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Ensemble rupestre du massif de Fontainebleau

L'ensemble rupestre du massif de Fontainebleau est un regroupement de gravures rupestres essentiellement situĂ© au sein d'abris formĂ©s par les chaos rocheux grĂ©seux du massif gĂ©ologique de Fontainebleau. Cet ensemble rupestre compte plus de 2 000 abris gravĂ©s, ce qui en fait, pour le territoire français, le second ensemble rupestre en importance, après celui de la vallĂ©e des Merveilles.

Gravure rupestre caractéristique du massif de Fontainebleau

Découvert et étudié progressivement à partir du XIXe siècle, l'ensemble rupestre du massif de Fontainebleau reste relativement peu connu du grand public. Une partie des œuvres sont supposées dater du Mésolithique. Toutefois les plus anciennes sont datées – selon des critères stylistiques – du Paléolithique. Le reste renvoie au Néolithique, à l'âge du Bronze ou au Moyen Âge. Un certain nombre sont également contemporaines, du XIXe au XXe siècle.

Répartition géographique

L'ensemble va, selon un axe nord-ouest/sud-est, de la forêt de Rambouillet, jusqu'au cours du Loing, et au-delà pour quelques uns. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, seule une modeste partie des abris gravés se trouve au sein même de la forêt de Fontainebleau. De ce fait, la répartition des pétroglyphes couvre principalement trois départements : la frange Sud-est des Yvelines, le nord de l'Essonne et l'ouest de la Seine-et-Marne.

DĂ©couverte et chronologie de la recherche

La toute première mention scientifique des pĂ©troglyphes du massif de Fontainebleau est l'Ĺ“uvre de Jules Quicherat et de Henri Martin qui signalent en 1868, Ă  Ballancourt-sur-Essonne[1], un rocher formant abri, ornĂ© de motifs linĂ©aires et anguleux tout Ă  fait diffĂ©rents des graffitis contemporains de la dĂ©couverte[2]. Le lieu Ă©tait erronĂ©ment interprĂ©tĂ© comme un « sanctuaire celtique Â»[3]. Par la suite diffĂ©rentes cavitĂ©s ornĂ©es sont dĂ©couvertes par diffĂ©rents chercheurs.

La recherche est ensuite menée par Georges Courty qui, dans les premières années du XXe siècle, prospecte autour d'Étampes. Son activité lui permet ainsi de recenser plusieurs sites et de réaliser que les petits éclats de grès émoussés présents en grand nombre sous les abris ornés sont les outils utilisés par les graveurs pour réaliser leurs œuvres[4]. L'inventaire se poursuit, révélant entre les années 1910 et 1940, un nombre certain de gravures.

Les premières Ă©tudes d'ensemble apparaissent dans la seconde moitiĂ©, voire le dernier quart, du XXe siècle avec les travaux de Gilles TassĂ© et de Jacques Hinout. Cette pĂ©riode voit Ă©galement la crĂ©ation, en 1975, du Groupe d'Ă©tude, de recherche et de sauvegarde de l'art rupestre (GESAR[5]). Le GERSAR est une association dont le but est d'inventorier, de relever et d'Ă©tudier les abris ornĂ©s du massif de Fontainebleau. Elle permet ainsi de centraliser la recherche sur le sujet mais intervient Ă©galement sur d'autres sites de France, comme par exemple les gravures rupestres du Grand roc Noir. Elle a Ă©galement vocation Ă  sensibiliser le public sur ce patrimoine[6]. Son activitĂ© de repĂ©rage des sites a permis de porter leur nombre Ă  plus de 1 200[1].

Description et chronologie des pétroglyphes

Les abris ornés du massif de Fontainebleau sont souvent difficiles d'accès et écartés des chemins.

Paléolithique

Les rochers ont probablement commencĂ© Ă  ĂŞtre ornĂ©s au PalĂ©olithique supĂ©rieur. Les Ĺ“uvres datĂ©es de cette Ă©poque sont rares. De plus, leur datation est essentiellement faite sur des critères stylistiques ou des comparaisons avec d'autres Ĺ“uvres et peut donc laisser des incertitudes. Ainsi par exemple, dans un abri du sud-ouest du massif de Fontainebleau adjacent des abris Ă  pĂ©troglyphes mĂ©solithiques, un panneau gravĂ© associant pubis fĂ©minin (reprĂ©sentĂ© par trois profondes entailles) et chevaux est datĂ©, avec assez de certitude, du MagdalĂ©nien (20 000 ans). Cependant, deux aspects des reprĂ©sentations de chevaux — le ventre, reprĂ©sentĂ© peu bombĂ© et la crinière tombante — peuvent entrer en contradiction avec cette datation sans suffire Ă  l'exclure[alpha 1] - [alpha 2].

