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Gaëls

Les GaĂ«ls (en irlandais : Gael, plur. Gaeil ; en gaĂ©lique Ă©cossais : GĂ idheal, plur. GĂ idheil) sont un groupe ethnolinguistique indigĂšne au nord-ouest de l'Europe qui comprend les Irlandais, les Écossais et les Mannois de cultures gaĂ©liques. Dans un sens plus restreint, le terme dĂ©signe, dans ces langues, les locuteurs des langues gaĂ©liques[1].

Gaëls
Description de l'image Le monde gael.jpg.
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La langue et la culture gaĂ©liques sont originaires d'Irlande, mais se sont propagĂ©es en Écosse Ă  l'Ă©poque du royaume de DĂĄl Riata.

Bien qu'elles ne parlent pas l'irlandais ou le gaĂ©lique Ă©cossais, beaucoup de personnes se considĂšrent tout de mĂȘme comme des GaĂ«ls dans un sens plus large, en raison de leur ascendance historique et de leur hĂ©ritage.

Parmi les GaĂ«ls cĂ©lĂšbres, on compte Brian Boru, CĂșchulainn, Colum Cille, Granuaile, OisĂ­n et Rob Roy.

En Écosse, les personnes qui parlent gaĂ©lique, tels les acteurs Tony Kearney, Caitlin Nic Aonghais, ou Daibhidh Walker, se dĂ©finissent eux-mĂȘmes comme des GaĂ«ls.

Les GaĂ«ls actuels continuent de promouvoir leur identitĂ©, notamment par le biais de l'initiative Colmcille, lancĂ©e en 1997 par la prĂ©sidente irlandaise Mary Robinson (MĂĄire Mhic Giolla Íosa), et le ministre Ă©cossais de l'Ă©ducation, de l'industrie et du gaĂ©lique (Brian MacUilleim). Le rĂŽle de cette initiative est « crĂ©er un espace insulaire commun oĂč l'Ecosse et l'Irlande puissent partager ce qu'elles ont en commun », en particulier les langues gaĂ©liques[2]. L'initiative Colmcille a notamment produit la carte TĂ­r Cholmcille (« le pays de Colum Cille »), qui vise Ă  changer notre perception des relations entre l'Écosse et l'Irlande[3].

Étymologie et usage

 FondĂ©e Ă  Oban en 1891, An Comunn GĂ idhealach est une institution gaĂ«lle et gaĂ©lique, qui fait la promotion de l'enseignement, de l'apprentissage et de l'utilisation de la langue gaĂ©lique, mais aussi de l'Ă©tude de la culture, de la littĂ©rature, de l'histoire, de la musique et de arts gaĂ«ls, notamment par le biais du Royal National MĂČd.
FondĂ©e Ă  Oban en 1891, An Comunn GĂ idhealach fait la promotion de la langue et de la culture des GaĂ«ls, notamment lors du Royal National MĂČd.

Le terme GaĂ«l est absent de la plupart des dictionnaires de français, mais on le trouve dans certaines encyclopĂ©dies. Le Grand Larousse universel fait par exemple la diffĂ©rence entre les adjectifs « gaĂ«l » et « gaĂ©lique » : le premier est « relatif aux GaĂ«ls », les anciennes tribus celtiques qui s'Ă©taient Ă©tablies en Irlande, puis au nord des frontiĂšres de la Britannia romaine, alors que le deuxiĂšme est « relatif au gaĂ©lique », c’est-Ă -dire Ă  la langue dite « gaĂ©lique »[4].

En rĂ©alitĂ©, il existe officiellement trois langues gaĂ©liques, peut-ĂȘtre plus si l'on considĂšre les variations dialectales.

