Jean-Louis Peninou
Jean-Louis Peninou, né le , est un militant anticolonialiste, syndicaliste étudiant et journaliste français, qui a dirigé le quotidien Libération avec la fonction de directeur général de 1987 à février 1995, aprÚs avoir rejoint le journal à la fin de l'année 1974, un an et demi aprÚs sa création.
Biographie
Famille et jeunesse
NĂ© dans une famille de mĂ©decins catholiques pratiquants Ă Bordeaux[1], Jean-Louis Peninou y effectue ses Ă©tudes secondaires. Peu aprĂšs sa participation Ă la manifestation contre le coup d'Ătat du 13 mai 1958 Ă Alger, il adhĂšre en 1959 au Parti socialiste autonome puis au PSU en 1960, devenant plus tard le secrĂ©taire de la section Sorbonne de ce parti en pleine Ă©mergence, qui a crĂ©Ă© au moment de sa fondation les ESU, puis son secrĂ©taire national Ă©tudiant (1962-1963).
De Lyon Ă la Sorbonne
InstallĂ© Ă Lyon pour Ă©tudier la sociologie Ă la rentrĂ©e universitaire 1960-1961, il est Ă©lu au bureau de l'amicale de Lettres de l'Association GĂ©nĂ©rale des Ătudiants de Lyon (UNEF)[1], dans une ville plutĂŽt conservatrice, puis poursuivit ses Ă©tudes Ă la Sorbonne Ă Paris l'annĂ©e universitaire suivante (1961-1962), toujours en sociologie et en sciences Ă©conomiques, jouant un rĂŽle dirigeant dans le Front universitaire antifasciste (FUA) qui venait de se crĂ©er au printemps[1].
Le séjour en Algérie
Jean-Louis Peninou fait partie des militants du Front universitaire antifasciste (FUA), fondĂ© en 1961, qui rĂ©unit des militants de la gauche de lâUEC mais comprend aussi en son sein un certain nombre dâĂ©tudiant du PSU et de la Jeunesse Ă©tudiante chrĂ©tienne[2]. Son ami Marc Kravetz est chef du service d'ordre du FUA[3], et organise un grand meeting du mouvement en 1962 rĂ©unissant 3000 membres du service d'ordre parmi les Ă©tudiants des facultĂ©s parisiennes[3].
Tous deux partent travailler comme enseignants volontaires en AlgĂ©rie au cours de lâĂ©tĂ© 1962[1], juste aprĂšs l'indĂ©pendance du pays. PĂ©ninou s'implique encore un peu plus Ă la rentrĂ©e suivante dans le syndicalisme, en prenant la prĂ©sidence du groupe des Ă©tudiants en sociologie en 1962-1963[1] dans le sillage de son ami Antoine Griset.
Avec Antoine Griset Ă la FGEL
Ă la Sorbonne, il intĂšgre Ă©quipe dirigĂ©e par Antoine Griset Ă la direction de la FĂ©dĂ©ration des groupes d'Ă©tudes de Lettres (FGEL)[1], ce qui l'amĂšne entrer au bureau de la FGEL pour dĂ©fendre en son nom au congrĂšs de lâUNEF Ă Dijon, en 1963[1], la « voie universitaire », nouvelle stratĂ©gie recentrĂ©e sur les conditions du travail universitaire. Membre du groupe politique Voie Communiste de 1962 Ă 1964, il y signe ses articles sous le nom dâ« Ergal »[1].
La FGEL devient dans ces annĂ©es le porte-parole d'un certain nombre d'AGE (association gĂ©nĂ©rale des Ă©tudiants), de Paris comme de province[1], trĂšs rĂ©ticentes Ă l'Ă©gard de la politique suivie par le Bureau national de l'UNEF[4]. Compte tenu de l'Ă©troitesse des locaux Ă la Sorbonne, elle se mobilise pour la construction accĂ©lĂ©rĂ©e de lâannexe universitaire de Nanterre, qui prend place en 1965[1].
L'occupation de la Sorbonne le 21 février 1964
Jusqu'Ă l'Ă©tĂ© 1963, Jean-Louis Peninou est militant des Ătudiants socialistes unifiĂ©s (ESU) et ne va intĂ©grer qu'en 1964 le ComitĂ© national de l'Union des Ă©tudiants communistes (UEC)[1]. En , la direction de l'UEC rend public ses diffĂ©rents avec le PCF : l'union entre direction et opposition, au sein de l'UEC, fait gagner Ă cette organisation de la popularitĂ© en Sorbonne, oĂč elle compte dĂ©jĂ prĂšs de 500 militants, mais l'espace ouvert par le Front universitaire antifasciste (FUA) est surtout occupĂ© par le CLER, trotskiste, fondĂ© fin 1961 tandis que les Ătudiants socialistes unifiĂ©s, branche Ă©tudiante du PSU, perdent des militants Ă son dĂ©triment au cours de l'annĂ©e 1962 et du dĂ©but 1963[5].
