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Eugénie Renique

Eugénie Renique, née le à Maubeuge dans le Nord et morte le à Saint-Amand-les-Eaux[1], est une danseuse d'opéra, aventurière et maîtresse du duc de Rivoli, le maréchal André Masséna (1758-1817).

Eugénie Renique
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  56 ans)
Pas-de-Calais
Nationalité
Activité
Conjoint
Jacques Denis Louis Leberton (faux mariage)
Autres informations
A travaillé pour
Opéra de Paris (à partir de )

Biographie

Elle est la fille aînée d'une fratrie de huit enfants, dont seuls deux parviendront à l'âge adulte. Son père Jean-Baptiste Ignace Joseph Michel Renique (1753- ?), employé de la Ferme générale épouse à Maubeuge le , mademoiselle Marie-Anne (Marianne) Goffart (1755-1822). Sept ans plus tard, le , naîtra à Cambrai ce jeune frère Eugène Louis qui entretiendra avec sa sœur une relation fusionnelle, relation qui s'envenimera à la fin de vie d'Eugénie.

La Révolution française ayant supprimée la Ferme générale, en 1790, la famille perd son statut et son revenu. Son grand-père Goffart meurt en 1793 et Eugénie décide de monter à Paris en 1800 et se retrouve danseuse à l'Opéra de Paris[2]. Elle y rencontre en 1801 le général André Masséna (1758-1817) qui est alors en congé de l'armée. Elle devient sa maîtresse, et cette relation va durer dix ans ce qui en fait un peu plus qu'une passade. Elle partagera avec lui tous les honneurs militaires qu'il va glaner sur les champs de bataille, à commencer par son bâton de maréchal le , lorsqu'il est fait duc de Rivoli, le , prince d'Essling, le . Elle le suit dans ses campagnes d'Italie et de Calabre de 1805-1806, ou dans le village de Cosenza ils faillirent être surpris au lit par une attaque de bandits[3]. Il fut convenu qu'elle serait officiellement la femme de son aide-de-camp Jacques Denis Louis Leberton, poste qu'il occupa de février à . En 1806, elle est déjà avec lui sur le champ de bataille, vêtue en homme, galopant à cheval aux côtés du maréchal. Le vieux maréchal était de surcroît jaloux à l’extrême de celle que les soldats nommaient La poule à Masséna.

Le , Eugénie fait l'acquisition auprès du maréchal Pierre Augereau (1757-1816) de sa maison de campagne ou garçonnière, un ancien presbytère au 10 place du Parvis à Bagneux[4] connu de nos jours sous le nom de Maison Masséna. Masséna fut en congé de à soit vingt mois, temps qu'il partagea entre sa femme légitime en son hôtel particulier de la rue de Lille à Paris ou son château de Rueil, et sa maîtresse en sa demeure de Bagneux[5].

Elle est présente pendant la campagne d'Autriche en 1809[6], mais également toutes les avanies lors de la guerre d'Espagne et l'invasion du Portugal en 1810-1811. Masséna avait accepté ce dernier commandement à la condition de pouvoir emmener avec lui Eugénie. Masséna arrive à Salamanque le et décide d'entrer au Portugal en suivant l'axe Ciudad Rodrigo — Almeida — Coimbra. Après le siège de Ciudad Rodrigo, les premiers combats en terre portugaise se déroulent près de la Côa, avant que ne débute le siège d'Almeida, en compagnie de sa maîtresse. Marbot aide-de-camp de Masséna nous dit d'elle: « C'était une femme de beaucoup de moyens, bonne et aimable, et qui comprenait du reste tous les désagréments de la situation » Après la défaite de la bataille de Fuentes de Oñoro les 3 et . Le général Marbot d'ajouter : « Pendant ce long et pénible trajet, Masséna s'était vivement préoccupé des dangers auxquels Mme X... était constamment exposée. Cette femme courageuse... dut être portée. Aussi le généralissime, tout en nous conjurant de ne pas abandonner Mme X.., nous dit à plusieurs reprises : "Quelle faute j'ai commise en emmenant une femme à la guerre" »

Marbot nous rapporte un autre épisode de cette campagne. Masséna souhaitant retenir à déjeuner le maréchal Michel Ney (1769-1815) ; le général Jean-Louis-Ébénézer Reynier (1771-1814) ; le général Duc d'Abrantès Jean-Andoche Junot (1771-1813) ; le général Louis Pierre de Montbrun (1770-1812) qui n'avaient pas beaucoup de sympathie pour lui : « Jusqu'à là tout allait bien, mais quelques instants avant de s'asseoir, Masséna fait appeler Mme X... qui recule en se voyant en présence des lieutenants de Masséna. Mais celui-ci dit tout haut à Ney : "Mon cher maréchal, veuillez donner la main à madame". Le maréchal Ney pâlit et fut sur le point d'éclater... Cependant, il se contînt, et conduisit du bout du doigt Mme X... qui avait trop d'esprit pour ne pas sentir combien sa situation était fausse, fut prise tout à coup d'une violente attaque de nerfs et tomba évanouie. Alors, Ney, Reynier, Montbrun et Junot quittent le jardin, non sans que Ney témoignât à haute voix et très vivement ses impressions ... A compter de ce jour Ney, Reynier, Montbrun et Junot furent au plus mal avec Masséna, qui de son côté leur en voulut beaucoup » Eugène Renique bénéficia également des bontés de Masséna, mais sans jamais en abuser. Il devint aide-de-camp du maréchal en même temps que Leberton.

