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Crimes de guerre lors de la crise anglophone au Cameroun

Depuis 2017, lors de la crise anglophone au Cameroun, de nombreuses exactions sont commises et attribuĂ©es Ă  la fois aux forces armĂ©es camerounaises, Ă  leurs alliĂ©s et aux forces sĂ©paratistes. Ces violences entraĂ®nent de nombreuses victimes civiles. Depuis cette date, ce conflit a fait 4 000 morts et plus 700 000 dĂ©placĂ©s dont 63 800 personnes qui ont fuit de l'autre cĂ´tĂ© de la frontière, au Nigeria[1]. L'armĂ©e camerounaise et les groupes sĂ©paratistes sont accusĂ©s par les ONG internationales et l'ONU d'exactions et de crimes contre les civils[2].

Exactions

Exactions attribuées aux forces armées camerounaises

Dans un rapport publié le , Human Rights Watch expose que les exactions des forces armées camerounaises comprennent des exécutions extrajudiciaires, un usage excessif de la force et l'utilisation injustifiée d'armes à feu contre des manifestants, la torture et les mauvais traitements infligés à des membres présumés de groupes séparatistes en détention, ainsi que l’incendie de maisons et de propriétés dans plusieurs villages. Cette approche s'assimile à une politique de la terre brûlée[3]. L'ONG a pu évaluer un total de 131 villages et identifier plusieurs centaines de structures montrant des signes de destruction correspondant à des incendies criminels dans 20 localités de la seule région du Sud-Ouest. Human Rights Watch receuille également le témoignage de témoins provenant de 5 de ces villages : Kwakwa, Kombone, Bole, Wone et Mongo Ndor qui rapportent avoir vu les forces de sécurité entrer dans leurs villages avant d’avoir fui pour leur propre sécurité.

Selon ces mêmes témoins, quatre femmes âgées ont été abandonnées pendant les opérations militaires dans ces villages et y auraient été brûlées vives dans leurs maisons. Les forces de sécurité auraient abattu plusieurs autres personnes à Kwakwa, Wone, Bole et Belo, dont sept personnes présentant des déficiences intellectuelles ou des troubles du développement qui avaient eu des difficultés à fuir[4].

Le , Human Rights Watch accuse les forces gouvernementales et une milice peule alliée d'avoir perpétré le meurtre d’une vingtaine de civils, dont 13 enfants. L'armée a démenti dès les premiers jours, assurant qu’il s’agissait des conséquences d’un « malheureux accident », l’explosion de conteneurs de carburant consécutive à des échanges de tirs entre soldats et rebelles séparatistes et n’a évoqué la mort que de 5 civils. Dans son rapport, HRW cite des témoignages évoquant des meurtres commis par 10 à 15 « militaires du Bataillon d'intervention rapide (BIR), unité d’élite de l’armée camerounaise, et au moins 30 Peuls armés » qui « ont incendié cinq maisons, pillé de nombreux autres biens et passé à tabac des habitants »[5].

Le , des soldats camerounais violent 20 femmes, tuent un homme, brûlent et pillent des maisons à Ebam, dans la région du Sud-Ouest. 36 personnes sont emmenées dans un camp militaire, où nombre d'entre elles sont sévèrement battues et torturées. Une personne meurt en captivité. Les autres sont libérées entre le 4 et le 6 mars, après que leurs familles ont versé de l'argent[6].

Le , à l’issue d’une enquête menée conjointement par des responsables de l’armée camerounaise et des observateurs indépendants, l’implication de l'armée dans ce massacre a été reconnue par les autorités camerounaises[7].

Le , Human Rights Watch affirme dans un rapport que des soldats de l’armée camerounaise ont tué au moins neuf civils à Mautu dans la région du Sud-Ouest du pays le 10 janvier 2021. Dans leur rapport, HRW affirme que des témoins ont déclaré qu’une « cinquantaine de soldats, dont des membres du BIM, sont entrés à pied à Mautu le 10 janvier vers 14 heures et ont commencé à tirer sans discernement alors que les gens prenaient la fuite » et que « les soldats ont tué neuf personnes, dont une femme âgée de 50 ans et une fille de six ans, et qu’ils se sont rendus d’un domicile à un autre à la recherche de combattants séparatistes et d’armes, menaçant les habitants et pillant leurs biens »[8].

