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Gramicidine

La gramicidine est un mélange d'antibiotiques, aussi nommé gramicidine D d'aprÚs René Dubos qui découvrit ce peptide à la fin des années 1930. Ce mélange est composé de gramicidine A (80 %), B (6 %) et C (14 %), et est isolé dans la bactérie Bacillus brevis. C'est un pentadécapeptide composé de 15 acides aminés que l'on retrouve sous forme de chaine linéaire, contrairement à la gramicidine S cyclique. La gramicidine est considérée comme le premier antibiotique naturel découvert et commercialisé.

Gramicidine
Image illustrative de l’article Gramicidine
Identification
Synonymes

Bacillus brevis gramicidin D

No CAS 1405-97-6
No ECHA 100.014.355
No CE 215-790-4
Code ATC R02AB30
DrugBank BTD00036
InChI
Propriétés chimiques
Formule C99H140N20O17 [IsomĂšres]
Masse molaire[1] 1 882,294 7 ± 0,098 1 g/mol
C 63,17 %, H 7,5 %, N 14,88 %, O 14,45 %,
Propriétés physiques
SolubilitĂ© 5×10−7 mol·l-1[2]
Précautions
Directive 67/548/EEC
Nocif
Xn



Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Histoire

En 1939, le microbiologiste franco-américain René Dubos isole la tyrocidine[3] - [4], et démontre ensuite avec Rollin D. Hotchkiss que cette substance est un mélange composé de tyrocidine et de gramicidine[5] - [6] - [7].

Bien que des injections intrapĂ©ritonĂ©ales sur des souris aient montrĂ© que celles-ci Ă©taient protĂ©gĂ©es contre des infections bactĂ©riennes fatales, la gramicidine D est toxique lorsqu'elle est administrĂ©e par voie intraveineuse, et ne peut donc ĂȘtre utilisĂ©e pour traiter des infections systĂ©miques. NĂ©anmoins, la gramicidine D fut utilisĂ©e comme pommade durant la Seconde Guerre mondiale pour traiter des blessures et des ulcĂšres et est encore utilisĂ©e dans certaines prĂ©parations[8].

Au cours de sa quatriÚme année d'étude en chimie à l'université d'Oxford (1946-1947), Margaret Thatcher travaille sur la cristallisation de la gramicidine B, sous la direction de Dorothy Hodgkin (prix Nobel de chimie en 1964)[9].

Structure

Structure primaire

Les gramicidines se prĂ©sentent sous la forme de pentadĂ©capeptides linĂ©aires, de masse molaire d'environ 1 900 g·mol−1. La structure primaire est constituĂ©e de 15 acides aminĂ©s, alternant les conformations L- et D-, avec un groupement formyl en position N-terminale et une fonction alcool en position C-terminale[10] :

Dans le mĂ©lange gramicidine D, l'espĂšce prĂ©dominante est la gramicidine A (80 %), oĂč l'acide aminĂ© en position 11 (dĂ©notĂ© X dans la sĂ©quence) se trouve ĂȘtre un rĂ©sidu L-Trp. Les gramicidines B et C prĂ©sentent elles respectivement des rĂ©sidus L-Phe et L-Tyr en position 11. De plus, il faut noter qu'en position 1, le rĂ©sidu L-Val est remplacĂ© par le L-Ile dans 5 Ă  20 % des molĂ©cules.

Cette sĂ©quence est l'une des plus hydrophobes connues[11], et par consĂ©quent la solubilitĂ© dans l'eau de la gramicidine est trĂšs faible, de l'ordre de 5×10−7 mol·l-1[2].

