Enseignants du chant grégorien depuis le XIXe siècle
Depuis le XIXe siècle, à la suite du mouvement de la restauration du chant grégorien, ce dernier est toujours enseigné non seulement dans les monastères mais aussi auprès de nombreux établissements éducatifs. Si le chant grégorien est de nos jours très apprécié, c'est grâce aux enseignants et chercheurs qui n'hésitèrent ou hésitent pas à l'enseigner au public, et notamment à former les chefs de chœur.
XIXe siècle
Louis Niedermeyer (1802-1861)
Il semble que l'école Niedermeyer de Paris, fondée en octobre 1853, soit le premier établissement qui ait enseigné le chant grégorien aux élèves, à savoir, en dehors des monastères ou des églises. Dans la lettre datée le 15 avril 1857, le fondateur Louis Niedermeyer écrivit : « Pour le plain-chant, nous disons Saint-Grégoire (sic, Saint Grégoire), pour la musique sacrée, nous disons Palestrina[1]. » Aussi le chant grégorien était-il quotidiennement enseigné dans cette école consacrée à la musique religieuse[1].
Ce pédagogue souhaitait si profondément la restauration du chant grégorien authentique, au lieu du plain-chant dénaturé, que fut soutenu par celui-ci en 1860 le Congrès pour la restauration du plain-chant et de la musique d'Église à Paris, avant son décès[1] - [2].
Jean Hingre (1823-1898)
Après son ordination en 1847, Jean Hingre était professeur de philosophie, de dogme ainsi que de chant liturgique, auprès du séminaire de Saint-Dié-des-Vosges. Son élève le plus distingué était Dom Joseph Pothier, restaurateur du chant grégorien. Jean Hingre soutenait encore ses études grégoriennes, même après que Dom Pothier s'en alla et arriva à l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes le 1er février 1859[pc 1].
Dom Joseph Pothier (1835-1923)
À l'abbaye de Solesmes, depuis sa refondation, le chanoine Augustin Gontier[3] du Mans (1802-1881) enseignait le chant liturgique. Après l'arrivée du R. P. Dom Joseph Pothier (1859), ce dernier fut nommé le 25 novembre 1860 zélateur des novices par le révérendissime abbé du monastère, Dom Prosper Guéranger, afin de remplacer l'ami de celui-ci, et cette fonction lui fut désormais confiée[pc 2], comme professeur de chant sacré pour les novices et le reste de la communauté[4].
Chercheur en archives et très occupé par la mission qui lui a été confiée, Dom Pothier engagea notamment la restauration et les publications sur le chant grégorien. Auteur d'une multitude d'articles et essais[5], compositeur de nombreuses œuvres en style grégorien[6] et conférencier reconnu et autorité en la matière, Dom Pothier, de renommée internationale[7] - [4], fut invité à former les communautés de divers ordres (et ainsi jusqu'à Erbalunga en Corse), avant de se consacrer principalement à la théorie.
À la suite de succès du congrès grégorien d'Aiguebelle en 1879, il fut à nouveau invité par les Trappistes, lesquels avaient décidé de poursuivre à la réforme liturgique en grégorien. Il s'agissait d'une série de conférences (deux cours par jour) tenue en avril 1880 à l'abbaye Notre-Dame de Bellefontaine. Non seulement les supérieurs et chantres de cet ordre mais également plusieurs exécutants laïcs assistaient à cette session grégorienne, qui allait être suivie du deuxième congrès grégorien à Aiguebelle, en 1881[pc 3].
Giuseppe Melchiorre Sarto (Pie X) (1835-1914)
Depuis son enfance, Giuseppe Sarto s'intéressait au chant grégorien. Au séminaire à Padoue, passionné, il fut nomme par ses supérieures direction du chœur qui pratiquait ce chant, durant sa dernière année de théologie[cd 1]. Devenu vicaire à Tombolo, il fonda une petite école du chant grégorien. Après avoir compris la mauvaise caractéristique du plain-chant, chant dénaturé, il commença à soutenir la restauration de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes. Notamment, il assista au congrès européen d'Arezzo en 1882, en aidant Dom Joseph Pothier de Solesmes[cd 2].
