ForĂȘt d'Eu
La forĂȘt d'Eu est une des grandes forĂȘts de Seine-Maritime, en Normandie. D'une superficie de 9 300 hectares[1], cette hĂȘtraie, situĂ©e dans le Petit Caux au nord-est du dĂ©partement et de la rĂ©gion, possĂšde une histoire fortement liĂ©e Ă la famille d'OrlĂ©ans.
ForĂȘt dâEu | ||||
Haute forĂȘt d'Eu, route de Soreng | ||||
Localisation | ||||
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CoordonnĂ©es | 50° 01âČ 38âł nord, 1° 27âČ 33âł est | |||
Pays | France | |||
RĂ©gion | Normandie | |||
DĂ©partement | Seine-Maritime | |||
GĂ©ographie | ||||
Superficie | 9 300 ha | |||
Altitude · Maximale · Minimale |
215 m 45 m |
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Compléments | ||||
Statut | forĂȘt domaniale | |||
Administration | Office national des forĂȘts | |||
Essences | hĂȘtre commun | |||
GĂ©olocalisation sur la carte : France
GĂ©olocalisation sur la carte : Seine-Maritime
GĂ©olocalisation sur la carte : Normandie
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Description
Bande Ă©troite de plus de 30 km de longueur sur 5 Ă 6 km de large, la forĂȘt d'Eu recouvre la partie la plus orientale du plateau de craie qui sĂ©pare les cours de l'YĂšres et de la Bresle, au sud-est de la ville d'Eu. Cet espace s'Ă©tend de Saint-Pierre-en-Val, prĂšs d'Eu jusqu'aux environs d'Aumale et de Mortemer.
La forĂȘt d'Eu est formĂ©e de plusieurs ensembles distincts[2]. ImmĂ©diatement au sud-est d'Eu s'Ă©tend le Triage d'Eu (1 600 ha), forĂȘt d'aspect dĂ©liĂ© recouvrant une petite croupe en bordure de la vallĂ©e de la Bresle et les versants de la vallĂ©e sĂšche d'Incheville. Plus au sud, la Haute ForĂȘt d'Eu (3 500 ha), plus massive, recouvrant une croupe tabulaire d'environ 200 m d'altitude. Ă proximitĂ© d'Aumale, la Basse ForĂȘt d'Eu (2 800 ha) occupe l'extrĂ©mitĂ© mĂ©ridionale du plateau qui revĂȘt un aspect plus tabulaire. Ces trois massifs sont sĂ©parĂ©s par des espaces cultivĂ©s assez vastes, autrefois boisĂ©s. Il convient d'ajouter quelques bois dĂ©tachĂ©s (d'une superficie totale de (1 400 ha) : bois du TĂŽt, de Gomard, de Cuverville, de Saint-Martin-le-Gaillard, le long de l'YĂšres, bois de Guimerville, du Grand-MarchĂ© au sud-est de Blangy-sur-Bresle[3].
C'est une forĂȘt naturellement constituĂ©e de feuillus, mais des rĂ©sineux ont Ă©tĂ© plantĂ©s dans les « vides » de la forĂȘt de 1900 Ă 1912, avant que cette politique ne soit Ă©tendue Ă d'autres forĂȘts de Normandie (en conservant gĂ©nĂ©ralement un taux de 90 % de feuillus au moins). Le fonds forestier national a ensuite encore encouragĂ© l'enrĂ©sinement des zones de taillis sous futaie et taillis simples des forĂȘts privĂ©es (dans toute la France)[4].
Une des curiositĂ©s de la forĂȘt d'Eu a longtemps Ă©tĂ© le Quesne Ă Leu (ou chĂȘne aux loups), haut de 27 mĂštres et plantĂ© au XVIIe siĂšcle ; toujours visible, il gĂźt dĂ©sormais Ă terre.
Patrimoine naturel
La forĂȘt d'Eu et les pelouses adjacentes sont un site Natura 2000[5].
