GrĂma
GrĂma, surnommĂ© « Langue-de-Serpent » (Wormtongue en anglais), est un personnage du Seigneur des anneaux de J. R. R. Tolkien. Cet homme du peuple des Rohirrim est le proche conseiller du roi ThĂ©oden de Rohan, qu'il trahit au profit du mage Saroumane. Grima est l'archĂ©type du sycophante, flatteur, menteur, sournois et manipulateur.
Histoire
GrĂma, fils de GálmĂłd, est nĂ© dans le courant du Troisième Ă‚ge. Tolkien le dĂ©crit comme « un homme au teint livide », aux lourdes paupières, yeux sombres et une langue pâle[1]. D'abord serviteur fidèle Ă la cour du roi ThĂ©oden, il tombe finalement sous l'influence de Saroumane, et travaille dès lors Ă affaiblir ThĂ©oden et son royaume par le mensonge et la persuasion. Il le trahit en l'empoisonnant et en l'abreuvant de mensonges pour que celui-ci ne s'oppose pas au plan d'invasion du Rohan, par Saroumane.
Il est largement détesté à Edoras, où tout le monde excepté Théoden l'appelle « Langue-de-Serpent » à cause de ses paroles malveillantes (comme dans l'expression « langue de vipère »). Gandalf le compare à plusieurs reprises à un serpent :
« Un sage ne parle que de ce qu’il sait, GrĂma fils de GálmĂłd. Tu n’es plus qu’un serpent sans cervelle. Tais-toi donc, et garde ta langue fourchue derrière tes dents.[1]. »
Le T. Ă‚., GrĂma est capturĂ© par les NazgĂ»l alors qu'il se rend en Isengard afin d'informer Saruman de l'arrivĂ©e de Gandalf Ă Edoras, après que celui-ci a fui depuis le sommet de la tour d'Orthanc oĂą Saroumane l'avait retenu contre son grĂ©. GrĂma est interrogĂ© et divulgue les plans de Saroumane, en particulier son intĂ©rĂŞt pour le ComtĂ© et son emplacement. Jusqu'alors l'emplacement du ComtĂ© Ă©tait inconnu des NazgĂ»l, mais ils connaissaient le nom de Bilbo, « Bessac », dont ils pensent qu'il a encore l'Anneau unique. GrĂma est relâchĂ©, mais seulement parce que le Roi-Sorcier d'Angmar sait qu'il n'osera parler Ă quiconque de leur rencontre et qu'il peut nuire Ă Saroumane dans le futur. Les NazgĂ»l partent aussitĂ´t pour le ComtĂ© et GrĂma continue sa route pour aller trouver son maĂ®tre avant de retourner Ă Edoras[2].
Durant sa mission Ă Edoras, il tente en vain de sĂ©duire Éowyn, nièce du roi ThĂ©oden, qui est la rĂ©compense promise par son maĂ®tre[1]. Le frère de celle-ci Éomer menace alors GrĂma de mort ; GrĂma cherche dès lors Ă le discrĂ©diter Ă la cour[1]. Il le fait ainsi enfermer au nom du roi pour avoir combattu, sans son consentement, les orques de Saroumane, et pour avoir menacĂ© de mort GrĂma dans Meduseld[1].
Les plans de GrĂma sont dĂ©jouĂ©s par l'arrivĂ©e de Gandalf le Blanc. Par un flash de lumière, Gandalf l'assomme, et convainc le roi qu'il n'est pas aussi faible que son conseiller le lui a fait croire[1]. Lors du rĂ©tablissement de ThĂ©oden, « [des] choses qui ont pu manquer Ă d’autres » sont retrouvĂ©es dans le coffre verrouillĂ© de GrĂma, notamment l'Ă©pĂ©e du roi, Herugrim. ThĂ©oden dĂ©cide de rejoindre les guĂ©s de l'Isen pour combattre les forces de Saruman. Il laisse alors le choix Ă GrĂma : prouver sa loyautĂ© et de partir en guerre avec lui, ou partir en exil et rejoindre son maĂ®tre. GrĂma choisit finalement de partir retrouver Saroumane Ă Orthanc[1].
