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Grande tempĂȘte de 1703

La grande tempĂȘte de 1703[1] est une tempĂȘte qui toucha l'ouest de la Bretagne, le sud de l'Angleterre, la Belgique, les Pays-Bas et l'Allemagne. En Angleterre les vents violents ont fait s'effondrer 2 000 cheminĂ©es Ă  Londres, endommagĂ© la rĂ©gion de New Forest, qui a perdu 4 000 chĂȘnes. Les vagues dĂ©truisirent entre autres le premier phare d'Eddystone au large de Plymouth et des navires furent dĂ©tournĂ©s Ă  des centaines de kilomĂštres de distance, plus de 1 000 marins sont morts ainsi sur le Banc de Goodwin lors de naufrages.

Grande tempĂȘte de 1703
Gravure « The Great Storm November 26, 1703 Â».
Localisation
Pays
Régions affectées
Coordonnées
51° N, 1° O
Caractéristiques
Type
TempĂȘte hivernale
Date de formation
(calendrier grégorien)
Date de dissipation
(calendrier grégorien)
Conséquences
Nombre de morts
8 000 Ă  15 000
Carte

Évolution mĂ©tĂ©orologique

Une dĂ©pression se forme en mer d’Irlande et traverse rapidement le nord-ouest de l’Europe[2].

MĂȘme si les relevĂ©s de pressions sont rares Ă  l'Ă©poque, une valeur de 973 millibars est mesurĂ©e par William Derham dans l’Essex du Sud[2]. Le minimum de pression Ă©tant passĂ© plus au Nord, on peut raisonnablement penser que la pression Ă©tait encore plus basse. La tempĂȘte se dissipe le 9 dĂ©cembre sur la Scandinavie[2].

Une rĂ©analyse mĂ©tĂ©orologique moderne de MĂ©tĂ©o-France montra qu'un anticyclone dominait la Scandinavie au dĂ©but de dĂ©cembre 1703 lorsqu'une dĂ©pression se forma en mer d'Irlande et traversa rapidement le nord-ouest de l’Europe avant de se dissiper le sur la Scandinavie[3]. Les valeurs de pressions relevĂ©es sont rares, mais un observateur contemporain, William Derham, a enregistrĂ© une pression atmosphĂ©rique minimale de 973 hPa dans le sud d'Essex mais il fut suggĂ©rĂ© qu'elle a pu atteindre 950 hPa sur les Midlands, le centre de pression passant plus au nord dans cette rĂ©gion[3] - [4]. Le corridor de dommages s'Ă©tendit du sud de l'Angleterre vers le nord-est vers l'Allemagne[5].

Risk Management Solutions compara les effets avec ceux des tempĂȘtes de 1987 et de la fin dĂ©cembre 1999 sur des bĂątiments et structures comparables (tels que des Ă©glises mĂ©diĂ©vales, des granges du XVIIe siĂšcle, des maisons et des arbres). L'Ă©tude montra ainsi que le long d'un corridor de 20 Ă  30 kilomĂštres de largeur et s'Ă©tendant entre Londres et Bristol, certains vents atteignirent 50 mĂštres par seconde (180 km/h) et ceux de 40 mĂštres par seconde (144 km/h) s'Ă©tendaient sur une largeur d'environ 180 kilomĂštres, prĂšs du double de la largeur Ă©quivalente de la tempĂȘte de 1987 et de la tempĂȘte Lothar de 1999[5]. Ceci suggĂ©ra que ses effets Ă©taient Ă©quivalents Ă  un ouragan de catĂ©gorie 2 dans l'Ă©chelle de Saffir-Simpson bien qu'il s'agisse d'une dĂ©pression non tropicale des latitudes moyennes[5].