La haute forĂȘt d'Eu, les vallĂ©es de l'YĂšres et de la Bresle sont en zone naturelle d'intĂ©rĂȘt Ă©cologique, faunistique et floristique[6].
La basse forĂȘt d'Eu est en zone naturelle d'intĂ©rĂȘt Ă©cologique, faunistique et floristique[7].
Histoire, exploitation
L'histoire de cette forĂȘt commence par l'abandon, Ă la fin du IIIe siĂšcle de maniĂšre gĂ©nĂ©ralisĂ©e et au IVe siĂšcle pour les restes d'occupation liĂ©s au dĂ©mantĂšlement des monuments publics, de Briga, une ville romaine de plus de 65 ha construite sur le plateau de Beaumont au lieu-dit le Bois-l'AbbĂ©[8]. La prĂ©sence de vestiges localisĂ©s sous le couvert forestier et fouilles menĂ©es depuis 2006 montrent que les Ă©tendues forestiĂšres actuellement visibles se sont dĂ©veloppĂ©es Ă la fin de l'AntiquitĂ© ou au dĂ©but du Moyen-Ăge[9] - [10].
En 1036, le comte Robert avait donnĂ© aux religieux de l'abbaye Saint-Michel du TrĂ©port, la dĂźme du panage de la forĂȘt d'Eu et de tous les essarts de cette mĂȘme forĂȘt. Par une charte d'aoĂ»t 1282, Jean 1er de Brienne, comte d'Eu, sans doute Ă l'instigation de ses vicomtes, limite Ă 8 le nombre de porcs francs de panage, que les moines pourront avoir dans la forĂȘt d'Eu, tout en leur maintenant la pĂąture franche pour toutes leurs bĂȘtes dans la forĂȘt[11].
Il semble que la forĂȘt couvrait, jusqu'Ă l'an mil, tout le plateau sĂ©parant les vallĂ©es de l'YĂšres et de la Bresle ; de grands dĂ©frichements furent alors entrepris du XIe siĂšcle au XIIIe siĂšcle. Ce fut l'Ă©poque d'une premiĂšre fragmentation de la forĂȘt par des champs cultivĂ©s qui divisent encore l'actuelle forĂȘt d'Eu en trois massifs. Les dĂ©frichements se ralentirent au XIVe siĂšcle avec le dĂ©but de la guerre de Cent Ans, les invasions des troupes du roi d'Angleterre mettant un terme Ă la prospĂ©ritĂ© de la Normandie[12]. Cet arrĂȘt se poursuivit malgrĂ© le retour Ă la paix en raison du dĂ©veloppement de l'exploitation rĂ©guliĂšre des bois. Les comtes d'Eu, propriĂ©taires des lieux trouvaient davantage d'intĂ©rĂȘt Ă vendre les arbres aux charbonniers, aux artisans du bois, aux verriers [13] que de mettre en culture des terres peu rĂ©munĂ©ratrices[12].
L'exploitation de la forĂȘt contribua Ă l'implantation de nombreuses usines de verrerie aux alentours, en particulier dans la vallĂ©e de la Bresle.
AprĂšs avoir appartenu aux ducs de Normandie, puis aux comtes d'Eu, la forĂȘt fut confisquĂ©e Ă la RĂ©volution mais elle fut restituĂ©e Ă son ancienne propriĂ©taire en 1814 : Louise Marie AdĂ©laĂŻde de Bourbon, veuve de Philippe ĂgalitĂ© et mĂšre de Louis-Philippe Ier, futur roi des Français. La forĂȘt resta longtemps possession de la famille d'OrlĂ©ans. En 1852, la forĂȘt devint domanialisĂ©e avant d'ĂȘtre restituĂ©e, une nouvelle fois, Ă ses anciens propriĂ©taires, en 1872.
C'est Ă la suite de cette restitution que furent implantĂ©s les 28 poteaux en fonte parsemĂ©s dans la forĂȘt, pour marquer l'intersection des chemins. Le plus connu d'entre eux est le Poteau MaĂźtre Jean.