Le , Human Rights Watch affirme dans un nouveau rapport que des soldats du 53e Bataillon d'infanterie motorisée (BIM) ont tué neuf personnes, dont quatre femmes et une fillette de 18 mois, dans le village de Missong, lors d'une « opération de représailles contre une communauté soupçonnée d'abriter des combattants séparatistes »[9].

Quelques jours après la publication du rapport de HRW, le porte-parole de l'armée camerounaise Cyrille Serge Atonfack Guemo a publié une enquête fédérale sur l'action[9]. La déclaration a révélé que les soldats étaient à la recherche d'un soldat disparu lorsqu'ils ont été confrontés à un groupe de résidents en colère. Selon une enquête gouvernementale, les soldats ont répondu de manière « inappropriée » et « manifestement disproportionnée » en tuant quatre hommes, quatre femmes et une fillette de 18 mois. Un enfant d'un an a été légèrement blessé et transféré à l'hôpital[10].

Exactions attribuées aux alliés des forces armées camerounaises

Le , Amnesty International accuse les groupes armés fulanis, alliés des forces armées camerounaises, d'avoir perpétré de multiples et graves exactions[11].

D’après les rapports du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Entre le 30 janvier et le , cinq personnes sont tuĂ©es, 600 maisons sont incendiĂ©es et au moins 4 500 personnes sont dĂ©placĂ©es des villages de Koshin, Fangs et Bu-U, dans la rĂ©gion du Nord-Ouest du pays. Ces violations des droits humains se dĂ©roulent lors d’attaques perpĂ©trĂ©es par environ 200 membres des comitĂ©s de vigilance fulanis[11].

Exactions attribuées aux forces séparatistes

Un lycée bilingue détruit à Fontem.

Dans un rapport publié le , Human Rights Watch expose que les exactions des séparatistes comprennent des menaces envers des enseignants et des parents, des attaques contre des écoles dans le but d’empêcher les enfants de se rendre en classe, tout comme des meurtres, des enlèvements et des extorsions à l’encontre de civils ou de fonctionnaires de l’État[4].

Entre février 2017 et mai 2018, au moins 42 écoles ont été visées[12]. Certains séparatistes considèrent les écoles comme des cibles légitimes car la langue française y est enseignée comme une matière obligatoire[13]. Dans leurs efforts pour rendre les régions anglophones ingouvernables, les éléments séparatistes ont mutilé des employés de sociétés d'État[14]. Des enlèvements contre rançon ont également eu lieu fréquemment[15].

Tout au long de l'année 2017, il n'y a pas eu de rapports indiquant que les Forces de défense de l'Ambazonie (FDA) utilisent la violence contre des civils.

En octobre 2018, cinq incidents de ce type ont été signalés, bien que ces attaques n'ont pour la plupart pas été mortelles ; un décès de civil est attribué à une attaque des FDA. D'autres groupes séparatistes avaient attaqué des civils 25 fois dans le même laps de temps, et étaient responsables de 13 décès de civils[16]. Les séparatistes sont également accusés d'utiliser des écoles et des églises comme casernes militaires[17].

Dans la nuit du 30 au , selon un rapport d'Amnesty International, une centaine de membres de groupes séparatistes, armés de fusils et de couteaux, attaquent le camp de réinstallation d’Upkwa, près du lac Nyos, incendiant des dizaines d’habitations mbororos et massacrant du bétail[11].

En juillet 2019, le Cameroun accuse les séparatistes d'occuper plus de 50 écoles[18]. Les forces séparatistes se sont également livrées à une extorsion généralisée de la population civile, dans les régions anglophones[19].

Le , d'après les témoignages, les documents et les images satellites examinés par Amnesty International, les séparatistes armés attaquent une communauté Mbororo, dans la localité de Mbem. Quatre membres d’une même famille, âgés de 15 à 80 ans, sont tués, et trois autres sont blessés, dont deux femmes âgées. Ces dernières essuient des rafales de tirs, les blessant alors au front, aux jambes et aux cuisses. En outre, les assaillants mettent le feu à 30 maisons et à la mosquée, et pillent des biens, dont des motos[11].

