Accueil🇫🇷Chercher

Gravures rupestres du Grand roc Noir

Les gravures rupestres du Grand roc Noir sont un ensemble de sites d'art rupestre situĂ©s dans la vallĂ©e de Haute-Maurienne, de part et d'autre d'un sommet culminant Ă  plus de 3600 mètres d'altitude, le Grand roc Noir, au cĹ“ur ou Ă  proximitĂ© du Parc national de la Vanoise, en Savoie. Ces gravures rupestres sont situĂ©es dans des alpages Ă  la hauteur moyenne de 1 800 Ă  2 800 mètres, frĂ©quentĂ©s l’étĂ© par les bergers depuis 4 000 ans et recouverts de neige l'hiver. Elles datent principalement de l'Ă‚ge du fer. Parmi elles, la "Pierre aux Pieds" et la "Pierre de Chantelouve", sur la commune de Lanslevillard, sont classĂ©es "monument historique" depuis 1911[1]. Certaines reprĂ©sentent des chevaliers en armes et sont datĂ©es du XIIIe siècle.

Historique

La prise de conscience de l'importance potentielle des gravures rupestres sur ce site dĂ©coule des dĂ©couvertes concernant le peuplement de la vallĂ©e de Haute-Maurienne et ses activitĂ©s agricoles très nombreuses, matĂ©rialisĂ©e par la crĂ©ation d'un musĂ©e de l'archĂ©ologie au village de Sollières, oĂą les archĂ©ologues ont trouvĂ© par hasard en 1972, dans la grotte des Balmes, Ă  1 300 m d'altitude, une nĂ©cropole signalant une occupation de - 2900 Ă  la fin de l'âge du fer[2] - [3].

Les gravures d'art rupestre en Vanoise et Haute-Maurienne ont par la suite été répertoriées par le Groupe d'études, de recherches et de sauvegarde de l'art rupestre du massif de Fontainebleau, une association de bénévoles créée en 1975 pour étudier l'art rupestre en général, à partir des connaissances acquises sur les gravures rupestres de la Forêt de Fontainebleau.

Une grande campagne d'inventaire, avec relevés, dessins et photographies, a eu lieu entre 1987 et 2001[4], effectuée par la Conservation départementale du Patrimoine de la Savoie[4]. Les moulages ont permis une étude plus fine des gravures en laboratoire et le partage des connaissances internationales[4]. Les nouvelles technologies comme la lasergrammétrie et la photogrammétrie[4], le classement en coordonnées GPS, avec la mémorisation de l’orientation de chacun des plans de gravures, afin de les comparer, a servi à effectuer des modélisations numériques en incluant les détails peu discernables à l'œil nu[4].

Localisation

La grande majorité des gravures sont situées sur le même axe, qui passe par le sommet du Grand roc Noir, disposé du nord-ouest au sud-est, sur seulement quelques kilomètres, et sont en disposition avec les sommets du secteur.

Les graveurs ont privilégié les terrains peu pentus, favorables aux activités pastorales ou à l'extraction des matières premières. Ils ont pris les schistes lustrés, les plus fréquents, mais aussi recherché les blocs erratiques de calcaires phylliteux gréseux et de calcschistes, ou encore les affleurements de marbre polis par les glaciers, partout où la roche se laisse piqueter sans trop éclater[4].

Côté Vallon de la Rocheure

La plupart sont localisĂ©es dans le vallon de la Rocheure, en versant nord du Grand roc Noir, une montagne qui culmine Ă  plus de 3 500 mètres d'altitude, et constitue l'un des plus hauts sommets du Parc national de la Vanoise. La montagne est entourĂ©e de glaciers et d'accès difficile. La plupart du temps l'art rupestre identifiĂ© ne dĂ©passe cependant pas la zone des schistes lustrĂ©s, vers 2 500 Ă  2 600 mètres d'altitude[5]. Les gravures les plus prĂ©cieuses ont Ă©tĂ© mises Ă  l'abri des regards pour les protĂ©ger[6].