Il milite aussi Ă la FĂ©dĂ©ration des groupes dâĂ©tudes de Lettres (FGEL), la plus grande assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Ă©tudiants Ă la facultĂ© de lettres de la Sorbonne, au sein de laquelle son ami Antoine Griset a pris la prĂ©sidence du Groupe des Ă©tudiants de sociologie Ă lâautomne 1962, devenant le meneur de la nouvelle orientation, dite « gauche syndicale », qui veut faciliter les mobilisations dĂ©centralisĂ©es et fĂ©dĂ©ratives, contester Ă une plus grande Ă©chelle la structure et le contenu de lâenseignement universitaire.
Peu aprĂšs le CongrĂšs de Dijon de l'UNEF du printemps 1963, marquĂ© par l'Ă©mergence de « gauche syndicale », la FĂ©dĂ©ration des groupes dâĂ©tudes de Lettres (FGEL) organise la publication d'un numĂ©ro spĂ©cial du journal Combat, distribuĂ© gratuitement Ă la Sorbonne par la FGEL au cours de la semaine du lundi 6 au samedi 11 mai 1963. Dans ce numĂ©ro spĂ©cial, un article d'Antoine Griset[6], qui est alors encore prĂ©sident de la FGEL, dit qu'il souhaite « Ă©clairer le problĂšme des diffĂ©rentes Ă tendances dont certains ont voulu voir la naissance » au CongrĂšs de Dijon de l'UNEF du printemps 1963 et reconnait « que bien souvent deux Ă pĂŽles, regroupant certaines AGE (associations gĂ©nĂ©rales d'Ă©tudiants, par villes). se sont opposĂ©s » mais y voit surtout « deux niveaux de rĂ©flexion, certains ayant poussĂ© l'analyse plus que d'autres » et permis de « dĂ©truire ce mythe de l'UNEF monolithique ».
Jean-Louis Peninou quitte ensuite le bureau national des Etudiants socialistes unifiĂ©s en juillet 1963 et tout le bureau le suivra en fĂ©vrier 1964, sur fond de baisse des adhĂ©rents, en publiant un tract "pourquoi nous rejoignons l'UEC Sorbonne". Peu aprĂšs, au dĂ©but de l'annĂ©e universitaire 1963-1964, il est Ă©lu prĂ©sident de la FGEL. Quatre mois plus tard, Jean-Louis Peninou et son ami Marc Kravetz lancent une occupation de la Sorbonne le 21 fĂ©vrier 1964 pour en interdire l'accĂšs Ă une dĂ©lĂ©gation composĂ©e du prĂ©sident de la RĂ©publique italienne et du ministre de lâĂducation nationale français[1]. Mais sur les 30.000 Ă©tudiants de la Sorbonne et ses annexes, seulement 400 participent au meeting organisĂ© la veille Ă 18 heures[7] et censĂ© empĂȘcher la visite[7]. Le lendemain la FGEL tente de leur en interdire l'entrĂ©e mais doivent renoncer face au dĂ©ploiement de la police[7].
A partir du 21 janvier 1964, il y a "un reflux et un essoufflement du mouvement Ă©tudiant": l'UNEF passe de plus de 100.000 adhĂ©rents en 1964-1965 pour 351.000 Ă©tudiants, soit plus d'un tiers[7], Ă 50.000 adhĂ©rents pour 413.000 en 1966-1967, soit moins d'un sur huit[7]. L'Ă©chec de lâopĂ©ration affaiblit la FGEL au sein du monde Ă©tudiant, mais sans freiner son ambition. Ă la fin de l'annĂ©e universitaire 1963-1964, il reçoit une lettre d'un jeune bachelier de NĂźmes, Jean-Marcel Bouguereau, et le fait monter quelques mois aprĂšs Ă la vice-prĂ©sidence de l'UNEF[8].
Entre-temps, en juillet 1964, Peninou et son ami Marc Kravetz sont entrĂ©s au bureau national du syndicat Ă©tudiant, mais pour seulement six mois : tous deux doivent dĂ©missionner en janvier 1965[1]. Les partisans d'Alain Krivine tiennent cependant toujours l'UEC Sorbonne Ă cette Ă©poque. En 1965 aussi, Peninou prend la tĂȘte d'un bureau « de salut public » de la FGEL pendant quelques mois[1].