Structure secondaire

formes en double hélice et simple hélice dimérique de la gramicidine D
Représentation schématique des structures de la gramicidine D en double hélice (gauche) et simple hélice dimérique (droite)

La particularité de l'alternance d'acides aminés L- et D- dans la structure primaire de la gramicidine implique une grande sensibilité quant à l'environnement dans lequel est placé le peptide. Deux formes principales ont été observées : la forme dimérique en simple hélice et la forme dimérique en double hélice :

  • Dans la forme double hĂ©lice, les deux chaĂźnes polypeptidiques forment entre elles une sĂ©rie de liaisons hydrogĂšne intermolĂ©culaires sur toute la longueur des chaĂźnes (sous la forme de feuillets bĂȘta parallĂšles ou antiparallĂšles) et sont enroulĂ©es sous forme d'hĂ©lice. Cette structure est dĂ©crite comme structure ππ5,6 ou ππ6,4 (l'exposant indiquant le nombre d'acides aminĂ©s par tour dans chaque hĂ©lice monomĂ©rique). La version antiparallĂšle de la double hĂ©lice est dĂ©signĂ©e comme Ă©tant la forme poreuse[12] ;
  • Dans la forme simple hĂ©lice, chacune des deux chaĂźnes polypeptidiques forment aussi des liaisons hydrogĂšne, mais principalement de maniĂšre intramolĂ©culaire. Les acides aminĂ©s en position N-terminale forment six liaisons hydrogĂšne intermolĂ©culaires qui permettent d'associer les deux monomĂšres[13]. Cette structure est dĂ©crite comme structure ÎČÎČ6,3 (de mĂȘme que prĂ©cĂ©demment, l'exposant indiquant le nombre d'acides aminĂ©s par tour dans chaque hĂ©lice monomĂ©rique). Cette forme est dĂ©signĂ©e comme Ă©tant la forme canal[12]. Le diamĂštre de ce canal est de l'ordre de 4 Å, et la longueur du dimĂšre atteint 26 Å, du mĂȘme ordre de grandeur que la partie hydrophobe de la bicouche lipidique de la membrane plasmique[14].

Mode d'action

Les gramicidines linéaires sont une famille d'antibiotiques de type porine dont l'activité antibactérienne s'exerce par l'augmentation de la perméabilité cationique de la membrane plasmique de la bactérie cible[15]. Cette perméabilité est due à la formation de canaux au travers de la bicouche lipidique[16], du fait de la structure en hélice de la gramicidine dimérique.

Activité antibactérienne

La gramicidine est active contre les bactĂ©ries Ă  gram positif, exceptĂ© la bactĂ©rie Bacilli, et contre les organismes Ă  gram nĂ©gatif, comme les bactĂ©ries Neisseria. Cette activitĂ© antibactĂ©rienne est utilisĂ©e comme antimicrobien, antimycosique et antiprotozoaire (en), et ce depuis sa dĂ©couverte[6]. Divers agents pathogĂšnes de maladies sexuellement transmissibles comme Neisseria gonorrhoeae, Candida albicans et Chlamydia trachomatis sont connus pour ĂȘtre sensibles Ă  cet antibiotique.

Activité antivirale

La gramicidine est étudiée comme antiviral, et présente une activité contre le VIH[17] et l'herpÚs[18] à des concentrations de l'ordre du nanogramme.

Utilisation clinique

Bien que d'un intĂ©rĂȘt limitĂ© de nos jours, la gramicidine fut le premier antibiotique naturel dĂ©couvert et commercialisĂ©[8]. La gramicidine n'irrite pas les muqueuses et est peu absorbĂ©e Ă  travers la peau.

