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Grand Urubu

Cathartes melambrotus

Le Grand Urubu (Cathartes melambrotus) est une espĂšce de rapaces de la famille des Cathartidae, comprenant les vautours du Nouveau Monde. Il n'Ă©tait pas distinguĂ© de l'Urubu Ă  tĂȘte jaune (C. burrovianus) jusqu'en 1964. Il est plus grand que celui-ci, avec une envergure de 166 Ă  178 cm, une longueur de corps de 64-75 cm et un poids moyen de 1,65 kg. Le plumage est noir, et la tĂȘte et le cou, qui sont sans plumes, peuvent aller du jaune foncĂ© Ă  l'orange pĂąle. Il n'a pas de syrinx, aussi ses vocalisations sont limitĂ©es Ă  des grognements ou de faibles sifflements.

Cette espĂšce se nourrit de charognes, localisant les carcasses par la vue et par l'odorat, une capacitĂ© qui est rarement dĂ©veloppĂ©e chez les oiseaux. Cet urubu est dĂ©pendant de grands vautours, comme le Sarcoramphe roi (Sarcoramphus papa), qui peuvent s'attaquer au cuir de grosses carcasses, alors que le bec du Grand Urubu n'est pas assez fort pour lui permettre de le faire. Comme les autres vautours du Nouveau Monde, le Grand Urubu utilise les courants ascendants pour rester en vol avec un minimum d'effort. Il pond ses Ɠufs sur des surfaces planes, telles que le sol de grottes, ou dans le creux d'une souche ; les parents nourrissent leurs petits par rĂ©gurgitation.

Le Grand Urubu vit en AmĂ©rique du Sud dans les forĂȘts tropicales humides des basses terres. Sa population semble en dĂ©clin, mais suffisamment nombreuse pour que l'espĂšce soit considĂ©rĂ©e comme de « prĂ©occupation mineure » par l'Union internationale pour la conservation de la nature.

Description

Plumage et mensurations

Schéma montrant la coloration générale du grand Urubu.

Le Grand Urubu mesure de 64 Ă  75 cm de long, pour une envergure de 166 Ă  178 cm et une queue longue de 25 Ă  29 cm[2]. Son poids moyen est de 1,65 kg[3]. Son plumage est noir avec des reflets verts ou violets. La gorge et les cĂŽtĂ©s de la tĂȘte sont dĂ©pourvus de plumes. La peau mise Ă  nu est de couleur jaune Ă  orange pĂąle, avec la calotte bleue[4]. La nuque et le contour des narines sont rose pĂąle. Les couvertures sous-alaires sont noires, tandis que les rĂ©miges ont une nuance plus claire. L'axe des onze rĂ©miges primaires semble ĂȘtre de couleur blanche, vu de dessus[5]. La queue est arrondie et longue pour un vautour, s'Ă©tendant jusqu'Ă  la pointe de l'aile repliĂ©e, ou plus loin encore. Il n'y a pas de dimorphisme sexuel apparent[6]. La tĂȘte est gris terne chez les jeunes qui, autrement, ressemblent aux adultes.

L'iris est rouge, les pieds sont noirs et le bec est de couleur chair[3]. L'Ɠil possĂšde un rang simple et incomplet de plumes sĂ©tiformes sur la paupiĂšre supĂ©rieure et deux rangs sur la paupiĂšre infĂ©rieure[7]. Le bec est Ă©pais, arrondi et crochu Ă  son extrĂ©mitĂ©[8]. L'usage de l'urohydrose confĂšre souvent un aspect striĂ© de blanc (dĂ» Ă  l'acide urique) aux parties Ă©cailleuses de ses pattes. Les doigts de devant sont longs avec de petites palmures Ă  leur base, et ne sont pas adaptĂ©s Ă  la prĂ©hension. L'ouverture de la narine est longitudinale et entourĂ©e de cire, et les narines ne sont pas divisĂ©es par un septum. Comme tous les vautours du Nouveau Monde, le Grand Urubu n'a pas de syrinx, et il est donc incapable de produire d'autres bruits que des grognements ou de faibles sifflements[9].

EspĂšces similaires

Urubu Ă  tĂȘte jaune en vol.

