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Colonies allemandes

L'histoire du colonialisme allemand commence dès l'Ă©poque mĂ©diĂ©vale sur les marches orientales de l'Europe avec le « Drang nach Osten Â». L'initiative de ce mouvement d'expansion est parfois attribuĂ©e Ă  Charlemagne qui, ne pouvant plus s'Ă©tendre vers l'ouest, repoussa la frontière orientale de la Germanie de l'Elbe, atteinte par les Slaves au moment des grandes invasions, Ă  l'Oder, qui sĂ©parera les aires linguistiques germanique et slave sous Othon Ier. Mais la plupart de ces territoires furent perdus par suite de rĂ©voltes slaves. L'expansion allemande ne put reprendre qu'au milieu du XIe siècle.

La CĂ´te de l'Or prussienne, une colonie brandebourgeoise au Ghana, 1683-1717.

Les « croisades nordiques Â» menĂ©es par l'ordre Teutonique permirent la reconquĂŞte des territoires perdus et l'installation de nouveaux colons, cet « ancrage Â» germanique sur les cĂ´tes de la Baltique favorisant la naissance et le dĂ©veloppement d'une importante ligue commerciale, financière et maritime, la Hanse. Toutefois, au contraire des « compagnies des Indes Â» europĂ©ennes, la Hanse ne se lança jamais dans une politique de conquĂŞtes coloniales au niveau planĂ©taire, ses banquiers se limitant, jusqu'Ă  l'Ă©poque de l'Unification allemande, Ă  financer les rares entreprises coloniales « privĂ©es Â» allemandes[1].

À l'issue de la guerre de Trente Ans, qui vit la disparition de la Hanse, Frédéric-Guillaume Ier de Brandebourg tenta d'établir des colonies sur les îles antillaises de Saint-Thomas et Tertholen. Cependant, ces possessions revinrent finalement aux Danois et aux Néerlandais respectivement. Ses tentatives africaines n'eurent guère plus de succès, ces échecs marquant ainsi un temps d'arrêt dans l'histoire du colonialisme allemand jusqu'au XIXe siècle.

Évocation des possessions allemandes en Chine au temps de l'empire colonial : Kolonie und Heimat, Verlagsgesellschaft m.b.H, Berlin 1912.

Jusqu'à leur unification en 1871, les États allemands n'avaient pas été en mesure de se consacrer au développement d'une marine et c'est cette situation qui avait essentiellement empêché toute participation allemande à la course aux colonies lointaines d'outre-mer. Les États allemands d'avant 1870 avaient conservé des structures et des objectifs politiques distincts et la politique étrangère allemande jusqu'aux premières années du mandat du Chancelier du Reich Otto von Bismarck resta concentrée sur la résolution de la « question allemande » en Europe et la garantie les intérêts allemands sur le continent[2]. Mais, sous son impulsion, l'Allemagne était destinée dès les années 1880 à rattraper rapidement le temps perdu.

En une vingtaine d'annĂ©es, le Reich allemand allait en effet, grâce Ă  la politique prudente du « Chancelier de fer Â», se tailler un empire colonial qui s'Ă©tendra des cĂ´tes atlantiques de l'Afrique Ă  l'OcĂ©an Pacifique en passant par Zanzibar et la Chine, rivalisant avec succès avec les grandes puissances coloniales de l'Ă©poque que furent la France et le Royaume-Uni, tandis qu'une importante diaspora allemande vers le continent amĂ©ricain allait y laisser une empreinte Ă©conomique, politique et socio-culturelle significative et durable, notamment en AmĂ©rique du Sud. Sa dĂ©faite Ă  l'issue de la Première Guerre mondiale marquera la fin de cet empire et du colonialisme allemand outre-mer.