GrĂma, exilĂ©, chevauche rejoindre son maĂ®tre en Isengard, mais celui-ci a dĂ©jĂ Ă©tĂ© vaincu par les Ents lors de la bataille de l'Isengard. Saroumane est retenu prisonnier dans la tour d'Orthanc. En chemin, GrĂma est interceptĂ© par Barbebois qui surveille le lac formĂ© autour d'Orthanc Ă la suite de la submersion de l'Isengard, provoquĂ© par les Ents. Il tente de convaincre l'Ent qu'il est venu comme messager de ThĂ©oden. Mais ni Barbebois, ni Merry et Pippin ne croient ses paroles. GrĂma est forcĂ© de traverser le lac et de se rĂ©fugier dans la tour avec son maĂ®tre[3].
Après la bataille de la FertĂ©-au-Cor, une compagnie dirigĂ©e par ThĂ©oden et Gandalf parvient au pied de l'Isengard. Saroumane tente de rallier l'amitiĂ© de ThĂ©oden et Éomer, usant pour ça de son pouvoir de persuasion, mais sans succès. Gandalf tente alors de persuader Saroumane de rejoindre le combat contre Sauron, mais devant son refus et son mĂ©pris, Gandalf le destitue de l'Ordre des Mages. GrĂma assiste Ă cet Ă©change de l'intĂ©rieur d'Orthanc. Alors que la troupe se sĂ©pare, il jette le palantĂr d'Orthanc depuis une fenĂŞtre pour blesser l'un des protagonistes, sans connaitre la grande valeur de l'objet pour Saroumane, au grand dĂ©sespoir de celui-ci[4].
Durant tout le reste de la Guerre de l'Anneau, il reste enfermĂ© avec Saroumane dans la tour d'Orthanc, Ă©troitement surveillĂ© par les Ents. Finalement, Sauron finit par ĂŞtre vaincu et Aragorn est couronnĂ©. Après s'ĂŞtre mariĂ© avec Arwen, il raccompagne Elrond, Galadriel, Gandalf, et les quatre hobbits vers l'Eriador, et la compagnie s'arrĂŞte en Isengard, oĂą ils apprennent de la bouche de Barbebois que Saroumane et GrĂma ont Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s. Barbebois ne cache pas s'ĂŞtre fait prendre par la voix persuasive de Saroumane[5]. La compagnie poursuit son chemin vers l'Eriador, et sur la route, ils croisent GrĂma et Saroumane. Alors que la compagnie chemine au nord, vers Fendeval, Saroumane et GrĂma se dirigent vers le ComtĂ©[6]. Saroumane s'y installe sous le nom de Sharcoux, avec l'aide du hobbit Lotho Bessac-Descarcelle, et obtient la mainmise sur tout le pays. GrĂma accomplit de basses besognes en son nom, mais il est traitĂ© comme un chien par son maĂ®tre. Finalement, lorsque les quatre hobbits reviennent en ComtĂ©, ils le dĂ©couvrent ravagĂ©. Merry et Pippin dĂ©clenchent la bataille de Belleau, et les hobbits finissent par retrouver Saroumane et GrĂma. Frodo tente de rallier une nouvelle fois GrĂma Ă sa cause, pensant qu'il n'est pas responsable de l'Ă©tat du pays, mais Saroumane lui apprend que GrĂma a, entre autres, assassinĂ© Lotho Bessac-Descarcelle, puis l'a enterrĂ©, suggĂ©rant mĂŞme qu'il ait pu le dĂ©vorer car il Ă©tait affamĂ©. Celui-ci, enragĂ© d'entendre son ancien maĂ®tre parler de lui ainsi, lui saute dessus et lui tranche la gorge, avant d'ĂŞtre abattu par trois flèches d'archers hobbits[7].
Nom
En vieil anglais et en islandais, grĂma signifie « masque, visière »[8] et « spectre »[9], nom appropriĂ© pour un conseiller trompeur au teint pâle. Il est possible qu'il existe Ă©galement une connexion avec le mot anglais grim, qui signifie entre autres « rĂ©pugnant »[10].