En français, le gentilĂ© GaĂ«l est gĂ©nĂ©ralement utilisĂ© pour dĂ©signer les tribus celtiques de l'antiquitĂ© mais il faut souligner que le mot est toujours en usage dans les langues gaĂ©liques modernes, oĂč il dĂ©signe les personnes de culture gaĂ©lique, ou dans un sens plus restreint, les locuteurs des langues gaĂ©liques. Ainsi, dans une sĂ©rie de sketches tĂ©lĂ©visĂ©s produits par la chaĂźne BBC Alba, Torcuil's guide to being a Gael, le comĂ©dien Tony Kearney Ă©voque ce qui signifie ĂȘtre un GaĂ«ls au XXIe siĂšcle[5]. De mĂȘme, la chaĂźne de radio gaĂ©lique de la BBC s'appelle BBC Radio nan GĂ idheal, ce qui signifie « radio des GaĂ«ls ».

Gaélique

L'origine des termes Gaël (irlandais) et Gàidheal (gaélique écossais) est incertaine.

Alexander MacBain relĂšve les termes GĂłedel (vers 1100), Gaideli (citĂ© dans les Ɠuvres de Giraldus, Ă©tymologie qu'AndrĂ© du Chesne cite aussi dans son Histoire d'Angleterre, d'Escosse et d'Irlande), et le gallois Gwyddel. Il cite Whitley Stokes (Urkeltischer Sprachshatz) qui donne le proto-gaĂ©lique *Goidelos ou *Geidelos, que Bezzenberger (Beitreige zur Kunde der Idg. Sprachen) compare au gaulois Geidumni et que Stokes compare avec le latin hoedus (« chĂšvre »), d'oĂč le sens « gardiens de chĂšvres »[6]. Petite curiositĂ© Ă  titre informatif : en Wallonie (Belgique), les habitants du village de Remouchamps ont pour habitude de s'appeler entre eux gad'lis, un mot wallon qui a perdurĂ© jusqu'Ă  nos jours et signifie chevrier, gardien de chĂšvres[7].

Dans son Ɠuvre, Celtic Culture: Aberdeen breviary-celticism, John T. Koch , professeur de langue et littĂ©rature celtiques affirme que la racine du mot Guoidel correspond au vieil irlandais, fĂ­ad, au vieux breton, guoid, et aurait Ă©tĂ© empruntĂ© au moyen gallois, gĆ”yh, signifiant « peuple de la forĂȘt », « hommes sauvages » et par extension « guerriers ». tous signifiant sauvage, et donc GaĂ«l signifierait peuple de la forĂȘt ou sauvages[8].

Français

En français, on considÚre généralement que les mots « gaël » et « gaélique » seraient dérivés des mots anglais Gaels et Gaelic[9].

Toutefois, les Ă©changes diplomatiques entre la France et l'Écosse remontent au Moyen Âge et il est probable que les langues latines, françaises et gaĂ©liques aient subi des Ă©changes Ă  l'Ă©poque de la Vieille Alliance entre les monarques de la maison de Dunkeld (gaĂ©lique Ă©cossais: DĂčn Chailleann) et les premiers CapĂ©tiens. En effet, la premiĂšre noblesse « anglaise » prĂ©sente en Écosse n'Ă©tait pas saxonne mais normande. Parfois Ă©duquĂ©e en France, elle parlait l'ancien normand. Les mariages entre GaĂ«ls et Anglo-Normands ont donc trĂšs tĂŽt importĂ© en France une certaine connaissance des GaĂ«ls.

Dans la production écrite francophone, on trouve les mots Gaidel (gaélique écossais moderne: Gàidheal) et Gaidelach (gaélique écossais moderne: Gàidhealach) dÚs 1634, sous la plume d'André du Chesne, qui se demande si l'origine du terme ne serait pas gothique[10]:

« C’est la commune et vieille prĂ©tention de ce peuple, qu’il a pour ancestres, et premiers parents de la race, un certain Gaidelus neveu de Phaenius, & la fille d’un Roy d’Egypte appelĂ© Scota, lesquels le refugirent dans l’Espagne, aprĂšs la mort des premiers mais d’Egypte, avec un grand nombre de gens, & de lĂ  quelque temps aprĂšs passĂšrent, ou du moins leur postĂ©ritĂ©, dans l’isle d’Hibernie, laquelle ils appelĂšrent Escosse ou Scotie, de Scota, prirent entr’eux le nom de Scots, & de Gaidel, ou Gaiothel, & nommĂšrent leur langue Gaidelach, ou Gaiothealg, de Gaidelus. »

