Gabrielle HĂ©bert
Gabrielle Hébert, née Gabrielle d'Uckermann le à Dresde et morte le à La Tronche, est une photographe française d'origine allemande.
Baronne |
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Naissance | |
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Décès |
(Ă 81 ans) La Tronche |
Nom de naissance |
Gabrielle Mathilde Henriette, baronne d'Uckermann |
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Conjoint | |
Enfant |
René Patris d'Uckermann (fils adoptif) |
Biographie
Fille du baron Robert d'Uckermann, capitaine à cheval de la garde du roi, et de Mathilde Ehrengard de Wuthenau, son épouse, Gabrielle d'Uckermann naît à Dresde en 1852[1]. Originaire d'une famille aristocratique allemande de Dresde, elle suit les cours de dessin du peintre Bellay, ami d’Ernest Hébert à Paris, puis en 1880, à 27 ans, épouse à La Tronche, en Isère, le peintre Ernest Hébert, alors âgé de 63 ans[2].
Devenue Gabrielle Hébert, elle commence à pratiquer la photographie en 1888[3]. Prolixe, elle a laissé plus de 3 500 tirages[3].
Elle accompagne son mari lors de ces nombreux voyages à travers l’Italie, où il est nommé directeur de la villa Médicis, mais aussi en Espagne. Ernest Hébert réside à Rome de 1867 à 1872, puis de 1885 à 1896 cette fois accompagné de Gabrielle, avant de quitter définitivement l’Italie. Lors de ce séjour, ils visitent d’autres régions de l’Italie, dont le Latium et la Campanie, mais aussi la Sicile, et se rendent dans des stations thermales et balnéaires, comme Ostie, Anzio, Viterbe, ou encore Civitavecchia[4]. Ils effectuent ensuite un périple d’un mois et demi en Espagne et dans le Pays basque[2].
À la mort de son mari en 1908, elle rassemble ses œuvres en vue de la création d'un musée, qui deviendra le musée Hébert, sis dans leur maison de La Tronche[5]. Elle y meurt en 1934, la veille de l'inauguration du musée[6].
Ĺ’uvre
Les photographies de Gabrielle Hébert sont aujourd’hui conservées dans plusieurs fonds, dont au Musée d’Orsay, dépositaire des fonds du Musée Ernest Hébert à Paris, fermé depuis 2004 en attente de travaux.
Le fonds Gabrielle Hébert conservé au Musée Hébert de La Tronche contient environ 2.600 phototypes, réalisés entre 1888 et 1900, dont 1.500 négatifs sur plaques de verre et trois albums. Ces tirages sont documentés, datés et localisés par la photographe elle-même[7]. Elle les réunit parfois dans des albums ou dans des enveloppes, en les triant de façon chronologique ou thématique[4].
DĂ©buts
Elle commence à pratiquer la photographie en 1888. Son premier appareil photographique aurait été un kinégraphe[4]. Faisant partie du milieu artistique français actif à Rome, elle aurait été initiée à la photographie par les frères Giuseppe Napoleone et Luigi Primoli, membres de la famille de la Princesse Mathilde, proches de son mari[4].
Elle documente ses débuts dans la pratique photographie dans des notes datant de juillet 1888[4], où elle décrit ses cours avec Cesare Vasari, fondateur et directeur du Studio fotografico Vasari à partir de 1875. Elle apprend et crée notamment aux côtés du peintre Alexis Axilette[2], pensionnaire de la Villa Médicis, dans un milieu alors essentiellement masculin. Elle aurait ainsi côtoyé le Café Greco à Rome, aujourd’hui monument d'intérêt historique, lieu fréquenté par les adeptes de la photographie[4].
Sujets
Les photographies de Gabrielle Hébert documentent en particulier les voyages qu'elle effectue avec son mari, par exemple en Espagne ou en Italie[8]. Ses sujets alternent entre des scènes de vie quotidienne, urbaine ou rurale, des paysages, et des monuments du patrimoine historique, mais aussi des scènes de sa vie intime avec son mari, dont il est souvent le sujet principal.