Le chanoine de Trévise puis évêque de Mantoue souhaitait l'amélioration de la liturgie, avec les théologie et chant sacré authentiques, afin de lutter contre la décadence de l'époque et de sorte que les fidèles puissent assister proprement à la célébration. Donc, il lui fallait retourner à saint Thomas d'Aquin ainsi qu'au chant grégorien. Pareillement, étant direction du chœur auparavant, il soutenait la formation des maîtres de chapelle, dans cette optique[cd 2]. Ainsi, si Lorenzo Perosi, futur maître de Saint-Marc puis de la chapelle Sixtine, put étudier le chant grégorien à Solesmes, c'était grâce au soutien de Giuseppe Sarto[cd 2].
En tant que patriarcat de Venise, le cardinal Sarto révéla en 1895, à la basilique Saint-Marc, un document concernant les disciplines de la musique liturgique[cd 2]. Il y précisait son objectif :
« La musique sacrée, par son étroite union avec la liturgie et avec le texte liturgique, doit posséder au plus haut degré ces vertus : sainteté, vérité de l'art et universalité[cd 3] »
On comprend la raison pour laquelle le cardinal appréciait le chant grégorien. Donc, il y soulignait la prééminence de ce chant :
« Appuyée sur ces règles solides, l'Église créa la double forme de son chant : la grégorienne, qui dura environ un millénaire, et la classique polyphonie romaine, dont Palestrina fut l'initiateur au XVIe siècle[cd 4]. »
— Cardinal Sarto, Lettre pastorale sur le chant d'Église, le 1er mai 1895
Enfin, le pape Pie X fonda, selon le conseil de Don Angelo de Santi, l'École supérieure de chant grégorien et de musique sacrée en 1910, afin de former les maîtres de chapelle qui sont capables de célébrer convenablement les offices en grégorien[8].
André Mocquereau (1849-1930)
André Mocquereau naquit en 1849 à la Tessoualle, dans une famille très cultivée. Son père était médecin. Avant d'arriver à Solesmes en 1875, il devint d'abord musicien, un violoncelliste talentueux aimant jouer la musique de chambre de Joseph Haydn, de Mozart. À Cholet, il était un membre de l'orchestre d'amateurs, dirigé par Charles Dancla souhaitant que ce jeune musicien vienne au Conservatoire de Paris. Cependant, une de ses sœurs devint en 1873 moniale, et notamment organiste, à l'abbaye Sainte-Cécile de Solesmes. Enfin, lui aussi. Le nouvel abbé de Solesmes, Dom Charles Couturier, bénéficia du talent de ce jeune musicien. D'abord, l'abbé le nomma maître de la schola grégorienne, en créant celle-ci en 1882, puis en 1889, direction générale de cette abbaye[pc 4].
En tant que directeur de l'atelier de la Paléographie musicale, Dom Mocquereau exécutait parfois ses cours grégoriens en dehors de l'Hexagone, lors de ses voyages à la recherche de manuscrits, par exemple, à Turin ainsi qu'à Milan[cd 5].
Pour des manuscrits auprès du Vatican, il arriva à Rome en janvier 1890. En profitant de cette visite, le Séminaire français de Rome lui demanda d'effectuer quelques sessions grégoriennes pour tous ses élèves et de célébrer la messe du dimanche de Lætare avec ce chant. En y organisant une petite schola provisoire, il leur enseigna durant huit jours, sans prévoir son succès. Après la célébration du dimanche, la schola exécuta de nouveau une messe en grégorien une semaine plus tard, le dimanche 9 mars, devant de nombreux religieux invités dont le Père de Santi. Ce dernier était chargé par le pape Léon XIII de défendre l'édition de Ratisbonne, à savoir version révisée de l'Édition médicéenne. Auparavant, Dom Mocquereau n'avait pu obtenir aucun accord de celui-ci. Aussitôt la messe terminée, Angelo de Santi visita la chambre de Dom Mocquereau : « Il est évident que ce chant sera un jour celui de l'Église romaine. » À la suite d'une appréciation considérable, le supérieur de Sainta-Chiara décida de maintenir définitivement sa schola, immédiatement réputée à la ville éternelle[pc 5].
