Accueil🇫🇷Chercher

Ernest Billiet


Ernest Billiet, né le au Caire (Égypte) et décédé le à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), est un dirigeant d'une organisation patronale, l'Union des intérêts économiques, et un homme politique français.

Ernest Billiet
Illustration.
Photographie d'Ernest Billiet publiée en 1897.
Fonctions
Sénateur français
–
Gouvernement IIIe République
Groupe politique Union républicaine
Biographie
Nom de naissance Paul Ernest Jean Joseph
Date de naissance
Lieu de naissance Caire (Égypte)
Date de décès
Lieu de décès Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine),
Nationalité française
Père Laurent Claude Billiet
Mère Catherine Adèle Naggiar
Conjoint Marie Caroline Gurnaud
Enfants Jean, Alice
Entourage Louis Billiet, l'un de ses frères
Diplômé de Autodidacte
Profession Publiciste, journaliste, animateur d'une organisation patronale
Distinctions Chevalier de la Légion d'honneur ( 1929 )
Tombe d'Ernest Billiet au cimetière ancien d'Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine).

Biographie

Origine familiale et fratrie

Ernest Billiet est le fils d'un sous-agent des Messageries maritimes et distributeur de la poste française, installé au Caire[1]. Sa famille vient s'installer à Lyon d'où elle est originaire à partir des années 1880[2].

Ernest Billiet a 6 frères et sœurs : Jean, Alice, Marguerite, Joseph, Paul et Louis. Trois de ses frères sont comme lui chevaliers de la Légion d'honneur : Joseph, Paul, secrétaire général de l'Union des mutilés et anciens combattants de Lyon[3] et Louis, également chevalier[4]et parrain dans l'ordre d'Ernest. Louis (1888-1963), secrétaire de rédaction et rédacteur du quotidien lyonnais Le Salut public (1907-1914), est devenu son collaborateur à l'Union des intérêts économiques à partir de 1918, et lui a succédé en 1939[5].

Si son autre frère Joseph (1886-1957) a collaboré un temps au périodique de l'Union des intérêts économiques (Le Réveil économique)[6], il est avant tout un critique d'art et poète (directeur de la revue L'Art libre à Lyon de 1909 à 1911 et collaborateur d'autres revues), un galeriste (de 1921 à 1927) puis un conservateur des musées nationaux à partir de 1928 : conservateur des musées de Cannes, chef du service administratif des musées nationaux en 1931, conservateur-adjoint en 1934, chargé de l'inspection générale des musées, éphémère directeur général des beaux-arts à la Libération d'août à octobre 1944, puis conservateur du Château de Malmaison après la guerre, jusqu'à son décès. Ce résistant, fondateur en 1942 de la revue clandestine L'art français, entrera au Front national des arts[7]. Alors qu'Ernest Billiet est anticommuniste, il est communiste ou compagnon de route avant la Seconde Guerre mondiale[8], et le demeure ensuite[9].

Militant catholique dans sa jeunesse

Cet autodidacte, du fait d'une maladie qui l'atteint aux yeux[10], milite à Lyon dans les années 1890 et au début des années 1900 pour les journaux et les organisations de la démocratie chrétienne, liés à l'Union nationale de l'abbé Théodore Garnier : Union nationale de Lyon, cercle d'études sociales, hebdomadaire La France libre[11]. Ce « républicain démocrate » devient un conférencier écouté dans les milieux catholiques, dans la région lyonnaise mais aussi dans d'autres régions, jusqu'à Paris[12]. Il combat alors la franc-maçonnerie[13] ainsi que les juifs, dans le contexte de l'affaire Dreyfus ; il est alors proche des nationalistes[14].

Il s'installe ensuite dans la région parisienne, où il est chef du service de la mutualité à la Société des agriculteurs de France[15]. Il collabore à des journaux catholiques parisiens comme le quotidien L'Univers[16]. Il fonde en 1905 à Asnières un secrétariat social, qui se met à la disposition des associations catholiques[17].

Animateur de l'Union des intérêts économiques de 1910 à sa mort en 1939

Il fait campagne à partir de 1906 contre les caisses d'assurances agricoles mutuelles contre l'incendie[18], et se met au service des compagnies d'assurances, comme conférencier du Comité de défense des compagnies d'assurances[19] et secrétaire de l'Union syndicale des courtiers d'assurances. Cela lui permet d'être désigné délégué puis secrétaire général (début 1919) de l'Union des intérêts économiques, constituée en 1910, notamment par l'Union syndicale des compagnies d'assurances, pour empêcher leur nationalisation[2]. L'Union devient l'un des principaux groupes de pression des entrepreneurs français, grands et petits. Il est aussi trésorier adjoint du comité parlementaire du commerce, aux côtés de Paul Forsans, trésorier et président de l'UIE[20].

