire (traits blancs sous-jacents au calcin de couleur ocre), soit simplement avec les doigts sur l'argile des sols. L'utilisation de pigments se limite Ă  quelques rares ponctuations rouges, des tracĂ©s charbonneux sont interprĂ©tĂ©s comme des mouchages de torches enduites de rĂ©sine enflammĂ©e. Par l'importance de son art pariĂ©tal gravettien, elle est parfois qualifiĂ©e par la presse de « Lascaux de la gravure Â» selon l'expression attribuĂ©e au prĂ©historien Norbert Aujoulat[17].

Les représentations non figuratives comprennent des entrelacs, tracés digitaux, éléments d'animaux incomplets ou indéterminés.

Les reprĂ©sentations figuratives comprennent des figurations animaliĂšres classiques de l'art du PalĂ©olithique supĂ©rieur et des figures Ă©nigmatiques. Quatre silhouettes fĂ©minines de profil ont Ă©tĂ© signalĂ©es (anthropomorphes microcĂ©phales). Les reprĂ©sentations sexuelles sont surtout des vulves (triangles pubiens souvent associĂ©s aux mammouths). Toutes ces Ɠuvres sont trĂšs proches par leur thĂšme et leur style de celles connues au Gravettien dans les grottes du Quercy, en particulier Ă  Pech Merle[18]. Leur Ăąge est estimĂ© Ă  25 000 ans.

Restes humains

Avec la grotte du Visage en Charente, Ă©galement considĂ©rĂ©e comme gravettienne, la grotte de Cussac constitue l'un des trĂšs rares tĂ©moignages d'association d'Ɠuvres pariĂ©tales et de sĂ©pultures humaines pour le PalĂ©olithique europĂ©en. Au moins cinq individus, quatre adultes et un adolescent, ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s dans des cavitĂ©s formĂ©es par des dĂ©pressions et des bauges Ă  ours : qualifiĂ©s initialement de dĂ©pĂŽts mortuaires, ils ont fait l'objet de recherches mettant en Ă©vidence un rituel funĂ©raire structurĂ© et une inhumation en deux temps[19].

Plusieurs ossements ont Ă©tĂ© prĂ©levĂ©s afin d'ĂȘtre datĂ©s par la mĂ©thode du carbone 14 et l'un d'eux a donnĂ© un rĂ©sultat proche de 25 000 ans avant notre Ăšre. La contemporanĂ©itĂ© des Ɠuvres et des sĂ©pultures est donc probable, d'autant plus que l'entrĂ©e de la cavitĂ© aurait rapidement Ă©tĂ© obstruĂ©e aprĂšs le passage des artistes prĂ©historiques[20].