Expansion outre-mer : Amérique du Sud et Afrique avant 1871

« La Hanse ... témoigne de la haute antiquité de l'esprit d'entreprise commerciale chez les Allemands, mais entre elle et la colonisation moderne[note 1], il n'existe aucun lien direct ou lointain. Les entreprises du Grand Électeur constituent au contraire de véritables tentatives de colonisation, inspirées par l'exemple des nations voisines. »

— André Chéradame, La colonisation et les colonies allemandes

AmĂ©rique du Sud : la « Nouvelle Venise Â»

La prĂ©sence allemande en AmĂ©rique latine est fort ancienne puisqu'elle remonte au XVIe siècle et Ă  l'Ă©poque de Charles Quint. En 1528, la famille Welser, riches patriciens d'Augsbourg, reçut en effet de l'empereur le droit de coloniser une « dotation Â» dont le territoire couvrait l'actuel Venezuela ( « Klein-Venedig Â» - « Petite Venise Â» - en allemand ) comme gage d'un important emprunt personnel. BartholomĂ© Welser envoya immĂ©diatement une expĂ©dition financĂ©e sur fonds propres vers ce territoire mais dix-sept ans plus tard, la dotation de Welser fut rĂ©voquĂ©e, en partie Ă  cause de l'extrĂŞme brutalitĂ© des colons allemands envers les Indiens. En 1556, Ă  la suite des difficultĂ©s financières que commença Ă  connaĂ®tre la famille Welser, la colonie est dĂ©finitivement abandonnĂ©e.

D'autres expéditions allemandes, financées par des fonds privés, participèrent à la recherche du mythique Eldorado sans toutefois avoir pour conséquence une implantation coloniale permanente en Amérique du Sud.

Entreprises coloniales de l'Électeur du Brandebourg en Afrique et aux Amériques

Au cours de la seconde moitiĂ© du XVIIe siècle, le Prince-Ă©lecteur du Brandebourg - qui deviendra par la suite le royaume de Prusse - FrĂ©dĂ©ric-Guillaume s'attacha au dĂ©veloppement de la puissance de son Ă©tat. Il fut Ă  l'origine de la première marine brandebourgeoise - la « Kurbrandenburgische Marine Â» - qui permit brièvement l'implantation de colonies en Afrique et dans les ĂŽles CaraĂŻbes.

FrĂ©dĂ©ric-Guillaume Ier de Brandebourg tenta en effet d'Ă©tablir des colonies sur les Ă®les antillaises de Saint-Thomas - qu'il tenait en « leasing Â» de la Compagnie danoise des Indes occidentales et de GuinĂ©e - et de Tertholen mais ces tentatives n'eurent guère de suite.

Vestiges de la colonie de GroĂź-Friedrichsburg en 1884.

En , une compagnie patentĂ©e par le margrave du Brandebourg - la « Kurfurstliche Afrikanisch-Brandenburgische Compagnie Â» -, Ă©tablĂ®t une petite colonie sur la cĂ´te occidentale de l'Afrique composĂ©e de deux Ă©tablissements sur la « CĂ´te de l'Or Â» du golfe de GuinĂ©e, autour de Cape Three Points dans l'actuel Ghana: GroĂź Friedrichsburg (actuelle Pokesu) qui devint la capitale (1682-1717) et Fort-DorothĂ©e (actuelle Akwida) qui ne fut occupĂ© que de manière Ă©pisodique (-1687, 1698-1711, -1717; les Hollandais l'occupant en 1687-1698). Le , la petite colonie fut rebaptisĂ©e « CĂ´te de l'Or prussienne Â», trois jours avant que l'Ă©lecteur de Brandebourg et duc de Prusse ne se fĂ®t couronner roi en Prusse. De 1711 Ă  , les Hollandais occupèrent Ă  nouveau Fort Dorothea. En 1717, la colonie fut physiquement abandonnĂ©e par la Prusse, permettant Ă  Jan Conny d'occuper GroĂź Friedrichsburg. En 1721, les droits sur la colonie furent vendus aux Hollandais, qui la rebaptisèrent « Hollandia Â» et l'intĂ©grèrent Ă  leur propre colonie de la CĂ´te de l'Or[note 2].

Empire colonial allemand (1871-1918)

Politique coloniale de Bismarck : « Le marchand doit précéder le soldat »

Les corvettes allemandes Carola et Olga en cale sèche à Singapour en 1881 : le développement de sa marine de guerre permit à l'Empire de réaliser ses ambitions impérialistes.