Le Grand Urubu est trĂšs semblable Ă  l'Urubu Ă  tĂȘte jaune, mais en diffĂšre sur plusieurs points. Il est plus grand que ce dernier, avec une queue plus longue et plus large. Le plumage est sombre, noir brillant, contrairement au plumage plus brun de l'Urubu Ă  tĂȘte jaune. Ses pattes sont de couleur plus foncĂ©e et sa tĂȘte est plus jaune et moins orange-rose ; ses ailes sont plus larges et son vol est Ă©galement plus stable[2]. Contrairement aux autres membres du genre Cathartes, le Grand Urubu a des primaires internes relativement sombres, qui contrastent un peu avec les secondaires et les primaires externes plus pĂąles, formant une large bande lĂ©gĂšrement plus sombre parcourant verticalement le dessous des ailes ; les pennes blanches de l'Urubu Ă  tĂȘte jaune contrastent fortement sur le dessous de l'aile[3]. Le Grand Urubu prĂ©fĂšre les forĂȘts alors que l'Urubu Ă  tĂȘte jaune prĂ©fĂšre les savanes[10]. Il se distingue de cette espĂšce par la coloration de la tĂȘte diffĂ©rente, qui ne peut toutefois se voir qu'Ă  une distance relativement proche. Les couvertures sous-alaires ont une coloration similaire chez l'Urubu Ă  tĂȘte rouge, mais n'ont pas la bande sombre formĂ©e par les rĂ©miges primaires internes[11].

Écologie et comportement

Le Grand Urubu se perche en haut d'arbres morts à découvert pour observer le terrain environnant. Lorsqu'il vole, il se déplace seul ou en couple et se rassemble rarement en groupes. Le vol est lourd et régulier. L'oiseau vole avec ses ailes à plat ou trÚs légÚrement au-dessus de l'horizontale, formant ce qu'on appelle un diÚdre positif[5]. Le vol du Grand Urubu est un exemple de vol à voile statique, puisque l'oiseau utilise les courants thermiques ascendants pour maintenir son altitude sans avoir besoin de battre des ailes[8]. Le Grand Urubu pratique également l'urohydrose : il urine ou défÚque sur ses pattes pour les refroidir par évaporation. Ce comportement se retrouve chez les vautours du Nouveau Monde et chez les cigognes[12].

Alimentation

Un Grand Urubu perchĂ© au bord du RĂ­o Napo en Équateur.

Le Grand Urubu est un charognard exclusif : il se nourrit uniquement de charognes d'animaux victimes de la circulation routiĂšre ou de tout autre cadavre. Il prĂ©fĂšre la viande fraĂźche, mais ne peut souvent pas s'attaquer le premier Ă  la carcasse d'un grand animal, son bec n'Ă©tant pas assez puissant pour dĂ©chirer des peaux trop coriaces. Quand la charogne a quelques jours, le Grand Urubu cesse de se nourrir dessus, la viande commençant Ă  se dĂ©composer et devenant contaminĂ©e par des toxines microbiennes[13]. Le Grand Urubu boit dans l'eau des Ă©tangs, d'une piscine, ou de tout rĂ©ceptacle qu'il trouve[8]. À l'instar des autres vautours, il joue un rĂŽle important dans l'Ă©cosystĂšme en faisant disparaĂźtre des charognes qui pourraient autrement devenir des terrains fertiles pour les maladies[14].

Le Grand Urubu s'aide de sa vue perçante pour repĂ©rer les charognes, mais utilise aussi son odorat, une capacitĂ© qui est rarement dĂ©veloppĂ©e chez les espĂšces aviaires. Il localise les charognes en dĂ©tectant l'odeur du mercaptan Ă©thylique, un gaz produit par la dĂ©composition des animaux morts. La zone du cerveau associĂ©e Ă  l'odorat est particuliĂšrement dĂ©veloppĂ©e comparativement aux autres espĂšces[13]. Cette caractĂ©ristique des vautours du Nouveau Monde a mĂȘme Ă©tĂ© utilisĂ©e par l'Homme : les ingĂ©nieurs Ă  la recherche de fuites injectent du mercaptan Ă©thylique dans les pipelines, puis suivent les vautours[15].

Le Sarcoramphe roi (Sarcoramphus papa) ne possĂšde pas les habiletĂ©s olfactives du Grand Urubu et suit ce dernier jusqu'aux charognes. Le gros rapace dĂ©chiquette la peau que le petit n'aurait pu dĂ©chirer, et ce dernier peut alors se nourrir. Il s'agit d'un exemple de symbiose entre espĂšces[16]. Le Grand Urubu est gĂ©nĂ©ralement chassĂ© des carcasses par l'Urubu Ă  tĂȘte rouge (C. aura) et le Sarcoramphe roi, tous deux plus gros que lui[14].