Ă€ Viseu, les troupes de MassĂ©na sont contraintes de stationner une semaine parce qu'EugĂ©nie Renique est souffrante, et ceci malgrĂ© l'approche des troupes anglaises[7]. Le gĂ©nĂ©ral ThiĂ©bault quant Ă  lui trouve cette situation du plus mauvais effet pour la troupe, il nous prĂ©cise que MassĂ©na qui a 50 ans est atteint de la tuberculose et qu'il vomit du sang. Il compare la belle qui ne l'Ă©tait pas dit-il Ă  un meuble de cette espèce. SĂ»rement capricieuse, nous savons par Griois et d'Hautpoul qu'elle fit attendre la troupe obligĂ© de courir lui chercher sa perruche oubliĂ©e dans le logement.

Masséna s'est violemment disputé avec Ney, qui, malgré son comportement brillant au cours de la campagne, a peu apprécié de servir sous les ordres du prince d'Essling ; excédé, Masséna relève Ney de son commandement et le renvoie en France[8]. Timidement poursuivi par Wellington, Masséna décide de reprendre l'offensive afin de dégager Almeida et attaque l'armée anglo-portugaise à Fuentes de Oñoro, le . Au cours de cet affrontement qui s'étale sur trois jours, Masséna réussit à exploiter une faiblesse dans la ligne de Wellington, mais l'inaction de la cavalerie du général Lepic et l'attitude de Bessières qui refuse de lui apporter son soutien l'oblige finalement à se retirer[9].

Napoléon, vivement déçu par l'échec de l'invasion du Portugal, fait ouvertement part de son mécontentement à Masséna, qui doit finalement remettre son commandement au maréchal Marmont le . Rentré en France, il est mal accueilli par Napoléon Ier qui lui déclare : « eh bien, prince d'Essling, vous n'êtes donc plus Masséna ? »[10] Sa défaite au Portugal, en partie due à ses erreurs mais aussi à des difficultés pratiques et à la mauvaise coopération de ses lieutenants, met un point final à sa carrière sur les champs de bataille[8].

On ignore la date de la sĂ©paration de MassĂ©na et d'EugĂ©nie, mais le , EugĂ©nie obtient un passeport par le dĂ©partement du Nord pour se rendre Ă  Saint-Amand[11]. MassĂ©na tombĂ© en disgrâce, est-il plus malade ? Elle s'installe Ă  Saint-Amand en 1813, date connue par une lettre de son frère, datĂ©e de 1836[12]. Elle a 31 ans, et va complètement changer son mode de vie. Le , EugĂ©nie revend sa maison de Bagneux au nouveau curĂ©, avec une moins-value de 3 000 francs. Elle restera connue bien que redevenue diocĂ©saine sous le nom de Maison MassĂ©na. Lors de la vente l'acte prĂ©cise que la dame n'habite plus lĂ  mais Ă  Saint-Amand.

Elle emménage à l'angle de la rue Condé[13], et de la place de l'Église, à proximité de sa mère et de ses tantes logées dans la même rue. Son frère la rejoint rapidement. Elle possède un joli capital qui lui permet d'acheter de nombreuses maisons et terrains à Saint-Amand, Valenciennes, ainsi que dans différentes villes du canton et dans le Hainaut belge. Elle accole à son nom un De La Tour. En 1819, son frère Eugène, sollicite du roi de France le Croix de Saint-Louis. Il semblerait qu'elle fit partie d'une loge maçonnique, ce qui est fort possible Masséna étant initié en 1784, et Grand Conservateur général en 1806, jusqu'à la chute de l'Empire.

Mais les bonnes choses n'ont qu'un temps. Eugénie tombe malade son psychisme est gravement altéré, elle subit l'influence de mauvaises personnes, rédige un testament léguant sa fortune à la ville de Saint-Amand. Un orphelinat fut construit qui portera son nom, et détruit dans les années 1990. Eugène dut déménager et s'installer à Valenciennes dans une maison qui lui est réservée par les dispositions testamentaires de sa sœur.

Elle meurt le Ă  l'âge de 56 ans. Ă€ sa mort sa fortune est estimĂ©e Ă  500 000 soit environ 5 millions d'euros. Son frère Eugène se marie Ă  Valenciennes en 1840 et mourut sans postĂ©ritĂ© en 1880.