Parmi les autres pétroglyphes de cet ensemble pouvant remonter à la même période, il est possible de citer également un cheval peint à l'ocre, découvert en 1954 dans les blocs issus d'un abri détruit par des carriers et aujourd'hui au Musée d'Archéologie nationale.

MĂ©solithique

On suppose qu'une partie des œuvres gravées au sein du massif date du Mésolithique, mais le manque probant d'éléments lithiques, le nombre restreint de sondages ayant livré des niveaux archéologiques, ainsi que la modestie et la méconnaissance de l'art mésolithique, ne permettent pas d'attribuer l'essentiel des gravures à cette période. Même si certaines sont en effet en lien avec les industries lithiques du Sauveterrien et du Tardenoisien, principalement des grattoirs et des têtes de flèche en silex, et se trouvent sous abri, il reste toutefois difficile de déterminer avec exactitude leur attribution chrono culturelle, ne serait-ce que par la présence de nombreux motifs d'aspects similaires (ou non) dont l'exécution a très bien pu être réalisée à des périodes antérieures ou postérieures. Ces derniers passent pour être essentiellement non-figuratifs, géométriques et stylisés, semblables à ceux des sites du Tardenois, tel l'abri du Soldat Franc à Brécy.

Les plus abondants sont par ordre dĂ©croissant de simples traits rectilignes, des traits alignĂ©s, des quadrillages de type « tablette de chocolat Â». Ă€ cĂ´tĂ© de ces motifs omniprĂ©sents, on observe des signes gĂ©omĂ©triques plus complexes et plus rares, croix, chevrons, Ă©toiles, diverses formes circulaires, et des motifs abstraits impossibles Ă  interprĂ©ter. Les reprĂ©sentations de lames, d'armes, d'outils renvoient au NĂ©olithique et Ă  l'Ă‚ge du Bronze et sont postĂ©rieures, ce qui fait supposer que les autres motifs figuratifs stylisĂ©s, dont des hommes, des cerfs, des vulves, le sont aussi.

NĂ©olithique

Hormis les ajouts sous abris mentionnĂ©s ci-dessus, les gravures pouvant ĂŞtre rattachĂ©es Ă  la pĂ©riode du NĂ©olithique se trouvent en plein air, sur des surfaces naturelles de rochers ou sur des mĂ©galithes. Un motif particulier se dĂ©tache, celui des anthropomorphes « emplumĂ©s Â»[7]. Ces reprĂ©sentations humaines très stylisĂ©es et dotĂ©s d'un couvre-chef vraisemblablement ornĂ© de plumes sont frĂ©quemment accompagnĂ©es d'autres motifs et notamment de reprĂ©sentations de haches qui permettent de dater ces pĂ©troglyphes du dĂ©but de la pĂ©riode nĂ©olithique locale, soit environ 5000 av. J.-C[8].

Les motifs néolithiques sont, dans l'état actuel des recherches, très concentrés autour de la vallée de l'Essonne[9]. Ils peuvent être reliés à la culture archéologique appelée groupe de Cerny.

Moyen Âge et période contemporaine

Gravures rupestres contemporaine, ici dans l'Antre des druides.

Un certain nombre de reprĂ©sentations sont clairement datĂ©es de la pĂ©riode mĂ©diĂ©vale, telles le chevalier de la « grotte du cavalier Â»[10]. Ces gravures sont peut-ĂŞtre Ă  mettre en relation avec des murs d'enceinte mĂ©diĂ©vaux, murs probablement destinĂ©s Ă  assurer le pacage de bĂ©tail emmenĂ© paĂ®tre en forĂŞt, et avec l'activitĂ© des pâtres et bergers de ce bĂ©tail[11].

Cette activité pastorale connaît son floruit aux XIIe et XIIIe siècles, ce qui renvoie effectivement aux quelques datations que fournissent les gravures médiévales. Ainsi, le soldat de l'abri de la grande vallée est daté du XIe siècle par l'apparence de son armement. La grotte Sainte-Anne à Boutigny, aujourd'hui détruite par les ouvriers carriers, contenait selon Auguste Mallet, des signes cruciformes et la date de 1301[12].