Lorsque le PCF dissout le secteur Lettres de l'UEC en janvier 1966, Jean-Louis Peninou ne reprend pas sa carte et devient salariĂ© mais reste militant Ă la tĂȘte de la Commission internationale de lâUNEF de 1966 Ă 1968[1].
Mai 68
En mars 1968, il est cofondateur du MAU (Mouvement dâaction universitaire) au jour de la naissance du premier de ses deux fils. Le MAU conteste l'UNEF et diffuse un tract-canular annonçant que la Sorbonne ne fera pas passer dâexamens[1]. DĂ©but mai 1968, il participe Ă la rĂ©daction du quotidien Action, fondĂ© par un ancien de l'UEC. Le 11 mai, il participe Ă l'occupation du centre universitaire Censier, pui s'efforce de coordonner les ComitĂ©s dâaction Ă partir de la Sorbonne et de faciliter le retour de Daniel Cohn-Bendit[1].
Des Cahiers de mai à Libération
Il rejoint ensuite le cofondateur, Daniel Anselme, du journal Les Cahiers de Mai[1], qui se consacrent pendant six ans aux luttes ouvriÚres. Les Cahiers de Mai est un bi-hebdomadaire, a popularisé le reportage social, juste aprÚs Mai 68.
Au printemps de 1974, Serge July lui propose de rentrer en Ă©quipe au sein de LibĂ©ration, avec Françoise Filinger et Jean-Marcel Bouguereau[8], mĂȘme si lui et son ami Marc Kravetz apprĂ©cient peu le ton gauchiste de l'actualitĂ© sociale dans ce quotidien.
Journaliste Ă LibĂ©ration, il en devient directeur gĂ©nĂ©ral, fonction qu'il quitte en fĂ©vrier 1995[1]. Christian Blanc, Pdg dâAir France, lui propose sans succĂšs d'ĂȘtre son directeur de la communication : « Je suis journaliste et la communication dâentreprise nâa rien Ă voir avec mon mĂ©tier. »[1] - [9].
Jean-Louis Peninou écrit ensuite pour divers journaux dont Le Monde diplomatique, voyageant en Afrique et Asie[1] - [9]. Il est aussi chef du service étranger au quotidien Le Matin de Paris[9]. Il prend la parole pour regretter «une certaine frilosité» des groupes français de presse en matiÚre d'information sur Internet[9].
Famille
Jean-Louis Peninou est le pĂšre de Mao Peninou, nĂ© le 20 mars 1968 Ă Paris, ancien attachĂ© parlementaire de Jean-Christophe CambadĂ©lis, ex-responsable des fichiers des adhĂ©rents au Parti socialiste, devenu adjoint au maire de Paris en 2009, chargĂ© de la propretĂ©. Le 30 janvier 2017, au lendemain de la primaire de la Gauche, Mao PĂ©ninou demande officiellement au vainqueur Benoit Hamon, qui vient de battre Manuel Valls au second tour, son ralliement Ă Emmanuel Macron[10]. Mao Peninou a dĂ©missionnĂ© de son poste d'adjoint au maire le 5 novembre 2018 pour briguer « la tĂȘte de liste» LaREM aux Ă©lections europĂ©ennes de juin 2019.
Annexes
Notes et références
- Biographie sur maitron.fr
- "Jeunesse et engagement pendant la guerre d'Algérie", par Ludivine Bantigny dans Parlement, Revue d'histoire politique, en 2007.
- TĂ©moignage de Guy Trastour, candidat sur la liste dâopposition Ă la corpo Ă la FacultĂ© de droit de Paris-PanthĂ©on, au Conservatoire des mĂ©moires Ă©tudiantes?recueilli le 13 mars 2008 par Jean-Philippe Legois .
- Dictionnaire biographique des anciens communistes
- Tudi Kernalegenn, « Le PSU vu dâen bas: RĂ©seaux sociaux, mouvement politique, laboratoire dâidĂ©es (annĂ©es 1950-annĂ©es 1980) », sur Presses universitaires de Rennes,
- "LA FGEL, le congrĂšs et l'UNEF", par Antoine Griset
- "Histoire du SGEN 1937-1970: Le Syndicat Général de l'Education Nationale" par Madeleine Singer, aux Presses Universitaires du Septentrion, 1987
- Jean Guisnel, LibĂ©ration, la biographie, Ădition La DĂ©couverte, en 2003
- "JEAN-LOUIS PENINOU, EX-DIRECTEUR GĂNĂRAL DE LIBĂRATION, dans StratĂ©gies le 20/07/1998
- « Mao Péninou: « Hamon doit se rallier à la candidature de Macron » », interview au Monde le 30 janvier 2017