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Entartrage

L'entartrage est le dépôt de tartre sur un objet ou à l'intérieur d'une canalisation.

Dépôt concentrique de tartre dans une tuyauterie. Ce type de dépôt, constitué principalement de carbonate de calcium, est fréquent dans les zones où l'eau est très calcaire. Le débit baisse au fur et à mesure de l'entartrage (à pression équivalente). Ce type d’encroûtement réduit aussi la conduction thermique entre le fluide et le tube, ce qui induit une perte d'efficacité thermique dans les chaudières ou les échangeurs thermiques.
Cristallisation de sels minéraux, vue au microscope électronique (champ de 64 x 90 µm).
Vue interne d'un tube de condenseur de turbine à vapeur Malgré un traitement de surface interne ou un matériau (cuivre) naturellement biocide, des dépôts encroûtants ont commencé à se former, permettant l'apparition d'un biofilm bactérien qui peut accélérer la formation de tartre.
Tartre de carbonate de calcium teinté de rouge (oxydes métalliques probablement) visible dans un tube (coupe longitudinale).
Début de corrosion dans un tube (coupe longitudinale). Des bactéries ou certains sels peuvent induire ou accélérer ce type de corrosion.

L'eau, ou d'autres fluides contenant de l'eau provenant du sous-sol, des fleuves, rivières, lacs, puits ou du robinet, contiennent en plus ou moins grande quantité des minéraux dissous sous forme de sels, tels que des ions calcium, magnésium, potassium et de nombreux autres sels minéraux.

Dans certaines conditions (brutale dépression de fluides saturés en minéraux, augmentation de la température, catalyseurs appropriés ou noyaux de cristallisation, bactéries), ces minéraux peuvent précipiter, cristalliser ou être utilisés par des biofilms bactériens, comme c'est le cas avec le tartre dentaire. Quand l'épaisseur de tartre est importante, on parle de « bioconcrétion ».

Dans les canalisations

Le tartre est généralement constitué par des sels de calcium se déposant dans des canalisations. Il peut s'agir de :

Prévention / Traitements

L'entartrage peut être combattu préventivement ou a posteriori :

  • PrĂ©ventivement par un contrĂ´le de la minĂ©ralisation des fluides, quand cela est possible, par exemple en dĂ©minĂ©ralisant l'eau circulant dans les conduites, mais avec le risque qu'elle soit plus corrosive et qu'elle se charge en Ă©lĂ©ments traces mĂ©talliques (cuivre, zinc notamment) ou en calcium prĂ©levĂ© dans les conduites de ciment) ;
  • Dans le cas de forages profonds (gĂ©othermie), le maintien de l'eau sous très haute pression limite la cristallisation et empĂŞche l'Ă©bullition, mais est une source de danger et de risque Ă  maitriser pour les installations et le personnel (Cf. risque d'explosion, de brĂ»lures graves ou mortelles par eau ou vapeur).
  • postĂ©rieurement par le dĂ©tartrage.
    Ce dernier peut être mécanique et/ou utiliser des produits chimiques dits détartrants, qui peuvent parfois aussi être source de corrosion ou d'un entartrage facilité (s'il dégrade les surfaces lisses par exemple).

Enjeux

Dans certaines circonstances, industrielles, ou d'adduction d'eau, des risques et dangers particuliers peuvent apparaître pour les biens et personnes, qui peuvent être supprimés ou minimisés par une anticipation des problèmes et une gestion du risque adaptée.

Enjeux technico-industriels

Dans le contexte des captages et de la distribution d'eau mais aussi dans divers contextes industriels, l'entartrage pose de nombreux problèmes (d'efficacité, de maintenance de coûts) est (avec la corrosion) une source importante de risque d'accidents.

