Droits LGBT au Burundi
Les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, et transgenres (LGBT) au Burundi font face Ă des problĂšmes lĂ©gaux que n'ont pas les citoyens non-LGBT. Depuis 2009, le pays criminalise les activitĂ©s sexuelles entre personnes de mĂȘme sexe, hommes et femmes, et les punit d'une peine pouvant aller jusqu'Ă deux ans de prison et d'une amende. Les personnes LGBT sont poursuivies par le gouvernement et sont stigmatisĂ©es par la population en gĂ©nĂ©ral.
Droits LGBT au Burundi | |
Dépénalisation de l'homosexualité | Non |
---|---|
Sanction | jusqu'Ă deux ans d'emprisonnement |
Interdiction des thérapies de conversion | Non |
Identité de genre | Non |
Service militaire | Non |
Protection contre les discriminations | Non |
Mariage | Non |
Partenariat | Non |
Adoption | Non |
Don de sang | Non |
Loi contre l'homosexualité
Cadre juridique national
Depuis 2004, l'article 29 de la Constitution du Burundi interdit explicitement le mariage entre deux personnes de mĂȘme sexe[1] - [2] - [3] - [4].
La loi fait suite à une marche contre l'homosexualité qui réunit plus de 10 000 participants à Bujumbura. Il s'agit de la plus importante manifestation au Burundi depuis 2005[5].
La loi de novembre 2008 de l'Assemblée nationale condamne les relations homosexuelles d'une peine de trois mois à deux ans de prison et d'une amende[6].
La chambre basse du parlement du Burundi fait passer la législation qui criminalise les relations homosexuelles en novembre 2008[6] - [7]. Le Sénat du Burundi rejette ensuite l'amendement proposé[8] mais l'assemblée, qui peut passer outre les décisions du Sénat, vote pour l'amendement que le président Pierre Nkurunziza fait passer dans la loi le [9] - [10] - [7].
Sanctions applicables
Selon l'article 567 du code pĂ©nal du Burundi : « Quiconque a des relations sexuelles avec une personne de mĂȘme sexe est puni d'une servitude pĂ©nale de trois mois Ă deux ans et d'une amende de cinquante mille francs Ă cent mille francs ou d'une de ces peines seulement »[11] - [12].
Le , le ministĂšre chargĂ© de l'Ăducation nationale introduit une ordonnance portant sur le rĂšglement scolaire en vigueur au Burundi, classant parmi les fautes passibles de renvoi scolaire pendant toute l'annĂ©e scolaire en cours « l'homosexualitĂ© », ensuite mentionnĂ© « les rapports sexuels en flagrant dĂ©lit » en milieu scolaire comme Ă©tant punis de la mĂȘme sanction[10].
Cadre juridique international
Le Burundi a ratifié :
- le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1976 (en 1990)[13] ;
- le Pacte international relatif aux droits Ă©conomiques, sociaux et culturels de 1976 (en 1990)[13].
Bien que la RĂ©publique du Burundi soit dans l'obligation de respecter la DĂ©claration universelle des droits de l'homme ainsi que les traitĂ©s ratifiĂ©s plus haut, les personnes LGBT au Burundi continuent dâĂȘtre victimes de violations de droits humains et de faire face Ă une discrimination et stigmatisation grandissante[10].
Réponse de la communauté internationale
En , le SĂ©nat rejette une dĂ©cision votĂ©e en novembre 2008 par l'AssemblĂ©e nationale criminalisant les relations intimes avec des personnes de mĂȘme sexe. Cependant, selon la constitution burundaise, en cas de dĂ©saccord entre les deux chambres du Parlement, la dĂ©cision de l'AssemblĂ©e nationale prĂ©vaut[14]. Le prĂ©sident Nkurunziza rejette, par ailleurs, les appels de diplomates internationaux pour demander au Parlement de rĂ©viser l'article en question[14].
Lors de lâExamen pĂ©riodique universel du , la rĂ©ponse aux recommandations Ă lâĂ©gard de lâĂtat du Burundi traitant de la dĂ©criminalisation des relations sexuelles entre adultes de mĂȘme sexe consentants n'est ni satisfaisante, ni dĂ©cevante, vu quâelle fait appel Ă la comprĂ©hension de la part de la communautĂ© internationale quant au respect des coutumes et mĆurs du Burundi, et ajoute pour ce fait que la dĂ©criminalisation n'est pas envisageable pour le moment[10].