— AndrĂ© du Chesne, Histoire d'Angleterre, d'Escosse et d'Irlande (1634, page 146-147)

« Mais puisque je suis tombĂ© sur le propos des Gots d’Espagne, d’oĂč vient que les Hibernois ancestres de la nation des Escossois, & et les Escossois memes se sont nommez entr’eux Gaiothel, Guithell, & Gaothell : ont appellĂ© leur langue Gaiothealg, & la partie de Bretagne qu’ils ont occupĂ©e la premiĂšre, Argathel, & Ar-gWithil? Est ce point des Galiciens d’Espagne, ou des Gots, que sont prouenus ces noms ? Et pourquoi, je les prie, Gaiothel n’est-il descendu des Gots, aussi bien que la Catalogne en Espagne, & le Languedoc en la France? »

— Histoire d'Angleterre, d'Escosse et d'Irlande (1634, page 149)

« On a peu voir de ce que dessus pourquoy les Escossois d’Hibernie se sont nommez entre’ eux Gaidel, Gaiothel, Guithell, & leur langue Gaidelach,, & Gaiothelach, scavoir ou des Gots, comme estime Cambdenus ou des Vandales, ainsi qu’escrit Giraldus non pas de leur Gaidelus, qui jamais ne fut. »

— Histoire d'Angleterre, d'Escosse et d'Irlande (1634, page 150)

Anglais

Gravure des frÚres Dalziel illustrant le Rob Roy de Walter Scott. Surnom de Robert MacGregor, hors-la-loi et héros gaël de la fin du XVIIe siÚcle, Raibeart Ruadh (dont « Rob Roy » est la forme anglicisée) signifie « Robert le Roux » en gaélique écossais.

En anglais, le gentilé « Gael » a été adopté en 1810 à partir du gaélique écossais Gàidheal pour désigner les « membres de la race gaélique »[11].

L'emploi de ce mot s'est rĂ©pandu en anglais sous l'influence de la littĂ©rature Ă©cossaise, notamment sous la plume de Walter Scott[12] - [13]. Ils dĂ©signaient par ce terme les Écossais des Highlands.

« [...] that lovest the harping of the Gael ; [...] »

— Walter Scott, Waverley

« To avenge this quarrel, the Laird of Mac Gregor assembled his elan, to the number of three or four hundred men, and marched towards Luss from the banks of Loch Long, by a pass called Raid na Gael, or the Highlandman’s pass. »

— Walter Scott, Rob Roy

Histoire

PĂ©riode protohistorique

Dans la seconde moitiĂ© du premier millĂ©naire avant J.-C., pendant la pĂ©riode protohistorique que l’on appelle communĂ©ment l'Ăąge du fer, les ancĂȘtres des GaĂ«ls ont commencĂ© Ă  arriver en Irlande[14].

 Le trĂ©sor de Broighter, exposĂ© au MusĂ©e national d'Irlande, est un amas d'objets en or datant de l'Ă©poque de La TĂšne, au premier Ăąge du fer. Il a Ă©tĂ© dĂ©couvert en 1896 Ă  Broighter (irlandais: BrĂș Íochtair, "lower fort") prĂšs de Limavady, dans le nord de l'Irlande.
Le trĂ©sor de Broighter, exposĂ© au MusĂ©e national d'Irlande, est un amas d'objets en or datant de l'Ă©poque de La TĂšne. Il a Ă©tĂ© dĂ©couvert en 1896 Ă  Broighter (irlandais: BrĂș Íochtair, qui signifie « fort infĂ©rieur » ou « en contrebas ») prĂšs de Limavady, dans le nord de l'Irlande.

Il n’existe aucune preuve d'une invasion ou d’une vague migratoire de grande Ă©chelle.

Ces peuples, que les Grecs appelaient KeltoĂŻ, c’est-Ă -dire des « Celtes », Ă©taient issus d’une civilisation qui avait dominĂ© l'Europe centrale et occidentale, et que l’on identifie aujourd’hui sous le nom de La TĂšne.

