Convection mantellique
La convection mantellique est un phĂ©nomĂšne physique se produisant Ă lâintĂ©rieur du manteau terrestre. Il peut avoir lieu sur d'autres planĂštes ou satellites telluriques sous certaines conditions. La convection mantellique est une composante essentielle de la thĂ©orie de la tectonique des plaques.
Il existe une différence notable de température entre le manteau lithosphérique et l'asthénosphÚre sous-jacente, qui est responsable d'une descente de manteau froid lithosphétique (au niveau des zones de subduction) dans l'asthénosphÚre plus dense[1]. Une remontée plus anecdotique de matériel mantellique profond chaud est observée au niveau des points chauds. Ces deux mécanismes sont autorisés par le comportement ductile des roches à grande échelle, qui permet au réseau cristallin de se déformer sans se briser (fluage plastique).
Le nombre de Rayleigh Ra, sans dimension, exprime le rapport des forces impliquées dans la convection, qui débute si Ra dépasse une valeur critique, caractéristique d'un milieu donné. Le calcul du nombre de Rayleigh pour le manteau montre une possibilité de convection, en accord avec les observations.
Estimation du nombre de Rayleigh
Le calcul du nombre de Rayleigh permet dâaffirmer que le manteau est effectivement en convection. La difficultĂ© rĂ©side dans la dĂ©termination des paramĂštres intervenant dans la formule de Ra. La valeur calculĂ©e couramment est de Ra = 5 ĂâŻ108, dĂ©passant de loin le nombre de Rayleigh critique Rac proche de 1 000, ce qui tĂ©moigne de lâexistence rĂ©elle dâune convection mantellique dynamique mais lente.
Estimation du coefficient d'expansion thermique et de la diffusivité thermique
Ils sont obtenus Ă lâaide dâexpĂ©riences de gĂ©ophysique rĂ©alisĂ©es en laboratoire sur les minĂ©raux constitutifs du manteau (olivine, pyroxĂšnes), trouvĂ©s dans des roches mantelliques exhumĂ©es par tectonique ou par le volcanisme. Ces expĂ©riences thermodynamiques sont faites Ă haute pression et haute tempĂ©rature pour simuler les conditions du manteau.
Expérimentalement on trouve des valeurs de l'ordre de :
- capacité thermique massique : 103 J/kg K ;
- masse volumique : 3 ĂâŻ103 kg/m3 ;
- coefficient d'expansion thermique : 3 ĂâŻ10â5 Kâ1 ;
- conductivitĂ© thermique : 3 W mâ1 Kâ1.
Lâestimation de ces paramĂštres permet de calculer la diffusivitĂ© thermique : 10â6 m2/s.
Estimation de ÎT
ÎT est la diffĂ©rence de tempĂ©rature entre la base (2 885 km) et la surface du manteau (30 km), soit une profondeur de l'ordre de 2 900 km. Ce paramĂštre est difficile Ă estimer car il est impossible dâeffectuer des mesures directes, mais il est possible de lâestimer par le flux de chaleur du manteau.
Si lâon ne considĂšre une Terre sans convection, la tempĂ©rature du manteau est due Ă plusieurs phĂ©nomĂšnes :
- la dĂ©sintĂ©gration dâĂ©lĂ©ments radioactifs naturels contenus dans les minĂ©raux mantelliques comme lâuranium (U), le thorium (Th) et le potassium (K). Les quantitĂ©s estimĂ©es pour ces Ă©lĂ©ments sont 24 ppm pour K, 0,006 ppm pour U et 0,002 ppb pour Th. Le flux de chaleur H produit par unitĂ© de masse avoisine 5 ĂâŻ10â12 W/kg. Ce flux de chaleur Ă©tait bien plus important dans la jeunesse de la Terre, du fait de la diminution progressive des teneurs en Ă©lĂ©ments radioactifs instables avec le temps et leur dĂ©sintĂ©gration ;
- la libération de chaleur initiale de la Terre lors de son accrétion.
Si la chaleur Ă©tait uniquement transfĂ©rĂ©e par conduction dans le manteau, lâestimation de ÎT serait proche de 21 000 K. Les Ă©tudes expĂ©rimentales montrent qu'une telle tempĂ©rature ne permettrait pas l'Ă©tat solide du manteau jusqu'Ă sa base.
La tempĂ©rature terrestre Ă 660 km de profondeur peut ĂȘtre estimĂ©e Ă lâaide des transitions de phase de lâolivine. Lâolivine α subit diverses transformations avec la profondeur qui tĂ©moignent de conditions prĂ©cises de tempĂ©rature et de pression. Ces transitions sont dĂ©celables en profondeur par lâĂ©tude des ondes sismiques, dont la vitesse change au niveau de ces transitions. Ă la limite manteau supĂ©rieur â manteau infĂ©rieur, lâolivine Îł se transforme en pĂ©rovskite + magnĂ©siowĂŒstite, ce qui correspond dâaprĂšs le diagramme de phase de lâolivine Ă une tempĂ©rature de 1 830 K.