Reproduction

Le Grand Urubu ne construit pas de nids, mais pond de prĂ©fĂ©rence ses Ɠufs directement sur les falaises, sur le sol des grottes, dans le sol ou dans le creux d'une souche. Les Ɠufs sont de couleur crĂšme avec des taches brunes, en particulier autour de la plus grande extrĂ©mitĂ©[5]. La ponte compte de un Ă  trois Ɠufs, en gĂ©nĂ©ral deux[8]. Les poussins sont nidicoles, aveugles, nus et relativement immobiles aprĂšs l'Ă©closion, et leurs plumes poussent plus tard. Les parents nourrissent leurs petits en rĂ©gurgitant de la nourriture prĂ©digĂ©rĂ©e dans leur bec, oĂč les poussins viennent puiser[8]. Les jeunes quittent le nid au bout de deux Ă  trois mois[17].

RĂ©partition et habitat

Répartition de l'espÚce sur le continent américain.

Le Grand Urubu vit dans le bassin de l'Amazone en AmĂ©rique du Sud tropicale, et plus prĂ©cisĂ©ment dans le Sud-Est de la Colombie, dans le Sud et l'Est du Venezuela, au Guyana, en Guyane, au Suriname, dans le Nord et l'Ouest du BrĂ©sil, le Nord de la Bolivie, dans l'Est du PĂ©rou et de l'Équateur. Il ne vit pas dans les Andes, ni dans les plaines Ă  l'ouest ou au nord de la cordillĂšre ou dans les rĂ©gions relativement ouvertes du Nord et de l’Est de l'AmĂ©rique du Sud, ou dans les rĂ©gions subtropicales plus au sud. Il dispose d'une grande aire de rĂ©partition, estimĂ©e Ă  6 650 000 km2. Son habitat naturel est la forĂȘt tropicale humide des plaines, et l'oiseau ne va gĂ©nĂ©ralement pas dans les rĂ©gions de haute altitude[18]. Le Grand Urubu est courant dans les rĂ©gions fortement boisĂ©es ; il peut errer dans les prairies, mais s'aventure rarement loin des zones boisĂ©es, qui fournissent des zones d'abri et de nidification[5].

Taxinomie et systématique

Le Grand Urubu et l'Urubu Ă  tĂȘte jaune (C. burrovianus) ont Ă©tĂ© dĂ©crits comme espĂšces distinctes en 1964, lorsque Alexander Wetmore regarde avec prĂ©cision leurs tailles et colorations respectives[19]. Le nom gĂ©nĂ©rique Cathartes est la forme latine du grec ÎșαΞαρτης (kathartēs), signifiant « purificateur »[20] et rappelle le rĂŽle Ă©cologique de ces oiseaux. Le Grand Urubu est une espĂšce monotypique[21] - [22].

La position taxinomique exacte du Grand Urubu et des six autres espĂšces de vautours du Nouveau Monde reste incertaine[23]. Les vautours du Nouveau Monde et de l'Ancien Monde sont physiquement similaires et remplissent les mĂȘmes niches Ă©cologiques. Cependant, ils ont Ă©voluĂ© Ă  partir de diffĂ©rents ancĂȘtres et en diffĂ©rents endroits du Globe. Charles Gald Sibley et Burt Monroe suggĂšrent en 1990 que le groupe du Nouveau Monde est proche parent des cigognes[24]. Plus rĂ©cemment, Sibley et Jon Edward Ahlquist placent les deux groupes de vautours dans l'ordre des Falconiformes[12] tandis que d'autres placent le groupe du Nouveau Monde dans son propre ordre, les Cathartiformes[25]. Le South American Classification Committee a retirĂ© les vautours du Nouveau Monde de l'ordre des Ciconiiformes et les a plutĂŽt catĂ©gorisĂ©s comme Incertae sedis. Ce comitĂ© note cependant que le groupe pourrait retourner parmi les Falconiformes ou les Cathartiformes[23]. En 2008, Hackett et al. rĂ©solvent la position des Cathartidae et les placent au sein des Accipitriformes[26].

Menaces et conservation

Le Grand Urubu est considĂ©rĂ© comme espĂšce de « prĂ©occupation mineure » par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)[1]. Il dispose d'une aire de rĂ©partition estimĂ©e Ă  6 650 000 km2 et d'une population de 100 000 Ă  1 000 000 d'individus. Les effectifs semblent en dĂ©clin, mais celui-ci n'est pas suffisamment important pour justifier une rĂ©Ă©valuation du statut de conservation de l'espĂšce[18].

