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Front universitaire antifasciste

Le Front universitaire antifasciste (FUA) qui s'était d'abord appelé Front étudiant antifasciste puis Front uni antifasciste[1], était un groupement d'organisations étudiantes antifascistes françaises, créée en avril 1961 pour combattre le Putsch des généraux et ses conséquences, qui réunissait aussi des organisations de lycéens. Il était soutenu par des intellectuels comme Jean-Paul Sartre, Pierre Vidal-Naquet ou Laurent Schwartz. De nombreux étudiants l'ont rejoint, aussi bien à Paris qu'à Marseille, Aix en Provence ou à Caen[2].

Front universitaire antifasciste
Histoire
Fondation
Cadre
Sigle
FUA
Type
Pays

Création

Dans le contexte de la fin de la guerre d'Algérie marqué par les attentats de l’OAS, le Front universitaire antifasciste est formé en réaction au putsch d’Alger du 23 avril 1961 par Alain Krivine, ce dernier étant alors militant de l'Union des étudiants communistes, mais allant dans les six à sept mois qui suivent rejoindre secrètement les rangs des trotskystes. Sa chambre d'étudiant a été plastiquée par des partisans de l'Algérie française, en son absence[1].

Un premier « Front Ă©tudiant antifasciste Â» (FEA) est lancĂ© par plusieurs cercles antifascistes qui se sont crĂ©Ă©s en FacultĂ© d'histoire[1], autour d'Alain Krivine puis s'Ă©largissent en FUA (Front uni antifasciste) naissant. Le FUA fĂ©dère aussi diffĂ©rents comitĂ©s d’action antifasciste lycĂ©ens et Ă©tudiants qui s’étaient crĂ©Ă©s spontanĂ©ment depuis la fin des annĂ©es 50[3]. D'abord c'est une coordination de groupes locaux animĂ©e par Alain Krivine. « En quelques jours, la plupart des militants du Quartier Latin rejoignent cette initiative « unitaire par le bas », obligeant finalement » les dirigeants des Étudiants socialistes unifiĂ©s et de l'Union des Ă©tudiants communistes Ă  s'y joindre et s'y investir[4]. La FGEL s'y dissout mĂŞme quelque temps, selon Tudi Kernalegenn, chercheur Ă  l'Institut de sciences politiques Louvain[4]. Mais peu Ă  peu, ayant du mal Ă  se rĂ©unir, les groupes peinent Ă  renouveler leurs militants[4].

Parmi ses premiers animateurs, Jean-Louis Peninou, qui reprĂ©sente les Ă©tudiants du PSU (Étudiants socialistes unifiĂ©s, ESU)[1] et son ami Marc Kravetz[1], qui est chef du service d'ordre du FUA[5] et organise un grand meeting du FUA en 1962 rĂ©unissant 3 000 membres du service d'ordre parmi les Ă©tudiants des facultĂ©s parisiennes[5].

Fin 1961, Henri Vacquin organise un meeting à la faculté des sciences, au cours duquel il propose de créer un FUA, et il reçoit la réponse positive de 300 personnes[1]. Puis il propose de fédérer les cercles anti-fascistes des différentes facultés en un seul « Front uni » et reçoit le soutien de près d'un millier de personnes et d'intellectuels célèbres, Jean-Paul Sartre, Pierre Vidal-Naquet ou Laurent Schwartz[1]. Parmi les autres jeunes étudiants qui rejoignent le mouvement, Jean-Paul Ribes, Tiennot Grumbach, Serge July ou encore Bernard Kouchner, qui est avec d'autres chargé d'assurer la protection de l'appartement de Simone de Beauvoir, l'écrivaine et philosophe engagée contre la guerre d'Algérie. Selon d'autres sources, l'initiative d’une telle structure avec un tel nom serait plutôt le fait d’étudiants pour la plupart issus du secteur Lettres de la Sorbonne, présents au sein de l’Union des étudiants communistes (UEC) et rassemblés autour d'Alain Krivine, qui assurera la direction du FUA.

Motivations

Parmi les motivations des militants à la création du FUA, l'organisation des manifestations et contre- manifestations, protection de certains lieux[5]. À la Faculté de droit de Paris-Panthéon, où dominent les partisans de l'Algérie française, il permet d'assurer un pluralisme des listes aux élections universitaires[5] et se créé l’Association générale des étudiants en droit et sciences économiques de Paris (AGEDESEP), soit une AGE distincte de celle de la corpo de droit, animée par Antoine Griset.

Assise sociale

A ses débuts, le FUA regroupe principalement des trotskystes et des militants de la gauche de l'UEC mais elle comprenait aussi en son sein un certain nombre d’étudiant du PSU et de la Jeunesse étudiante chrétienne[6].