Après cet événement, les années 1890 s'illustraient de ses enseignements personnels en faveur de jeunes musiciens. Surtout, son soutien favorisa l'inauguration de la Schola Cantorum de Paris en 1896 :
- 189? : Charles Bordes était jeune maître de chœur de chapelle de l'église Saint-Gervais à Paris. Après qu'il fréquentait intensivement l'abbaye de Solesmes, il fonda la Schola Cantorum afin de promouvoir l'enseignement du chant grégorien et de la musique sacrée[eg38 1]. Aussitôt établi, ce conservatoire privé était aidé des cours particuliers de Dom Mocquereau[eg38 2].
- 1894 : Jules Combarieu commença ses séjours à Solesmes. Cette année-là, il envoya à Dom Mocquereau sa thèse de doctorat Les rapports de la Musique et de la Poésie considérées au point de vue de l'expression[eg38 3] - [9]. Il devint l'un des défendeurs les plus importants de ce directeur[10].
- 1896 : Pierre Aubry était élève de l'École nationale des chartes. En enseignant à l'Institut catholique de Paris ainsi qu'à École pratique des hautes études, il soutenait l'atelier de la Paléographie musicale de laquelle dom Mocquereau était fondateur et directeur. Sa connaissance comme spécialiste des documents était vraiment précieuse, pour la rédaction de la Paléographie[eg38 4].
- 1897 : en juillet, l'abbaye de Solesmes accueillit les premiers élèves de la Schola Cantorum de Paris dont Déodat de Séverac, René de Castéra. Durant huit jours de séjour en grégorien, Dom Mocquereau exécuta 7 ou 8 leçons de Paléographie musicale[eg38 2].
- 1899 : en juin, toute la Schola Cantorum, y compris le chœur des enfants, s'y rendit[eg38 2].
- 1901 : Louis Laloy visita l'abbaye de Solesmes afin d'approfondir sa connaissance, juste avant que la loi du juillet 1901 ne provoque des difficultés. Celui-ci avait été élève du Lycée Henri-IV puis étudiant de l'École normale supérieure. Devenu enfin élève de la Schola Cantorum en 1899, il s'intéressait au chant grégorien. Après le départ des moines, il devint professeur du Conservatoire de Paris, puis secrétaire général de l'Opéra national de Paris[eg38 4].
Si l'exil dès 1901 à l'abbaye Notre-Dame de Quarr n'était pas favorable aux enseignements, il y accueillit l'un des derniers élèves importants. Justine Ward y passa presque neuf mois à partir du 10 mai 1921, afin d'améliorer sa connaissance concernant le chant grégorien[jw 1]. En 1922, Dom Mocquereau n'hésita pas à effectuer ses sessions estivales à New York, en faveur de ce dernier disciple[jw 2].
Schola Cantorum de Paris
- professeurs :
- Charles Borde : fondateur, maître de chapelle de l'église Saint-Gervais à Paris
- Amédée Gastoué : également auprès de l'Institut catholique de Paris, consulteur de la Commission pontificale du pape Pie X
- collaborateurs :
XXe siècle
Angelo de Santi (1847-1922)
Voir aussi § André Mocquereau (1849-1930)
La conversion de Don de Santi en faveur du chant grégorien provoqua, pour lui, de nombreuses difficultés. En janvier 1894, il fut interdit d'écrire et de demeure à Rome, pour cinq ans[11]. À la suite de l'arrivée du pape Pie X en 1903, la situation devint tout à fait favorable. Surtout, saint Pie adopta l'idée du Père de Santi au regard des enseignements. Ils fondèrent en 1910 l'École supérieure pontificale de chant grégorien et de musique sacrée à Rome[12]. L'établissement ouvrit ses portes le 3 janvier 1911[8], et Angelo de Santi fut nommé le premier directeur de l'école. Elle était notamment réservée à la formation de futurs maîtres de chapelle[12].
