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Courlis d'Alaska

Numenius tahitiensis

Numenius tahitiensis
Description de cette image, également commentée ci-après
Courlis d'Alaska (Numenius tahitiensis)

Espèce

Numenius tahitiensis
(J. F. Gmelin, 1789)

Statut de conservation UICN

( NT )
NT C2a(ii) : Quasi menacé

Le Courlis d'Alaska (Numenius tahitiensis) est une espèce américaine de limicoles de la famille des Scolopacidae. Il se reproduit dans des toundras reculées de l'ouest de Alaska pendant l'été boréal, d'où son nom, et hiverne dans des atolls et des petites îles de l'océan Pacifique. Avec la Barge rousse, il détient un record de distance pour une migration transocéanique. Il est également le seul limicole à ne pas pouvoir voler pendant sa mue et le seul limicole à dépendre exclusivement d'îles océaniques pour se nourrir hors de la période de reproduction.

Dénomination et taxonomie

Noms et étymologie

Le nom générique Numenius vient du grec ancien νουμήνιος / noumēnios, littéralement « qui se rapporte à la nouvelle lune », sans doute en allusion au bec arqué des courlis[1]. Le nom générique tahitiensis, « qui se rapporte à l'île de Tahiti », est le toponyme du spécimen type, aujourd'hui disparu[2] - [3].

Le français « courlis » est d'origine onomatopéique, dérivant du cri de l'oiseau[4]. Le nom normalisé « Courlis d'Alaska » se rapporte au lieu de nidification de l'oiseau et remplace un ancien « Courlis de Tahiti »[5].

En anglais, le Courlis d'Alaska est le Bristle-thighed curlew, littéralement le « courlis aux cuisses hérissées », à cause des plumes de ses cuisses, allongées et dépourvues de barbes, ce qui leur donne un air hérissé. Cette particularité a été notée pour la première fois par l'artiste Titian Ramsay Peale, qui examinait un spécimen collecté sur l'atoll de Kauehi, dans l'archipel des Tuamotu[6].

Dans sa zone d'hivernage, le Courlis d'Alaska est nommé te'ue en maori des îles Cook, kivi en langue paumotu et kioea à Hawaï.

Taxonomie

Le Courlis d'Alaska est décrit formellement en 1789 par le naturaliste allemand Johann Friedrich Gmelin dans son édition révisée du Systema naturae de Linné sous le nom de Scolopax tahitiensis[7]. Gmelin fondait sa description sur le « courlis d'Oteihiti » décrit en 1785 par l'anglais John Latham[8]. Le spécimen étudié par Latham avait été fourni par Sir Joseph Banks, qui avait accompagné le capitaine James Cook durant son premier voyage dans le Pacifique, et avait continué d'en recevoir des spécimens par la suite.

Le Courlis d'Alaska est aujourd'hui placé dans le genre Numenius, celui des courlis, créé en 1760 par le Français Mathurin Jacques Brisson dans son Ornithologie[9].

L'espèce est monotypique : elle ne possède pas de sous-espèces[3]. Aucun hybride n'est connu[3].

Histoire fossile

L'histoire fossile des Scolopacidae n'est pas claire. Des fossiles du Courlis d'Alaska datant de l'Holocène (les 12 000 dernières années) ont été découverts sur les îles hawaïennes de Molokai et Kauai, les îles Salomon, les Samoa américaines, les îles Cook, les îles de la Société, les îles Marquises, les îles Gambier et les îles Pitcairn[3].

Description

Un Courlis d'Alaska perché sur un poteau en bois
Courlis d'Alaska adulte

Le Courlis d'Alaska est un oiseau de taille moyenne, qui mesure 400 à 440 mm pour un poids de 310 à 800 g[3]. Il possède un long bec recourbé vers le bas (70 à 110 mm) typique des courlis[3]. Les deux sexes sont identiques, mais la femelle est en moyenne plus grande que le mâle[3].

L'adulte a le dessus brun, tacheté de chamois-cannelle. Les parties inférieures sont claires, allant du crème au cannelle, lavées d'orangé. La tête, claire, arbore un dessin marqué, avec deux rayures brunes de chaque côté, l'une large formant un sourcil et l'autre plus étroite sur l'œil. La poitrine claire est finement barrée de brun. Les plumes qui recouvrent la partie supérieure des pattes sont allongées et dépourvues de barbes, d'où un aspect hérissé qui lui donne son nom en anglais[3]. Le bec est orange foncé, avec l'extrémité brune. Les pattes sont robustes et grises.

Le Courlis d'Alaska ressemble au Courlis corlieu, qui se reproduit pour partie dans la même zone. Les deux sont facilement distingués à l'oreille : le Courlis d'Alaska produit un chiueet sifflé, tandis que le Courlis corlieu émet des séries sonores de bibibibi[3]. En vol, le Courlis d'Alaska arbore un croupion chamois à orangé, avec une queue barrée de cannelle et de brun qui contraste avec le reste du dessus. En comparaison, le Courlis corlieu a un dessus plus uniforme et les barres de la queue sont peu contrastées[3]. Les plumes « pointues » du Courlis d'Alaska, caractéristiques, sont visibles à 50 mètres à la jumelle[3].

Répartition et habitat

Répartition

La population globale de Courlis d'Alaska était estimée en 2002 à 10 000 individus, dont moins de 7 000 reproducteurs en Alaska[10]. Près de 1 100 fréquentaient l'archipel d'Haiwaii et 1 100 à 2 500 la Polynésie orientale, leurs deux principales zones d'hivernage[10]. Deux décomptes menés en 2021 et 2022 sur les îles Tuamotu aboutissent à une estimation d'environ 10 000 individus et de l'ordre de 1 500 pour l'ensemble de la Polynésie orientale[10].