La nature occupe une grande place dans ses photographies : elle s’inspire donc des jardins de la Villa Médicis, ses allées, ses haies, ainsi que de la campagne romaine[9].
Elle effectue de nombreuses photographies rendent également compte de la pratique du voyage au XIXème siècle, et particulièrement le voyage en train. Elle met en scène cette pratique, en représentant le mouvement, le flou et le paysage[9].
Photographies de voyage
On trouve également dans sa collection des clichés qui témoignent de façon unique de la vie des pensionnaires de la villa Médicis à Rome la fin du XIXe siècle[8] - [10], en représentant la vie quotidienne et le travail d’Ernest Hébert, notamment lors de son deuxième directorat à l’Académie de France, entre 1885 et 1890. Mais cette photographe illustre aussi la vie et l’implication des modèles du peintre, par exemple son modèle Amelia, qu’elle représente en compagnie d’Hébert.
Son œuvre revêt également une grande dimension documentaire, en retranscrivant la vie simple de paysans et paysannes italiens, dans une grande spontanéité, par exemple dans ses clichés de marchés ciocare, ou ceux représentant des paysans au sein de la campagne italienne, entourés de bétails. Ces clichés sont loin de l’image idyllique souvent prêtée à l’Italie[4]. Lors leurs nombreuses excursions dans différentes régions italiennes, elle photographie notamment la Villa Lante de Bagnaia, la cathédrale Santa Maria d’Anagni, les temples de Seliunte et d’Agrigente, les Marais Pontins[4]…
A l’automne 1898, le couple entreprend donc un circuit entre plusieurs villes du Pays basque dont Biarritz, où Gabrielle documente la ville à la fin du XIXème siècle[4], en réalisant lors de ce voyage 279 photographies[11], et montre un intérêt pour l’architecture.
A l’occasion de ce voyage, elle acquiert un nouvel appareil photo de la marque Kodak, vraisemblablement un Bulls Eye ou un Bullet Kodak spécial[2]. Elle photographie les promenades en bord de mer et plusieurs monuments historiques, dont l’ancienne chapelle Saint Eugénie, au début de la destruction de l’église. En prolongeant leur voyage jusqu’en Espagne, le couple se rend à Fontarrabie, où Gabrielle documente l’ancienne forteresse espagnole, la Puerta de Santa Maria, ou encore le port de la ville. Ils se rendent ensuite à Burgos, connue pour Santa Maria, sa cathédrale gothique, représentée par ses photographies, puis visitent Madrid, Tolède, San Lorenzo de El Escorial, Séville, Grenade… Elle représente également la population espagnole, dont des paysans, des gitans à Grenade, des enfants à Tolède, la foule à Madrid[2]…
Au sein de ces photographies ayant valeur de reportage, on retrouve également des tirages plus transgressifs, notamment des nus féminins qui ont peut-être servi de modèle au peintre Alexis Axilette[3].
Ses compositions sont soignées et son style précis[2] - [8].
Technique
Intéressée par la technique photographique, à l'époque en pleine évolution, Gabrielle Hébert a utilisé différents appareils, ainsi que différentes chambres et techniques de développement et de retouche[3]. Elle s'empare notamment de la photographie instantanée, permise par le procédé au gélatino-bromure, qui lui permet d'avoir un appareil portable[10].
Inventé en 1871 par Richard Leach Maddox, ce procédé marque le début de la photographie instantanée. De plus, l’accès facilité aux plaques de verre par la production industrielle permet une démocratisation de la pratique photographique. Elle utilise ensuite des négatifs sur support souple[2], commercialisés par George Eastman à partir de 1889, qui réduisent considérablement le poids du matériel et la pénibilité de la pratique photographique.
L’invention du premier appareil photo Kodak, créé par George Eastman en 1888, ne coutant que 25 $, lui permet d’avoir plus facilement accès à cette pratique. Elle aurait possédé deux types de cet appareil : le premier avec viseur et obturateur, et le deuxième modèle[2].