Les domaines concernés sont par exemple :

  • les rĂ©seaux de captage, de distribution, d'aspersion, d'injection, etc. d'eau (potable ou industrielle), dès que cette eau est minĂ©ralisĂ©e ;
  • les systèmes (tuyauteries, crĂ©pines, pompes, vannes, rĂ©servoirs, filtres, siphons, capteurs…) de transport de fluides aqueux ou d'origine organique riches en minĂ©raux ou particules organiques ou en nutriments susceptibles d'alimenter des bactĂ©ries capables de former des biofilms et/ou des encroutements ;
  • les chaudières et systèmes d'Ă©changeurs thermiques, quand ils impliquent des eaux minĂ©ralisĂ©es (rĂ©chauffer et faire bouillir une telle eau provoque un dĂ©pĂ´t de tartre, qui est problĂ©matique dans les Ă©changeurs ou installations gĂ©othermiques de transport de calorie par une eau minĂ©ralisĂ©e et très chaude et/ou sous haute-pression ;
  • les fluide de fracturation (ex dans le cas des forage pĂ©trolier ou gazier profond, ou des forage gĂ©othermique profond…) ;
  • les installations de filtration (qu'on cherche Ă  rendre "autonettoyantes" ou plus facilement nettoyantes dans la mesure du possible, l'alternative Ă©tant le changement complet du filtre quand il est entartrĂ©) ;
  • les process industriels ou domestiques utilisant la percolation et/ou l'Ă©vaporation ou la sublimation d'eaux ou de fluides entartrants ;

La prévention ou la meilleure gestion de l'entartrage permet un fonctionnement amélioré et plus durable des systèmes et matériels concernés, avec en général d'importantes économies financières. Certaines solutions efficaces à court terme (ex : déminéralisation de l'eau par 'adoucisseur' ou nettoyage à l'acide et aux biocides) peuvent également dégrader les parties métalliques d'une installation (ou d'autres matériaux sensibles aux acides) ou encore favoriser des biofilms plus résistants.

Avec les progrès techniques faits dans le domaine du forage profond, les opérateurs œuvrant à des profondeurs de plusieurs kilomètres sont confrontés à des fluides beaucoup plus denses, plus chauds, plus corrosifs et plus riches en substances indésirable (mercure, arsenic, radionucléides, gaz ou condensats dissous, etc.) ainsi qu'à des pressions plus élevées. De plus, à des températures dépassant parfois 200 °C, les capteurs disponibles sur le marché ne fonctionnement plus, et il faut donc gérer en aveugle à partir de la surface certains risques, sur la base de modélisations et d'analyse du fluide remontant et avec un certain retard et une certaine imprécision. Dans certains cas des risques de « blow-up » existent.

Des travaux rĂ©cents ont montrĂ© qu'en Alsace Ă  5 000 m de profondeur, une partie des conditions naturelles (tempĂ©rature, pression, minĂ©ralisation des fluides) de cristallisation des carbonates et mĂŞme des quartzs qui forment les veines et inclusions observĂ©es dans la roche naturelle profonde (ici le « granite de Soultz ») sont identiques Ă  celles que met en place une installation de gĂ©othermie profonde ; « Les tempĂ©ratures de formation du quartz et de l'ankĂ©rite sont similaires Ă  la tempĂ©rature relevĂ©e actuellement dans le forage. Les carbonates et le quartz ont donc prĂ©cipitĂ© dans les mĂŞmes conditions, qui semblent gĂ©nĂ©rales Ă  l’échelle du site pour les diffĂ©rents faciès d’altĂ©ration du granite et se forment certainement encore actuellement. Les donnĂ©es obtenues suggèrent que le fluide circule de manière pulsĂ©e »[1].

Enjeux de sécurité

Même quand l'eau est très faiblement minéralisée, dans certaines installations sensibles (ex : échangeur thermique utilisant la vapeur par exemple), un faible entartrage peut rapidement dégrader le rendement de l'installation et sa fonction, avec parfois des effets directs sur la sûreté des installations).