Notes et références

  1. Masse molaire calculĂ©e d’aprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. (en) G. Kemp, K. A. Jacobson et C. E. Wenner, « Solution and interfacial properties of gramicidin pertinent to its effect on membranes », Biochim. Biophys. Acta, Biomembr., vol. 255, no 2,‎ , p. 493-501 (ISSN 0005-2736, DOI 10.1016/0005-2736(72)90153-8)
  3. (en) R. J. Dubos, « Studies on a bactericidal agent extracted from a soil bacillus I. Preparation of the agent. Its activity in vitro », J. Exp. Med., vol. 70, no 1,‎ , p. 1-10 (ISSN 1540-9538, DOI 10.1084/jem.70.1.1, lire en ligne)
  4. (en) R. J. Dubos, « Studies on a bactericidal agent extracted from a soil bacillus II. Protective Effect of the Bactericidal Agent against Experimental Pneumococcus Infections in Mice », J. Exp. Med., vol. 70, no 1,‎ , p. 11-17 (ISSN 1540-9538, DOI 10.1084/jem.70.1.11, lire en ligne)
  5. (en) R. D. Hotchkiss et R. J. Dubos, « Bactericidal Fractions from an Aerobic Sporulating Bacillus », J. Biol. Chem., vol. 136, no 3,‎ , p. 803-804 (ISSN 0021-9258, lire en ligne)
  6. (en) R. J. Dubos et R. D. Hotchkiss, « The Production of Bactericidal Substances by Aerobis Sporulating Bacilli », J. Exp. Med., vol. 73, no 5,‎ , p. 629-640 (ISSN 1540-9538, DOI 10.1084/jem.73.5.629, lire en ligne)
  7. (en) R. D. Hotchkiss et R. J. Dubos, « The Isolation of Bactericidal Substance from Cultures of Bacillus brevis », J. Biol. Chem., vol. 141, no 1,‎ , p. 155-162 (ISSN 0021-9258, lire en ligne)
  8. (en) H. L. Van Epps, « RenĂ© Dubos: unearthing antibiotics », J. Exp. Med., vol. 203, no 2,‎ , p. 259 (ISSN 1540-9538, DOI 10.1084/jem.2032fta, lire en ligne)
  9. (en) Margaret Thatcher, The path to power, New York, HarperCollins, , 656 p. (ISBN 0-06-092732-1), p. 39
  10. (en) R. Sarges et B. Witkop, « Gramicidin A. V. The Structure of Valine- and Isoleucine-gramicidin A », J. Am. Chem. Soc., vol. 87, no 9,‎ , p. 2011-2020 (ISSN 0002-7863, DOI 10.1021/ja01087a027)
  11. (en) J. P. Segrest et R. J. Feldmann, « Membrane proteins: Amino acid sequence and membrane penetration », J. Mol. Biol., vol. 87, no 4,‎ , p. 853-858 (ISSN 0022-2836, DOI 10.1016/0022-2836(74)90090-4)
  12. (en) B. A. Wallace, « Recent Advances in the High Resolution Structures of Bacterial Channels: Gramicidin A », J. Struct. Biol., vol. 121, no 2,‎ , p. 123-141 (ISSN 1047-8477, DOI 10.1006/jsbi.1997.3948)
  13. (en) A. M. O'Connell, R. E. Koeppe et O. S. Andersen, « Kinetics of gramicidin channel formation in lipid bilayers: transmembrane monomer association », Science, vol. 250, no 4985,‎ , p. 1256-1259 (ISSN 0036-8075, DOI 10.1126/science.1700867)
  14. (en) J. A. Killian, « Gramicidin and gramicidin–lipid interactions », Biochim. Biophys. Acta, Biomembr., vol. 1113,‎ , p. 391–425 (ISSN 0005-2736)
  15. (en) F. M. Harold et J. R. Baarda, « Gramicidin, Valinomycin, and Cation Permeability of Streptococcus faecalis », J. Bacteriol., vol. 94, no 1,‎ , p. 53-60 (ISSN 0021-9193, lire en ligne)
  16. (en) S. B. Hladky et D. A. Haydon, « Discreteness of Conductance Change in Bimolecular Lipid Membranes in the Presence of Certain Antibiotics », Nature, vol. 225, no 5231,‎ , p. 451-453 (ISSN 0028-0836, DOI 10.1038/225451a0)
  17. (en) A. S. Bourinbaiar et S. Lee-Huang, « Comparative in vitro study of contraceptive agents with anti-HIV activity: Gramicidin, nonoxynol-9, and gossypol », Contraception, vol. 49, no 2,‎ , p. 131-137 (ISSN 0010-7824, DOI 10.1016/0010-7824(94)90088-4)
  18. (en) A. S. Bourinbaiar et C. F. Coleman, « The effect of gramicidin, a topical contraceptive and antimicrobial agent with anti-HIV activity,against herpes simplex viruses type 1 and 2 in vitro », Arch. Virol., vol. 142, no 11,‎ , p. 2225-2235 (ISSN 0304-8608, DOI 10.1007/s007050050237)
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