Ces bandes de vents extrĂȘmes sont en fait typiques d'un trĂšs intense cyclone extratropical de type explosif, avec une intensification trĂšs rapide associĂ©e Ă  un fort courant-jet en altitude. La prĂ©sence d'un courant-jet d'occlusion Ă  bas niveau est aussi suggĂ©rĂ©e par l'Ă©tude en raison des observations d'un tĂ©moin Ă  Bruton dans le Somerset qui mentionna que « le vent n'est pas venu graduellement, mais dans plusieurs rafales dont j'ai pu voir les effets en me promenant Ă  cheval... sur un demi-kilomĂštre, je ne pouvais voir un arbre ou une maison touchĂ©s, puis je pouvais voir plus loin des arbres abattus et toutes les maisons brisĂ©es. J'ai remarquĂ© que cela se reproduisait dans tout le pays le long d'un corridor Â»[5].

Impact

De 8 000 Ă  15 000 vies furent perdues dans l'ensemble avec la tempĂȘte.

Au Royaume-Uni, environ 2 000 cheminĂ©es furent renversĂ©es rien qu'Ă  Londres. La toiture de plomb de l'abbaye de Westminster fut soufflĂ©e et la reine Anne a dĂ» s'abriter dans une cave du Palais Saint James pour se protĂ©ger de l'effondrement des cheminĂ©es et d'une partie du toit. Sur la Tamise, quelque 700 navires furent projetĂ©s les uns contre les autres dans le Pool of London, la section en aval du pont de Londres. Le HMS Vanguard fut dĂ©truit Ă  Chatham. L'HMS Association de l'amiral Sir Cloudesley Shovell fut soufflĂ© de Harwich vers Gothenburg en SuĂšde avant de pouvoir revenir en Angleterre. Les pinacles au sommet de la King's College Chapel de Cambridge furent emportĂ©s par les vents[6]. Il y a eu des inondations gĂ©nĂ©ralisĂ©es dans le West Country, en particulier autour de Bristol. Des centaines de personnes se sont noyĂ©es dans les inondations dans la plaine de Somerset Levels ainsi que des milliers de moutons et autres animaux domestiques, et un navire s'est retrouvĂ© Ă  24 kilomĂštres Ă  l'intĂ©rieur des terres[7]. À Wells, l'Ă©vĂȘque Richard Kidder et sa femme furent tuĂ©s par l'effondrement de deux cheminĂ©es du palais Ă©piscopal, alors qu'ils Ă©taient endormis dans leur lit[6]. Cette mĂȘme tempĂȘte a soufflĂ© une partie de la grande fenĂȘtre ouest de la cathĂ©drale Saint-AndrĂ© de Wells et la tour sud-ouest de la cathĂ©drale de Llandaff Ă  Cardiff au Pays de Galles a subi des dommages majeurs. Le premier phare d'Eddystone au large de Plymouth fut dĂ©truit le , et ses six occupants furent tuĂ©s, dont son constructeur Henry Winstanley[6]. Un navire ayant rompu ses amarres dans la riviĂšre Helford, en Cornouailles, dĂ©riva sur 320 km avant de s'Ă©chouer huit heures plus tard Ă  l'Ăźle de Wight. Environ 4 000 chĂȘnes furent dĂ©racinĂ©s dans la New Forest. Des vents allant jusqu'Ă  130 km/h ont dĂ©truit plus de 400 moulins Ă  vent[1].

En mer, de nombreux navires furent dĂ©truits, dont quelques-uns revenant d'aider l'archiduc Charles, prĂ©tendant au trĂŽne d'Espagne, Ă  combattre les Français durant la Guerre de Succession d'Espagne. Le HMS Stirling Castle, le HMS Northumberland, le HMS Mary et le HMS Restoration firent ainsi naufrage sur le banc de Goodwin et environ 1 500 marins y perdirent la vie. Trente vaisseaux d'un convoi de 130 navires marchands furent coulĂ©s par la tempĂȘte dans le port de Milford Haven. Le convoi comportait Ă©galement leur escorte de navires de ligne : le Dauphin, le Cumberland, le Coventry, le Looe, le Hastings et le Hector[8].

En Bretagne, la tempĂȘte causa la chute de plusieurs clochers, des destructions de bĂątiments et un raz de marĂ©e Ă  l'Ăźle de Sein[9].