Il est possible que Tolkien se soit inspiré du nom du personnage Gunnlaug Langue de Serpent, héros de la saga islandaise La Saga de Gunnlaug Langue de Serpent[11], qu'il a pu connaitre par l'intermédiaire de la traduction faite par William Morris, auteur qui l'a fortement influencé, notamment pour Le Seigneur des anneaux[12].
Composition
Tolkien n'avait pas prĂ©vu le personnage de Langue-de-Serpent. Celui-ci n'apparaĂ®t que dans la première version du chapitre « Le roi de la Salle DorĂ©e », mais il n'y joue encore aucun rĂ´le : la plupart de ses rĂ©pliques sont tout d'abord attribuĂ©es Ă ThĂ©oden lui-mĂŞme, et il faut attendre une rĂ©vision ultĂ©rieure pour le voir devenir le traĂ®tre qu'il restera. Son vĂ©ritable nom est alors Frána, qui n'est remplacĂ© par GrĂma que beaucoup plus tard[13]. Avant son apparition, c'est Boromir qui assume le rĂ´le du traĂ®tre dans le rĂ©cit[14].
Inspirations et critiques
Le personnage de GrĂma prĂ©sente des points communs avec Unferth, le conseiller du roi HroĂ°gar dans le poème anglo-saxon Beowulf. De façon gĂ©nĂ©rale, la description de Meduseld et l'arrivĂ©e d'Aragorn et de ses compagnons Ă la cour de ThĂ©oden est clairement inspirĂ©e de l'arrivĂ©e de Beowulf Ă Heorot dans le poème[15]. Marjorie Burns voit Ă©galement en lui des Ă©chos de Bikki, le conseiller du roi Jörmunrekk dans le SigurĂ°arkviĂ°a hin skamma[16]. Emmanuelle Poulain-Gautret rapproche quant Ă elle GrĂma de Ganelon, « traĂ®tre dĂ©signĂ© » de la Chanson de Roland. Le traitement des deux personnages est similaire. Ils reprĂ©sentent tous deux le traĂ®tre franc, celui qui se vend Ă l'adversaire malgrĂ© sa fidĂ©litĂ© Ă son roi. Cependant, Ganelon est d'abord dĂ©crit comme un personnage noble, dont la traĂ®trise est voilĂ©e, alors que la description de GrĂma affiche dès le dĂ©but sa duplicitĂ©[17].
Dans son article sur les pĂ©chĂ©s capitaux dans l'Ĺ“uvre de Tolkien, Charles W. Nelson dĂ©finit GrĂma comme le reprĂ©sentant du pĂ©chĂ© de luxure selon la description qu'en fait John Gower dans son ouvrage Confessio Amantis, notamment lorsqu'il est question de son dĂ©sir pour Éowyn[18].
Dans l'Ĺ“uvre mĂŞme de Tolkien, GrĂma est comparĂ© au personnage de Gollum : ce dernier finit par trahir Frodon Sacquet, tout comme GrĂma trahit son maĂ®tre Saroumane[19].
Adaptations
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Dans l'adaptation animĂ©e du Seigneur des anneaux de Ralph Bakshi en 1978, GrĂma est interprĂ©tĂ© par Michael Deacon. Dans la sĂ©rie de la BBC de 1981, c'est Paul Brooke qui lui prĂŞte sa voix.
Dans l'adaptation de Peter Jackson, Grima est jouĂ© par Brad Dourif. Selon Dourif, Jackson l'a encouragĂ© Ă se raser les sourcils pour que le public ait immĂ©diatement une rĂ©action de malaise en voyant le personnage. Son surnom devient « Langue de Vipère » dans le doublage quĂ©bĂ©cois des films. Sa mort n'apparaĂ®t que dans la version longue du Retour du roi et ne se dĂ©roule pas dans la ComtĂ©, mais Ă Orthanc : ThĂ©oden l'encourage Ă se libĂ©rer de l'influence du mage, mais Saroumane le gifle et lui annonce qu'il ne sera plus jamais libre. GrĂma poignarde alors le mage, pour ĂŞtre Ă son tour aussitĂ´t transpercĂ© par une flèche de Legolas.