Les Courlis d'Alaska sont rares dans les îles habitées, où ils peuvent être dérangés par les humains, les chiens et les chats. La plupart fréquentent les récifs ou les plantations de noix de coco. Dans les Tuamotu, le Rat polynésien a été identifié comme la principale menace à l'encontre des courlis, suivi par l'exploitation du coprah[10].

Migration

Comme son nom d'indique, le Courlis d'Alaska niche dans les toundras d'Alaska[10]. Migrateur longue distance, il traverse chaque année l'océan Pacifique pour hiverner dans une large zone allant d'Hawaï aux îles Salomon, à la Polynésie orientale et aux îles Pitcairn. Les navigateurs polynésiens l'utilisaient pour s'orienter entre Tahiti et Hawaii[11].

Écologie et comportement

Alimentation

Dans ses zones de reproduction, le régime alimentaire du Courlis d'Alaska inclut des insectes et des araignées, ainsi que des baies : airelles (Vaccinium vitis-idaea), Camarine noire et surtout Canneberge à gros fruits (Vaccinium oxycoccos), qui joue un rôle clef quand les oiseaux rentrent d'hivernage, à la fin du printemps[3]. Le Courlis d'Alaska cherche sa nourriture surtout dans la toundra arbustive basse, c'est-à-dire les prairies composées d'Éricacées, de linaigrette, de laîches, de lichens et de sphaignes. Plus rarement, il fréquente les zones humides et la toundra à arbustes de moyenne taille (0,5 à 1 mètre)[3].

Dans ses zones d'hivernage, il utilise des habitats plus diversifiés. Il fréquente la végétation des terres intérieures plutôt que les plages et l'estran dans les îles hawaïennes du Nord-Ouest. Sur les îles Laysan et Lisianski, il fouille les tapis de d’Ipomoea pes-caprae et les touffes de graminées locales ou de Cenchrus épineux introduit. Sur l'atoll de Midway, il cherche sa nourriture sur les pelouses des antennes, composées de graminées introduites, plutôt que sur les plages ou les zones de végétation locale. Dans les îles volcaniques de la Polynésie française, à l'altitude plus élevée, il fouille les plages et les prairies jusqu'à 800 mètres d'altitude[3].

Les techniques de chasse du Courlis d'Alaska sont assez diverses. La plupart du temps, il avance d'un pas mesuré, avant de foncer rapidement sur les proies mobiles (crabes, araignées, lézards). Dans la toundra, après la fonte des neiges, il fouille le sol à la recherche d'invertébrés, cuille les fruits et les fleurs dans les arbrisseaux et attrape occasionnellement les insectes au vol. Il secoue vigoureusement les cocons pour en faire tomber les larves et les mottes de lichen ou de mousse pour en extraire les invertébrés. Il tue et disloque certaines de ses proies (crabes, souris et rats) en les saisissant avec son bec avant de les frapper contre une pierre. Il peut parcourir jusqu'à 30 mètres avec sa proie dans le bec avant de trouver une pierre adaptée. Il a été vu en train de percer des œufs d'albatros avec une pierre ou un morceau de corail tenu dans le bec, un cas unique d'utilisation d'outil chez les limicoles[12].

Références

  1. (en) W. Geoffrey Arnott, Birds in the Ancient World from A to Z, Routledge, , p. 220-221
  2. Jean-Claude Thibault et David Thomas Holyoak, Contribution à l'étude des oiseaux de Polynésie orientale, Éditions du Muséum national d'histoire naturelle, coll. « Mémoires du Museum national d'histoire naturelle / A », (ISBN 2-85653-127-X)
  3. (en) Jeffrey S. Marks, T. Lee Tibbitts, Robert E. Gill et Brian J. McCaffery, « Bristle-thighed Curlew (Numenius tahitiensis), version 1.0 », dans A. F. Poole et F. B. Gill, Birds of the World, Cornell Lab of Ornithology, (DOI 10.2173/bow.brtcur.01)
  4. Informations lexicographiques et étymologiques de « courlis » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  5. Occurrences en français de « Courlis d'Alaska », sur TERMIUM Plus, la banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada, (consulté le ).
  6. (en) Rick Simpson, « Bristle-thighed Curlew », Waders Quest, vol. 9, no 2, (lire en ligne)
  7. Systema naturae I, partie 2, 1789, p. 656.
  8. A General Synopsis of Birds, with a suppl., III, partie 1, 1785, p. 722, no 4.
  9. Ornithologie, ou, Méthode contenant la division des oiseaux en ordres, sections, genres, especes & leurs variétés, vol. 1. p. 48, vol. 5, p. 311.
  10. (en) Frédéric Jiguet, « Population trends, size, and potential threats to Bristle-thighed Curlew Numenius tahitiensis: new data from French Polynesia », Bird Conservation International, vol. 33, , e62 (DOI 10.1017/S0959270923000151).
  11. Yaël Nazé, L'astronomie des anciens, Paris, Belin, coll. « Pour la science », , 223 p. (ISBN 978-2-7011-4900-4), chap. 8 (« Astronomies oubliées »).
  12. (en) Jeffrey S. Marks et C. Scott Hall, « Tool use by Bristle-thighed Curlews feeding on albatross eggs », The Condor, vol. 94, no 4, , p. 1032–1034 (DOI 10.2307/1369308).

Liens externes

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