Le , Human Rights Watch signale que les combattants séparatistes armés, tuent et blessent des personnes, violent une fille et commettent d'autres graves violations des droits de l'homme dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. Les séparatistes brûlent également des écoles, attaquent des universités et kidnappent jusqu'à 82 personnes[20].

Novembre

Le , un enlèvement a eu lieu à Nkwen. 79 élèves, le principal de l'école presbytérienne de Nkwen, près de Bamenda, un enseignant et un chauffeur ont été enlevés par des hommes armés puis libérés deux jours après[21] - [22]. Les personnes enlevées affirment les ravisseurs était des « Amba Boys », nom commun donné aux séparatistes[23].

Septembre

Le , Florence Ayafor, gardienne à la prison centrale de Bamenda, est décapitée à Pinyin par des combattants séparatistes[24].

Octobre

Le , un massacre est commis à Kumba. Au moins huit enfants sont tués et une dizaine sont blessés dans l'attaque d'une école de Kumba. Le gouvernement en attribue la responsabilité aux séparatistes[25].

Novembre

Le , un massacre est commis à Ekondo-Titi. Au moins trois élèves et une enseignante de français sont tués dans l'attaque d'une école d'Ekondo-Titi. Les autorités et les témoins accusent les séparatistes[26] - [27].

Mars

Le , un attentat a lieu à Ekondo-Titi. Sept personnes sont tuées, dont le sous-préfet, le maire de la commune d'Ekondo-Titi et un responsable local du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le parti au pouvoir dans un attentat revendiqué par les séparatistes[28] - [29].

Mai

Le , un massacre est commis à Obonyi. 24 civils sont tués et une soixantaine sont blessées par des hommes armés dans le village d'Obonyi II. Les autorités locales accusent les séparatistes[30].

Juin

Le , un massacre se produit à Akwaya. 32 civils sont tués dans le village de Ballin dans la commune d'Akwaya par des hommes armés. Les autorités mettent en cause les séparatistes[31].

FĂ©vrier

Le , cinq employés de la Cameroon Development Corporation (CDC) sont tués à Tiko[32]. Le dirigeant séparatiste, Capo Daniel revendique l'attaque dans une vidéo publiée sur Facebook, où il déclare que « Le Cameroun ne continuera pas d'exploiter les ressources de l'Ambazonie »[33].

Le , une femme est décapitée à Bali Nyonga par des séparatistes armés présumés, qui l’accusaient d’être une informatrice à la solde des autorités[34].

Le , des attentats ont lieu à Buéa. Trois explosions surviennent lors de la 28e édition de la Course de l'espoir dans la ville de Buéa, elles font 1 mort et plusieurs dizaines de blessés. Il s'agit d'attentats qui seront par ailleurs revendiqués par les Forces de défense de l'Ambazonie (FDA)[35] - [36] - [37].