On ne connaĂźt pas la tempĂ©rature de la transition manteau infĂ©rieur â noyau externe, mais un ordre de grandeur peut ĂȘtre obtenu par dĂ©duction : en profondeur, le fer cristallise Ă la limite graine â noyau externe Ă une tempĂ©rature de 5 000 K, ce qui signifie que la tempĂ©rature de la base du manteau est comprise entre 2 000 K et 5 000 K.
Note : si on considĂšre que la Terre est en convection idĂ©ale (adiabatique), on peut calculer en toute profondeur la tempĂ©rature grĂące au gradient adiabatique, mais cette partie cherche Ă estimer le nombre de Rayleigh du manteau pour savoir sâil y a convection ou non.
Estimation de la viscositĂ© Îœ
On peut estimer la viscositĂ© dâune roche mantellique en laboratoire, mais les conditions thermodynamiques du manteau sont trĂšs difficiles Ă obtenir en laboratoire.
Elle est aussi possible par lâĂ©tude des remontĂ©es isostatiques post-glaciaires, qui renseigne sur la valeur de la viscositĂ© de lâasthĂ©nosphĂšre. Lors dâune glaciation, le poids dâune calotte glaciaire sur un continent crĂ©e une dĂ©pression dans la lithosphĂšre sous-jacente, du fait du principe dâisostasie. AprĂšs la fonte de la glace, qui est un Ă©vĂšnement trĂšs rapide, la lithosphĂšre nâest plus soumise Ă ce poids et remonte par rebond isostatique. La vitesse de la remontĂ©e dĂ©pend directement de la viscositĂ© de lâasthĂ©nosphĂšre et de la lithosphĂšre. Les donnĂ©es historiques, des mesures de nivellement etc. permettent de retracer lâhistorique du rebond, et par application aux Ă©quations de la mĂ©canique des fluides, il est possible de dĂ©terminer la viscositĂ©.
La viscositĂ© dynamique η est estimĂ©e Ă environ 1021 Pa s, ce qui donne une viscositĂ© de 3 ĂâŻ1017 m2 sâ1, en accord avec les Ă©tudes thĂ©oriques de la dĂ©formation de lâolivine Ă haute tempĂ©rature.
Le nombre calculĂ© est trĂšs Ă©levĂ© en comparaison avec un fluide « classique » gazeux ou liquide : le manteau en convection est Ă lâĂ©tat solide et dĂ©formable.
ModĂšle de la convection
Les hypothĂšses faites pour lâĂ©tude de la convection mantellique sont les suivantes : il sâagit dâun systĂšme convectif dont la viscositĂ© dĂ©pend fortement de la tempĂ©rature, possĂ©dant deux couches limites dans le cas dâune surface « libre », oĂč la couche limite supĂ©rieure trĂšs visqueuse se dĂ©coupe en plaques, gĂ©nĂ©rant une faible dĂ©formation intraplaque et beaucoup de dĂ©formation interplaque, comme le montre la carte de rĂ©partition des sĂ©ismes sur la surface du globe terrestre. Les zones de subduction oĂč du matĂ©riel froid et dense plonge en profondeur constitue le flux descendant, alors que les dorsales ocĂ©aniques constituent le flux ascendant.
Du fait du nombre de Rayleigh trĂšs grand (Ra = 108), on estime que la convection possĂšde une structure chaotique, Ă savoir que les mouvements ascendants et descendants ne se situent pas aux mĂȘmes endroits avec le temps, mais ceci ne sâobserve pas en pratique : les plaques seraient parsemĂ©es de volcans, les panaches chauds pouvant remonter en nâimporte quel endroit, alors que lâon sait que les points chauds sont relativement immobiles. LâĂ©tude des flux de chaleur montre que lâĂ©nergie Ă©vacuĂ©e par le manteau sort principalement au niveau des dorsales (100 mW/m2 en moyenne), et beaucoup moins au niveau des plaques lithosphĂ©riques plutĂŽt isolantes (12 mW/m2 en moyenne). Les remontĂ©es de panaches sâaccumuleraient sous la lithosphĂšre ocĂ©anique (par exemple la plaque pacifique pour la chaĂźne Hawaii â Empereur) ou bien continentale (cas des trapps). Si une trop forte accumulation de matĂ©riel se fait sous un continent, la lithosphĂšre continentale va sâamincir dans le cadre dâun rifting pour donner naissance Ă un nouvel ocĂ©an, câest ce que lâon suppose dans la rĂ©gion actuelle de l'Afar.