Au dĂ©but du XXe siĂšcle, la forĂȘt passe entre les mains d'une sociĂ©tĂ© civile fondĂ©e par des amis du duc d'OrlĂ©ans pour Ă©viter la mainmise de l'Ătat.
Finalement, aprĂšs l'Ă©chec d'une acquisition amiable par l'Administration, l'expropriation est dĂ©cidĂ©e par la loi du 13 aoĂ»t 1913, l'Ătat (pour les 9/10) et le dĂ©partement de Seine-InfĂ©rieure[Note 1] (pour le 1/10) en prenant possession dĂ©finitivement le 15 aoĂ»t 1915[14].
Bibliographie
- Suzanne Deck, Etude sur la ForĂȘt d'Eu, 1929, Caen, Jouan & Bigot, BibliothĂšque d'Histoire du Droit normand (2Ăšme sĂ©rie, tome 2), 1 vol. in 8°, XI-205 pp., 4 cartes ;
- La ForĂȘt d'Eu, Imprimerie de l'Informateur, Eu, 1972.
- Alain Gracia, La ForĂȘt d'Eu, Ăditions des falaises, FĂ©camp, 2002 (ISBN 978-2-84811-002-8)
- Jean-Marie Foubert, Bois et forĂȘts de Normandie, Corlet, 1985.
Notes et références
Notes
- Aujourd'hui, Seine-Maritime.
Références
- La forĂȘt d'Eu sur le site de la ville d'Eu.
- Article de Pierre-Jean Thumerelle in Guide des merveilles naturelles de la France, SĂ©lection du Reader's Digest, 1973, p. 231.
- La ForĂȘt d'Eu, Imprimerie de l'Informateur, p. 2.
- Jean-Jacques Dubois, Espaces et milieux forestiers dans le Nord de la France. Ătude de biogĂ©ographie historique, thĂšse dâĂtat, universitĂ© Paris 1 PanthĂ©on-Sorbonne, 2 vol., 1989, 1 023 pages.
- « FR2300136 - La forĂȘt d'Eu et les pelouses adjacentes », sur Inventaire National du Patrimoine Naturel (consultĂ© le )
- « ZNIEFF n°230000318, Les forĂȘts d'Eawy et d'Arques et la vallĂ©e de la Varenne », sur Inventaire National du Patrimoine Naturel (consultĂ© le )
- « ZNIEFF n°230009226, La basse forĂȘt d'Eu », sur Inventaire National du Patrimoine Naturel (consultĂ© le )
- « ArchimĂšde 7. 2020. Dossier 2. Ătudier lâoccupation dâune ville : les enjeux du PCR « Topographie gĂ©nĂ©rale et insertion territoriale de lâagglomĂ©ration antique de Briga - ArchĂ©ologie et histoire ancienne : MĂ©diterranĂ©e â Europe (ArcHiMĂšdE) - UniversitĂ© de Strasbourg », sur archimede.unistra.fr (DOI 10.47245/archimede.0007.act.09, consultĂ© le )
- Etienne Mantel, Stéphane Dubois, Sophie Devillers, Une agglomération antique sort de l'anonymat (Eu, "Bois L'Abbé", Seine-Maritime) : Briga ressuscité, In: Revue archéologique de Picardie, N°3-4, 2006. pp. 31-50. Lire en ligne
- Mantel, Parétias & Marlin dir., Briga : aux confins septentrionaux de l'Empire, une ville romaine se révÚle, Milano, Silvana Editoriale, , 224 p. (ISBN 978-88-366-4430-8, lire en ligne)
- (la) Pierre-Paul Laffleur de Kermaingant, Cartulaire de l'abbaye de Saint-Michel du Tréport : Ordre de Saint Benoit, Paris, Impr. de Firmin-Didot, (lire en ligne), p. XXX.
- La ForĂȘt d'Eu, Imprimerie de l'Informateur, p. 3.
- Voir le paragraphe sur l'industrie du verre dans l'article sur la Bresle.
- La ForĂȘt d'Eu, Imprimerie de l'Informateur, p. 4-5.