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Glycoprotéine P

La glycoprotéine P, aussi appelée P-GP ou "Permeability-GlycoProtein" en anglais, est une glycoprotéine provoquant un phénomène de multirésistance aux médicaments (multi-drug resistance en anglais).

Découverte dans les années 1980[1], l’existence de cette protéine a été révélée lors d’expérimentation sur les causes de la résistance aux agents chimiothérapeutiques de certaines tumeurs.

Ses caractéristiques

Schéma de la glycoprotéine P

La glycoprotéine P est un transporteur transmembranaire de la membrane plasmique. Elle appartient à la super-famille des transporteurs ABC; ABC signifiant ATP Binding Cassette. Cette famille regroupe, chez l’humain, 48 protéines codant des récepteurs possédant un ou plusieurs domaines de liaison de l’adénosine triphosphate (ATP) et où ce domaine présente une homologie entre les différentes protéines. La glycoprotéine P est synthétisée par le gène ABCB1 situé sur le chromosome 7 humain. Dans la littérature, la glycoprotéine P possède de nombreux synonymes tel le récepteur MDR1 et le récepteur ABC20.

La glycoprotéine P (souvent nommé par son abréviation P-gp) se retrouve principalement au niveau des cellules du tubule contourné proximal du rein, des cellules de l’intestin, des trophoblastes du placenta et de l’endothélium de la barrière hémato-encéphalique[2] et hémato-testiculaire. De plus, des études plus récentes ont démontré la présence de glycoprotéine P à la surface des lymphocytes du système immunitaire.

Membres de la superfamille des récepteurs ABC
ABCAABCBABCCABCD/E/F/G
ABCA1ABCB1ABCC1ABCD1
ABCA2ABCB2ABCC2ABCD2
ABCA3ABCB3ABCC3ABCD3
ABCA4ABCB4ABCC4ABCD4
ABCA5ABCB5ABCC5ABCE1
ABCA6ABCB6ABCC6ABCF1
ABCA7ABCB7CFTRABCF2
ABCA8ABCB8ABCC8ABCF3
ABCA9ABCB9ABCC9ABCG1
ABCA10ABCB10ABCC10ABCG2
ABCA12ABCB11ABCC11ABCG4
ABCA13ABCC12ABCG5
ABCG8

Ce transporteur est constituĂ© d’un seul monomère, formĂ© de 12 domaines transmembranaires (dodĂ©cahĂ©licoĂŻdal) et de deux sites de liaisons nuclĂ©otidiques. Ces derniers sont situĂ©s entre les domaines transmembranaires 6 et 7 et après le domaine transmembranaire 12. Les parties amino et carboxyterminale de la protĂ©ine se situent dans le cytoplasme. Ces domaines interagissent ensemble pour former, dans la membrane plasmique, un pore, possĂ©dant sur sa face cytoplasmique, les deux domaines de liaison Ă  l’ATP[3]. Les substrats de la glycoprotĂ©ine P sont nombreux, mais ils sont caractĂ©risĂ©s par leur nature hydrophobe ou amphiphile et un poids molĂ©culaire entre 330 et 4 000 Da[3]. Les substrats se lient aux domaines 6, 11 et 12 du pore, provoquant l’exposition des sites de liaison nuclĂ©otidique. Un ATP vient ainsi se lier sur un de ces domaines, provoquant un changement de conformation des domaines transmembranaires rĂ©sultant en l’ouverture du pore et l’expulsion du substrat. Les domaines nuclĂ©otidiques fonctionnent de façon alternĂ©e, la liaison de l’ATP Ă  un des sites inhibant le deuxième. Ainsi, la glycoprotĂ©ine P nĂ©cessite un ATP par substrat pour l’éjecter.

Ses fonctions

La protéine agit en tant que pompe ATPase, soit une pompe capable d’expulser, grâce à l’énergie fournie par l’ATP, des substrats spécifiques. Ces substrats sont soit des molécules endogènes de la cellule comme des hormones ou des substances exogènes xénobiotiques. Ces dernières sont souvent des agents chimiothérapeutiques, des inhibiteurs de la protéase virale du VIH ainsi que de nombreux médicaments (Voir la référence 4 pour un tableau détaillé des différents substrats)

Ses impacts en médecine

La glycoprotéine P, de par sa fonction, a plusieurs répercussions cliniques.