Le Grec HĂ©catĂ©e de Milet aurait dit, vers -530, que la colonie grecque de Marseille Ă©tait une ville de Ligurie situĂ©e « Ă  proximitĂ© de la ΚΔλτÎčÎșÎŹ » (Gaule celtique). Cette citation incertaine serait la premiĂšre apparition de la racine *celt-. La premiĂšre mention certaine se trouve dans le áŒčÏƒÏ„ÎżÏÎŻÎ±Îč (Les Histoires) d’HĂ©rodote, qui considĂšre les « ÎšÎ”Î»Ï„ÎżÎŻ » (Celtes) comme un peuple.

Les langues gaéliques

Les Celtes qui Ă©migraient sur l'Ăźle d'Irlande et dans la partie septentrionale de ce que l'on nomme aujourd'hui la Grande-Bretagne, parlaient une langue indo-europĂ©enne qui s’est diffĂ©renciĂ©e des autres langues celtiques insulaires et qui a donnĂ© naissance aux langues gaĂ©liques, aussi appelĂ©es langues celtiques « en  Q », par opposition aux langues dites en P. Cette distinction repose sur le traitement du phonĂšme indo-europĂ©en *kw: dans les langues en Q, ce phonĂšme est restĂ© inchangĂ©, alors que dans les langues en P il a Ă©voluĂ© vers le son /p/ : le mot « tĂȘte » se dit ceann en irlandais, mais penn en breton.

Toutefois, cette appellation est une convention externe aux langues gaĂ©liques, car la lettre Q n’est utilisĂ©e qu'en mannois. En irlandais et en gaĂ©lique Ă©cossais, c’est la lettre C qui est communĂ©ment utilisĂ©e pour reprĂ©senter ce son. En effet, le c ne s’y adoucit pas devant les voyelles e et i, contrairement Ă  ce qu’on observe en français.

La TĂšne et les premiĂšres tribus celtiques

On sait peu de choses de la civilisation de La TĂ©ne, mais les restes archĂ©ologiques montrent qu’elle Ă©tait plus prĂ©sente dans la moitiĂ© nord de l’Irlande (dans le Connaught et l’Ulster)[15].

Bien que les sites archĂ©ologiques comme Tara (dans le Leinster) soient associĂ©s Ă  la mythologie celtique, Ă  cause des pratiques religieuses que les GaĂ«ls ont entretenues sur ces lieux, ils sont en rĂ©alitĂ© bien antĂ©rieurs Ă  la civilisation de La TĂšne, et n’ont donc pas Ă©tĂ© construits par les GaĂ«ls.

 Cartographie schĂ©matique de l'Ă©tablissement des GaĂ«ls d'Irlande, d'aprĂšs PtolĂ©mĂ©e.
Cartographie schématique de l'établissement des Gaëls d'Irlande, d'aprÚs Ptolémée.

Vers -100 avant J.-C., Ptolémée dresse une liste des peuples gaëls d'Irlande, vraisemblablement à partir des récits de marins gallo-romains et britto-romains qui connaissaient les fleuves de l'ßle et la géographie de sa cÎte est[15].

Parmi les noms de tribus celtes d'Irlande qu'il donne, on trouve les Robogdh, les Darini, les Nagnatae, les Voluntii, les Ebdani, les Cauci, les Auteini, les Manapii, les Gangani, les Usdaie, les Coriondi, les Vellabori, les Brigantes et les Iverni.

L'existence de la plupart de ces tribus est difficile Ă  vĂ©rifier, mais certaines sont identifiables grĂące Ă  la chronologie dynastique irlandaise. On pense par exemple que les Robogdh Ă©taient les fondateurs du puissant royaume de Dal Riata et que les Iverni n'Ă©taient autres que les Érainn, qui avaient dominĂ© le Munster Ă  cette Ă©poque. Il est possible en effet que du nom de cette tribu vienne l'ancien nom grec de l'Irlande, áŒžÎżÏ…Î”ÏÎœÎŻÎ±, qui lui-mĂȘme aurait donnĂ© son nom gaĂ©lique Ă  l'Ăźle et Ă  sa dĂ©esse protectrice, respectivement Éire et Ériu[15].