Voir aussi

Articles connexes

Notes et références

  1. (en) Jess Craig, « Violence in Cameroon’s Anglophone crisis takes high civilian toll », sur Aljazeera, (consulté le )
  2. « Des exactions commises par l'armée et les séparatistes au Cameroun anglophone, selon Human Rights Watch », sur LEFIGARO, (consulté le )
  3. « Cameroun anglophone: «Des villages entiers brûlés par les forces de sécurité» », sur Franceinfo, (consulté le )
  4. « «Ces meurtres peuvent être stoppés» », Human Rights Watch,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. « Cameroun anglophone : l’armée accusée d’une tuerie par Human Rights Watch », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. (en) « Cameroon: Survivors of Military Assault Await Justice », sur Human Rights Watch, (consulté le )
  7. « Cameroun : le gouvernement reconnaît l’implication de militaires dans le massacre de Ngarbuh », sur JeuneAfrique (consulté le )
  8. « Cameroun : Neuf civils tués dans une attaque perpétrée par l’armée », sur Human Rights Watch, (consulté le )
  9. (en) « Cameroon: Army Killings, Disappearances, in North-West Region », sur Human Rights Watch, (consulté le )
  10. « Cameroun-Crise anglophone : neuf villageois tués par des éléments des forces de défense », sur Journal du Cameroun, (consulté le )
  11. « Cameroun. Témoignages et images satellite révèlent l’ampleur des destructions dans les régions anglophones », sur Amnesty International, (consulté le )
  12. (en) « Burning Cameroon: Images you're not meant to see », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. (en) « Cameroon: I spent a week embedded with Anglophone armed separatists », sur RFI, (consulté le ).
  14. (en) « Cameroon: Armed men chop off fingers of CDC workers – » (consulté le ).
  15. (en) « Schools Fail to Open in Cameroon's Restive English-speaking Regions - Cameroon », sur ReliefWeb (consulté le ).
  16. (en) « Picking a Fight: The Rise of Armed Separatists in Cameroon », sur ACLED, (consulté le ).
  17. (en) Stoyan Zaimov et Christian Post Reporter, « Churches turned into military barracks, people killed: Cameroon Christians cry out », sur The Christian Post, (consulté le ).
  18. (en) « Cameroon: Separatist Fighters Occupy 50 Schools », sur VOA (consulté le ).
  19. (en) « Ahead of peace talks, a who’s who of Cameroon’s separatist movements », sur The New Humanitarian, (consulté le ).
  20. (en) « Cameroon: Separatist Abuses in Anglophone Regions », sur Human Rights Watch, (consulté le )
  21. « Cameroun : enlèvement de masse dans une école en zone anglophone », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  22. « Au Cameroun anglophone, 90 élèves enlevés puis libérés », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  23. Par Le Parisien avec AFP Le 7 novembre 2018 à 11h29, « Cameroun : libération de 90 enfants enlevés lundi », sur leparisien.fr, (consulté le )
  24. « Cameroon – Anglophone Crisis: Video Of Separatist Fighters Slaughtering Wardress Ayafor Florence Stuns The World », sur Cameroon-info (consulté le )
  25. « Le Cameroun pointe les séparatistes anglophones du doigt après l’attaque d’une école », sur RFI, (consulté le )
  26. (en) « Gunmen Kill Four Students, Teacher at GBHS Ekondo Titi », sur Cameroon News Agency (consulté le )
  27. « Tuérie d’élèves à Ekondo Titi : l’armée accuse la milice séparatiste du « general Ten Kobo » », sur Stopblablacam (consulté le )
  28. Agence Ecofin, « Cameroun : un leader sécessionniste revendique l’attentat à la bombe qui a tué 7 personnes dont le maire d’Ekondo Titi », sur Agence Ecofin (consulté le )
  29. AfricaNews, « Cameroun : 7 personnes, dont 1 sous-préfet, tuées en zone anglophone », sur Africanews, 2022-03-03cet14:51:25+01:00 (consulté le )
  30. « Cameroun anglophone: 24 civils tués par des hommes armés, selon un élu », sur BFMTV (consulté le )
  31. « Cameroun : plus de 30 villageois massacrĂ©s dans des combats intercommunautaires », Sud Ouest,‎ (ISSN 1760-6454, lire en ligne, consultĂ© le )
  32. KOACI, « Cameroun : Au moins 5 employés de la CDC tués par des hommes armés en zone anglophone », sur KOACI (consulté le )
  33. Investir au Cameroun Télécom, Banque, Energie, Com, Média, Droit, Assurances, Gestion publique, Tourisme Economie, « CDC : une attaque revendiquée par les séparatistes fait 5 morts et menace à nouveau les activités de l’entreprise », sur Investir au Cameroun (consulté le )
  34. « Cameroun : Avec ou contre nous : La population prise en étau entre l’armée, les séparatistes armés et les milices dans la région du Nord-Ouest du Cameroun », sur Amnesty International, (consulté le )
  35. « Cameroun : un civil meurt des suites d'une explosion en zone anglophone », sur french.china (consulté le )
  36. « Cameroun: plusieurs blessés lors de trois explosions à Buéa, au départ de la «Course de l’espoir» », sur RFI, (consulté le )
  37. (en) « Athletes wounded after blasts hit race in Cameroon: reports », sur Aljazeera (consulté le )
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