Notes et références

  1. Pierre-Florent Hautvilliers, « La grotte de Cussac en Dordogne », Le Cep, no 29,‎ , p. 58.
  2. Norbert Aujoulat, Jean-Michel Geneste, Christian Archambeau, Marc Delluc, Henri Duday, Dominique Henry-Gambier, « La grotte ornĂ©e de Cussac - Le Buisson-de-Cadouin (Dordogne) : premiĂšres observations », Bulletin de la SociĂ©tĂ© prĂ©historique française, t. 99, no 1,‎ , p. 129 (lire en ligne).
  3. DRAC Nouvelle-Aquitaine, « Hommage Ă  Marc Delluc inventeur de la grotte ornĂ©e de Cussac », culture.gouv.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  4. Membre du Spéléo-Club des Eyzies et de Périgueux.
  5. Norbert Aujoulat, Jean-Michel Geneste, Christian Archambeau, Marc Delluc, Henri Duday et Dominique Gambier, « La grotte ornĂ©e de Cussac (Dordogne). Observations liminaires », PalĂ©o,‎ , p. 9-18 (lire en ligne, consultĂ© le ).
  6. La Compagnie des Beunes and Jean-Christophe Portais, « Marc Delluc (1957-2017) », PalĂ©o, no 28,‎ , p. 15.
  7. « Grotte ornée souterraine de Cussac », notice no PA24000033, base Mérimée, ministÚre français de la Culture. Consultée le 2 octobre 2010.
  8. Comme l'atteste l'annonce officielle de la dĂ©couverte par le biais d'une confĂ©rence de presse qui a eu lieu non pas Ă  Paris, mais Ă  la prĂ©fecture de Dordogne, Ă  PĂ©rigueux, le . De mĂȘme, depuis la dĂ©couverte, seulement 164 personnes (propriĂ©taires qui ont un droit de visite, experts, scientifiques, responsables de la conservation et entreprises mandatĂ©es pour les travaux) ont visitĂ© la cavitĂ© en 2011.
    Cf. « Cussac : retour sur une découverte », sur albuga.info, .
  9. Dany Barraud, Nathalie Fourment, « Cussac : mise en perspective de la gestion conservatoire et patrimoniale d'une dĂ©couverte exceptionnelle Â», JournĂ©e de confĂ©rences de la SociĂ©tĂ© française de prĂ©histoire, 2010.
  10. FOURMENT N. 2009. — « ArchĂ©ologie et monde souterrain Â». In : Colloque archĂ©ologie souterraine et spĂ©lĂ©ologie, PĂ©rigueux, mai 2006, 41e congrĂšs FĂ©dĂ©ration française de spĂ©lĂ©ologie, pp. 25-30. (Spelunca mĂ©moires ; n° 34).
  11. Nathalie Fourment, Dany Barraud, Muriel Kazmierczak, Alain Rieu, « La grotte de Cussac (Le Buisson-de-Cadouin, Dordogne, France) : applications des principes de conservation prĂ©ventive au cas d’une dĂ©couverte rĂ©cente, Actes du CongrĂšs IFRAO, Tarascon-sur-AriĂšge, septembre 2010 – Symposium « Art plĂ©istocĂšne en Europe » » (consultĂ© le ).
  12. Jacques Jaubert, Catherine Ferrier, ValĂ©rie Feruglio, Nathalie Fourment, Camille Bourdier, StĂ©phane Konik et SĂ©bastien Villotte, « La grotte de Cussac (Dordogne) », Les Nouvelles de l'archĂ©ologie, no 154,‎ , p. 16-17 (DOI 10.4000/nda.5152).
  13. [vidéo] Rencontre autour de Lascaux : Jacques Jaubert - "La grotte de Cussac" sur YouTube, 2 octobre 2018, 55 sec.
  14. Des plaques de calcaire montrent des traces de thermo-altérations visibles qui se caractérisent par des zones roses de rubéfaction thermique (la combustion est source de transformations minéralogiques des roches, généralement associées à une couleur plus rouge de ces pierres) et des pointillés noirs (traces charbonneuses), lesquelles témoignent de l'utilisation de feux d'éclairage avec des mÚches éteintes sur les murs, comme le confirme la découverte dans la grotte de lampes à mÚche.
  15. Norbert Aujoulat, La grotte de Cussac. Le Buisson-de-Cadouin (Dordogne). Rapport. Potentiel archĂ©ologique. Observations – rĂ©flexions – perspectives, PĂ©rigueux : ministĂšre de la Culture et de la Communication, Centre national de PrĂ©histoire, dĂ©partement d’art pariĂ©tal, 2005, 57 p. + annexes [textes de C. Ferrier, B. Kervazo, J.-M. Geneste, D. Henry-Gambier, P. Courtaud et H. Duday].
  16. Jacques Jaubert, Norbert Aujoulat, Patrice Courtaud, Marie-France Deguilloux, Marc Delluc, et al., « Le projet collectif de recherche “ Grotte de Cussac ” (Dordogne, France) : Ă©tude d’une cavitĂ© ornĂ©e Ă  vestiges humains du Gravettien Â», congrĂšs IFRAO « L’art plĂ©istocĂšne dans le monde Â», 2010, p. 26.
  17. Romain Pigeaud, Lascaux, CNRS Éditions, , p. 17.
  18. Jacques Jaubert, 2010, op. cit., p. 27.
  19. Marc Groenen, Le Paléolithique, Le Cavalier Bleu Editions, , p. 62.
  20. Notice anthropologique.

Annexes

Bibliographie

  • Norbert Aujoulat et al., « La grotte ornĂ©e de Cussac (Dordogne) — Observations liminaires Â», PalĂ©o, no 13, 2001
  • Jacques Jaubert, ValĂ©rie Feruglio et Nathalie Fourment, « Grotte de Cussac −30 000 », Éditions Confluences, octobre 2020, 212 pages
  • Jacques Jaubert et l'Ă©quipe du PCR, « La grotte de Cussac, mise en place d'un projet scientifique Â», in Vincent Mistrot coord., De NĂ©andertal Ă  l'Homme moderne. L'Aquitaine prĂ©historique, vingt ans de dĂ©couvertes (1990-2010), Bordeaux, Éditions Confluences, 2010 (ISBN 978-2-35527-041-3)
  • Jacques Jaubert, Catherine Ferrier, ValĂ©rie Feruglio, Nathalie Fourment, Camille Bourdier, StĂ©phane Konik et SĂ©bastien Villotte, « La grotte de Cussac (Dordogne) », Les Nouvelles de l'archĂ©ologie, n° 154, pp. 16-24, 2018. URL ; DOI
  • Nathalie Fourment, La Grotte ornĂ©e de Cussac, pp. 32-37, L'Aquitaine monumentale (hors sĂ©rie centenaire de la loi de 1913), Le Festin, (ISBN 978-2-36062-077-7)
  • Lysianna Ledoux, « L’ichnologie prĂ©historique et les traces d’activitĂ©s au sein des cavitĂ©s ornĂ©es : les grottes de Fontanet (AriĂšge) et de Cussac (Dordogne) », thĂšse sous la direction de Jacques Jaubert, Gilles BĂ©rillon et de Nathalie Fourment soutenue le 25 janvier 2019, Bordeaux, dans le cadre de l'École doctorale Sciences et Environnements (Pessac, Gironde). RĂ©sumĂ© en ligne sur theses.fr

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.