Les communications terrestres Ă©taient difficiles. Les GaĂ«ls n'avaient pas les moyens techniques des Romains. Des seigneurs de guerre Ă©tablissaient des petits fiefs en construisant des mottes (dĂčin-chnuic) qui leur permettaient de contrĂŽler autant de campagne et de cĂŽtes que possible Ă  proximitĂ©. Cette pratique a conduit au dĂ©veloppement d'une aristocratie militaire.

Le systĂšme de lois des GaĂ«ls Ă©tait trĂšs Ă©laborĂ© et possĂ©dait une caste de juristes. Leur sociĂ©tĂ© ne comptait pas moins de 27 castes d'hommes libres, parmi eux des « avocats », des druides et des bardes. Les bardes Ă©taient aussi les gardiens de la gĂ©nĂ©alogie et de l'histoire. Les GaĂ«ls de l'Ă©poque prĂ©-chrĂ©tienne n'avaient pas encore de littĂ©rature Ă©crite. Leurs lois et leurs usages Ă©taient conservĂ©s par la tradition orale. MĂȘme les rois ne pouvaient se soustraire Ă  la loi. Les sagas, que l'on dĂ©crit aujourd'hui comme la mythologie irlandaise, ont Ă©tĂ© transmises oralement, de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration[16].

Une forme trÚs simplifiée d'écriture a émergé autour vers la fin du IVe siÚcle : les oghams. Cette forme d'écriture consistait à graver des lignes horizontales et verticales sur des supports en pierre ou en bois. Ceux qui ont survécu ont généralement une fonction commémorative. Il s'agit de monuments servant à rappeler le nom d'un individu, roi ou personnalité locale.

La Gaélie échappe à l'empire

Les Romains ont commencĂ© la conquĂȘte de l’üle de Grande-Bretagne en 55 av. J.-C.. Cent ans plus tard, ils avaient atteint les parties mĂ©ridionales de l’Écosse, qui, Ă  l’époque, Ă©taient encore aux mains des Pictes.

Pendant prĂšs de 500 ans, la plus grande partie de la Grande-Bretagne, la Britannia, allait ĂȘtre une province romaine. Les Romains y ont construit des routes, des villes, des fortifications et des aqueducs. Depuis cette Ăźle, la traversĂ©e la plus courte et la plus facile vers l’Irlande se trouve au sud-ouest de l’Écosse, depuis la cĂŽte du Galloway que les Romains contrĂŽlaient. C’est presque certainement l’itinĂ©raire que les premiĂšres populations qui ont colonisĂ© l’üle d’Irlande avaient empruntĂ©[16].

Il n’est donc pas surprenant qu’en 82 apr. J.-C., le gouverneur militaire de la Britannia romaine, Cnaeus Julius Agricola, ait prĂ©parĂ© l’invasion de l’üle d’Irlande par ce passage. Cependant, il n’a jamais traversĂ© la mer. On ne sait pas exactement pourquoi, mais Tacite, son gendre et biographe, raconte que plusieurs Ă©vĂ©nements, dont une mutinerie dans son armĂ©e et une rĂ©bellion picte dans le nord, ont empĂȘchĂ© le dĂ©barquement romain.

Contrairement Ă  l’Angleterre, au Pays de Galles et aux Lowlands Ă©cossais, la terre des GaĂ«ls n’a donc jamais Ă©tĂ© colonisĂ©e par les Romains. Mais cela ne signifie pas que les GaĂ«ls n’entretenaient pas de relations avec l’Empire romain, bien au contraire.

Les Ă©changes commerciaux

Alors que les Romains Ă©taient supĂ©rieurs aux Celtes en matiĂšre de gĂ©nie civil et de puissance militaire, les Celtes, et plus particuliĂšrement les GaĂ«ls, leur Ă©taient supĂ©rieurs dans l’art dĂ©coratif des mĂ©taux prĂ©cieux, notamment avec le bronze, l’argent et la feuille d’or. Ils avaient aussi hĂ©ritĂ© de l’émaillerie latĂ©nienne et employaient Ă©galement l’ambre de la Baltique et le corail importĂ© de MĂ©diterranĂ©e.

