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Le terme complĂ©ment (du mot latin complementum, au sens gĂ©nĂ©ral « élĂ©ment nĂ©cessaire devant ĂȘtre intĂ©grĂ© Ă un ensemble pour former un tout complet »[1]) utilisĂ© en syntaxe dĂ©nomme une partie des constituants de la phrase simple subordonnĂ©s Ă dâautres.
Sommaire
Types de compléments dans la grammaire traditionnelle
En syntaxe traditionnelle du français, le terme dĂ©signe des constituants subordonnĂ©s au verbe, Ă lâadjectif, Ă lâadverbe ou au nom. Ă noter que si lâextension du nom est un adjectif ou un participe, ce dernier n'est pas nommĂ© « complĂ©ment » mais « épithĂšte »[2]. Si la plupart de ces catĂ©gories existent dans d'autres langues, leur typologie ainsi que leur dĂ©nomination varient en fonction du type de langue et des traditions grammaticales. En grammaire française, on distingue donc traditionnellement les types suivants :
Le complĂ©ment dâobjet direct (COD) renvoie Ă un argument du verbe transitif direct, en tant quâobjet sur lequel sâexerce notamment lâaction du verbe, ou un inanimĂ© qui rĂ©sulte de cette action[3],[4],[5],[6],[7]. Exemple : Il lĂąche la corde[3].
Certains verbes qui se construisent normalement sans COD en reçoivent parfois un qui exprime la mĂȘme idĂ©e que le verbe. On lâappelle « complĂ©ment dâobjet interne » : Je veux vivre ma vie[8].
Le complĂ©ment dâobjet indirect (COI) a plusieurs dĂ©finitions, aucune nâĂ©tant suffisante, parce quâil a un caractĂšre hĂ©tĂ©rogĂšne du point de vue de sa forme et de son contenu[9].. Exemple : Le confĂ©rencier parlera de la politique europĂ©enne[10]. Une catĂ©gorie de COI est appelĂ©e « complĂ©ment dâattribution », ex. Cela mâappartient. Lorsque le verbe est ditransitif (et se construit avec deux complĂ©ments : un COD et un COI), on appelle le COI « objet second » ou « secondaire » (COS): Jâenvoie le paquet Ă mon fils[11], Jâai cuieilli ces fleurs pour vous[12].
Le complĂ©ment dâagent (CA) est employĂ© dans la phrase passive. Il sâagit dâun syntagme prĂ©positionnel introduit par par (plus rarement de) et qui correspond au sujet de la phrase active correspondante. Exemple : La fin du match a Ă©tĂ© sifflĂ©e par l'arbitre[13]. Ce type de complĂ©ment est peu frĂ©quent dans des langues comme celle du diasystĂšme slave du centre-sud (bosnien, croate, montĂ©nĂ©grin, serbe, abrĂ©viĂ©s BCMS), par rapport Ă sa frĂ©quence en français, par exemple. Leurs grammaires ne le dĂ©limitent mĂȘme pas en tant que tel[14].
Le complĂ©ment circonstanciel (CC), appelĂ© adverbial par Grevisse et Goosse 2007[15], est une espĂšce de complĂ©ment formĂ©e dâun ensemble hĂ©tĂ©rogĂšne de sous-espĂšces dĂ©finies notamment du point de vue sĂ©mantique[16]. ConformĂ©ment Ă la dĂ©finition traditionnelle, les CC expriment diverses circonstances (lieu, temps, maniĂšre, cause, but, etc.) de rĂ©alisation du procĂšs[17]. Exemple : Il y avait mĂȘme une douche dans le wagon-lit[18]. Le nombre des types de CC peut ĂȘtre diffĂ©rent dâun auteur Ă lâautre en fonction du degrĂ© de minutie de la description sĂ©mantique[16].