Elle aurait également eu en sa possession l’appareil portatif Jonte Detective[2].
Elle maitrise les techniques de la retouche photographique, retravaillant ses clichés au pinceau, mettant en couleur certains visages et surlignant parfois les contours de ses personnages au crayon[11].
Pratique amateure et dimension artistique
La pratique photographique de Gabrielle Hébert est parfois qualifiée d'« amateure-usagère », et vue comme caractéristique de la photographie de loisir d'une certaine classe aisée du XIXe siècle[3]. Cependant, sa maîtrise technique et son approche marquée par la composition picturale[8] permettent aussi de parler d'une dimension artistique et personnelle[2] - [3], voire d'un regard de photo-reporter ou de photo-ethnographe, marqué par une capacité à saisir l'instant[8].
Les photographies de Gabrielle Hébert montrent ainsi une grande maitrise des techniques de composition, notamment par ses choix d’angles de prise de vue, sa prise en compte de la perspective et de la symétrie, ainsi que son usage de la lumière, pour mettre en valeur ses sujets[11]. De plus, ses nombreux tirages effectués lors de ses voyages en train démontrent sa vision particulière de ce type de mouvement, qui nécessite une certaine technique. Elle capte ainsi des paysages en mouvement, mais aussi l’intérieur des wagons, qui témoignent d’un réel intérêt esthétique.
Son œuvre témoigne de son regard nouveau sur l’Italie : originaire d’une famille aristocratique de Saxe, elle rend compte de sa découverte des régions méditerranéennes, en représentant la vie quotidienne des personnes qu’elle observe, sans pour autant verser dans une forme de complaisance ou de mépris aristocratique[4].
Plusieurs chercheuses estiment également que sa pratique de la photographie était un moyen d'affirmation de soi dans un milieu alors réservé aux hommes, ainsi qu'une façon de sortir de l'ombre de son mari, peintre reconnu[3] - [12]. Elle est cependant influencée par l’art de son milieu, dont notamment le mouvement symboliste dont il fait partie[2] et le mouvement préraphaélite dont s’ont inspiré les frères Primoli[4]. Sa pratique peut donc être rapprochée du mouvement pictorialiste[9].
« La photographie n’est pas pour Gabrielle Hébert un simple dérivatif à son rôle de femme du directeur. Cette activité, qui n’est pas en concurrence avec l’art d’Hébert et des pensionnaires de l’Académie, lui permet à la fois d’affirmer sa singularité, de trouver sa place à la Villa et d’exprimer pleinement sa créativité. »[2]
Gabrielle Hébert montre de plus un réel intérêt pour les sujets féminins : elle réalise donc des nus féminins, des portraits des modèles d’Ernest Hébert, mais aussi des photographies représentant la vie quotidienne des femmes qu’elle observe lors de ses voyages et les nombreuses tâches qu’elles effectuent.
Création du Musée Hébert
Aujourd’hui l’un des onze musées du Département de l’Isère, le Musée Hébert de La Tronche est situé dans l’ancienne maison familial du peintre Ernest Hébert. Les collections qui y sont présentées appartiennent au Conseil général de l’Isère, et ont été l’objet d’un don par René Patris d’Uckermann, fils adoptif de Gabrielle Hébert.
La transformation de la maison familiale, construite au XVIIème siècle, a été effectuée par Gabrielle Hébert, dans le but de créer un musée dédié à l’œuvre artistique de son mari. Dans ce but, elle rassemble ses œuvres, documents et correspondance. Les premières salles du musée sont aménagées en 1934. Elle ne verra jamais la finalité de ce travail, car elle meurt le samedi 23 juin 1934, la veille de l’inauguration du musée. Sa présence dans le musée est aujourd’hui cependant encore palpable, car on la retrouve dès l’entrée, représentée en buste.