Situation sociale
Perception générale
L'homosexualitĂ© est un tabou au sein de la sociĂ©tĂ© burundaise[15] et mĂȘme considĂ©rĂ©e comme une pratique importĂ©e par les blancs[16]. Selon une enquĂȘte rĂ©alisĂ©e en 2014- 2015, seulement 10 % des Burundaises et Burundais sont ouverts Ă lâĂ©gard des personnes issues des minoritĂ©s sexuelles, une proportion infĂ©rieure Ă la moyenne des pays africains (21 %)[17]. Le , une manifestation soutenant la pĂ©nalisation de l'homosexualitĂ© a lieu Ă Bujumbura, en rĂ©ponse Ă l'appel du parti prĂ©sidentiel CNDD-FDD[18].
AprÚs la pénalisation de l'homosexualité en 2009, les cas d'agressions envers les homosexuels se sont accrus[7]. Il s'agit d'agressions verbales ou physiques ayant lieu dans la rue, voire sur le lieu de travail[19].
La criminalisation des relations sexuelles entre personnes adultes consentantes de mĂȘme sexe engendre un malaise psychologique gĂ©nĂ©ralisĂ© chez les personnes LGBT, dont la majoritĂ© reste dans lâombre. Et pour ne pas ĂȘtre identifiĂ©es comme personnes LGBT, elles ne prennent pas part aux programmes existants destinĂ©s Ă les prendre en charge[10].
Attitude des médias
L'ONG UHAI EASHRI a constaté entre 2013 et 2014 une amélioration dans la maniÚre des médias de traiter les sujets liés aux personnes LGBT[11].
La reprĂ©sentation des minoritĂ©s sexuelles dans les mĂ©dias est, au mieux, stĂ©rĂ©otypĂ©e dans la presse anglophone, voire ouvertement hostile dans la presse rĂ©gionale, oĂč les associations entre homosexualitĂ©, criminalitĂ© et maladies sont frĂ©quentes[20].
Attitude des personnalités religieuses
Des propos homophobes sont tenus par des personnalitĂ©s politiques et religieuses burundaises[17]. En 2009, le dĂ©sormais ex-prĂ©sident du CNDD-FDD JĂ©rĂ©mie Ngendakumana dĂ©clare : « LâhomosexualitĂ© est un pĂȘchĂ©, câest une culture copiĂ©e de lâextĂ©rieur et qui vient souiller nos mĆurs et elle est pratiquĂ©e par des dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s... Si nous aimons notre pays, si nous aimons notre culture, nous devons interdire cette pratique qui ne peut quâattirer le malheur sur nous »[21].
Des cas d'imans proférant des appels à la violence envers des personnalités LGBT ont été rapportés[21].
Violences et atteintes aux droits
D'aprĂšs l'ONG UHAI EASHRI, des cas dâagression physique, dâextorsion par les agents Ă©tatiques (gĂ©nĂ©ralement rarement rapportĂ©s)[22] sont observĂ©s ; ceux-ci ciblent les personnes sur base dâorientation sexuelle rĂ©elle ou supposĂ©e. Les personnes transgenres sont arrĂȘtĂ©es et dĂ©tenues arbitrairement dans des cellules qui ne sont pas conformes Ă leur identitĂ© de genre, dans lesquelles elles peuvent subir de la violence et de lâextorsion de la part des autres dĂ©tenus[21].
Lieux de rencontre
Le seul espace mis Ă disposition des organisations LGBT est le centre Remuruka, ouvert en Ă Bujumbura, qui sert dâespace de travail pour les organisations LGBT, offre des services dâassistance psychosociale, de petits soins de santĂ©, le dĂ©pistage volontaire, le counseling, l'aide Ă la rĂ©intĂ©gration sociale et des activitĂ©s rĂ©crĂ©atives (commĂ©moration des journĂ©es internationales, projections de films, activitĂ©s communautaires organisĂ©es par les organisations LGBT), accueillant bon nombre de groupes de travail avec d'autres organisations de la sociĂ©tĂ© civile[23] - [24].