Justine Ward (1879-1975)
Comme elle s'est aperçue que la qualité de la musique liturgique catholique n'était pas suffisante aux États-Unis[jw 3], son projet selon les disciplines du pape Pie X fut lancé en tant que méthode Ward, afin de soutenir les enseignants, en 1910[jw 4]. Puis, en 1916, elle fonda l'Institut Pie X à New York, en y enseignant sa méthode, avec l'abbesse G. Stevens[jw 4]. Son succès était tellement imminent qu'elle organisa en 1920 le congrès international du chant grégorien, commencé à Arezzo en 1882. C'est pourquoi cette pédagogue souhaitait qu'y assiste Dom André Mocquereau de Solesmes[jw 4].
En dépit de son hésitation en raison de son âge avancé, Dom Mocquereau accepta enfin l'invitation officielle de l'archevêque de New York. Après cet événement, Justine Ward décida d'approfondir sa connaissance au regard du chant grégorien. Par conséquent, servie par l'abbesse de Sainte-Cécile de Solesmes, elle séjourna du 10 mai 1921 au 3 février 1922 près de l'abbaye Notre-Dame de Quarr à laquelle étaient en exil les moines de Solesmes dont Dom Mocquereau[jw 1]. À la suite de la rentrée de ce dernier à Solesmes en septembre, elle y acheva la rédaction de son quatrième volume de la méthode, en collaboration avec celui-ci[jw 5].
En 1922, Dom Mocquereau avait assisté aux sessions estivales à New York, auprès de l'Institut Pie X, alors qu'en 1923, Madame Ward et l'abbesse Stevens étaient capables de les effectuer elles-mêmes, sans directeur de Solesmes[jw 5]. Malgré tout cela, son institut subissait quelques difficultés à continuer. Finalement, grâce au soutien de Dom Paolo Ferretti, nouveau directeur de l'Institut pontifical de musique sacrée, elle obtint à Rome l'année suivante une protection directe du pape Pie XI en faveur de l'établissement[jw 6]. En 1925, avant que Dom Ferretti ne parte à New York pour des sessions, le pape lui chargea d'octroyer à Madame Justine Ward la Sainte Croix Pro Ecclesia et Pontifice[jw 7]. Encouragée, elle inaugura en 1929 une école supérieure de la musique liturgique à Washington, après quelques années de préparation[jw 8].
Dès les années 1920, non seulement aux États-Unis et au Canada mais également en Europe, cette méthode fut adoptée par de nombreux enseignants, notamment par le gouvernement des Pays-Bas[13]. Si la première édition néerlandaise apparut en 1929, une version révisée pour adapter aux renseignements publics et aux instituts protestants fut sortie, sous l'approbation de l'auteur, en 1935[14].
Auprès de l'Institut pontifical de musique sacrée à Rome, la méthode était enseignée aux éducateurs jusqu'à la fin du XXe siècle et contribuait à son financement[sg3 1]. En effet, Justine Ward soutenait intensivement l'institut, notamment ses directeurs, jusqu'à son décès[jw 9].
De nos jours encore, elle est utilisée en faveur des sessions de la Schola Saint-Grégoire du Mans[15] tandis que depuis 1964 l'ensemble Schola Cantorum van het Ward Instituut continue à exécuter, comme postérité, le chant grégorien aux Pays-Bas. Cette schola se compose de nombreux maîtres de chapelle et chantres[16].