Pour ces raisons, on cherche à mieux modéliser ces phénomènes [2] et à mieux comprendre le rôle joué par les biofilms ainsi que par les parois (sur lesquelles le tartre adhère plus ou moins) ou les turbulences[3]

  • Dans le secteur du nuclĂ©aire par exemple, l'entartrage des conduites ou vannes est incompatible avec la sĂ©curitĂ© [4].
  • Il en va de mĂŞme pour les forages pĂ©troliers et gaziers profonds.
    L’auto-entartrage (« self-scaling » pour les anglophones) des puits, canalisations et vannes de sécurité y est normal et fréquent. Il pose cependant des problèmes très exacerbés lors de l’exploitation de champs pétroliers ou gaziers dits extrêmes (ou « HP/HT », c'est-à-dire à haute pression et haute température pour deux raisons ;
    1°) parce que les changements de pression (source à plus de 1000 bars en général) et de température (source à environ 200 °C par exemple) favorisent une cristallisation plus rapide des sels en « tartre » ;
    2°)car la salinitĂ© des fluides est souvent plus Ă©levĂ©e Ă  ces profondeurs. Elle approche par exemple 300,0 g par litre dans le rĂ©servoir d'Elgin (Mer du Nord), soit plus de 8,5 fois plus de sels que dans l'eau de mer).
    Ce problème doit être anticipé et correctement géré car l’entartrage des systèmes de sécurité, de l’arbre de Noël ou des vannes met en péril la sûreté de toute l’installation. L’auto-entartrage peut en outre provoquer de coûteuses baisses de rendement, voire des arrêts ou retards de production et nécessite souvent de coûteuses interventions de nettoyage ou rajeunissement du puits.
    Les puits creusés dans les forages profonds peuvent rencontrer des poches d'eau très minéralisées (hypersalée) et des minéraux inattendus produisant un tartre résistant aux traitements habituels. Ainsi les études préparatoires à l'exploitation du gisement pétrolier et gazier profond d'Elgin-Franklin (en exploitation depuis 2001), avaient considéré ce risque comme faible pour les encroutement de carbonate de calcium dans le tube supérieur du puits (en raison de la faible quantité d’eau attendue ; moins de 100 m3/jour selon les prévisions). C’était plutôt le NaCl qui inquiétait les ingénieurs, car pouvant cristalliser tant dans la partie supérieure du puits qu’au fond, et dès la mise en route du puits au moment de la décompression et vaporisation d’eau hypersalée présente dans les petits réservoirs amont de Fulmar et Pentland (température initiale estimée : 200 °C et pression de 1100 bars). En réalité, le tartre s'est avéré contenir aussi du Sulfure de plomb et du sulfure de zinc importé avec le gaz et les condensats de pétrole[5]. Ces deux métaux et leurs sulfures sont rapidement devenus préoccupants dans certains champs gaziers HP/ HT[5]. En mi-2002, de premières obstructions par entartrage (a priori principalement causé par le de carbonate de calcium (CaCO3) et le sel (NaCl)) sont apparues au fond de plusieurs puits profonds de Total, entrainant une chute progressive de la production[5]. Et des encroutements de sulfures de plomb et de zinc ont été identifiés en surface sur le puits G6 de la plate forme d’Elgin-Franklin[5] au niveau d’une vanne de sécurité importante pour le contrôle du puits (surface-controlled subsurface safety valve ou « SCSSV ») en amont de l'arbre de Noël, principal organe de sécurité, impliquant une mise hors service de la vanne en 2004 jusqu’à mise en place d’un « programme approprié d’assainissement et de prévention »[5].
    Des tests de corrosion et essais de nettoyage de ces sels (dont par dissolution) faits par Total en laboratoire ont montré que ces sels inhibaient la productivité du puits[5]. Des fluides différents ont été sélectionnés pour nettoyer le fond du puits et la vanne SCSSV ; Un nettoyage à l’acide du fonds de puits s’est montré efficaces pour relancer la productivité du puits. Et la partie supérieure de la « complétion » du puits G6 a été mi-2005 débarrassée de son entartrage avec l’aide d’un tube spiralé (”coiled tubing” qui a pu pénétrer les tuyauteries en les nettoyant, ce qui a permis de restaurer l’intégrité de la vanne SCSSV. Dans ce cas, une analyse comparative (benchmarking) d’inhibiteurs chimiques de tartres produits par quatre fournisseurs a été faite par un laboratoire indépendant durant plus de deux ans, en conditions anaérobies[5]. Deux formules anti-tartre ont été retenus et utilisés par Total, mais les ingénieurs du groupe estimaient en 2007 que des progrès étaient encore à faire pour prévenir les « tartres exotiques » pouvant se former dans les forages extrêmes[5].