Le gouvernement burundais n'appuie ni ne réprime cette initiative, mais néanmoins, le Centre Remuruka reçoit deux visites impromptues de reconnaissance d'agents du SNR entre son ouverture et mai 2014[10].
Il n'y a pas d'autres centre de rencontre connu de sources publiques au Burundi[11].
Associations
Au Burundi, la premiĂšre organisation LGBT voit le jour en 2003, sous le nom dâAssociation pour le respect des droits des homosexuels (ARDHO), Ă lâinitiative de lâactiviste Georges Kanuma (1972-2009). ARDHO a Ă©voluĂ© et est devenu Humure « Nâaies pas peur » en 2009. Avec lâintroduction de la proposition de loi pĂ©nalisant lâhomosexualitĂ© au sein du Parlement burundais, Humure sâest scindĂ©e Ă la suite de divergences quant aux formes que le militantisme devait prendre : des activistes en provenance de Humure ont crĂ©Ă© dâautres organisations en 2010, notamment : RCL et TWR, qui ont bĂ©nĂ©ficiĂ© du soutien de lâANSS ; et MOLI au Centre Remuruka[25].
Bien que le cadre lĂ©gal sâarticulant autour de la reconnaissance lĂ©gale des associations se perçoit comme offrant la possibilitĂ© aux organisations LGBT de se faire enregistrer, aucune organisation LGBT nâest enregistrĂ©e comme dĂ©fendant les droits des personnes LGBT ; celles qui ont essayĂ© ont Ă©tĂ© refusĂ©es[10] - [26]. Il en rĂ©sulte que les associations LGBT agissent de maniĂšre « clandestine »[10].
L'association UHAI EASHRI dĂ©clare que les organisations LGBT au Burundi ne font pas de dĂ©clarations mĂ©diatiques, par souci de sĂ©curitĂ© et dâoptimisation des acquis et prĂ©fĂšrent travailler sous lâangle du VIH[27].
Manifestations
D'aprĂšs Clotilde Niragira, ancienne ministre de la SolidaritĂ© nationale, « Les associations de dĂ©fense des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres ne peuvent pas organiser des manifestations, sauf si elles ont Ă©tĂ© approuvĂ©es par les autoritĂ©s. Il est difficile Ă©galement pour elles de mener leurs activitĂ©s sans approbation et sâil y a bien des homosexuels et des lesbiennes au Burundi, il nây a pas dâassociations agrĂ©Ă©es »[28].
Protection des forces de l'ordre
D'aprÚs l'association MOLI, des cas de menaces, d'insultes, et de harcÚlement de la part ont été rapportés[29].
Cependant, le nombre de d'arrestations est faible, notamment car les personnes LGBT font en sorte d'ĂȘtre peu visibles[30]. Elle ajoute que la plupart des cas de violence passent souvent inaperçus Ă cause des conditions dâinsĂ©curitĂ© prĂ©valant Ă Bujumbura[31].
En , 24 personnes participant Ă une formation organisĂ©e par l'association MUCO Ă Gitega sont arrĂȘtĂ©es, inculpĂ©es pour « pratiques homosexuelles ou incitation aux pratiques homosexuelles » et emprisonnĂ©es. Selon MUCO, la formation traitait du sujet de l'entreprenariat chez les jeunes[32] - [33].
DĂ©clarations politiques
En , le prĂ©sident Ăvariste Ndayishimiye dĂ©nonce les homosexuels et « demande Ă tous les Burundais de maudire ceux qui s'adonnent Ă l'homosexualitĂ© car Dieu ne peut pas le supporter. Ils doivent ĂȘtre bannis, traitĂ©s en parias dans notre pays car ils nous apportent la malĂ©diction »[33].