Cet aphorisme du chancelier impérial Otto von Bismarck résume parfaitement la ligne de sa politique coloniale des années 1880-1890, peu soucieux qu'il se montrait d'engager les finances impériales dans cette aventure, de heurter l'opinion publique allemande peu intéressée par la chose et de s'attirer l'inimitié du Royaume-Uni et de la France, assoiffée de revanche après la défaite de 1871.

Dans une première phase, l'Empire se limita donc Ă  accorder un protectorat sur les possessions des sociĂ©tĂ©s coloniales allemandes constituĂ©es exclusivement de capitaux privĂ©s, Bismarck affirmant clairement son intention, « conforme Ă  celle de Sa MajestĂ©, ... de laisser Ă  l'activitĂ© et Ă  l'esprit d'entreprise de nos concitoyens, navigateurs et commerçants, la responsabilitĂ© entière de la fondation et du dĂ©veloppement matĂ©riel de la colonie. Je ne me servirai pas de la forme de l'annexion de provinces maritimes Ă  l'empire allemand, mais je dĂ©livrerai des lettres de franchise semblables aux « Royal Charters Â» anglaises »[3].

Expansion de l'empire colonial allemand jusqu'à la Première Guerre mondiale

Dès 1884 l’Allemagne se retrouve à la tête, en Afrique, du Togoland, du Kamerun, du Sud-ouest africain - Deutsch-Südwestafrika (DSWA), l'actuelle Namibie - et de vastes territoires dans l’est du continent ainsi que, en Océanie, de l’Ouest de la Nouvelle-Guinée et des Îles Marshall et Carolines.

La colonisation allemande provoque une résistance de tribus namibiennes qui refusent d'être dépossédées de leurs terres. Les autorités allemandes réagissent en organisant des déportations de populations et des massacres de grande ampleur. Le génocide des Héréros et des Namas en Namibie entre 1904 et 1908 est considéré comme le premier génocide du XXe siècle[4] et, par certains historiens, comme une préfiguration de la Shoah[5] - [6].

Souverain autocrate, Guillaume II prend conscience qu'au-delĂ  des motivations Ă©conomiques, la colonisation renforce le prestige du pays colonisateur et son « poids Â» sur la scène internationale dans les rapports de force diplomatiques. Il devient ainsi nĂ©cessaire d’avoir un empire colonial Ă  sa mesure pour y ĂŞtre considĂ©rĂ© comme une grande puissance. Mais Ă  mesure que la colonisation de l'Afrique progresse, les territoires restant Ă  conquĂ©rir se faisant de plus en plus rares, la compĂ©tition coloniale contribue au choc des impĂ©rialismes et, au-delĂ , des nationalismes europĂ©ens. Ă€ deux reprises, en 1905 puis en 1911, l’Allemagne menace la France au Maroc.

Liquidation de l'empire colonial allemand

La défaite du Reich marqua la fin de l'éphémère empire colonial allemand, le Royaume-Uni, le Japon, la Belgique et la France se partageant ses dépouilles - la plupart des anciennes colonies africaines allemandes accédant à l'indépendance dans les années 1960.

Projets coloniaux du Troisième Reich

Des membres des jeunesses hitlériennes intéressés par les colonies allemandes.

La perte des colonies fut ressentie par le peuple allemand comme une des humiliations issues du Traité de Versailles. Mais à son arrivée au pouvoir en 1933, Adolf Hitler, comme la grande majorité des Allemands, s’intéresse peu à la reconstitution d’un empire colonial outre-mer tant pour des raisons de tactique politique intérieure qu'internationale. Son premier objectif, tout au long du conflit, restera avant tout la constitution d’un empire continental en Russie. Il confie cependant au général Franz von Epp, président de la Ligue coloniale et de l'Office de politique coloniale du NSDAP, la préparation du futur ministère des Colonies.