Parmi ses militants, certains adhérents de l'UEC vont aussi devenir maoistes et créer l'Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes (UJCml) en 1966, dont certains fonderont en 1969 la Gauche prolétarienne.

Leaders

Le président du FUA est Alain Krivine. Responsable des étudiants en préparation aux grandes écoles au sein de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), qui a adhéré fin 1961 au Parti communiste internationaliste. En 1962, Alain Krivine a obtenu le ralliement de l'UEC au Front Universitaire antifasciste, ce qui permet aux 150 militants de sa fraction de gauche de contrôler l'UEC de la Sorbonne, avec leurs propres finances et publications[7]. D'autres étudiants en histoire avec lui militeront au FUA, Pierre Goldman, Henri Weber et Marie-Noëlle Thibaut[2].

Relations avec le gouvernement

Si treize comitĂ©s antifascistes de Sorbonne Ă©taient membres de cette organisation antifasciste[8], le FUA s'est heurtĂ© Ă  une polĂ©mique voulant que les groupes Ă©tudiants liĂ©s Ă  l'UNEF doivent dĂ©sormais s'occuper de taches « syndicales Â»[8], spĂ©cifiques aux questions Ă©tudiantes, et « laisser Ă  d'autres la lutte antifasciste Â»[8], la guerre d'AlgĂ©rie tirant Ă  sa fin. DĂ©but fĂ©vrier, le FUA est donc poussĂ© Ă  se mettre en sommeil, mais cette option fait dĂ©bat en son sein[8]. Le gouvernement menace de ne plus subventionner l'UNEF, après avoir suspendu sa subvention de fonctionnement Ă  partir de 1960[9]. DĂ©but 1962, de nombreuses assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales locales adoptent une position attentiste. Seule la puissante FGEL de Paris continue Ă  ĂŞtre active officiellement au sein du FUA[8].

Cet attentisme de la direction de l'UNEF, même si elle est toujours aux mains des ex-minos qui réclamaient l'engagement contre la guerre d'Algérie[9] entraîne la création à la Sorbonne et dans d'autre universités d'une opposition de gauche, qui a son propre bureau à la Sorbonne, menée par la Fédération générale des étudiants en lettres, ou FGEL mais aussi par l'Association générale des étudiants en médecine[9] à la Faculté de médecine de Paris. De là démarre une génération de militants qui ont progressivement acquis une conscience politique, des techniques permettant d'élargir les objectifs des mobilisation aux luttes sociales mais aussi d'élargir le périmètre des étudiants mobilisés via la création de groupes d'études, par discipline, où chacun peut apporter ses idées et regards critiques sur l'enseignement et les conditions de vie universitaires, dont la FGEL constitue un modèle pleinement opérationnel[9], qui a permis un relatif quadrillage militant à la Sorbonne, pensé par Alain Krivine et son second Henri Weber.

Relations avec l'extrĂŞme-droite

Le FUA préconisait une lutte radicale contre les projets putschistes de l'extrême droite. Ses méthodes d'organisation pour s'y opposer ont pu aller jusqu'à de violents affrontements avec les partisans de l'OAS, dont le FUA était la cible dans le quartier latin, l'OAS étant parfois renforcés par les militants de Jeune Nation. La chambre d'étudiant d'Alain Krivine ayant été plastiquée en son absence, une réunion est organisée pour organiser un raid-éclair contre une manifestation pro-Algérie française[1]. Le succès du raid amène à constituer un service d'ordre, par une réunion Salle des horticulteurs, où l'on attend 200 personnes et découvre qu'elles sont 500 présentes par la suite, en vue de s'opposer aux manifestations de la partie adverse [1].

L'extrême-droite tenta d'infiltrer le FUA, via deux étudiants de HEC, qui sont interrogés, fouillés et remis à la police car de la littérature favorable à l'OAS a été retrouvée dans leur sacs[10].

Une partie des militants du FUA fondent le Comité de liaison des étudiants révolutionnaires[11], appelé aussi « l'Occident de gauche », face au PCF et aux ESU du PSU, jugés trop mous, et être capable de résister, via la création d'un service d'ordre efficace, aux attaques d'un mouvement d'extrême-droite rendu violent par la guerre d'Algérie, la Fédération des étudiants nationalistes, constituée le par des étudiants – généralement issus de Jeune Nation, et dont une partie, exclue en février 1964, se transformera en « Occident »[12]. Le service d'ordre du comité de liaison des étudiants révolutionnaires s'entraîne à la salle de sport de la Montagne Sainte-Geneviève et à la salle Censier.