Ce savoir-faire et la prĂ©sence de mines d’or et d’argent en Irlande, ont conduit Ă  une riche production d’artefacts tels que de petites armes, des bijoux, des ustensiles domestiques ou religieux.

Leur savoir-faire Ă©tait rĂ©putĂ© dans l’Empire romain en raison des caractĂ©ristiques dĂ©coratives spĂ©cifiques, en particulier, les motifs organiques qu’on pense inspirĂ©s de la nature, tels que les entrelacs, mais aussi une certaine tendance Ă  l’abstraction. Issue de l’art hallstattien, c’est cette tendance qui est Ă  l’origine du style employĂ© bien plus tard par les enlumineurs d’Irlande et d’Écosse, dans les livres sacrĂ©s du Moyen Âge.

Ces formes Ă©taient riches de sens cachĂ©, encore mystĂ©rieux aujourd’hui. Elles donnaient aux Ɠuvres un statut impressionnant, mais constituaient aussi un vĂ©hicule identitaire puissant. Le dĂ©veloppement de ce style artistique contrastait fortement avec le rĂ©alisme que les Grecs dĂ©veloppaient Ă  la mĂȘme Ă©poque.

Dans la Britannia romaine, les Ă©changes avec la culture gaĂ«lle ont donnĂ© naissance Ă  de nouvelles influences, Ă  des Ɠuvres qui exigent une technique typiquement romaine, comme l’usage d’émaux multicolores, mais dont les formes et l’agencement sont typiquement celtiques.

En outre, les GaĂ«ls ne fondaient pas de villes. Ce n’était pas un peuple de nomades, mais leurs villages restaient plus rudimentaires et ils Ă©taient habituĂ©s Ă  voyager pour faire du commerce entre eux, mais aussi avec leurs voisins : ils Ă©taient capables de voyager sur de longues distances, en chars lĂ©gers, et de traverser la mer pour vendre leurs produits en Britannia et en Gaule. De nombreuses preuves de cela ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes en Irlande, notamment la prĂ©sence de grandes quantitĂ©s de monnaies romaines et d’autres objets romains[17].

DĂ©but de l'Ă©criture

Les premiers GaĂ«ls ne nous ont pas laissĂ© de traces Ă©crites et on pense qu'ils ont commencĂ© Ă  Ă©crire avec l'arrivĂ©e du christianisme. Toutefois il est difficile d'Ă©tablir une date exacte car la date d'arrivĂ©e du christianisme n'est pas plus certaine. En effet, on sait qu’en 431, le pape Celestin avait ordonnĂ© qu’un premier Ă©vĂȘque, nommĂ© Palladius, soit envoyĂ© en Irlande, ce qui suppose que des communautĂ©s chrĂ©tiennes y sont dĂ©jĂ  prĂ©sentes avant cette date.

Quoi qu'il en soit, le dĂ©but de l'Ă©criture se situe quelque part entre le Ier et le Ve siĂšcle aprĂšs. J.C., quand les GaĂ«ls ont mis au point l’ogham, un systĂšme d'Ă©criture dont on a retrouvĂ© de nombreuses traces sur des pierres tombales et des monuments, surtout en Irlande, mais aussi en Grande-Bretagne, essentiellement dans les terres ayant subi des invasions gaĂ«lles : l'Écosse, le Pays de Galles et la Cornouailles.

Par abus de langage, on utilise souvent le mot ogham pour designer l'alphabet gaĂ©lique, mais ce terme est impropre, car il dĂ©signe le type d'Ă©criture.

Les Scoti d'Irlande

Scoti or Scotti Ă©tait le nom que les auteurs latins de la fin de l'antiquitĂ© et du haut Moyen Âge donnaient aux GaĂ«ls. À l'origine, il dĂ©signait une ancienne tribu celte originaire de Bretagne. Par la suite, le gentilĂ© s'est appliquĂ© aux GaĂ«ls du DĂ l Riata qui se sont mĂ©langĂ©s aux Pictes. En français et en anglais, il a donnĂ© son nom Ă  l'Écosse, aux Écossais et Ă  la langue scots. En revanche, dans les langues gaĂ©liques, l'Écosse s'appelle Albion (irlandais: Albain, gaĂ©lique Ă©cossais: Alba), les Écossais sont des Albannaich (irlandais: Albanaigh, littĂ©ralement « des Albionais Â») et la langue scots s'appelle l'Albais.