Bibliographie

  • Gloire et Empire, No 70, La retraite de MassĂ©na, , 132 p.
  • Augustin Augustin-Thierry (1870-1956), MassĂ©na, 1947[14].
  • Georges Blond, Vivere e morire per Napoleone, vita e battaglie della Grande armata, traduction Vivre et mourir pour NapolĂ©on : vie et batailles de la Grande ArmĂ©e, volume 1, Milan, Bibliothèque universelle Rizzoli, 1998.
  • Capitaine Nicolas Marcel (1786-1845), Campagnes du capitaine Marcel, 1808-1814, Paris, Plon-Nourrit, 1913, p. 11.
  • Baron Paul ThiĂ©bault (1769-1846), MĂ©moires du gĂ©nĂ©ral baron ThiĂ©bault, 1806-1813, Paris, Plon-Nourrit, 1896, T.IV, p. 475.
  • GĂ©nĂ©ral, marquis Alphonse Henri d'Hautpoul (1789-1865), MĂ©moires du gĂ©nĂ©ral marquis d'Hautpoul, Paris, Perrin, 1906, p. 53
  • GĂ©nĂ©ral Charles Pierre Lubin Griois (1772-1839), MĂ©moires du gĂ©nĂ©ral Griois, 1792-1822, Paris, Plon-Nourrit, T.I, p. 332-333.
  • GĂ©nĂ©ral Marcellin Marbot (1782-1854), MĂ©moires du gĂ©nĂ©ral baron de Marbot, publiĂ© par sa petite-fille, Plon Nourrit, 1891, t.II, p. 333.
  • Paul-Louis Couturier de MĂ©rĂ© (1772-1825), MĂ©moires, correspondances et opuscules inĂ©dits de Paul-Louis Courier, Paris, A. Sautelet, 1828, t.I, p. 137, Lettres de campagne du Ă©crite Ă  Scigliano.
  • Duc Victor de Broglie (1785-1870), Souvenirs, 1785-1870, Paris, Calmann-LĂ©vy, C.LĂ©vy, 1886, (4 vol. in-8), T.I, p. 150.
  • Duchesse d'Abrantès, MĂ©moires de la duchesse d'Abrantès, Paris, Mme-Delaunay, 1834, tome XIII, p. 63-68.
  • Chantal PrĂ©vot, EnquĂŞte sur EugĂ©nie Renique, maĂ®tresse rĂ©gulière et compagne irrĂ©gulière du MarĂ©chal MassĂ©na article dans : Napoleonica La Revue 2014/2 (No 20), pages 102 Ă  128. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Madeleine Leveau-Fernandez et Antoine Bertoncini, Bagneux : des origines Ă  nos jours, Bagneux, France, Ville de Bagneux, , 255 p. (ISBN 978-2-950-08460-6).
  • Jean Lebeuf, Histoire de la ville et du Diocèse de Paris, Paris, 1754 Ier Ă©dition.
  • Eugène Toulouze, Histoire d'un village ignorĂ©, balneolum.
  • Albert Maugarny, La Banlieue sud de Paris, Le Puy-en-Velay, 1936.
  • Troche, MĂ©moire historique et archĂ©ologique sur la commune et l'Ă©glise paroissiale de Bagneux, 1866.
  • Chuquet, Une maĂ®tresse de MassĂ©na, dans Feuilles d'histoire, 1909.
  • Louis Chardigny, Les MarĂ©chaux de NapolĂ©on, , Paris, 1946, Ă©ditions Flammarion.
  • FrĂ©dĂ©ric Hulot, Le marĂ©chal MassĂ©na, Paris, Pygmalion, , 345 p. (ISBN 978-2-857-04973-9).
  • FrĂ©dĂ©ric Hulot, Les grands marĂ©chaux de NapolĂ©on : Berthier, Davout, Jourdan, MassĂ©na, Murat, Ney, Soult, Suchet, Paris, Pygmalion, , 1705 p. (ISBN 978-2-756-41081-4).
  • David G. Chandler, I marescialli di Napoleone, Milan, Ă©d. Rizzoli, 1988, (ISBN 88-17-33251-8).

Références

  1. Acte de décès (avec date et lieu de naissance) à Saint-Amand-les-Eaux, n° 412, vue 967/1180.
  2. Augustin-Thierry, A. (1870-1956) dans Masséna, l'enfant gâté de la Victoire, Paris : A. Michel, 1947, In-8°, 349 p., pl., portr., fac-sim., couv. ill. la présente comme danseuse de l'Opéra
  3. Paul-Louis Courier, op, cit.
  4. Aujourd'hui place de la RĂ©publique
  5. C'est Louis Chardigny, dans Les Maréchaux de Napoléon, qui fut le premier à donner le prénom d'Eugénie et l'adresse de Bagneux à la maîtresse de Masséna
  6. Selon Augustin-Augustin Thierry, Masséna, p. 257
  7. Général Marbot, op.cit, p. 383-384.
  8. Chandler 1988, p. 510 et 511.
  9. Hulot 2013, p. 844 Ă  849.
  10. Hulot 2013, p. 851 Ă  853.
  11. Archives départementales du Nord, talons de passeport. J. 1438/I.35
  12. Archives départementales du Nord, 1 Z5568/3
  13. Aujourd'hui rue Louise de Bittignies
  14. neveu de l'historien Augustin Thierry (1795-1856)

Voir aussi

Filmographie

Articles connexes

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