Couche limite supérieure
Dans tous les modĂšles de convection, on considĂšre que la couche limite supĂ©rieure du systĂšme est constituĂ©e par la lithosphĂšre ocĂ©anique rigide, « flottant » sur lâasthĂ©nosphĂšre moins visqueuse et plus dense. Ceci est confirmĂ© thĂ©oriquement par lâĂ©tude du profil de tempĂ©rature et du flux de chaleur au niveau de la croĂ»te ocĂ©anique, qui suivent les lois physiques de la convection, Ă savoir une augmentation trĂšs rapide de la tempĂ©rature moyenne dans les premiĂšres dizaines de kilomĂštres de profondeur, c'est-Ă -dire que la couche limite supĂ©rieure fixe une grande partie de la diffĂ©rence de tempĂ©rature du systĂšme convectif. Ceci est confirmĂ© par la diffĂ©rence de tempĂ©rature de plus de 1 000 K existant entre les roches Ă la dorsale et celles qui constituent le plancher ocĂ©anique - qui s'en Ă©loignent symĂ©triquement.
Centre de la cellule
ConformĂ©ment aux modĂšles, la variation de tempĂ©rature est relativement faible vis-Ă -vis de la profondeur. On lâestime de lâordre de quelques centaines de degrĂ©s.
La tomographie sismique permet de mettre en évidence des hétérogénéités de température dans le manteau, dues aux mouvements ascendants (panaches) et descendants (croûte océanique subductée).
Couche limite inférieure
Selon les modĂšles, elle est placĂ©e soit a 660 km de profondeur, Ă la limite manteau supĂ©rieur â manteau infĂ©rieur, soit Ă la limite manteau â noyau Ă 2 900 km de profondeur, jusquâĂ une couche hypothĂ©tique nommĂ©e dâł.
ModĂšles de la convection mantellique
Plusieurs modÚles ont été imaginés pour rendre compte de la structure des cellules de convections du manteau.
ModĂšle Ă une couche
Dans ce modĂšle, la lithosphĂšre continentale subduite plonge en profondeur jusquâĂ la couche limite infĂ©rieure Ă©tant ici lâinterface manteau â noyau. Ce matĂ©riel peut se transformer en un panache ascendant moins visqueux que les roches lâentourant et remontant en surface par les volcans de points chauds. Les mouvements ascendants et descendants dĂ©crivent des cellules de convection. Du matĂ©riel peut ressortir au niveau des dorsales ocĂ©aniques de façon passive. Il nây a quâun type de cellule de convection brassant lâensemble de lâĂ©paisseur du manteau : ce modĂšle est dit « Ă une couche ».
ModĂšle Ă deux couches
Contrairement au modĂšle prĂ©cĂ©dent, on imagine dans le modĂšle « Ă deux couches » quâil existe des cellules de convection dans le manteau infĂ©rieur gĂ©nĂ©rĂ©es par les panaches ascendants, et dâautres Ă lâintĂ©rieur du manteau supĂ©rieur, permettant la sortie de matĂ©riel au niveau des dorsales ocĂ©aniques, du fait de la discontinuitĂ© de phases de lâolivine Ă 660 km de profondeur.
ModÚle actuellement accepté
Le modĂšle le plus vraisemblable est un modĂšle intermĂ©diaire entre les deux prĂ©cĂ©dents, plus en accord avec les observations tomographiques que ceux-ci. La croĂ»te ocĂ©anique subduite peut descendre jusquâĂ la couche dâł et ĂȘtre Ă lâorigine de panaches ascendants, ou bien glisser le long de lâinterface manteau supĂ©rieur â manteau infĂ©rieur, et gĂ©nĂ©rer aussi des panaches. Les cellules de convection se limitent au manteau infĂ©rieur. Du matĂ©riel peut sortir passivement au niveau des dorsales en extension, qui ne sont pas enracinĂ©es en profondeur.
Références
- http://planet-terre.ens-lyon.fr/article/convection-mantellique-tectonique-plaques.xml
- (en) M. Kronbichler, T. Heister et W. Bangerth, « High accuracy mantle convection simulation through modern numerical methods », Geophysical Journal International (en), vol. 191, no 1,â , p. 12-29 (DOI 10.1111/j.1365-246X.2012.05609.x, lire en ligne).
Voir aussi
Bibliographie
- GĂ©odynamique, L. Jolivet et H.-C. Nataf, ed. Dunod, 1998, 226 p.
- Dossier de conférence du 01 - 04 - 2005 : La convection mantellique, mythes, réalités et questions par Pierre Thomas, 100 diapositives.
- La géochimie, Francis AlbarÚde, Gordon & Breach, 2001