Bibliographie
Irwin Iradukunda et Roselyn Odoyo, TURI ABANDE ? : UNE ANALYSE DE PAYSAGE DES DROITS HUMAINS DES COMMUNAUTES DES PROFESSIONNELS DU SEXE ET LGBT AU BURUNDI, Nairobi, UHAI EASHRI, , 54 p. (ISBN 978-9966-1875-1-2, lire en ligne)
(en-US) BURUNDI 2012 HUMAN RIGHTS REPORT, Bureau of Democracy, Human Rights and Labor, , 30 p. (lire en ligne)
Notes et références
- (en) Daniel Ottosson, « State-sponsored Homophobia: A world survey of laws prohibiting same sex activity between consenting adults » [PDF], sur ilga.org, , p. 45.
- Burundi, Présidence de la République, Constitution intérimaire post-transition, 20 octobre 2004 ; Burundi, Présidence de la République, Constitution de Transition, 28 octobre 2001.
- BURUNDI, Présidence de la République, Constitution de la République du Burundi, 7 juin 2018.
- « La Constitution » (consulté le )
- Christophe Broqua, « L'émergence des minorités sexuelles dans l'espace public en Afrique », Politique africaine, 2012/2, n°126, p. 5-23.
- (en) « Burundi urged not to criminalise homosexual acts », sur Pink News, .
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- (en) « Burundi senate rejects gay bill », sur news.bbc.co.uk, (consulté le )
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- « Situation des minorités sexuelles et de genre » [PDF], (consulté le ).
- BURUNDI, Assemblée nationale, Loi n°1/05 portant révision du Code pénal, 22 avril 2009.
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- Freedom House, Freedom in the World - Burundi, 2018.
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- (en) THE STATUS OF LESBIAN, GAY, BISEXUAL AND TRANSGENDER RIGHTS IN BURUNDI : A Shadow Report, MOLI, HEARLAND ALLIANCE, VERMONT, RAINDOW CANDLE LIGHT, , 25 p. (lire en ligne), p. 13
- Olivier Roy, RĂ©alitĂ©s juridiques et sociales des minoritĂ©s sexuelles dans les principaux pays dâorigine des personnes nouvellement arrivĂ©es au QuĂ©bec, , 75 p. (ISBN 978-2-550-78989-5, lire en ligne), p. 37
- UHAI EASHRI 2016, p. 28.
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- Irwin Iradukunda et Roselyn Odoyo, TURI ABANDE? : UNE ANALYSE DE PAYSAGE DES DROITS HUMAINS DES COMMUNAUTES DES PROFESSIONNELS DU SEXE ET LGBT AU BURUNDI., Nairobi, UHAI EASHRI, , 54 p. (ISBN 978-9966-1875-1-2, lire en ligne), p. 19
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- Irwin Iradukunda, « Jâaime mon pays, mais mon pays ne mâaime pas. » : Droits de lâHomme : La Situation des Personnes PrĂ©sumĂ©es et RĂ©ellement Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, Transgenre et IntersexuĂ©es au Burundi (2003-2013)., Bujumbura, Mouvement pour les LibertĂ©s Individuelles â MOLI, , 35 p. (lire en ligne), p. 24
- Olivier Roy, RĂALITĂS JURIDIQUES ET SOCIALES DES MINORITĂS SEXUELLES DANS LES PRINCIPAUX PAYS DâORIGINE DES PERSONNES NOUVELLEMENT ARRIVĂES AU QUĂBEC, MINISTĂRE DE LâIMMIGRATION, DE LA DIVERSITĂ ET DE LâINCLUSION, , 75 p. (ISBN 978-2-550-78989-5, lire en ligne), p. 19
- Entrevue avec le directeur des Droits Humains et Sociaux, MOLI, novembre 2015.
- « Burundi: des membres dâune association inculpĂ©s pour «pratiques homosexuelles» », Radio France internationale
- « Burundi : 24 personnes arrĂȘtĂ©es pour "pratiques homosexuelles" », AFP et Voice of America Afrique,
- (en-US) « First conviction for homosexuality in Burundi », sur IWACU English News (consulté le )
- « Jâaime mon pays, mais mon pays ne mâaime pas. » : Droits de lâHomme : La Situation des Personnes PrĂ©sumĂ©es et RĂ©ellement Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, Transgenre et IntersexuĂ©es au Burundi (2003-2013)., Bujumbura, Mouvement pour les LibertĂ©s Individuelles â MOLI, , 35 p. (lire en ligne), p. 27