Gabrielle et son mari ont également largement aménagé les jardins, s’inspirant de leurs voyages en Italie, notamment des jardins des Villa Médicis et Borghèse, à Rome. A la mort du peintre, sa veuve fait déplacer son corps dans un tombeau néoclassique, au sein du jardin, près de la maison. Elle poursuit ces travaux d’aménagement, en faisant installer notamment un jardin paysager, un étang, un jardin à l’italienne ou encore un bassin rectangulaire comprenant une grotte artificielle[11] Les jardins du Musée Hébert obtiennent le label « Jardin Remarquable » en 2004.
Postérité
Ses tirages et négatifs sont conservés dans le musée Hébert de La Tronche et dans le musée Hébert de Paris. Le fonds Gabrielle Hébert a été redécouvert lors des travaux de rénovation du musée, ayant eu lieu entre 2001 et 2003 : placé dans le grenier de la maison, rangé dans des tiroirs fermés à clef et ne faisant pas partie de la donation de René d’Uckermann. Dans de telles conditions de conservation, ses photographies ont dû faire l’objet d’un travail de restauration.
En raison de ces difficultés d’accès et du temps nécessaire pour inventorier les nombreuses photographies de Gabrielle Hébert, son œuvre a été longuement oubliée. Aujourd’hui étudiée et numérisée par le musée Hébert de La Tronche, plusieurs expositions lui ont été consacrées depuis 2007 :
- Instantanés à la villa Médicis par Gabrielle Hébert (1888-1895), 2007[10] - [13]
- Italiens pittoresques, 2014[8]
- Voyage en Espagne (octobre/novembre 1898), Photographies Kodak de Gabrielle HĂ©bert, 2020[2] - [14]
La Villa Médicis a également dédié une exposition à l’histoire de l’Académie de France à Rome, et a présenté dans ce cadre des photographies de Gabrielle Hébert.
Elle est la mère adoptive de l’essayiste et traducteur René Patris d’Uckermann, né en 1897 à Bouresse et mort à Antibes en 1992. Héritier de Gabrielle Hébert, il fait don de l’ensemble du domaine ainsi que des collections au Département de l’Isère, en conversant un droit d’usufruit jusqu’à sa mort en 1992.
Références
- Acte de mariage no 14, , La Tronche, Archives de l'Isère
- Laurence Huault-Nesme, « Voyage en Espagne, Photographies Kodak de Gabrielle Hébert », Musée Hébert, La Tronche (plaquette d'exposition),‎
- « Gabrielle Hébert, femme photographe, épouse de peintre », sur AWARE Women artists / Femmes artistes (consulté le )
- Huault-Nesme Laurence, Italiens pittoresques. 1888-1893 Instantanés de Gabrielle Hébert, catalogue d’exposition du Musée Hébert, La Tronche 2013.
- BNF, Notice biographique - Gabrielle HĂ©bert (lire en ligne)
- « Nécrologie », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, L’Européen, (consulté le ), p. 4
- Huault-Nesme Laurence, Voyages en Espagne. Octobre-novembre 1898. Photographies Kodak de Gabrielle Hébert, catalogue d’exposition du Musée Hébert, La Tronche 2020.
- « 3 raisons d'aller voir l'exposition "Italiens pittoresques", au musée Hébert de La Tronche, en Isère », sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes (consulté le )
- Huault-Nesme Laurence, Instantanés à la villa Médicis par Gabrielle Hébert 1888-1895, catalogue d'exposition du Musée Hébert, La Tronche 2008.
- « Le regard de Gabrielle », sur www.petit-bulletin.fr (consulté le )
- Issabayeva Nadina, Lire et exposer la photographie de voyage ancienne. Photographies d’Espagne de Gabrielle Hébert (octobre-novembre 1898), mémoire de master, UGA, Grenoble 2020.
- « Gabrielle Hébert (1853-1934) | Dossier de l'Art n° 270 », sur www.dossier-art.com (consulté le )
- « Instantanés à la villa Médicis par Gabrielle Hébert (1888-1895) », sur Culture Isère (consulté le )
- « La Tronche. Un voyage en Espagne avec Gabrielle Hébert à découvrir au musée Hébert », sur www.ledauphine.com (consulté le )
Liens externes
- Ressource relative aux beaux-arts :