Certains grammairiens renoncent Ă©galement au terme « complĂ©ment circonstanciel » et distinguent parmi ceux quâon appelle traditionnellement ainsi ceux qui ne sont pas des complĂ©ments essentiels, et quâon peut donc supprimer ou dĂ©placer dans la phrase. Ils incluent dans cette catĂ©gorie, selon le mĂȘme critĂšre, des complĂ©ments dâautres types traditionnels aussi, en appelant « complĂ©ments de verbe » ceux qui ne correspondent pas Ă ce critĂšre. Ainsi, dans la phrase En GaspĂ©sie, il a plu trĂšs peu cet Ă©tĂ©, en GaspĂ©sie serait un complĂ©ment de phrase, et dans Elle va en GaspĂ©sie tous les Ă©tĂ©s â un complĂ©ment de verbe indirect[19]. Grevisse et Goosse 2007 nâaccepte pas cette idĂ©e et considĂšre quâ« il serait plus lĂ©gitime de parler de complĂ©ment de phrase Ă propos de ce que [cette grammaire considĂšre] comme des Ă©lĂ©ments incidents »[20], qui nâont pas de fonction syntaxique et qui correspondent Ă ce quâon appelle « modalisateurs » dans certaines grammaires. Exemple : Ma mĂšre et mon pĂšre Ă©taient heureusement sortis[21].
Le complĂ©ment du nom est une extension du nom. D'un point de vue sĂ©mantique, il peut exprimer des relations diverses : possession (les sources de Racine), localisation temporelle : les gens dâalors[22]. Il peut aussi Ă©galement restreindre l'extension du SN et donc crĂ©er des sous-catĂ©gories du nom  : un fruit Ă noyau[23]. Les dĂ©verbaux et les dĂ©sadjectivaux ont souvent des constructions similaires Ă celles des mots dont ils sont issus, en particulier en ce qui concerne le choix de la prĂ©position  : Depuis sa condamnation par le pape, LâAction française avait disparu de La Belle Angerie (HervĂ© Bazin)[23], la fidĂ©litĂ© de Jean Ă son idĂ©al[24]. En français, le complĂ©ment du nom est en gĂ©nĂ©ral un syntagme prĂ©positionnel. Les propositions relatives adjectivales sont elles aussi des complĂ©ments du nom.
Il existe aussi des complĂ©ments de lâadjectif  : dĂ©sireux de gloire, inattaquable par lâacide chlorhydrique, un homme toujours actif[25].
Le complĂ©ment de lâadverbe peut ĂȘtre un autre adverbe (trĂšs longtemps) ou un syntagme prĂ©positionnel : heureusement pour moi[26].
Dans les grammaires de certaines langues, les complĂ©ments de lâadjectif et celui de lâadverbe ne sont pas distinguĂ©s de ceux du verbe[27].
Degrés de nécessité du complément
Le complĂ©ment peut ĂȘtre nĂ©cessaire Ă divers degrĂ©s. Ceci dĂ©pend du sens lexical de son terme rĂ©gissant, et aussi de la langue considĂ©rĂ©e. Il y a trois degrĂ©s de nĂ©cessitĂ©[28] :
Le complément est essentiel, donc indispensable, obligatoire, si sans lui le terme régissant ne peut pas fonctionner correctement :
- complĂ©ment dâobjet direct : (ro) Atunci el spuse o prostie « Alors il dit une bĂȘtise »[29] ;
- complĂ©ment dâobjet indirect : (hu) JĂĄrtas a biolĂłgiĂĄban « Il/Elle sây connaĂźt en biologie »[30] ;
- complément circonstanciel : (cnr) Komƥija je stanovao na kraju ulice « Le voisin habitait au bout de la rue »[31] ;
- complĂ©ment dâagent : (fr) Ces villas sont possĂ©dĂ©es par des Ă©trangers[32] ;
- complĂ©ment de lâadjectif : (fr) enclin Ă jouer[25].