Parcouru par le torrent Ă©ponyme, le vallon de la Rocheure s'Ă©tend sur une dizaine de kilomètres, d'est en ouest, partant du col de la Rocheure, Ă  environ 3 000 mètres d'altitude, pour rejoindre le torrent de la Leisse, sous le refuge d'entre-deux-eaux, Ă  environ 2 000 mètres d'altitude, oĂą ils fusionnent pour former le Doron de Termignon, qui se jette plus bas dans l'Arc Ă  Termignon. Les principaux affluents du torrent de la Rocheure viennent du sud, sur les flancs nord du Grand roc Noir: les torrents de Geffrey, du Vallonbrun, du "Vallonet" et du "Grand Vallon" qui viennent successivement le grossir. C'est dans ces quatre vallons que sont concentrĂ©s les alpages, en versant nord de la montagne, situation rare dans les Alpes françaises.

Côté Valcenis

De l'autre côté du sommet, en versant sud, les gravures à cupules et empreintes de pieds de la "Pierre aux pieds" sont dominées par le sommet tout proche, et globalement en relation avec l'orientation de certaines gravures[5]. Une autre "Pierre aux pieds" plus petite et moins spectaculaire, à une altitude moindre, appelée "Pierre aux saints" et proche d'autres roches gravées[5], se trouve encore plus au sud, de l'autre côté de la Haute-Maurienne, sur les flancs du col du Mont-Cenis, au-dessus du village de Lanslevillard.

Datation

Selon les archéologues, qui ont utilisé des comparaisons avec les motifs des vallées italiennes voisines dont la chronologie est bien établie[4], et avec l'ensemble encore plus riche des gravures rupestres du Valcamonica en Italie, l'essentiel de ces gravures a été effectué à l'Âge du fer, entre 700 et [4]. Mais ces gravures ne comportent aucun cas enfoui sous des couches datables, à l'exception d'une pierre à cupules située sous des dépôts d'hommes contenant des vestiges de leurs activités, datées de l'Âge du bronze, à Aussois[4].

Représentations animales

Les plus fréquemment gravés sont les chiens et bouquetins, aux côtés des personnages armés, avec aussi des équidés, cerfs, animaux à fourrure, serpents et petit gibier[4].

Principales gravures

Au nord du Grand roc Noir

  • Les principales gravures figuratives ont Ă©tĂ© trouvĂ©es au Vallonnet, sur les flancs nord du Grand roc Noir. La "Grande Dalle du Vallonnet", la plus connue et la mieux gravĂ©e, a Ă©tĂ© recouverte de terre et moulĂ©e au silicone[5], afin de protĂ©ger sa postĂ©ritĂ©. Cette immense dalle gravĂ©e, dont le motif est reproduit sur un panneau devant le refuge du Plan du Lac, montre un combat militaire du Moyen Ă‚ge avec châteaux et chevaux armĂ©s[6]. Elle mesure environ 5 mètres de long[5], sur un banc calcaire avec calcite[5]. Les combattants gravĂ©s portent armures et cottes de mailles[5]. Cette dalle comporte aussi la gravure de deux tours, d'architecture lombarde, de l'Ă©poque du Moyen Ă‚ge[5]. On voit au mĂŞme endroit gravĂ©es des scènes reprĂ©sentant des duels de gladiateurs Ă  la lance, soit des danses rituelles, Ă©ventuellement pour honorer une divinitĂ©[7]. Un peu plus loin est gravĂ©e une scène d'exode[6], constituĂ©e d'un personnage portant un gros sac sur l'Ă©paule[5], tandis que du bĂ©tail est conduit en lieu sĂ»r[5].
  • Dans le bas du Vallonnet, une autre dalle gravĂ©e reprĂ©sente un aigle de Maurienne[5]. Un peu plus loin se trouvent d'autres gravures rupestres, figurant un trident et un signe en arceaux[8], considĂ©rĂ©es par les archĂ©ologues comme des figures emblĂ©matiques d'origine mĂ©diterranĂ©enne, qui correspondent Ă  d'autres traces de la prĂ©sence sarrazine dans le village de Bessans au premier millĂ©naire [8] - [9]. Ă€ une dizaine de kilomètres de lĂ , mais sur le versant italien du Massif du Mont-cenis, au Pian del Rosso, près de Suse, une gravure reproduit la scène d'un prĂŞtre enmenĂ© de force par un cavalier arabe.
  • D'autres gravures reprĂ©sentent un guerrier et une spirale sur le site du "Trou du Chaudron"[5] - [10], dĂ©pression profonde, large de quelques dizaines de mètres, sous la pointe de Lanserlia, Ă  l'endroit oĂą le vallon de la Rocheure se prolonge, en montant Ă  droite vers le sud, dans le "Grand Vallon" [11], qui ceinture le sommet du Grand roc Noir et se prolonge Ă  2 700 mètres d'altitude par le "Plateau du Turc" dominant le "Vallonet". Dans ce "Grand vallon", des figures gĂ©omĂ©triques sont rĂ©gulièrement visitĂ©es par les alpinistes sur de grandes pierres plates[12].