Notes et références

Notes

  1. On pourra voir dans l'article suivant une photo de cet ensemble sculptĂ© dans le support en grès comme un bas-relief archaĂŻque, lequel constituerait un amĂ©nagement hydraulique en une sorte de "vulve-fontaine" (par fortes averses, le ruissellement se concentre sur l'incision centrale du pubis) flanquĂ©e de deux chevaux gravĂ©s comme "tatouages" en haut des "cuisses" fĂ©minines. On y trouvera aussi les arguments en faveur de sa datation au palĂ©olithique supĂ©rieur : Pierre BarthĂ©lĂ©my, « Une "Origine du monde" prĂ©historique Ă  Fontainebleau », Le Monde,‎ (lire en ligne). Le titre de l'article fait allusion au cĂ©lèbre tableau de Courbet, L'Origine du monde, en raison d'une relative similitude dans la posture du sujet et dans l'angle de vue de l'artiste, comme une « origine du monde originaire Â» selon l'interprĂ©tation du prĂ©historien Boris Valentin. Voir aussi ce titre dans Le Journal des sciences de l'Ă©mission La MĂ©thode scientifique : Natacha Triou, « Une sculpture-fontaine du palĂ©olithique supĂ©rieur », France Culture, , § 3. Voir enfin l'Ă©tude originale ici : (en) MĂ©dard Thiry, Émilie Lesvignes, et al. (trad. Dispositif hydrologique artificiel d'un abri-sous-roche du palĂ©olithique supĂ©rieur dans le Bassin Parisien), « Anthropogenic hydrological staging of an upper Palaeolithic carved shelter in Paris basin », Journal of Archaeological Science, vol. 33,‎ (lire en ligne).
  2. Une « toison pubienne » qui surmonte la vulve est une croĂ»te organique dont la formations est probablement liĂ©e Ă  des venues et remontĂ©es d’eau Ă  partir des fentes vulvaires taillĂ©es qui canalisent la microrĂ©surgence issue de bassins sculptĂ©s par les hommes prĂ©historiques. MĂ©dard Thiry, « La SĂ©gognole, propriĂ©tĂ©s et altĂ©rations des parois gravĂ©es Â», in B. Valentin (Ă©d.), Art rupestre prĂ©historique dans les chaos grĂ©seux du Bassin parisien (ARBap). Étude, archivage et valorisation, Programme collectif de recherche (2018 - 2020), Rapport d’activitĂ©s pour 2019, p. 148

Références

  1. Page du site du GERSAR présentant l'art rupestre francilien.
  2. G. Courty, « Les pétroglyphes de Seine-et-Oise », Bulletin de la Société préhistorique de France, vol. 1, no 10,‎ , p. 345-351 (lire en ligne, consulté le )
  3. H. Martin, Le sanctuaire celtique du Mont de Ballancourt (Seine-et-Oise) : rapport fait à la société d'émulation du Doubs, Imp. de Dodivers, Besançon, 1869.
  4. Jacques Hinout et J. Angelier, « Abris gravés des massifs gréseux du Bassin parisien », Gallia Préhistoire, vol. 11, no 2,‎ , p. 235-246 (lire en ligne, consulté le ).
  5. Mémoire rupestre : Les roches gravées du massif de Fontainebleau, Éditions Xaviet Barbal, 2016.
  6. Page du site du GERSAR présentant l'association..
  7. Serge Cassen, Valentin Grimaud et Laurent Lescop, « Enregistrement et représentations de la stèle néolithique de L’Ouche de Beauce (Maisse, Essonne) », Revue archéologique du Centre de la France, vol. 55,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. Serge Cassen, Valentin Grimaud, Laurent Lescop et Duncan Caldwell, « Le rocher gravé de la vallée aux noirs », Bulletin du Gersar, Groupe d’Etudes et de Recherches et de Sauvegarde de l’Art Rupestre,‎ , p. 25-37 (lire en ligne, consulté le ).
  9. Bénard A., Simonin D. et Tarrête J., Les stèles et rochers gravés néolithiques de la moyenne vallée de l’Essonne, in : Rodriguez G. et Marchesi H. (dir.), Statues-Menhirs et pierres levées du Néolithique à aujourd’hui, Actes du 3e colloque international sur la statuaire mégalithique, Saint-Pons-de-Thomières. Groupe archéologique du Saint-Ponais, pp. 193-209.
  10. La grotte correspond en fait Ă  un abri sous roche.
  11. L-R Nougier, « Remarques à propos des « murs, enceintes et gravures » de la Forêt de Fontainebleau », Bulletin de la Société préhistorique de France, vol. 46, nos 11-12,‎ , p. 418-427 (lire en ligne, consulté le ).
  12. G. Courty, « Les Pierres écrites de la vallée de l'Essonne », Bulletin de la Société préhistorique de France, vol. 10, no 3,‎ , p. 167-172 (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • G. TassĂ©, PĂ©troglyphes du Bassin parisien, SupplĂ©ment Ă  Gallia PrĂ©histoire n°16, Éditions du Centre national de la recherche scientifique, 1982, Paris.
  • Eric Robert, Boris Valentin, Émilie Lesvignes, MĂ©dard Thiry, Alain BĂ©nard, « Arts rupestres prĂ©historiques dans les chaos grĂ©seux du sud du Bassin parisien : nouvelles recherches au bĂ©nĂ©fice de la prĂ©servation et de la valorisation Â», XVIII UISPP World Congress, 2018, p. 79-91

Articles connexes

Liens externes

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