Le complĂ©ment est reprĂ©sentable si dans certains cas il peut ĂȘtre omis, mais il est toujours sous-entendu :
- CODÂ : (fr) Je comprends (votre attitude)[33]Â ;
- COI : (hu) Hozzåfog (valamihez) « Il/Elle se met à faire quelque chose »[34],[35].
Le complément est non essentiel, facultatif, si son omission ne rend pas la phrase agrammaticale :
- COD : (cnr) Piƥemo (pisma) « Nous écrivons (des lettres) »[31] ;
- COIÂ : (fr) Jean sourit (Ă Lucie)[12]Â ;
- CC : (hu) (A fƱben) fekszik « Il/Elle est couchĂ©(e) dans lâherbe »[34] ;
- CA : (ro) CondiÈiile sunt stabilite (de participanÈi) « Les conditions sont Ă©tablies (par les participants) »[36] ;
- complément du nom : (en) a (diamond) ring « une bague (à diamant) »[37].
Constructions avec des compléments
Le rapport entre un complément et le terme qui le régit peut se réaliser de plusieurs façons :
- directement, câest-Ă -dire sans mot-outil, le mot qui lâexprime ayant sa forme de base, dans le cas du nom ou du pronom, la mĂȘme que celle quâil a en fonction de sujet ;
- indirectement, câest-Ă -dire Ă lâaide dâun mot-outil, le mot complĂ©ment ayant sa forme de base ;
- directement et le mot complément ayant une forme différente de sa forme de base ;
- indirectement et le mot complément ayant une forme différente de sa forme de base.
La façon dont le rapport est rĂ©alisĂ© dĂ©pend de plusieurs facteurs : le type du complĂ©ment, la nature du mot qui lâexprime, la langue considĂ©rĂ©e. De ce point de vue il y a une diffĂ©rence gĂ©nĂ©rale entre les langues sans dĂ©clinaison et celles Ă dĂ©clinaison.
Dans une langue sans dĂ©clinaison comme le français, le COD exprimĂ© par un nom est toujours directement reliĂ© au verbe et il a la mĂȘme forme quâen fonction de sujet : Lâenfant lit le livre[3]. La caractĂ©ristique de sa construction est dâĂȘtre placĂ© aprĂšs le verbe dans une phrase oĂč aucune partie nâest mise en relief.
Dans une langue pratiquement sans dĂ©clinaison comme lâanglais, certains complĂ©ments circonstanciels exprimĂ©s par des noms sont prĂ©cĂ©dĂ©s dâune prĂ©position et gardent leur forme de sujet : The man runs along the beach every morning « Lâhomme court le long de la rive tous les matins »[38].
Dans une langue Ă dĂ©clinaison comme le roumain, par exemple, le COI dâattribution est souvent construit sans prĂ©position, Ă©tant au cas datif marquĂ© par une dĂ©sinence qui le distingue du nominatif, cas du sujet : Gheorghe scrie Mariei « Gheorghe Ă©crit Ă Maria »[39].
Dans des langues comme BCMS, beaucoup de complĂ©ments dâobjet indirect et circonstanciels sont construits avec une prĂ©position et sont Ă un cas exigĂ© par celle-ci, autre que le nominatif ou le vocatif : (sr) Sve zavisi od rezultata (gĂ©nitif) « Tout dĂ©pend du rĂ©sultat[40].
Un rĂ©gissant est parfois utilisĂ© avec deux ou plus de deux complĂ©ments de types diffĂ©rents. Les verbes du type « dire » et « donner » ont souvent un COD, qui est essentiel, et un COI dâattribution (objet second) non essentiel :
- (fr) Je me (COI) coupe une tranche (COD) de jambon[41]Â ;
- (en) I can show it (COD) to you (COI) « Je peux te montrer ça »[42] ;
- (ro) A mÄrturisit totul (COD) mamei (COI) « Il/Elle a tout confessĂ© Ă sa mĂšre »[39] ;
- (hr) Ja sam joj (COI) uzeo neĆĄto (COD) « Je lui ai pris quelque chose » (= « Je lâen ai dĂ©possĂ©dĂ©e »)[43] ;
- (hu) Kinek (COI) akarsz ajåndékot (COD) venni? « à qui veux-tu acheter un cadeau ? »[44].