L’entartrage des puits profonds peut être détecté par des mesures de perte de charge en tête de puits (pression, baisse des débits) et par des contrôles dimensionnels in-situ (mesure en profondeur des diamètres internes de la colonne) effectués par des diagraphies spécifiques [6]

Enjeux sanitaires

Dans certains cas, dans les logements anciens dans les régions où l'eau est très "dure" (pays ou régions pauvres…), l'entartrage réduit fortement les débits ou bouche les tuyauteries. L'accès à l'eau potable peut alors être diminué ou rendu impossible (avec alors des risques augmentés de déshydratation, d'empoisonnement et de maladies hydriques (quand on utilise de l'eau de pluie mal stockée ou de l'eau souillée…) dans les populations défavorisées.

Si l'entartrage est induit par des biofilms constitués de bactéries chlororésistantes ou devenues résistantes à d'autres désinfectants, et si ces dernières sont pathogènes, elles peuvent être sources de maladies nosocomiales induites par des bactéries antibiorésistantes.
Si ces bactéries ne sont pas pathogènes, mais qu'elles sont devenues résistantes à certains biocides, dans certains contextes, elles peuvent transmettre leurs gènes de résistante à d'autres bactéries, éventuellement plus indésirables.

Voir aussi

Articles connexes

Références

  1. Jean Aubouin, Michel Dubois, Béatrice Ledésert, Jean-Luc Potdevin, Sébastien Vançon (2000), Détermination des conditions de précipitation des carbonates dans une zone d'altération du granite de Soultz (soubassement du fossé Rhénan, France) : l'enregistrement des inclusions fluides Determination of the formation conditions of carbonates in an alteration zone of the Soultz-sous-Forêts granite (Rhine Graben): the fluid inclusion record ; Géodynamique / Geodynamics ; Comptes Rendus de l'Académie des Sciences - Series IIA - Earth and Planetary Science ; Volume 331, Issue 4, aout 2000, Pages 303–309
  2. Barsamian, H. R., and Y. A. Hassan, 1996. Large eddy simulation of tube bundle geometries using the dynamic subgrid scale model. Thermal Science of Advanced Steam Generators/Heat Exchangers, ASME NE-Vol. 19, p. 49-56.
  3. Zaragola, M. V., and A. J. Smits, 1998. Mean-flow scaling of turbulent pipe flow. J. Fluid Mech., 373, p. 33-79.
  4. D. M. McEligot and G. E. McCreeryScaling Studies and Conceptual Experiment Designs for NGNP CFD Assessment ; Idaho National Engineering and Environmental Laboratory, Bechtel BWXT Idaho, LLC ; ref:INEEL/EXT-04-02502 (étude commandée par le Département américain de l'énergie et l'U. S. Department of Energy Office of Nuclear Energy, Science and Technology) ; publié le 2004-11-30. 79 pages
  5. K. Orski, B. Grimbert, C. Menezes & E. Quin (2007), Fighting Lead and Zinc Sulphide Scales on a North Sea HP/HT Field ; Total E&P UK Ltd. ; European Formation Damage Conference, 30 May-1 June 2007, Scheveningen, Pays-Bas ; (ISBN 978-1-55563-160-4) Society of Petroleum Engineer (résumé) ; « Lead and zinc sulphides had not been predicted during the initial scaling studies. While several publications mention these on HP/HT fields, little information is available on downhole inhibitor squeeze ».
  6. Stéphane Sainson, Les diagraphies de corrosion. Acquisition et interprétation des données. Ed. Lavoisier. 2010. (ISBN 978-2743012014). 547 p.
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