Au sud du Grand roc Noir

  • Sur les flancs sud du Grand roc Noir, Ă  moins d'un demi-kilomètre du sommet, se trouve la "Pierre aux Pieds", situĂ©e Ă  2 750 m d'altitude, sur le plateau de Pisselerand, sur laquelle on peut observer une cinquantaine de cupules, ainsi qu'une trentaine d'empreintes de pieds humains. Cette pierre de six mètres d'envergure a une Ă©pĂ©e sur le gradin latĂ©ral, et non loin se trouve gravĂ© une vache de style identique Ă  celle des flancs nord du Grand roc Noir[6].

Juste en face de cette "Pierre aux Pieds", mais de l'autre cĂ´tĂ© de la Haute-Maurienne, en versant sud, se trouvent plusieurs roches gravĂ©es[6], parmi lesquelles les gravures Ă  cupules de la "Pierre des Saints"[13], situĂ©e Ă  2 100 m, sur laquelle on peut observer 150 cupules.

Un peu plus haut et plus Ă  l'ouest, autour du petit "Lac de l'Arcelle", Ă  2 295 mètres d'altitude, au-dessus de la ForĂŞt de Chantelouve, 4 roches mĂŞlent diffĂ©rents styles de gravures[13], tandis que d'autres sont identifiables dans les pentes au-dessus, Ă  CĂ´te Plane et plan Cardinal[13]. Parmi elles, la "Pierre de Chantelouve"[14]. Sur sept dalles sont gravĂ©es des silhouettes humaines sexuĂ©es de 1,20 Ă  1,50 de long, s'Ă©chelonnant un peu plus loin entre les chalets d'Arcelle Neuve et le dĂ©but, en aval, des Ă©boulis descendant du Signal du Grand Mont Cenis. La "Pierre aux Pieds" et la "Pierre de Chantelouve", toutes deux situĂ©es sur le territoire de la commune de Lanslevillard, sont classĂ©es "monument historique" depuis 1911[1].

Autres gravures rupestres à proximité immédiate

Ces gravures rupestres du Parc national de la Vanoise sont entourées par d'autres gravures:

  • Également dans la commune voisine de Bessans, mais plus Ă  l'est, le site archĂ©ologique du Rocher du Château, verrou glaciaire en rive droite de l'Arc de près de 100 mètres Ă  la quasi-verticale, date lui aussi du nĂ©olithique avec un groupe de huit cerfs tracĂ©s Ă  l'ocre rouge[15]. Ils ont Ă©tĂ© identifiĂ©s en 1976 par GĂ©rard Nehl[15]. Une dĂ©couverte complĂ©tĂ©e par les sondages rĂ©alisĂ©s entre 1997 et 2003 puis par le recours Ă  un logiciel d'analyse des images rĂ©vĂ©lant des ancres, flèches et grilles sur 80 mètres, ainsi que quatre autres cerfs.
  • Des gravures dont certaines remontent au NĂ©olithique furent dĂ©couvertes l'annĂ©e suivante, en 1977, près des villages de Aussois et Bramans, mais dans une conservation qui ne rendait pas toujours facile leur lecture[11]. Elles sont dĂ©sormais protĂ©gĂ©es sur les rochers du "Parc archĂ©ologique des Lozes", dans le secteur d'Aussois et Bramans[11].
  • Le 18 aoĂ»t 1991, l'archĂ©ologue et guide de haute-montagne RaphaĂ«l Excoffier[16] a identifiĂ© un signe anthropomorphe et une croix, ainsi que des signes gravĂ©s plus abstraits, sur du calschiste de la rive nord du Lac des Assiettes, Ă  2 500 m d'altitude[16], proche du refuge du Col de la Vanoise, du Lac des Vaches, du Lac long et du Lac de la Patinoire.