Arrivée des premiers évangélisateurs

La tradition veut que l’évangĂ©lisation des GaĂ«ls ait commencĂ© avec l’arrivĂ©e de Saint Patrick. Toutefois, cette assertion est sujette Ă  caution, pour plusieurs raisons.

L'église de Saint Patrick, à Llanbadrig, au Pays de Galles. Le saint aurait fondé une église à cet endroit, en 440 aprÚs J.-C, aprÚs avoir fait naufrage, et y aurait faire bùtir une église en bois pour remercier Dieu.

D’abord, l’existence d'un seul et mĂȘme Saint Patrick ne tient qu'Ă  deux textes Ă©crits en latin par Patricius, l'un intitulĂ© Confessio et l'autre, une lettre (epistola) adressĂ©e aux soldats de Coroticus. Les rĂ©fĂ©rences croisĂ©es se renforcent en mĂȘme temps qu’elles se contredisent, ce qui tend Ă  prouver que Saint Patrick pourrait ĂȘtre un mythe, ou un rĂ©cit romantique, reflĂ©tant l’existence d’une rĂ©alitĂ©, Ă  savoir qu’un ou plusieurs Ă©vangĂ©lisateurs se seraient rendus en Irlande Ă  cette Ă©poque, dont le plus influent aurait Ă©tĂ© Patricius.

D’autre part, on pense que des communautĂ©s chrĂ©tiennes Ă©taient dĂ©jĂ  prĂ©sentes en Irlande avant 432, puisque Prosper d’Aquitaine note dans son Epitoma Chronicon, qu’en 431, le pape Celestin avait ordonnĂ© qu’un premier Ă©vĂȘque, nommĂ© Palladius, soit envoyĂ© aux Scots [18]:

« Ad Scottos in Christum credentes ordinatus a papa Caelestino Palladius primus episcopus mittitur .» (Aux Scots croyants dans le Christ a Ă©tĂ© envoyĂ© comme premier Ă©vĂȘque, Palladius, qui a Ă©tĂ© ordonnĂ© par le pape CĂ©lestin.) »

— Prosper d'Aquitaine

Pour que Rome dĂ©cide d’envoyer un Ă©vĂȘque « aux Scots chrĂ©tiens Â», il fallait donc nĂ©cessairement qu’il y ait dĂ©jĂ  des chrĂ©tiens en Irlande au dĂ©but du Ve siĂšcle, mĂȘme s’il est impossible d’établir si les chrĂ©tiens en question Ă©taient des GaĂ«ls, ou des Brito-Romains venus s’établir en Irlande.

Il est possible que ce Palladius ait été Saint Patrick, mais cette thÚse reste impossible à vérifier avec les sources dont on dispose.

En revanche, il est difficile d’ignorer la quasi correspondance de cette date avec celles rencontrĂ©es dans les chroniques mĂ©diĂ©vales irlandaises, qui furent compilĂ©es jusqu'Ă  la fin du XVIIe siĂšcle

Ces annales se fondaient sur une chronologie de la vie des prĂȘtres, des abbĂ©s et des Ă©vĂȘques ainsi que sur des fĂȘtes ecclĂ©siastiques, qui a Ă©tĂ© Ă©tablie par les moines irlandais du Moyen Âge. Les chroniques irlandaises mentionnent en effet l’arrivĂ©e de plusieurs Ă©vĂȘques dans les annĂ©es 430 : Secundinus, Auxilius et Iserninus.

Quoique jugĂ©es moins sĂ»res que l’Epitoma Chronicon, elles tendent donc Ă  confirmer que vers 430, des Ă©vĂȘques sont arrivĂ©s en Irlande, ce qui signifie que d’autres chrĂ©tiens y Ă©taient dĂ©jĂ  prĂ©sents.