Dans le jeu vidĂ©o Le Seigneur des Anneaux : Le Tiers-Ă‚ge, GrĂma est un boss rencontrĂ© par le joueur dans la salle du village. Il utilise des sorts puissants qui drainent des points d'action, blessant le joueur ciblĂ©. Dans le jeu La Bataille pour la Terre du Milieu II, GrĂma est un hĂ©ros de la faction Isengard pouvant affaiblir, assassiner, et convertir des unitĂ©s ennemies. Dans Le Seigneur des Anneaux : L'Ă‚ge des conquĂŞtes, GrĂma est un hĂ©ros jouable du type Ă©claireur.
Références
- (en)/(es) Cet article est partiellement ou en totalité issu des articles intitulés en anglais « Grima » (voir la liste des auteurs) et en espagnol « Grima » (voir la liste des auteurs).
- Le Seigneur des anneaux, « Le roi de la Salle Dorée ».
- Contes et légendes inachevés, « La Quête de l'Anneau ».
- Le Seigneur des anneaux, « Épaves et rebuts ».
- Le Seigneur des anneaux, « La voix de Saruman ».
- Le Seigneur des anneaux, p. 1044.
- Le Seigneur des anneaux, p. 1048.
- Le Seigneur des anneaux, p. 1086.
- The War of the Ring, note 6, p. 355.
- Bosworth, Joseph, Toller, T. Northcote, « grĂma », An Anglo-Saxon Dictionary (Online), Prague, Charles University
- Bosworth, Joseph, Toller, T. Northcote, « EORL », An Anglo-Saxon Dictionary (Online), Prague, Charles University
- Hammond & Scull, p. 601.
- Lettres no 226, p. 303.
- The Treason of Isengard, p. 445.
- The Treason of Isengard, p. 210-214.
- Reader's Companion, p. 404-405.
- Burns 2005, p. 190-191.
- Poulain-Gautret 2007, p. 47.
- Nelson 2000, p. 92.
- The Lord of the Rings: The Mythology of Power, p. 73.
Bibliographie
- Sources primaires :
- J. R. R. Tolkien (trad. Francis Ledoux, Tina Jolas), Le Seigneur des anneaux [« The Lord of the Rings »] [détail des éditions].
- J. R. R. Tolkien (trad. Tina Jolas), Contes et légendes inachevés [« Unfinished Tales of Númenor and Middle-earth »] [détail des éditions].
- J. R. R. Tolkien, Christopher Tolkien et Humphrey Carpenter (trad. Delphine Martin et Vincent Ferré), Lettres [« Letters of J.R.R. Tolkien »] [détail des éditions].
- (en) J. R. R. Tolkien et Christopher Tolkien, The Treason of Isengard, HarperCollins, , 504 p. (ISBN 0-261-10220-6).
- (en) J. R. R. Tolkien et Christopher Tolkien, The War of the Ring, HarperCollins, , 476 p. (ISBN 0-261-10223-0).
- Sources secondaires :
- (en) Marjorie Burns, Perilous Realms : Celtic and Norse in Tolkien's Middle-earth, University of Toronto Press, , 225 p. (ISBN 0-8020-3806-9)
- (en) Jane Chance, The Lord of the Rings : The Mythology of Power, Lexington (Ky.), University Press of Kentucky, , 162 p. (ISBN 0-8131-9017-7, lire en ligne).
- (en) Wayne G. Hammond et Christina Scull, The Lord of the Rings: A Reader's Companion, HarperCollins, (ISBN 0-00-720907-X).
- (en) Wayne G. Hammond et Christina Scull, The J.R.R. Tolkien Companion and Guide: Reader's Guide, Houghton Mifflin, , 1256 p. (ISBN 978-0-618-39101-1).
- Emmanuelle Poulain-Gautret, « Détruire et venger, de certaines satisfactions « épiques », de la Chanson de Roland au Seigneur des Anneaux », dans Anne Besson, Actes du Colloque du CRELID Fantasy : le merveilleux médiéval aujourd'hui, Bragelonne, (ISBN 2352940532, lire en ligne).
- (en) Charles W. Nelson, « The Sins of Middle-earth : Tolkien's Use of Medieval Allegory », dans Georges Clark, Daniel Timmons, J.R.R. Tolkien and His Literary Resonances: Views of Middle-earth, Greenwood Publishing Group, (ISBN 0313308454, lire en ligne).