En février 1962, la revue Perspective ou Cahiers bimensuels de la Section Sorbonne-Lettres du Parti socialiste unifié accuse François Duprat de s'être attaqué à la permanence du Comité anti-fasciste de l'institut de Géographie et met par ailleurs en cause un membre du Comité de rédaction de La Nation française hebdomadaire royaliste français actif de 1955 à 1967 et ardent défendeur de l'Algérie française[8].

Relations avec le PCF

Le FUA Ă©tait favorable Ă  l’indĂ©pendance de l'AlgĂ©rie et organisa avec le ComitĂ© anticolonialiste l'un des rassemblements de protestation après le massacre du 17 octobre 1961 et dans la foulĂ©e les manifestations des 19 dĂ©cembre 1961 et 8 fĂ©vrier 1962 contre les attentats de l'OAS. Les Ă©tudiants du Parti socialiste unifiĂ© reprochent en particulier aux reprĂ©sentants de l'UEC au sein du Front de ne pas vouloir que le FUA parle de « RĂ©volution algĂ©rienne Â» et d'exiger qu'il emploie des pĂ©riphrases pour parler de la « lutte contre le rĂ©gime Gaulliste Â» ou encore de se prĂ©senter comme « oppositionnels Â» mais de toujours attendre que parle le dĂ©lĂ©guĂ© du ComitĂ© central du PCF pour ensuite « se soumettre et jouer aux martyrs Â». Pour le PCF, le FUA portait un discours anticapitaliste et rĂ©volutionnaire tel qu'ils y voyaient la marque des trotskistes.

Suites Ă  long terme

Dans le sillage de la création du Front universitaire antifasciste, ou l'année précédente, des partis animés par des jeunes se sont créés comme le PSU fondé en 1960, qui a créé les ESU.

De nombreux militants du FUA étaient aussi membre de l'Union des étudiants communistes (UEC), en grande partie sans être adhérents du PCF. L'UEC subira trois scissions lorsque celui-ci tentera de reprendre la main à sa direction. C'est d'abord en 1961, après la 1re « crise de l'UEC », la fondation du Comité de liaison des étudiants révolutionnaires par des militants trostkistes ou proches d'eux, qui se dotent d'un service d'ordre musclé[11].

Cinq ans après la création du FUA, une partie de l’aile gauche des étudiants communistes, organisées dans une structure indépendante de l'Union des étudiants communistes dirigée par Alain Krivine, l'ont suivi lorsqu'il a décidé de quitter l'UEC après la destitution de l'équipe animant son journal Clarté pour donner naissance à la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR) en décembre 1965[13]. Une trois scissiona lieu dans le courant de l'année 1966 avec la fondation de l'Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes, qui adopte une doctrine maoïste, autour des étudiants de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm à Paris puis de plusieurs lyces où des classes préparatoires y sont consacrées.

Personnalités ayant participé au FUA

Notes et références

  1. Hervé Hamon et Patrick Rotman , Génération (histoire sociale et politique) sur le Gauchisme, aux Éditions du Seuil, Tome 1 : Les Années de rêve, en 1987, Tome 2 : Les Années de poudre, en 1988
  2. Histoire de l'extrême gauche trotskiste: De 1929 à nos jours par Frédéric Charpier, Éditions 1, 2002
  3. (en) Christoph Kalter, The Discovery of the Third World: Decolonization and the Rise of the New Left in France, c.1950–1976, Cambridge University Press, , p. 157-159
  4. Tudi Kernalegenn, « Le PSU vu d’en bas: Réseaux sociaux, mouvement politique, laboratoire d’idées (années 1950-années 1980) », sur Presses universitaires de Rennes,
  5. Témoignage de Guy Trastour, candidat sur la liste d’opposition à la corpo à la Faculté de droit de Paris-Panthéon, au Conservatoire des mémoires étudiantes, recueilli le 13 mars 2008 par Jean-Philippe Legois
  6. Ludivine Bantigny, « Jeunesse et engagement pendant la guerre d’Algérie », Parlement(s), L'Harmattan, (consulté le )
  7. Daniel Bensaïd et Henri Weber, Mai 1968 : une répétition générale, La Découverte
  8. Perspective, ou Cahiers bimensuels de la Section Sorbonne-Lettres du Parti socialiste unifié, février 1962
  9. Bernard Brillant, Les clercs de 68, Presses Universitaires de France, , 640 p.
  10. Hervé Hamon & Patrick Rotman, Génération : les années de rêve, Paris, Seuil, .
  11. Guide de la contestation: Les hommes, les faits, les événements, par Dominique Venner, ex-militant de l'OAS, aux Éditions Robert Laffont, 1969
  12. Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi !: Histoire du mouvement révolutionnaire étudiant en Europe, par Jean-Louis Brau, éditions Albin Michel, 1968
  13. Jean-Paul Salles, « La Ligue communiste révolutionnaire », Presses universitaires de Rennes, (consulté le )

Liens externes

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