Billiet devient le principal animateur de l'UIE, réputée dispenser l'argent du patronat aux hommes politiques lors des élections à partir de 1919. Billiet en devient le vice-président en 1920, lorsqu'il est élu sénateur[21], puis président en décembre 1924, alors qu'une commission d'enquête parlementaire est créée par le Cartel des Gauches, à propos de l'implication de l'UIE dans la campagne législative de 1924. Il refusa de prêter serment devant cette commission - il fut condamné à 300 francs d'amende pour ce refus - et de divulguer les noms de ceux qui ont bénéficié de l'appui de son groupement[22]. Billiet a répondu aux polémiques sur l'action électorale de l'UIE lors du congrès de cette association en 1923 :

« On nous a reproché d'avoir attaché à notre œuvre, par je ne sais quels liens inavouables, des parlementaires, dont nous aurions ainsi compromis l'indépendance. La vérité est moins sombre. En fait, nous avons, en 1919, soumis à de nombreux candidats un programme économique (...). Ce programme, les candidats de 1919 étaient libres de l'accepter ou de le repousser, comme le seront ceux de 1924. Il est arrivé que 379 élus du 16 novembre 1919 avaient accepté, en totalité ou en partie, notre programme. De là est née la calomnie (...). Ce que nous avons fait hier, nous le referons en nous adressant à tous les hommes d'ordre et de liberté pour continuer une œuvre de redressement économique[23]. »

Il se défend aussi dans la presse[24].

Billiet est donc un acteur majeur de la vie politique dans l'entre-deux-guerres, en tant que financier de partis et d'hommes politiques, conseiller en stratégies politiques et lobbyiste[25]. En tant aussi que directeur politique à partir de 1929 d'un quotidien, L'Avenir, dans lequel il a pu signer des éditoriaux sous le pseudonyme de Senatus, commentés par les journaux de l'époque[26]. Mais ce quotidien cesse de paraître en tant que tel au début de l'année 1933, après l'échec des modérés aux élections législatives de 1932 et après que des gros souscripteurs comme François de Wendel ont décidé de ne plus subventionner ce périodique[27].

Son action a la tête de l'UIE a fait de lui une des cibles favorites des partis de gauche. Pour les communistes, il est « le grand électeur et le grand corrupteur de la République bourgeoise »[28]. Le Populaire a mené une campagne contre lui sur le même thème. Il publie ainsi des circulaires de l'UIE pour les critiquer ou s'en moquer[29]. Sa stratégie a aussi été critiquée par des journalistes ou hommes politiques de droite, tels Émile Buré, de L'Ordre[30], ou Henri de Kerillis qui lui reproche en 1931 d'empêcher l'union des nationaux contre les gauches[31]. Les royalistes de l'Action française lui reprochent notamment son cynisme et rappellent son passé clérical[32].

Il a été appuyé par des dirigeants d'organisations patronales, comme Henri de Peyerimhoff de Fontenelle, et par des industriels engagés en politique, tel François de Wendel, non sans tensions : Wendel a pu contester des prises de position de Billiet comme la « concentration républicaine » en 1931 (l'union des centres), préconisée par Billiet et refusée par Wendel. Ou bien le scrutin uninominal à un tour, voulu par la Fédération républicaine et critiqué par Billiet en 1932, au nom des cafetiers et restaurateurs membres de l'UIE, qui lui préfèrent le scrutin à deux tours, pour des raisons commerciales[33].

Homme politique

Il s'est porté candidat aux législatives de 1902, à Valence dans la Drôme[34], et de 1906, à Toul en Meurthe-et-Moselle[35], sans succès, contre des députés sortants radicaux. Il était alors un militant catholique, délégué de l'Action libérale populaire[36], combattant la politique anticléricale des gouvernements républicains.

Il est à partir de 1912 conseiller municipal d'Asnières, où il préside le comité de concentration républicaine, qui contribua à la formation et à l'élection de la liste des députés de la banlieue parisienne en 1919[37]. Il est élu maire d'Asnières de 1929[38] à son décès en 1939. Après la Première Guerre mondiale, cet ancien militant catholique devenu paradoxalement membre du parti radical à Asnières (de sa tendance modérée cependant)[39] est partisan de l'union entre les radicaux et les partis du centre et de la droite[40]. Grâce à sa fonction de liaison entre les groupements politiques et les organisations patronales[41], il est sénateur de la Seine de 1920[42] à 1927, inscrit au groupe de l'Union républicaine. Il s'occupe de sujets économiques. Il échoue toutefois à se faire réélire en 1927, et ne parvient pas non plus à se faire élire député dans le département de la Seine en 1936[43]: il est battu au second tour par un communiste, Émile Dutilleul, alors que le quotidien des socialistes met en avant son action à la tête de l'UIE, l'accusant d'être « l'agent des 200 familles » et un « corrupteur professionnel »[44].