  • Tout d’abord, elle a un rĂ´le dans la maladie d'Alzheimer. Il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que la bĂŞta-amyloĂŻde est un des substrats de la glycoprotĂ©ine P et que le rĂ©cepteur contribue ainsi Ă  l’évacuation de cette substance neurotoxique reconnue pour induire la maladie.
  • Il a Ă©galement Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que la glycoprotĂ©ine P est prĂ©sente Ă  la surface des lymphocytes CD4+ et CD8+ et qu’elle entraĂ®nerait une rĂ©sistance aux divers inhibiteurs de la protĂ©ase virale du VIH par excrĂ©tion de ceux-ci Ă  l’extĂ©rieur de ces cellules. La protĂ©ine aurait donc un rĂ´le dans l’échec de la trithĂ©rapie chez une portion des patients atteint du SIDA.
  • Elle influence la biodisponibilitĂ© de nombreux mĂ©dicaments, par le pompage de ceux-ci vers la lumière du système digestif. Ceux-ci pĂ©nètrent donc dans l’organisme de façon rĂ©duite et de ce fait, ne sont pas en mesure d’effectuer leur action. Cela est notamment le cas de la digoxine, un mĂ©dicament utilisĂ© pour les troubles cardiovasculaires et du lopĂ©ramide, l’agent actif de l’Imodium™, un mĂ©dicament utilisĂ© pour traiter les dĂ©sordres intestinaux. Il est important de spĂ©cifier que la glycoprotĂ©ine P possède un polymorphisme chez l’humain, amenant des variations interindividuelles de l’absorption de certains mĂ©dicaments. Ce polymorphisme explique en partie la sensibilitĂ© accrue de certaines populations envers de nombreux mĂ©dicaments.
  • Un des substrats de la glycoprotĂ©ine P est la ciclosporine A[4], un puissant immunosuppresseur utilisĂ© notamment lors des greffes d’organe pour rĂ©duire les risques de rejet. La recherche scientifique a mis en Ă©vidence l’augmentation de l’expression dans la glycoprotĂ©ine P Ă  la surface des cellules du tissu greffĂ© et une augmentation du taux de rejet de ces organes.
  • La protĂ©ine est impliquĂ©e dans le phĂ©nomène de multirĂ©sistance des cellules cancĂ©reuses aux agents chimiothĂ©rapeutiques conventionnels. Ce rĂ´le a Ă©tĂ© confirmĂ© par des Ă©tudes prouvant qu’une inhibition du rĂ©cepteur provoquait une augmentation notable de la chimiosensibilitĂ© des cellules cancĂ©reuses face Ă  ces agents. Elle interagit avec les anti-Ĺ“strogènes et les hormones stĂ©roĂŻdiennes connus pour moduler cette multirĂ©sistance[5].
  • Elle contribue au relargage de cytokine pas les monocytes[6], participant ainsi Ă  l'inflammation..

Le phénomène MDR

Il s'agit de la capacité de résistance aux agents anticancéreux que présentent certaines tumeurs. Ce phénomène peut être de type primaire ou secondaire. Le type primaire est caractérisé par une résistance initiale des cellules cancéreuses à tout agent chimiothérapeutique. Le type secondaire est quant à lui induit par l’exposition des cellules cancéreuses, initialement chimiosensibles, à un agent chimiothérapeutique. Cette exposition provoque l’apparition de la multirésistance aux agents chimiothérapeutiques. Une exposition à une seule molécule anticancéreuse suffit pour induire une résistance contre toute une classe de molécules. La littérature scientifique s'accorde pour affirmer que la glycoprotéine P est l'une des protéines responsables de ce phénomène[7], le phénomène ayant été observé tant chez la souris que chez l'humain, et plus exactement chez tous les mammifères.

Depuis sa découverte, de nombreux inhibiteurs de la glycoprotéine P ont été recensés. Cependant, le principal obstacle à leur utilisation est lié au fait que leur pouvoir inhibiteur sur la glycoprotéine P est lié à de forts effets secondaires ou qu’il nécessite une importante concentration cellulaire, cytotoxique in vivo. De nombreuses molécules sont à la fois des substrats et des inhibiteurs de la glycoprotéine P. C’est le cas du vérapamil, qui est le premier inhibiteur de la glycoprotéine P à avoir été découvert. Cependant, il s’agit d’un médicament utilisé dans la régulation du rythme cardiaque et ayant donc des effets sur le système cardiovasculaire, son utilisation en tant qu’inhibiteur de la glycoprotéine P s’avère impossible.

Chez les chiens de races bergères[8] - [9] (bergers des Shetland, borders collies, bergers australiens ...), la sensibilité MDR1 est connue depuis longtemps et concerne le gène nt230 (del4). La principale cause d'intoxication est due chez eux aux avermectines[10] (dont l'ivermectine[11], utilisée en médecine vétérinaire comme antiparasitaire) et au lopéramide chlorhydrate (anti-diarrhéique). Un test génétique peut être pratiqué pour identifier les animaux sensibles, lesquels risquent la mort s'ils sont mis en présence de ces molécules. Fort heureusement, des alternatives existent pour les spécialités pharmaceutiques concernées, et il est aisé de les éviter chez les animaux non testés.