« Un mouvement très remarquable de ce type est celui qu'on a appelé le « Mouvement Ward », fondé aux USA par un professeur de musique, Justine B. Ward, sous l'impulsion du Motu Proprio de S. Pie X. Mme Ward avait pris à la lettre les consignes du Pape, au service desquelles elle avait mis toute son énergie et les ressources de son notable patrimoine personnel, pour que le plus grand nombre possible de fidèles puissent chanter ensemble les difficiles mélodies grégoriennes et les pièces polyphoniques. Comme elle tenait les adultes pour irrécupérables en ce domaine, elle concentra tous ses efforts sur la formation musicale des enfants, de tous les enfants. En se fondant sur la théorie du rythme grégorien élaborée par Dom Mocquereau à Solesmes, elle publia en de multiples langues et éditions un manuel pour enseignants et élèves qui compta au total 16 volumes ; il fut accueilli avec grande faveur en Italie et aux Pays-Bas surtout, sous le nom de « Méthode Ward » et connut un succès notable dans les pays latins et anglo-saxons jusqu'au Concile Vatican II. Des milliers d'élèves de tous pays pouvaient grâce à elle, sans grande difficulté, chanter ensemble les pièces grégoriennes de la liturgie latine. Des générations entières de musiciens lui sont redevables d'une connaissance approfondie de la cantilène grégorienne. Du point de vue de l'histoire de la musique, l'importance de ce mouvement réside surtout dans le fait qu'il a démontré sur une vaste échelle que les exigences posées par S. Pie X n'avaient pas visé trop haut et pouvaient parfaitement être réalisées, pour autant que le clergé et l'enseignement travaillent en harmonie et se laissent guider par d'authentiques compétences. »
— Dr Louis Hage (président de la Consociatio internationalis musiæ sacræ dès 1997), Cent ans du Motu Proprio de SS. le Pape S. Pie X dans ses rapports avec le culte et la culture, Consociatio internationalis musicæ sacræ, Musicæ sacræ ministerium, Rome, Anno XXXIX-XL (2002/2003), p. 73
Auguste Le Guennant (1881-1972)
Cet ancien élève de la Schola Cantorum de Paris organisa de nombreuses sessions grégoriennes, après la Deuxième Guerre mondiale, non seulement dans l'Hexagone mais également à Fátima, et même à Rio de Janeiro, en enseignant ce chant auprès de l'Institut grégorien de Paris[17].
Joseph Gajard (1885-1972)
Dom Joseph Gajard arriva à Solesmes en 1909. Déjà en 1914, il succéda à Dom Mocquereau comme maître de chœur. Avant la Seconde Guerre mondiale, cette fonction avait besoin d'effectuer les Semaines grégoriennes, des manifestations à caractère diocésain organisées sous l'impulsion de l'évêque et destinées aux séminaires et scholæ du diocèse. Mais elles devinrent de moins en moins fréquentes en raison des messes radiodiffusées[cd 6].
Après la guerre, Dom Gajard commença donc à participer à de nombreuses sessions grégoriennes, au lieu des semaines : Quimper (1949), Ploërmel (1958), Genève, Venise, Pampelune (1959)[cd 6]. Invité par Justine Ward, il traversa en 1960 l'océan Atlantique en avion, afin d'effectuer des cours à New York, auprès de l'école Saint-Pie X, du 1er au 26e juillet[jw 10]. En 1962, il s'agissait des sessions de Saint-Pie X, ainsi que de l'université de Webster à Saint-Louis[jw 11]. En 1959, Dom Gajard dut visiter l'abbaye Saint-Joseph de Spencer où il effectua quelques présentations pour soutenir les moines qui devaient faire face à des opposants au chant grégorien[jw 12].
Les sessions de Dom Gajard étaient surtout assurées chaque année au Mans, auprès de la Schola Saint-Grégoire qu'il favorisait[cd 6].