En Allemagne, le , des milliers d'arbres furent arrachés dans la vallée de l'Oder, des clochers furent renversés comme la flÚche de Saint-Lambert à Lunebourg et la tour de l'église Saint-Nicolas à Wismar[10].

Aux Pays-Bas, la cĂŽte de la Frise du nord fut frappĂ©e par une onde de tempĂȘte. Un capitaine de ZĂ©lande Ă©crivit dans une lettre Ă  l'AmirautĂ© que la tempĂȘte Ă©tait sans prĂ©cĂ©dent et que la flotte hollandaise fut touchĂ©e.

TĂ©moignages

D'aprĂšs un article du Courrier du FinistĂšre paru le :

Ce 16 de l’an 1703, environ le soleil levant, un mardy, le plus horrible coup de tonnerre qu’on ai jamais ouy jetta la tour sur toutte l’église de Pouldreuzic qui la ruina toutte. La tour de Plozevet fut aussi jetĂ©e par terre, le lundy auparavant, par un gros vent le 15 de l’an 1703[11].

D'aprĂšs le site infoBRETAGNE.com :

Le dimanche 21 janvier 1703, le "Général de paroisse" se réunit dans la sacristie de l'église Matrice de Saint-Guinolay du bourg parochial de Batz pour étudier la maniÚre de réparer les dégùts de la tourmente qui s'était élevée dans la nuit du 15 au 16, et avait sévi toute la matinée du lendemain enlevant "partie des couvertures, tant de cette église Saint-Guinolay, N.D. du Mûrier, Saint-Laurent, Saint-Michel ; que des églises N.D. de Pitié de la ville du Croisic, Saint-Yves, Saint-Goustan...." brisant aussi "la plus grande partie des vitres desdites églises et chapelles de cette paroisse, de sorte que l'on n'y put tenir de luminaire allumé pour le sacrifice de la Sainte-Messe"[12].

La Normandie fut également touchée, puisque d'aprÚs Philippe Bonnet :

Le 15 janvier 1703, une violente tempĂȘte renversa l'ancienne Ă©glise qui Ă©tait « de fort grande Ă©tendue » (*) — en fait, elle ne mesurait que 41 m de long— et probablement de plan bernardin, n'Ă©pargnant que le sanctuaire et le bras sud du transept dont les voĂ»tes avaient rĂ©sistĂ©. Les bas-cĂŽtĂ©s avait Ă©tĂ© voĂ»tĂ©s quinze mois avant la catastrophe, alors que le vaisseau central Ă©tait couvert d'un simple lambris en berceau. Un devis des rĂ©parations fut aussitĂŽt dressĂ© : celles-ci se montaient Ă  28 090 livres, des- quelles il fallait dĂ©duire les 5 000 livres provenant des matĂ©riaux de rĂ©cupĂ©ration[13].

RĂ©actions

Sans prĂ©cĂ©dent dans sa fĂ©rocitĂ© et sa durĂ©e, la Grande tempĂȘte de 1703 fut gĂ©nĂ©ralement pour les tĂ©moins un message de la colĂšre de Dieu en punition des « pĂ©chĂ©s de cette nation ». Le gouvernement dĂ©clara le jeudi un jour de jeĂ»ne « rappelant la plus profonde et la plus solennelle humiliation de notre peuple ». Cet Ă©vĂšnement reste un thĂšme frĂ©quent dans les sermons du XIXe siĂšcle[14].

La Grande TempĂȘte a Ă©galement coĂŻncidĂ© avec le dĂ©veloppement du journalisme britannique, et fut le premier Ă©vĂ©nement mĂ©tĂ©orologique Ă  ĂȘtre une nouvelle Ă  l'Ă©chelle nationale. Des brochures spĂ©ciales furent produites, dĂ©taillant les dĂ©gĂąts matĂ©riels et des rĂ©cits relatifs aux victimes. Daniel Defoe, dans son livre The Storm (), dĂ©crit « la tempĂȘte qui a dĂ©truit les bois et les forĂȘts dans toute l'Angleterre ». Il Ă©crit : « Aucune plume ne peut la dĂ©crire, ni la langue l'exprimer, ni la pensĂ©e ne la concevoir que par son extrĂȘme effet ». Les villes cĂŽtiĂšres telles que Portsmouth « semblaient comme saccagĂ©es par un ennemi qui les aurait misĂ©rablement dĂ©chiquetĂ©es ».

