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Demodex

Demodex, les Démodex, est un genre d'acariens de la famille des Demodicidae. Il regroupe des acariens minuscules et très communs de la peau et de la fourrure de très nombreux mammifères où ils vivent dans ou à proximité des follicules pileux dont ceux de l'humain et de ses animaux domestiques, mais également de ceux de nombreux micromammifères. La plupart du temps symbiotes, ils contribuent à nettoyer la peau, notamment du sébum. Ils peuvent cependant en cas d'immunodéficience pulluler et alors jouer un rôle dans certaines pathologies dermatologiques, notamment la démodécie. Une centaine d'espèces a été identifiée dont deux vivent sur l’humain, Demodex folliculorum et Demodex brevis mais leur nombre est sans doute sous-estimé. Demodex canis qui vit sur le chien domestique, est également très courant.

Les Demodex constituent non seulement un important sujet d'étude vétérinaire et médicale, mais aussi un excellent modèle pour les analyses faunistiques et parasitologiques concernant les différents aspects du fonctionnement et de l'évolution de la relation hôte-parasite. Les connaissances les concernant sont, en 2022, extrêmement lacunaires.

Un Demodex sp.
Démodex du chien, qui, sauf en cas de déficit immunitaire, ne colonise pas la peau humaine.

Espèces hôtes concernées

Les Demodex sont présents dans la plupart des ordres de mammifères. Ils montrent une grande spécificité quant à leur hôte et sont courants chez de nombreuses espèces. Ce genre représente 106 espèces sur les 122 de la famille des Demodicidae. En raison de leurs modifications morphologiques, y compris la miniaturisation, ou de diverses adaptations au parasitisme dans les différents microhabitats, offerts par la peau, les tissus et les organes de l'hôte, les Demodex peuvent prétendre être les acariens parasites les plus spécialisés des mammifères, leur relation étant le fruit d'une longue coévolution. Ces acariens habitent une série de structures cutanées, y compris les follicules pileux normaux et sensoriels et différents types de glandes, ainsi qu'une variété de tissus organiques, tels que la langue, les gencives, les segments antérieurs du tube digestif ou les canaux auditifs[2].

Des représentants des Demodex ont été recensés sur tous les continents en dehors des régions polaires, et leur présence est généralement dictée par celle d'un hôte typique ; cependant, aucune étude de ce groupe n'a été menée dans de nombreuses zones de son aire de répartition, même pour des espèces de mammifères communes. Près de 5000 espèces de mammifères seraient ainsi des hôtes potentiels. En 2020, la plus grande diversité de Demodex concerne avant tout les rongeurs (43 espèces) et les chauves-souris (27 espèces) mais aussi les ongulés (17 espèces), les carnivores (15 espèces), les primates (6 espèces) et les marsupiaux (3 espèces)[2].

Il s'agit par exemple de Demodex folliculorum et Demodex brevis chez l'humain, de quatre espèces différentes chez le chien dont Demodex canis, de Demodex sciurinus chez l'écureuil roux d'Eurasie, de Demodex talpae chez la taupe d'Europe ou de Demodex crocidurae et Demodex foveolator chez la musaraigne des jardins[2] - [3].

Préférences topographiques des Demodex sur le corps de la Souris domestique (Mus musculus) : (A) Demodex conicus. (B) Demodex musculi. (C) Demodex marculus. (D). Demodex flagellurus. (E) Demodex fusiformis. (F) Demodex vibrissae. (G) Glossicodex musculi.

Chez l'humain

Stades larvaire et adulte du Demodex folliculorum

Chez l'humain, la faune des Demodex est composée de Demodex folliculorum décrite en et Demodex brevis décrite en , auxquelles s'ajoute la sous-espèce D. folliculorum subsp. sinensis décrite depuis la Chine en . Ils sont naturellement présents sur ou dans la peau et font partie de notre microbiote cutané, essentiellement sur le visage, près du nez, des cils et des sourcils, mais ils peuvent aussi – plus rarement – coloniser d’autres parties du corps. La peau humaine semble les tolérer et il est extrêmement rare de voir un humain infesté par un Démodex propre à une autre espèce, y compris par le Démodex du chien, et ce malgré la proximité avec cet animal domestique. Ce cas se produit cependant parfois en cas d'immunodéficience.

La colonisation semble se faire au fur et à mesure de la vie, au gré des contacts entre personnes, en particulier entre parents et enfants (contacts entre cheveux, cils, sourcils, glandes sébacées du nez). Soit pour des raisons immunitaires, soit en raison de taux différents de production de sébum, le nouveau-né n’en porte pas et les enfants en portent peu, et on en porte de plus en plus avec l’âge : 96 à 98 % des personnes âgées ont une peau abondamment colonisée par les Démodex. D'après une étude publiée en [4], 100 % des personnes de plus de 18 ans sont porteurs d'au moins une des deux espèces de Demodex.