Ă cĂŽtĂ© de ces types de complĂ©ments, le mĂȘme rĂ©gissant peut en avoir un dâun autre type, ex. Au dĂ©but de la sĂ©ance (CC), le professeur avait prĂ©sentĂ© le contenu de son cours (COD) aux Ă©tudiants (COI)[18].
Il correspond Ă chaque complĂ©ment du verbe une proposition subordonnĂ©e remplissant la mĂȘme fonction syntaxique :
- COD : (fr) On raconte que lâeau de cette fontaine guĂ©rit de certaines maladies[45] ;
- COI : (ro) Am scris cui trebuia « Jâai Ă©crit Ă qui il fallait »[46] ;
- CA : (ro) Premiile au fost obÈinute de cine a meritat « Les prix ont Ă©tĂ© obtenus par ceux qui les mĂ©ritaient »[47] ;
- CC : (hu) AzĂ©rt megyek el, mert itt nincs szĂŒksĂ©g rĂĄm « Je mâen vais, parce quâici on nâa pas besoin de moi »[48].
Notes et références
- TLFi, article complément.
- Grevisse et Goosse 2007, p. 403.
- Dubois 2002, p. 332.
- Bussmann 1998, p. 317.
- Constantinescu-Dobridor 1998, article complement.
- Kålmånné Bors et A. Jåszó 2007, p. 378.
- ÄirgiÄ 2010, p. 270.
- Grevisse et Goosse 2007, p. 322.
- Avram 1997, p. 374.
- Delatour 2004, p. 93.
- Kalmbach 2017, p. 205.
- Grevisse et Goosse 2007, p. 323.
- Delatour 2004, p. 104.
- Klajn 2005, p. 137 (grammaire serbe).
- Grevisse et Goosse 2007, p. 390.
- Bidu-VrÄnceanu 1997, p. 101.
- DĂ©finition donnĂ©e par Dubois 2002 (p. 85), Coteanu 1982 (p. 295), Constantinescu-Dobridor 1998 (article circumstanÈial), BariÄ 1997 (p. 428) ou ÄirgiÄ 2010 (p. 274), par exemple.
- Kalmbach 2017, p. 210.
- Cf. BDL, page Le complément de phrase.
- Grevisse et Goosse 2007, p. 392.
- Grevisse et Goosse 2007, p. 469.
- Grevisse et Goosse 2007, p. 430.
- Grevisse et Goosse 2007, p. 431.
- Grevisse et Goosse 2007, p. 432.
- Grevisse et Goosse 2007, p. 450-451.
- Grevisse et Goosse 2007, p. 454-455.
- Par exemple dans Avram 1997 (grammaire roumaine), BariÄ 1997 (grammaire croate) ou KĂĄlmĂĄnnĂ© Bors et A. JĂĄszĂł 2007 (grammaire hongroise).
- Cf. Cs. Nagy 2007, p. 336.
- Avram 1997, p. 404.
- Kålmånné Bors et A. Jåszó 2007, p. 353.
- ÄirgiÄ 2010, p. 274.
- Grevisse et Goosse 2007, p. 400.
- Grevisse et Goosse 2007, p. 318.
- Cs. Nagy 2007, p. 336.
- Complément essentiel en français.
- Avram 1997, p. 379.
- Eastwood 1994, p. 10.
- Eastwood 1994, p. 7.
- Coteanu 1982, p. 291.
- Klajn 2005, p. 230.
- Grevisse et Goosse 2007, p. 991.
- Eastwood 1994, p. 43.
- BariÄ 1997, p. 442.
- ErdĆs 2001, page D. Az egyszerƱ mondat (La phrase simple).
- Delatour 2004, p. 13.
- Avram 1997, p. 432.
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