Defoe rapporte que le vent détruisit quatre cents moulins, faisant parfois tourner si vite leurs ailes que la friction des roues en bois les faisait surchauffer et prendre feu[15]. Il pense que la destruction de la flotte royale est une punition pour sa mauvaise performance contre les armées catholiques de France et d'Espagne pendant la premiÚre année de la Guerre de Succession d'Espagne[16].

Notes et références

  1. (en) « The Great Storm, Inside Out », BBC,‎ (lire en ligne)
  2. « TempĂȘte du 7 dĂ©cembre 1703 - TempĂȘtes en France mĂ©tropolitaine », sur tempetes.meteo.fr (consultĂ© le )
  3. « TempĂȘte du 7 dĂ©cembre 1703 » [PDF], TempĂȘtes en France mĂ©tropolitaine, sur http://tempetes.meteofrance.fr/-Periode-1703-1939-.html, MĂ©tĂ©o-France, (consultĂ© le ).
  4. (en) William Derham, « A Letter for the Reverend Mr William Derham, F. R. S. Containing His Observations concerning the Late Storm », Philosophical Transactions of the Royal Society, Royal Society, vol. 24, no 289,‎ 1704–1705, p. 1530–1534 (DOI 10.1098/rstl.1704.0005, JSTOR 102921, Bibcode 1704RSPT...24.1530D).
  5. (en) « December 1703 Windstorm » [PDF], Risk Management Solutions (consulté en ).
  6. (en) Tony Rennell, « Think this week's gales are bad? They're nothing compared to the storm that drowned Britain », The Daily Mail, mail Online,‎ (lire en ligne)
  7. (en) Stephen Moss, Wild Hares and Hummingbirds : The Natural History of an English Village, Square Peg, , 305 p. (ISBN 978-0-224-08672-1), p. 32.
  8. (en) « Shipping Losses During Great Storm of 1703 », Royal Commission on the Ancient and Historical Monuments of Wales (consulté le ).
  9. « La tempĂȘte de janvier 1703 : Echos de PlozĂ©vet et de la rĂ©gion. » AccĂšs libre [PDF], sur http://plozevet.hp.free.fr (consultĂ© le )
  10. (de) « Wetterchronik 1703 : 8. Dezember », Wetterchronik (consulté le ).
  11. « tempĂȘte 1703 - La maison du Corsaire », sur maisoncorsaire.plozerche.fr (consultĂ© le )
  12. « Le Croisic : Histoire, Patrimoine, Noblesse (commune chef lieu de canton) », sur www.infobretagne.com (consulté le )
  13. Les constructions de l'ordre de Prémontré en France aux XVIIe et XVIIIe siÚcles Par Philippe Bonnet p191
  14. (en) E. H. Plumptre, The Life of Bishop Ken –,
    « Martin Brayne, The Greatest Storm, 2002 – il est citĂ© que la tempĂȘte du sermon de Mr. Taylor Ă©tait encore utilisĂ©e dans la congrĂ©gation de Little Wild Street, Londres, tard Ă  la fin du siĂšcle »
    .
  15. (en) Paul Brown, « The Great Storm of 26 November 1703 », The Guardian,‎ (lire en ligne).
  16. (en) J. McKay, Richard Keeble et Sharon Wheeler (dir.), The Journalistic Imagination : Literary Journalists from Defoe to Capote and Carter, Routledge, (ISBN 978-0-415-41724-2 et 0-415-41724-4), « Defoe's The Storm as a Model for Contemporary Reporting », p. 15–28.

Voir aussi

Article connexe

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