Notes et références

  1. Cf. son dossier de la Légion d'honneur, p. 11.
  2. Dictionnaire historique des patrons français, p. 93
  3. cf. son Dossier de la Légion d'honneur dans la base Léonore
  4. Le Temps, 17 mai 1928, Lettre d'Ernest Billiet à propos d'une confusion entre son frère et lui. Louis sera ensuite promu officier.
  5. Henri Temerson, Biographies des principales personnalités françaises décédées au cours de l'année, p. 30-31
  6. Cf. son dossier de la Légion d'honneur dans la base Léonore
  7. Le Monde, 4 décembre 1957, "Mort de M. Joseph Billiet conservateur de la Malmaison", L'Art français, organe clandestin du Front national de lutte pour l'indépendance de la France, Dossier de la Légion d'honneur de Joseph Billiet dans la base Léonore, Laurence Bertrand Dorléac, Après la guerre, Gallimard, 2010, p. 127
  8. L'Humanité le présente comme « notre ami » en 1938 (L'Humanité, 14 mai 1938, J. Billiet, "Les trésors artistiques des provinces françaises", Ibid., 31 décembre 1938). Il a publié dans les Cahiers du bolchevisme en 1939 (Cahiers du bolchévisme : organe théorique du Parti communiste, juillet 1939).
  9. Il prêche la révolution dans l'art en 1944 lorsqu'il est directeur général des beaux-arts ( Ce soir, 6 septembre 1944 ). Intellectuel communiste, il sera membre du comité de parrainage de la revue La Pensée
  10. Cf. le Dictionnaire des Parlementaires français, en ligne sur le site du Sénat
  11. Les Catholiques lyonnais et la Chronique sociale: 1892-1914, op. cit., Congrès national de la démocratie chrétienne, tenu à Lyon les 25, 26, 27, 28, 29, 30 novembre 1896 et organisé par la "France libre" , La France libre, 13 avril 1898, "Cercle d'études sociales de la France libre", Jean-Marie Mayeur, Les congrès nationaux de la démocratie chrétienne à Lyon ( 1896-1898 ), Revue d'histoire moderne et contemporaine, juillet 1962
  12. L'Univers, 2 août 1897, "Campagne de conférences dans la Manche", Ibid., 14 février 1898, "Les conférences de M. Billiet à Paris", Ibid., 9 novembre 1900, La Croix de la Drôme, 7 juillet 1901, "Union nationale", La France libre, 25 juillet 1898, "Un discours politique", La France libre, 29 janvier 1898, "Conférences Billiet à Paris", Ibid., 16 mars 1898, "M. Billiet à Troyes"
  13. La Croix, 22 octobre 1895, "Conférences antimaçonniques", Les Catholiques lyonnais et la Chronique sociale: 1892-1914, op. cit., p. 63
  14. Pierre Birnbaum, Le moment antisémite: Un tour de la France en 1898, Fayard, 1998, La France libre, 29 janvier 1898, "Conférences Billiet à Paris"
  15. Cf. son dossier de la Légion d'honneur, p. 8, L'Est républicain, 14 mars 1906, "Le concurrent du docteur Chapuis".
  16. L'Univers, 31 août 1902, Ibid., 17 janvier 1903, "Ceux qu'on proscrit"
  17. Annales de la jeunesse catholique, 16 septembre 1905
  18. L'Argus, 19 août 1906, Ibid., 27 septembre 1908
  19. L'Argus, 30 août 1908, Ibid., 28 août 1909
  20. Le Radical, 6 décembre 1919, "Au comité parlementaire du commerce"
  21. Le Petit Parisien, 19 février 1920
  22. Le Gaulois, 21 décembre 1924, Lettre d'Ernest Billiet justifiant son action, Le Temps, 5 mars 1925, Lettre de Billiet rappelant l'union des radicaux et des modérés en 1919, et les liens de certains radicaux avec l'UIE
  23. Le Petit Parisien, 29 novembre 1923
  24. Le Radical, 3 mai 1924, "L'action électorale" ' Lettre de Billiet ), Ibid., 21 décembre 1924, "L'enquête sur les fonds électoraux. Une lettre de M. le sénateur Billiet", Ibid., 23 décembre 1924, E. Billiet, "La première charrette"
  25. Dictionnaire historique des patrons français, p. 93-94