Eugène Cardine (1905-1988)
Alors que d'autres personnages contribuèrent essentiellement à former les maîtres de chœur grégorien, Dom Eugène Cardine se distinguait en tant que formateur de nombreux chercheurs du chant grégorien. Arrivé en 1928 au sein de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes, il fut d'abord nommé premier chantre en 1940[18]. Puis, il fut choisi comme un des six membres de l'édition critique du nouveau graduel du Vatican, équipe établie dans ce monastère en 1948[eg39 1].
Auprès de l'Institut pontifical de musique sacrée à Rome, à la suite du décès inattendu de Dom Pierre Thomas en 1951, il fallait un nouveau professeur du chant grégorien. Le directeur Mgr Higino Anglès choisit en 1952 Dom Cardine en tant que successeur. L'abbé de Solesmes Dom Cozien accepta cette nomination, à condition que ce moine puisse retourner à l'abbaye trois fois par an aux frais du Saint-Siège, lors des vacances universitaires, afin de continuer la rédaction de l'édition critique[eg39 2]. Le professeur Eugène Cardine conserva cette fonction jusqu'en 1984[18].
- Alors, Dom Cardine devint navette entre Rome et Solesmes. Il bénéficiait de précieux manuscrits auprès de l'atelier de la Paléographie musicale pour ses cours, notamment ses derniers découverts. En conséquence, les élèves de l'institut pouvaient être renseignés les dernières découvertes sémiologiques, plus tôt que les lecteurs de revues ou que les participants aux colloques[eg39 2].
- Il fallait que les étudiants de Dom Cardine effectuent leurs études sémiologiques au regard du chant grégorien. Il faut remarquer que ce professeur était capable de leur charger proprement des tâches, en répartissant ceux qui devaient progresser. De nombreuses thèses importantes y furent achevées, et pareillement, leurs études demeuraient dynamiques[18].
- De plus, Dom Cardine put profiter des archives du Vatican. Aussi l'institut à Rome devint-il un autre centre des études grégoriennes, après Solesmes.
Dom Cardine comptait enfin un grand nombre de disciples à Rome. En 1975, certains fondèrent l'Associazione Internazionale Studi di Canto Gregoriano (Association internationale d'études du chant grégorien - AISCGre), afin que les études de ce chant soient promues[19]. Il s'agit donc d'une postérité de Dom Cardine.
- Cette association se distinguait initialement de nombreux anciens élèves de Dom Cardine. Ainsi, Marie-Claire Billecocq devint spécialiste du manuscrit Laon 239, la meilleure notation messine représentant correctement le rythme grégorien. Le Graduale Triplex sorti en 1979 par Solesmes, et accompagné des neumes du Laon 239, profitait de sa précieuse collaboration[19]. Un autre membre ainsi que l'un des responsables, Alexander M. Schweitzer[20] est, depuis 1998, le chef de chœur du Consortium Vocale Oslo, l'une des scholæ de la cathédrale d'Oslo. La fonction de cet ancien étudiant de l'Institut pontifical de musique sacrée est effectivement importante, car il dirige cet ensemble grégorien soutenu par le conseil des arts de Norvège[21], auprès de la cathédrale assistée par la famille royale, dans un pays de luthériens.
- Le Vatican est en train de publier ses deux éditions critiques en grégorien. Alors que l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes sort l'Antiphonale romanum à partir de 2009, la rédaction du Graduale novum est confiée à l'AISCGre. Le premier tome fut publié en 2011, essentiellement par des disciples de dom Cardine, sous la direction de dom Johannes Berchmans Göschel[eg39 3]. Ce dernier est de nos jours considéré comme un des chercheurs et enseignants les plus importants du chant grégorien ainsi que successeur de dom Cardine. Il avait achevé ses deux thèses distinguées et dirigées par dom Cardine, à l'Institut pontifical en 1974 et 1976[18].