Le jus d'orange contient des molécules inhibitrices de la P-gp

Certains produits naturels sont reconnus pour contenir des molécules inhibitrices de la glycoprotéine P. Il s’agit notamment du jus de pamplemousse, du millepertuis, du jus de raisin et des herbes chinoises. Cependant, il n'existe à l'heure actuelle aucune donnée démontrant clairement les effets chimiosensibilisants d'un régime alimentaire à haute teneur en ces différents produits.

Le mécanisme de cette résistance est probablement multiple : séquestration du médicament antitumoral dans les lysozomes[12], intervention de l'actine[13].

Les axes de recherche

La recherche sur la glycoprotéine P est présente surtout dans le domaine pharmacologique, où il y a une recherche de molécules capable d’inhiber spécifiquement cette pompe sans causer d’effets secondaires sévères. Une des molécules à l’essai est le PSC833, une molécule analogue de la ciclosporine A n’ayant aucun pouvoir immunosuppresseur. Le regadenoson, un agoniste des récepteurs à l'adénosine diminue l'expression de la glycoprotéine P[14] et pourrait donc avoir un impact thérapeutique.

De façon plus spécifique, la recherche de l’impact du polymorphisme de la glycoprotéine P sur l’absorption des médicaments chez certaines populations est un des sujets étudié en pharmacogénomique, le domaine de la pharmacologie se destinant à l’analyse des divergences pharmacologiques induites par les caractéristiques génomiques des individus.

Notes et références

  1. (en) Juliano et Ling, « A surface glycoprotein modulating drug permeability in Chinese hamster ovary cell mutants », Biochimica et Biophysica Acta, no 455,‎
  2. Beaulieu E, Demeule M, Ghitescu L, Beliveau R, P-glycoprotein is strongly expressed in the luminal membranes of the endothelium of blood vessels in the brain, Biochem J, 1997;326(pt 2):539–544
  3. Aller SG, Yu J, Ward A et al. Structure of P-glycoprotein reveals a molecular basis for poly-specific drug binding, Science, 2009;323:1718–1722
  4. Jette L, Potier M, Beliveau R, P-glycoprotein is a dimer in the kidney and brain capillary membranes: effect of cyclosporin A and SDZ-PSC833, Biochemistry, 1997;36:13929–13937
  5. Rao US, Fine RL, Scarborough GA, Antiestrogens and steroid hormones: Substrates of the human P-glycoprotein, Biochem Pharmacol, 1994;48:287–292
  6. Pawlik A, Gawrońska-Szklarz B, Baśkiewicz-Masiuk M, Machaliński B, Safranow K, Involvement of P-glycoprotein in the release of cytokines from peripheral blood mononuclear cells treated with methotrexate and dexamethasone, J Pharm Pharmacol, 2005;57:1421–1425
  7. Gottesman MM, Ling V, The molecular basis of multidrug resistance in cancer: the early years of P-glycoprotein research, FEBS Lett, 2006;580:998–1009
  8. Arnaud Muller et Eric Guaguère, « Particularités thérapeutiques raciales », XXVIIèmes journées annuelles du GEDAC : Dermatologie raciale,‎ , pp 20-24.
  9. (en) Gramer I & Coll, « Breed distribution of the nt230(del4) MDR1 mutation in dogs. », Vet J, no 189,‎ , p. 67-71 (lire en ligne).
  10. (en) Merola VM, Eubrig PA, Toxicology of avermectins and mylbemycins (macrocyclic lactones) and the rĂ´le of P-glycoprotein in dogs and cats. Vet Clin North Am Small AnimPract. (no 42), , p. 313-333.
  11. (en) Hugnet C & Coll., Pratique Vét , 46 : Toxicité de l’ivermectine chez le chien : conduite à tenir., , p. 666-668
  12. Yamagishi T, Sahni S, Sharp DM, Arvind A, Jansson PJ, Richardson DR, P-glycoprotein mediates drug resistance via a novel mechanism involving lysosomal sequestration, J Biol Chem, 2013;288:31761–31771
  13. Fu D, Roufogalis BD, Actin disruption inhibits endosomal traffic of P-glycoprotein-EGFP and resistance to daunorubicin accumulation, Am J Physiol Cell Physiol, 2007;292:C1543–C1552
  14. Kim DG, Bynoe MS, A2A adenosine receptor modulates drug efflux transporter P-glycoprotein at the blood-brain barrier, J Clin Invest, 2016;126:1717-1733

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