Bibliographie

Politique coloniale du Troisième Reich

  • Chantal Metzger : L’empire colonial français dans la stratĂ©gie du Troisième Reich (1936-1945), thèse de Doctorat d’État, soutenue Ă  l’UniversitĂ© de Paris IV-Sorbonne, prix « Jean-Baptiste Duroselle Â» (1999) dĂ©cernĂ© par l’Institut d’Histoire des Relations Internationales Contemporaines, association patronnĂ©e par l’AcadĂ©mie des Sciences morales et politiques. Peter Lang, Ă©ditions scientifiques internationales, Collection « Diplomatie et Histoire Â», 2002 (ISBN 978-90-5201-956-7)
  • Chantal Metzger : L’Allemagne : un pays sans colonies, 1919-1925 in 1918-1919 : comment faire la paix ? sous la direction de G.-H. Soutou, Paris, Economica, 2001.
  • Chantal Metzger : D’une puissance coloniale Ă  un pays sans colonies : l’Allemagne et la question coloniale (1914-1945), Revue d’Allemagne, no 38 (oct-).
  • Chantal Metzger : Des visĂ©es allemandes en Afrique Ă©quatoriale et en Afrique occidentale française sous le Troisième Reich ? » in Les entreprises et l’Outre-mer français pendant la Seconde Guerre mondiale, Hubert Bonin, Christophe Bouneau et HervĂ© Joly (dir.), Pessac, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 2010.
  • Hermann Rauschning : La politique du IIIe Reich dans l'Est et le Sud-Est europĂ©en 1939
  • Udo Mischek, GĂĽnter Wagner, Diedrich Westermann : Der Funktionalismus und die nationalsozialistische Kolonialpolitik in Afrika, Paideuma 1996.
  • Jonas Bakoubayi Billy: Musterkolonie des Rassenstaats: Togo in der kolonialpolitischen Propaganda und Planung Deutschlands 1919–1943. J.H. Röll, Dettelbach 2011,  (ISBN 978-3-89754-377-5).

Liens externes

Articles connexes

Notes et références

Notes

  1. L'ouvrage cité date de 1905
  2. Cette section est partiellement issue de la traduction de l'article en anglais List of former German colonies (en)

Références

  1. Sur le rôle des villes hanséatiques dans l'histoire des colonies allemandes voir Helmut Washausen : Hamburg und die Kolonialpolitik des Deutschen Reiches, Hans Christians Verlag, Hambourg 1968.
  2. Washausen, « Hamburg und die Kolonialpolitik des Deutschen Reiches Â», p. 21. Dans cette optique et conjointement avec son ferme rejet de s'approprier les possessions coloniales françaises après la guerre franco-prussienne, Bismarck dĂ©clara en fĂ©vrier 1871, que « l'acquisition de colonies allemandes Ă©quivalait Ă  la situation de la noblesse polonaise portant soies et fourrures alors qu'elle avait besoin de chemises Â».
  3. Citations in Les Colonies allemandes avant et pendant la guerre 1914-17 thèse de Doctorat défendue par Bertrand COUGET - Université de Toulouse - Faculté de Droit 1917
  4. « Le génocide des Herero et Nama - Mémorial de la Shoah », sur Mémorial de la Shoah (consulté le ).
  5. Dictionnaire des racismes, de l'exclusion et des discriminations, Larousse 2010, article "GĂ©nocide des Hereros et des Namas", p. 377-378.
  6. « Le type de traitement qui est dĂ©sormais prĂ´nĂ© s’apparente Ă  celui qui allait avoir cours dans les camps de concentration nazis : on se dĂ©barrasse des internĂ©s en les Ă©liminant par le travail » ; « Ă€ bien des Ă©gards, les massacres de 1904 semblent annoncer la Shoah » ; « La Shoah – c’est l’enseignement qui pourrait ĂŞtre tirĂ© des lignes qui prĂ©cèdent – semble s’expliquer autant par la tradition antisĂ©mite proprement europĂ©enne que par l’expĂ©rience corruptrice nĂ©e du colonialisme », JoĂ«l Kotek (2008). Le gĂ©nocide des Herero, symptĂ´me d’un Sonderweg allemand ?. Revue d’Histoire de la Shoah, 189,(2), 177-197. https://www.cairn.info/revue-revue-d-histoire-de-la-shoah-2008-2.htm-page-177.htm.
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