Sources

  • RĂ©sumĂ©, par Photorando, de l'Ă©tude dĂ©taillĂ©e des gravures et peintures rupestres de Haute-Maurienne par GĂ©rard Nelh, publiĂ©e en 1979 et 1981 pour le Parc national de la Vanoise [5].
  • Revue Art rupestre, bulletin de l'association Gersar [17]

Notes et références

  1. « Pierre à cupules dite Pierre de Chantelouve », notice no PA00118269, base Mérimée, ministère français de la Culture
  2. Sur le sujet Henri Onde, « L'occupation humaine en Maurienne et en Tarentaise », Revue de gĂ©ographie alpine, vol. 29, no 2,‎ , p. 223-264 (lire en ligne), et Ă©galement la suite « La nature du peuplement en Maurienne et en Tarentaise. — Les hommes et les types humains (suite) Â» (1942), p. 51-123.
  3. Chanoine Jean Bellet, Préhistoire et Protohistoire de la Vallée de Maurienne et leurs relations avec les vallées voisines, , 13 p. (président de la Société d'histoire et d'archéologie de Maurienne de 1949-1978).
  4. "L'Art rupestre", site du Parc national de la Vanoise
  5. Résumé, par Photorando, de l'étude détaillée des gravures et peintures rupestres de Haute-Maurienne par Gérard Nelh, publiée en 1979 et 1981 dans les volumes X et XI des Travaux Scientifiques du Parc National de la Vanoise.
  6. "Travaux du Parc national de la Vanoise, recueillis et publiés sous la direction de Claude Paireaudeau, directeur du Parc National, Tome XI, Cahiers du Parc National de la Vanoise 1981
  7. Martine Gayot, « Art rupestre en Savoie », sur plumart.com
  8. "La mémoire du vieux village: la vie quotidienne à Bessans au début du XXe siècle" par Francis Tracq, aux Editions de La Fontaine de Siloë, 2000
  9. "Y a- t-il eu apport des sarrasins dans l'art rupestre de la Haute-Maurienne ? », article de Gérard Nelh dans les cahiers du GERSAR n° 29, publié en 1989, cité dans "Le fléau de Dieu - Au temps des Sarrasins" par Damien Tracqui, aux Editions de La Fontaine de Siloë, 2006
  10. Géorando du Refuge du Plan du Lac, vers le Trou du Chaudron et la Grande Casse, par Raphaël EXCOFFIER et Nathalie TISSOT
  11. La Pierre aux Pieds et autres sites d'art rupestre
  12. Pierres gravées - Grand Roc noir, le 17.06.14
  13. Photo des gravures du Lac de l'Arcelle
  14. (en) « La Pierre des Saints », sur The Megalithic Portal, (consulté le ).
  15. G. Nehl, « Peintures rupestres de Haute-Maurienne (Bessans, Savoie) Â», bulletin du GERSAR, n° 3, pages 71-76, 1976.
  16. Aperçu sur l’art rupestre de Haute-Maurienne, dans les cahiers du Gersar n°2, paru en 1980, cité dans le RÉPERTOIRE DU PATRIMOINE CULTUREL MATÉRIEL ET IMMATÉRIEL DE LA ROUTE DU SEL
  17. Revue Art rupestre, bulletin de l'association Gersar

Voir aussi

Articles connexes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.