  26. Jean-Noël Jeanneney, François de Wendel en République. L'argent et le pouvoir, Seuil, 1976, Les parlementaires de la Seine sous la Troisième République: Études, Volume 1, Publications de la Sorbonne, 2001, op. cit., p. 77. Ses adversaires le surnommèrent Senatus-Billiet: Le Populaire, 3 août 1929, L'Humanité, 6 mai 1932, L'Action française, 12 juillet 1929, etc. C'est surtout, en fait, le rédacteur en chef du quotidien, René Gast, choisi par Billiet, qui signa le plus souvent sous ce pseudonyme: Les Nouvelles littéraires, 8 août 1932, "Maitres de l'opinion: L'Avenir", L'Œil de Paris, 30 août 1930.
  27. Jean-Noël Jeanneney, op. cit.
  28. L'Humanité, 30 janvier 1924
  29. Le Populaire, 4 avril 1923, Ibid., 9 octobre 1923, "Le dernier billet de M. Billiet", Ibid., 13 juillet 1931, Ibid., 5 mars 1936
  30. Cité par L'Action française, 8 novembre 1931
  31. L'Echo de Paris, 22 septembre 1931, H. de Kerillis, "En plein désarroi", Ibid. 7 octobre 1931, "L'homme qui rit". Réponse de Senatus dans L'Avenir citée par L'Action française, 9 octobre 1931
  32. L'Action française, 17 septembre 1931, Ibid., 27 mai 1930
  33. Jean-Noël Jeanneney, François de Wendel en République. L'argent et le pouvoir, Seuil, 1976
  34. Mathias Bernard, La dérive des modérés: la Fédération républicaine du Rhône sous la IIIe République, L'Harmattan, 1998, p. 138, Le Figaro, 29 avril 1902. Il est battu par le député sortant radical-socialiste Maurice-Louis Faure.
  35. Battu par le radical Gustave_Chapuis: L'Est républicain, 14 mars 1906, "Le concurrent du docteur Chapuis".
  36. La Croix, 30 août 1902, "Action libérale populaire", Les parlementaires de la Seine sous la Troisième République: Études, Volume 1, Publications de la Sorbonne, 2001, op. cit., p. 77
  37. Le Radical, 18 décembre 1919
  38. Dictionnaire historique des patrons français, op. cit.
  39. Serge Berstein, Histoire du parti radical. Vol 1 : La recherche de l'âge d'or, 1919-1926, Presses de Sciences Po, 1980. La section d'Asnières est exclue de la Fédération de la Seine du parti radical-socialiste en 1924
  40. Le Temps, 11 octobre 1928, Lettre de Billiet expliquant son refus de se présenter aux législatives, Le Temps, 23 mars 1939, "Nécrologie: M. Ernest Billiet"
  41. Les parlementaires de la troisième république, op. cit., p. 233
  42. Élu au second tour sur une liste du bloc républicain: Le Radical, 12 janvier 1920
  43. Les parlementaires de la Seine sous la Troisième République: Études, Volume 1, Publications de la Sorbonne, 2001, op. cit., p. 77
  44. Le Populaire, 21 avril 1936, "A travers la banlieue parisienne", Le Populaire, 16 février 1936, p. 8

Voir aussi

Bibliographie

  • « Ernest Billiet », dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), sous la direction de Jean Jolly, PUF, 1960 (Lire en ligne sur le site du Sénat).
  • Jean Garrigues, « Ernest Billiet, 1873-1939 », dans le Dictionnaire historique des patrons français, Flammarion, 2010, p. 93-94.
  • Ibid., Les patrons et la politique: 150 ans de liaisons dangereuses, Perrin, 2011
    Quelques erreurs factuelles. Ainsi Billiet n'est pas maire en 1919, mais en 1929.
  • Arlette Schweitz (dir.), Les parlementaires de la Seine sous la Troisième République : Études, Volume 1, Publications de la Sorbonne, 2001, p. 76-77.
  • Jean-Marie Mayeur (dir.), Jean-Pierre Chaline (dir.) et Alain Corbin (dir.), Les parlementaires de la Troisième République : actes du colloque international, Paris, les 18 et , Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Histoire de la France aux XIXe et XXe siècles » (no 61), , 459 p. (ISBN 978-2-85944-484-6).
  • Christian Ponson, Les Catholiques lyonnais et la Chronique sociale : 1892-1914, Presses Universitaires de Lyon, 1979.

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.