Annexes

Références taxinomiques

Liens externes

Notes et références

  1. Union internationale pour la conservation de la nature
  2. (en) James Ferguson-Lees et David A. Christie, Raptors of the World, Houghton Mifflin Field Guides, (ISBN 0-618-12762-3, lire en ligne), p. 86
  3. (fr) Nicole Bouglouan, « Grand urubu Cathartes melambrotus », sur oiseaux-birds.com (consulté le )
  4. (en) Leslie Brown et Dean Amadon, Eagles, Hawks, and Falcons of the World, McGraw-Hill, (ISBN 1-55521-472-X, lire en ligne), p. 178
  5. (en) Stephen L. Hilty, A Guide to the Birds of Colombia, Princeton University Press, (ISBN 0-691-08372-X, lire en ligne), p. 88
  6. (en) Emmett Reid Blake, Manual of Neotropical Birds, University of Chicago Press, (ISBN 0-226-05641-4, lire en ligne), p. 262
  7. (en) Harvey I. Fisher, « The Pterylosis of the Andean Condor », The Condor, vol. 44, no 1,‎ , p. 30-32 (DOI 10.2307/1364195)
  8. (en) John Kenneth Terres, The Audubon Society Encyclopedia of North American Birds, New York, Knopf, (ISBN 0-394-46651-9), p. 957
  9. (en) J. Alan Feduccia, The Origin and Evolution of Birds, Yale University Press, (ISBN 0-226-05641-4, lire en ligne), p. 300
  10. (en) Dean Amadon, « Notes on the Taxonomy of Vultures », Condor, vol. 79, no 4,‎ , p. 413–416 (DOI 10.2307/1367720, JSTOR 1367720, lire en ligne)
  11. (en) Robert S. Ridgely et Paul Greenfield, The Birds of Ecuador, Cornell University Press, (ISBN 978-0-8014-8722-4)
  12. (en) Charles Gald Sibley et Jon Edward Ahlquist, Phylogeny and Classification of Birds : A Study in Molecular Evolution, Yale University Press, (ISBN 0-300-04085-7)
  13. (en) Noel F. R. Snyder et Helen Snyder, Raptors of North America : Natural History and Conservation, Voyageur Press, (ISBN 0-7603-2582-0), p. 40
  14. (en) Luis G. Gomez, David C. Houston, Peter Cotton et Alan Tye, « The role of greater yellow-headed vultures Cathartes melambrotus as scavengers in neotropical forest », Ibis, vol. 136, no 2,‎ , p. 193–196 (DOI 10.1111/j.1474-919X.1994.tb01084.x, lire en ligne)
  15. (en) « Avian Olfaction », Cornell University (consulté le )
  16. (en) Dietland Muller-Schwarze, Chemical Ecology of Vertebrates, Cambridge University Press, (ISBN 0-521-36377-2, lire en ligne), p. 350
  17. (en) Steve N.G. Howell et Sophie Webb, A Guide to the Birds of Mexico and Northern Central America, New York, Oxford University Press, (ISBN 0-19-854012-4), p. 174
  18. (en) « Greater Yellow-headed Vulture - BirdLife Species Factsheet », BirdLife International (consulté le )
  19. (en) Alexander Wetmore, « A revision of the American vultures of the genus Cathartes », Smithsonian Miscellaneous Collections, vol. 146, no 6,‎ , p. 15-17 (lire en ligne)
  20. (en) Henry George Liddell et Robert Scott, Greek-English Lexicon, Abridged Edition, Oxford, Oxford University Press, (ISBN 0-19-910207-4)
  21. CongrĂšs ornithologique international
  22. Alan P. Peterson
  23. (en) J.V. Remsen, Jr., C.D. Cadena, A. Jaramillo, M. Nores, J.F. Pacheco, M.B. Robbins, T.S. Schulenberg, F.G. Stiles, D.F. Stotz et K.J. Zimmer, A classification of the bird species of South America, South American Classification Committee, (lire en ligne)
  24. (en) Charles Gald Sibley et Burt L. Monroe, Distribution and Taxonomy of the Birds of the World, Yale University Press, (ISBN 0-300-04969-2)
  25. (en) Per G.P. Ericson, Cajsa L. Anderson, Tom Britton, Andrzej ElĆŒanowski, Ulf S. Johansson, Mari Kallersjö, Jan I. Ohlson, Thomas J. Parsons, Dario Zuccon et Gerald Mayr, « Diversification of Neoaves: integration of molecular sequence data and fossils », Biology Letters,‎ (DOI 10.1098/rsbl.2006.0523)
  26. (en) Shannon J. Hackett, Rebecca T. Kimball, Sushma Reddy, Rauri C. K. Bowie, Edward L. Braun, Michael J. Braun, Jena L. Chojnowski, W. Andrew Cox, Kin-Lan Han, John Harshman, Christopher J. Huddleston, Ben D. Marks, Kathleen J. Miglia, William S. Moore, Frederick H. Sheldon, David W. Steadman, Christopher C. Witt et Tamaki Yuri, « A Phylogenomic Study of Birds Reveals Their Evolutionary History », Science, vol. 320, no 5884,‎ , p. 1763-1768 (DOI 10.1126/science.1157704, lire en ligne)
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