Chez la vache, une espèce de Demodex peut s'insérer dans les follicules pileux, y former des cavités où il vit et se reproduit, en déclenchant une formation de nodules et de vives réactions inflammatoires.
L'infestation pathologique de la partie sous-jacente de la peau de bovins d'élevage par un Demodex est une maladie vétérinaire dite « démodécose » (ici en Afrique de l'Ouest)
Ici, ce sont les follicules pileux d'un singe qui sont colonisés par une espèce de Demodex (formes brunes irrégulières allongées visibles dans les cavités. Les cavités se forment dans les follicules pileux enflammés) ; photographie histologique en microscopie optique

Description

Les Demodex adultes liĂ©s aux humains mesurent de 150 Ă  480 Âµm de long[5], D. brevis Ă©tant lĂ©gèrement plus court que D. folliculorum[6] alors que les plus petites espèces ne mesurent que 70–80 Âµm[2].

Leur organisme, adapté à leur habitat, est très différent de ceux des autres acariens vivant sur la peau : leur corps, composé de deux segments fusionnés, est allongé, en forme de cil et il est presque translucide. Huit pattes presque relictuelles, très courtes, garnissent le premier segment. Le corps est couvert d'écailles permettant un bon ancrage dans le follicule pileux ou sébacé lui-même. La bouche a une forme lui permettant de manger du sébum ou des cellules de peau qui s’accumulent dans les follicules.

Les Demodex peuvent quitter leur follicule et évoluer sur la peau, généralement la nuit où ils semblent fuir la lumière, à une vitesse d'environ 8-16 centimètres par heure[6].

Dimorphisme sexuel

Les femelles de Demodex folliculorum sont un peu plus courtes et plus rondes que les mâles alors que c'est l'inverse chez le Demodex de la taupe[3].

Alimentation

Se nourrissant de sébum, ces acariens ont un système digestif inhabituellement efficace, qui leur permet de ne produire que peu de déchets autres que gazeux (ils ne disposent pas d’anus)[7]. Les excréments résiduels sont stockés dans leur corps jusqu'à la fin de leur vie[8].

Cycle de vie

En climat tempéré, le cycle de vie des Demodex humains se déroule sur quelques semaines. Le mâle et la femelle Demodex ont une ouverture génitale permettant une fécondation interne[9]. L'accouplement a lieu à l’entrée d’un follicule.

Les œufs sont pondus dans le follicule pileux ou dans les glandes sébacées. Les pattes de la larve n’apparaissent qu’après 3-4 jours. Il leur faut environ sept jours pour se développer en adultes.

Les Demodex morts se décomposent dans les follicules pileux ou les glandes sébacées. Ils sont chassés des glandes avec le sébum ou disparaissent avec la chute des poils.

Impact parasitaire

Les Demodex sont des parasites spécialisés probablement abondants au sein des populations hôtes. Ce sont des parasites stationnaires, dont tout le cycle de vie se déroule sur l'hôte ; cependant, en fonction de l'espèce, de sa topographie, de la dynamique saisonnière et du mécanisme de transmission, ils peuvent présenter un niveau variable de prévalence d'infestation, qui peut atteindre 100 %. En général, la présence de ces acariens ne produit pas de symptômes, même en cas de forte intensité d'infestation et de densité élevée sur la peau. La colonisation semble contrôlée par le système immunitaire de chaque espèce. Chez les humains, dans la grande majorité des cas, ces acariens passent tout à fait inaperçus toute la vie des individus, sans symptômes négatifs. Mais il arrive, dans certains cas généralement liés à une inhibition du système immunitaire (causée par exemple par un stress important ou une maladie), que les Demodex ou d’autres acariens connaissent une explosion démographique spectaculaire, qui se traduit alors par une pathologie dite démodécie, également nommée démodicose, démodécose et demodicidosis[2].

Les symptômes de la démodécie comprennent généralement la présence de diverses lésions cutanées (pityriasis folliculorum, démodécidose rosacée, folliculite pustuleuse, éruptions papulo-pustuleuses du cuir chevelu, dermatite périorale et taches hyperpigmentées du visage, Orgelet, Blépharite), la perte de cheveux, l'inflammation du bord des paupières et la conjonctivite, ainsi que des modifications au niveau des muqueuses gingivales ; toutefois, elle peut également se présenter sous une forme généralisée. Des complications peuvent également survenir sous la forme d'infections bactériennes ou fongiques secondaires. De forts indices laissent penser que certaines maladies de la peau comme la rosacée, puissent être induites par une bactérie Bacillus oleronius retrouvée dans les Démodex[10]. Cette parasitose peut être accrue par une immunité réduite de l'hôte, une mauvaise condition ou un régime alimentaire incorrect, comme des carences en vitamines et en micronutriments[2].

Malgré la forte prévalence de l'infestation dans les populations de mammifères sauvages, la démodécose est observée relativement rarement. Cependant, elle constitue un problème sérieux pour l'homme, les animaux domestiques et le bétail. La démodécose canine, maladie du chien domestique, causée par Demodex canis, se caractérise par une évolution particulièrement dangereuse, avec une issue chronique, voire fatale. Des médicaments à base d'acaricide et notamment d'amitraze sont alors employés par les vétérinaires[11]. Cette démodécose est également décrite chez les chats et les bovins, ou chez des animaux de laboratoire comme les souris et les hamsters[2].