Le professeur Cardine assurait pareillement des cours académiques à l'Athénée pontifical Saint-Anselme en 1955 ainsi que de 1968 à 1972, à l'Association italienne Sainte-Cécile entre 1962 et 1971, au Collegium Germanicum et Hungaricum également à Rome, et à l'université de Bologne en 1969, 1970 et 1972[18] - [cd 7].
Jean Jeanneteau (1908-1992)
Initié à la beauté du chant grégorien dans la cathédrale Saint-Maurice d'Angers, le chanoine Jean Jeanneteau passa cependant la plupart de sa vie auprès de l'université catholique d'Angers, en tant que professeur. Il était surtout le fondateur de l'école supérieure d'électronique de l'Ouest. En 1975, lors de sa retraite à 67 ans, il décida de se consacrer désormais au chant grégorien. Jusqu'à son décès, il forma un grand nombre de chefs de chœur, dans et en dehors des monastères[cd 8]. En effet, ce scientifique fréquentait l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes et avait fondé une école du chant grégorien sous le nom d'Institut de Musique Sacrée à Angers, après la Deuxième Guerre mondiale[cd 9].
Son premier pas fut réalisé auprès de l'abbaye de Sénanque en 1976. Car, selon l'intention de Jacques Duhamel, ancien ministre des affaires culturelles, un projet du centre d'études grégoriennes et de la musique traditionnelle y avait eu lieu en 1975 par Jacques Charpentier[22] - [cd 10]. Pendant quatre ans, le chanoine Jeanneteau exécuta ses sessions grégoriennes réservées aux maîtres de chapelle[cd 11]. D'autres centres avait également été établis en 1975 à Metz ainsi que à l'abbaye de Fontevraud. En collaboration avec dom Eugène Cardine de Solesmes, le chanoine lança une session à Fontevraud, au centre culturel de l'Ouest, en 1977. Ces sessions étaient notamment conçues pour former les musiciens professionnels qui étaient capables d'enseigner le chant grégorien dans les conservatoires français[cd 11].
Dès 1982, il se consacrait également aux sessions destinées aux religieuses, à savoir maîtresses de chœur et de chantres des abbayes, à Ozon[23] ainsi qu'à Lisieux[cd 11].
Pour les chefs de chœur, il se déplaçait toujours dans l'Hexagone : Nantes, Rennes, Le Mans, Caen, Reims, Dijon, Marseille[cd 11]. En rendant hommage à cet enseignant, en 2004, Maurice Tille, direction du Chœur grégorien de Nantes depuis 1980 et un des disciples du chanoine Jeanneteau, sortit sa deuxième édition du Chant grégorien redécouvert[24].
« Ars sine scientia nihil, l'art sans la science, ce n'est rien. ... Mais au jugement de Jean Vignot, Ars sine scientia nihil, il faut ajouter : et sine oratione, l'art sans la science et sans la prière, ce n'est rien[cd 12]. »
— Le chanoine Jean Jeanneteau
XXIe siècle
Jacques Viret (1943-)
Jacques Viret est professeur émérite à l'université de Strasbourg. Ce musicologue est luthérien. Sa thèse de doctorat fut achevée à la Sorbonne en 1981, dirigée par Jacques Chailley et sur la composition mélodique du chant grégorien[25].
Daniel Saulnier (1953-2023)
Arrivé en 1980 à l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes, Daniel Saulnier fut moine bénédictin ainsi que professeur de chant grégorien à l'Institut pontifical de musique sacrée à Rome. Il fut le responsable des études, comme directeur de l'atelier de la Paléographie musicale jusqu'en 2010[26].
Entre 2003 et 2005, il organisa une série importante de sessions grégoriennes, pour les chefs de chœur au sein de monastères[27]. En 2005, Dom Saulnier obtint son doctorat en musicologie médiévale, auprès de l'École pratique des hautes études à Paris[27].
Daniel Saulnier organise chaque année une session à Tours, en collaboration avec le centre d'études supérieures de la Renaissance auprès de l'université François-Rabelais de Tours. Il quitta cette fonction en tant qu'ingénieur de recherche mais continue ses études[28].