Christianisme celtique et christianisme irlandais

On parle de christianisme irlandais parce que cette forme de christianisme s’est dĂ©veloppĂ©e sur l’üle d’Irlande, mais il faut garder Ă  l’esprit que dans ce contexte, l’idĂ©e de nation est un anachronisme, car l’Irlande en tant que pays n’existait pas encore. Ce christianisme « irlandais » Ă©tait en rĂ©alitĂ© un christianisme gaĂ«l, qui s’est exportĂ© en Écosse, terre colonisĂ©e par les GaĂ«ls, mais qui diffĂšre des autres formes du christianisme dit « celtique ».

Pratique du jeûne

Comme les chrĂ©tiens d’Orient, les GaĂ«ls sont restĂ©s attachĂ©s Ă  la pratique du jeĂ»ne des stations[19], Ă  tel point que l’on trouve encore aujourd’hui sa trace dans le nom gaĂ©lique des jours de la semaine:

  • le mercredi est le « jour du premier jeĂ»ne » (vieux gaĂ©lique Di-Ceudaoin, de ceud, « premier » et aoin, « jeĂ»ne » ; irlandais : DĂ© CĂ©adaoin, gaĂ©lique Ă©cossais : Diciadain)
  • le jeudi est le « jour entre les jeĂ»nes » (vieux gaĂ©lique : Dia dhardaoin, de eadar, « entre » et aoin ; irlandais : DĂ©ardaoin, gaĂ©lique Ă©cossais : Diardaoin)
  • le vendredi est le « jour du jeĂ»ne » (vieux gaĂ©lique : Dia oine, irlandais : DĂ© hAoine, gaĂ©lique Ă©cossais : Dihaoine).

Notes et références

  1. Pierre Fuentes, « Avez-vous du gaĂ©lique ? », Traduire, revue française de la traduction,‎ , p. 64-73 (lire en ligne).
  2. (ga) « Mur Deidhinn Colmcille », sur Colmcille (consulté le )
  3. (ga) « Tír Cholm Cille », sur Colmcille (consulté le )
  4. Librairie Larousse, Grand Larousse universel - Tome 7, Paris, Larousse, (ISBN 2-03-102330-6), p. 4626
  5. (gd) « Torcuil's guide to be a Gael », sur BBC Alba
  6. MacBain, Alexander, An Etymological Dictionary of the Gaelic Language, Stirling, Eneas MacKay, , p. 394
  7. Henri, René, Aywaille Chronique illustrée du XXe siÚcle, LiÚge-Bressoux, Editions dricot, , 224 p. (ISBN 2-87095-324-0), p. 208
  8. (en) John T. Koch, Celtic Culture: Aberdeen breviary-celticism, ABC-CLIO, (ISBN 9781851094400, lire en ligne)
  9. « Gael », sur Trésor de la langue française informatisé
  10. André du Chesne, Histoire d'Angleterre, d'Escosse et d'Irlande, Paris, Guillaume Loyson,, , p. 146-150.
  11. (en) « Gael », sur Online etymology dictionary (consulté le ).
  12. (en) Walter Scott, Waverley, Oxford, Oxford University Press, 1814/1986, 464 p. (ISBN 978-0-19-283601-4), p. 109
  13. (en) Walter Scott, Rob Roy, New York, Hurst and Company,
  14. « chronologie », sur Chronologie encyclopédique (consulté le )
  15. (en) SeĂĄn Duffy, Atlas of Irish history, Derbyshire, Arcadia Editions, , p. 14
  16. (en) Richard Killeen, Ireland, Land, People, History, Londres, Constable & Robinson,
  17. (en) « Celts, art and identity (exposition) », sur The British Museum
  18. (la) Prosper d’Aquitaine (Prosper Tironi), Epitoma Chronicon, in Monumenta Germania Historica de Societas Aperiendis fontibus rerum germanicarum medii aevii, Berolini Apud Weidmannos, 433-455 (1877) (lire en ligne), page 473
  19. Bernard Heyberger, "Les transformations du jeûne chez les chrétiens d'Orient" in Le corps et le sacré en Orient musulman, IV. Corps et sacré : permanences et redéfinitions, 113-114, (lire en ligne), p. 267-285
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