Liste des espèces

Liste des espèces selon Izdebska & Rolbiecki (2020)[2] et Cierocka, Izdebska & Rolbiecki (2021)[3]

Primates
Rongeurs
Chauve-souris
  • Demodex aelleni Fain, 1960 (Myotis daubentonii)
  • Demodex artibei Vargas, Bassols, Desch, Quintero and Polaco, 1995 (Artibeus aztecus)
  • Demodex bicaudatus Kniest and Lukoschus, 1981 (Macroglossus minimus)
  • Demodex carolliae Desch, Lebel, Nutting and Lukoschus, 1971 (Carollia perspicillata)
  • Demodex chiropteralis Hirst, 1921 (Plecotus auritus)
  • Demodex desmodi Desch, 1994 (Desmodus rotundus)
  • Demodex longissimus Desch, Nutting and Lukoschus, 1972 (Carollia perspicillata)
  • Demodex macroglossi Desch, 1981 (Macroglossus minimus)
  • Demodex melanopteri Lukoschus, Jongman and Nutting, 1972 (Eptesicus brasiliensis melanopterus)
  • Demodex mexicanus Vargas, Bassols, Desch, Quintero and Polaco, 1995 (Corynorhinus mexicanus)
  • Demodex molossi Desch, Nutting and Lukoschus, 1972 (Molossus molossus)
  • Demodex mystacina Desch, 1989 (Mystacina tuberculata)
  • Demodex neoopisthosomae Desch, Lukoschus and Nadchatram, 1986 (Eonycteris spelaea)
  • Demodex novazelandica Desch, 1989 (Mystacina tuberculata)
  • Demodex nycticeii Desch, 1996 (Nycticeius humeralis)
  • Demodex phyllostomatis Leydig, 1859 (Phyllostomus hastatus)
  • Demodex spelaea Desch, Lukoschus and Nadchatram, 1986 (Eonycteris spelaea)
Taupes, musaraignes, hérissons, tatous, Lagomorphes
Marsupiaux
Ongulés
Carnivores

Notes et références

  1. Owen, 1843 : Lectures on the Comparative Anatomy and Physiology of the Invertebrate Animals, delivered at the Royal College of Surgeons in 1843. Longman, Brown, Green, and Longmans, London
  2. (en) Joanna N. Izdebska et Leszek Rolbiecki, « The Biodiversity of Demodecid Mites (Acariformes: Prostigmata), Specific Parasites of Mammals with a Global Checklist and a New Finding for Demodex sciurinus », Diversity, vol. 12, no 7,‎ , p. 261 (ISSN 1424-2818, DOI 10.3390/d12070261, lire en ligne)
  3. Karolina Cierocka, Joanna N. Izdebska et Leszek Rolbiecki, « Demodex crocidurae, a New Demodecid Mite (Acariformes: Prostigmata) Parasitizing the Lesser White-Toothed Shrew and a Redescription of Demodex talpae from European Mole with Data on Parasitism in Soricomorpha », Animals, vol. 11, no 9,‎ , p. 2712 (ISSN 2076-2615, PMID 34573678, PMCID PMC8470759, DOI 10.3390/ani11092712, lire en ligne)
  4. (en) http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0106265<000
  5. « demodex.info »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) (consulté le )
  6. Rufli T., Mumcuoglu Y., « The hair follicle mites Demodex folliculorum and Demodex brevis: biology and medical importance. A review. », Dermatologica, 1981 ; 162(1):1-11. PMID 6453029
  7. « La mémoire dans la peau », sur le site de France Culture (consulté le )
  8. (en) http://www.bbc.com/earth/story/20150508-these-mites-live-on-your-face
  9. Rush, A. 2000. « Demodex folliculorum », Animal Diversity Web. Ouvert le 7 janvier 2007
  10. New Study Shows Role for Bacteria in Development of Rosacea Symptoms, National Rosacea Society press release, le .
  11. J. Fourie, P. Dumont, L. Halos, F. Beugnet et M. Pollmeier, « Efficacy of a topical application of Certifect(®) (fipronil 6.26% w/v, amitraz 7.48% w/v, (S)-methoprene 5.63% w/v) for the treatment of canine generalized demodicosis. », Parasite, vol. 20,‎ , p. 46 (PMID 24256940, DOI 10.1051/parasite/2013046)

Liens externes

  • (en) RĂ©fĂ©rence Animal Diversity Web : Demodex (consultĂ© le )
  • (fr+en) RĂ©fĂ©rence EOL : Demodex (consultĂ© le )
  • (fr+en) RĂ©fĂ©rence GBIF : Demodex Owen, 1843 (consultĂ© le )
  • (fr) RĂ©fĂ©rence INPN : Demodex Owen, 1843 (TAXREF) (consultĂ© le )
  • (en) RĂ©fĂ©rence OEPP : Demodex (consultĂ© le )
  • (en) Demodex, « un habitant du follicule pileux humain, et un acarien avec lequel nous vivons en harmonie », par M. Halit Umar, Micscape Magazine, mai 2000, comprend plusieurs photographies au microscope
  • (en) Demodicosis, article de Manolette R Roque, MD
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