William Mahrt
Aux États-Unis, le président de l'Association de la musique sacrée créée en 1874, William Mahrt, est un spécialiste du chant grégorien[29]. En tant que professeur, il enseigne ce chant à l'université Stanford, l'une des universités les plus distinguées outre-Atlantique. Son enseignement grégorien est pareillement effectué au sein de deux chœurs. D'une part, il s'agit des Stanford's Early Music Singers à l'université. D'autre part, auprès de la schola Sainte-Anne de l'église Saint-Thomas-d'Aquin à Palo Alto[30].
Cette dernière est toujours le défendeur de ce chant théologique. En effet, le jeune étudiant William y succéda en 1964 à un professeur de mathématique, en tant que chef de chœur, juste avant le changement de la liturgie de l'Église. Avec plusieurs étudiants de l'école doctorale de musicologie, et en dépit des oppositions et de la forte tendance du chant Folk Music accompagné du guitar, Dr Mahrt et la schola sauvegardent le chant grégorien depuis 50 ans[30].
- La schola Sainte-Anne est un témoin important de ce sujet. Elle conserve le chant grégorien, car il s'agit d'un des sommets de la musique occidentale tout comme la polyphonie de la Renaissance. Aussi une fille d'un membre du chœur, ayant commencé à y chanter elle-même à l'âge de 11 ans, choisit-elle un cours de doctorat sur la musique médiévale, à l'université d'Erlangen. Selon William Mahrt, la pauvreté du chant liturgique peut provoquer une difficulté. Lors d'un entretien en 2007, il soulignait que, de nos jours, le niveau de la musique pop est très élevé dans les enregistrements. Il faut que le chant liturgique soit capable d'attirer les jeunes avec sa qualité. C'est la raison pour laquelle est nécessaire l'enseignement du chant grégorien[30].
Neil McEwan
Il obtint son doctorat en 2003, à la suite de ses études sémiologiques du chant grégorien[31]. Notamment, il est un spécialiste important des neumes anciens[eg33 1]. Ce musicologue anglican et professeur à l'université de Sydney enseigne la musique ancienne auprès du conservatoire de cette université. En tant que maître de chœur de la cathédrale Saint-Laurence de Sydney, il promeut également le chant grégorien dans le domaine liturgique chez les Anglicans[32] - [33].
Articles connexes
Références bibliographiques
- Études grégoriennes, tome XXXIII, abbaye Saint-Pierre, Solesmes 2005 (ISBN 978-2-85274-283-3) 223 p.
- p. 107 - 151
- Études grégoriennes (Actes du colloque : 1 000 ans de chant grégorien), tome XXXVIII, abbaye Saint-Pierre, Solesmes 2011 (ISBN 978-2-85274-361-8) 320 p.
- p. 249-250
- p. 251
- p. 257
- p. 258
- Études grégoriennes, tome XXXIX, abbaye Saint-Pierre, Solesmes 2012 (ISBN 978-2-85274-207-9) 315 p.
- p. 297
- p. 302
- p. 305
- Daniel Saulnier, Session de chant grégorien III, session inter-monastique, les 5 - 9 septembre 2005 [lire en ligne]
- p. 52
- Marie-Emmanuel Pierre, Cantabo Domino, Cours de chant grégorien, abbaye Saint-Michel de Kergonan, Plouharnel 2005 (ISBN 978-2-9525681-0-4) 343 p.
- p. 162
- p. 163
- p. 164
- p. 164 - 165
- p. 159
- p. 231
- p. 294
- p. 312
- p. 313
- p. 314
- p. 315
- p. 311
- Pierre Combe, Histoire de la restauration du chant grégorien d'après des documents inédits, Solesmes et l'Édition Vaticane, abbaye Saint-Pierre, Solesmes 1969, 488 p.
- p. 41
- p. 41, note n° 58
- p. 99
- p. 122
- p. 150 - 152
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Notes et références
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