Claude Buffet
Claude Gabriel Buffet, né le à Reims dans la Marne et guillotiné le à Paris 14e[1], est un ancien légionnaire français, devenu délinquant et criminel récidiviste. Jugé coupable, avec son complice Roger Bontems, dans une affaire de prise d'otages sanglante, il est condamné à mort et guillotiné.
Claude Buffet | ||
Tueur | ||
---|---|---|
Information | ||
Nom de naissance | Claude Gabriel Buffet | |
Naissance | Reims (Marne) |
|
Décès | 14e arrondissement de Paris |
|
Cause du décès | Décapitation (guillotine) | |
Condamnation | |
|
Sentence | Réclusion criminelle à perpétuité (1970) Peine de mort (1972) |
|
Actions criminelles | Meurtres, tentative de meurtre, agressions physiques | |
Victimes | 3 | |
PĂ©riode | - | |
Pays | France | |
RĂ©gions | ĂŽle-de-France Champagne-Ardenne |
|
Ville | Paris, Clairvaux | |
Arrestation | ||
Complice | Marie Ansoine (1966-1967) Roger Bontems (1971) |
|
Avocat | Thierry LĂ©vy RĂ©mi Crauste |
|
Biographie
Jeunesse
Claude Buffet naît le à Reims, dans le département de la Marne.
Issu d'une famille modeste, il est le fils de Lucien Alfred Buffet, peigneur de laine — père violent, buveur et dépensier —, et de Madeleine Lucile Françoise Dubois[2], embouteilleuse. Le jeune Claude devient un adolescent rebelle et désocialisé. Appelé au 3e RIC, il ne le rejoint pas.
En 1953, Buffet s'engage dans la Légion étrangère, il est alors âgé de 20 ans. Envoyé en Indochine, il quitte son unité le et reste absent pendant 5 mois et 29 jours[3].
Le , au terme de son absence, Buffet est finalement repris puis placé en détention pour avoir déserté. Il est rapatrié en Algérie pour parfaire ses 5 ans d'engagement et sert notamment au 4e REI au Maroc.
À sa démobilisation, le , Claude Buffet est titulaire de la médaille coloniale et des médailles commémoratives de la campagne d'Indochine et des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre avec agrafe AFN. Il travaille plus ou moins régulièrement comme majordome ou chauffeur routier. En 1958, il épouse sa marraine de guerre, Huguette, à qui il va bientôt imposer plusieurs maîtresses[4].
En 1959, Buffet devient père. Mais son parcours conduit peu à peu ses délits à des crimes de sang.
Premier crime
Claude Buffet se spécialise dans les vols à l'arraché et les agressions à main armée.
En , Buffet se met à repérer des jeunes femmes isolées afin de leur voler leur sac à main. Lors de ses passages à l'acte, il utilise le même mode opératoire : il se sert d'un pistolet factice afin d'impressionner ses victimes, puis d'un pistolet réel et armé[5]. Le rythme de ses agressions est régulier, au cours duquel quarante-deux victimes sont agressées, entre et ; il agit dans quelques cas avec la complicité sa maîtresse, Marie Ansoine[5] - [6].
Le , Buffet vole un taxi. Vers 23h, se faisant passer pour un chauffeur, il prend en charge Françoise Bésimensky, une jeune femme de 26 ans[7] élégamment vêtue qui le hèle. Au lieu de suivre la direction demandée, Buffet l'entraîne dans une voie isolée près du bois de Boulogne. Se retournant vers elle, il la menace d'un pistolet et réclame son sac. La jeune femme refuse et hurle. Buffet tire une balle en plein cœur et la victime s'écroule. Afin de détourner les soupçons, il maquille le crime en acte sadique, dénudant le corps de sa victime et enfonçant un poudrier dans son sexe. Sa quarante-troisième agression fait de lui un criminel[8].
À ce stade de l'enquête, la police pense d'abord que la victime, mannequin mariée à un médecin, a été assassinée par un satyre.
Le , Buffet tente d'étrangler une fillette à Ris-Orangis. Sa mère pense à une vengeance de Buffet, qui avait tenté de la séduire et qu'elle avait éconduit. Bien que cette tentative de meurtre n'ait pas de rapport commun avec le meurtre de Mme Bésimensky, des détails font douter les enquêteurs qui parviennent rapidement à remonter jusqu'à Buffet.
Le , Buffet est arrêté au volant d'une Citroën volée, avec sur lui un pistolet de même calibre que celui qui a tué Françoise Bésimensky. Au cours de la garde à vue, il reconnaît spontanément une soixantaine d'agressions en région parisienne, parfois avec sa maîtresse et complice Marie Ansoine ; puis avoue l'homicide mais prétend qu'il s'agit d'un accident. Au terme de sa garde à vue, Buffet est placé en détention provisoire.
Procès
Le , le procès de Claude Buffet et Marie Ansoine débute devant la cour d'assises de Paris. Durant la semaine du jugement, l'avocat général Dubost ne réclame pas la peine capitale, arguant que Buffet n'est pas destiné à la guillotine et qu'il vaut mieux qu'il expie son crime sa vie durant derrière les barreaux.
Le , le jury condamne Buffet à la réclusion criminelle à perpétuité et sa complice Marie Ansoine à trois ans de prison avec sursis. Mécontent du verdict car il veut être condamné à mort, Buffet quitte le prétoire en vociférant qu'on n'a pas fini d'entendre parler de lui.
Après un passage à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, il est envoyé à la maison centrale de Clairvaux dans l'Aube. Il partage sa cellule avec un autre condamné, Roger Bontems, qui a déjà à son actif plusieurs tentatives d'évasion.
Bontems entraîne Buffet dans un projet d'évasion ; celui-ci accepte, ayant même l'intention de tuer les futurs otages.
Prise d'otages Ă la Maison Centrale de Clairvaux
Le , à l'heure du petit déjeuner, Claude Buffet et Roger Bontems se plaignent de douleurs abdominales. Ils sont envoyés à l'infirmerie, accompagnés par quatre gardiens. À peine y sont-ils entrés que Buffet repousse un jeune surveillant, qui en entraîne deux autres dans sa chute. Avec Bontems, il s'enferme dans l'infirmerie avec trois otages : le gardien Guy Girardot, 27 ans, l'infirmière Nicole Comte, 35 ans, mère de deux enfants, et un détenu-infirmier finalement relâché.
Les deux otages restants sont tenus sous la menace de couteaux, que Buffet et Bontems ont tirés de leur poche : Bontems a un Opinel acheté à la cantine de la prison, Buffet a acheté, par le biais d'un réseau de détenus, une arme avec une lame longue de 14 centimètres (lame de matelas forgée par un détenu forgeron), effilée comme un rasoir. Toute la journée, la France suit l'événement via la télévision et la radio.
Le à 3 h 45 du matin, le ministre de la Justice René Pleven fait donner l'assaut par les forces de l'ordre, qui neutralisent les deux mutins par de puissantes lances à eau. Les deux otages, exécutés pendant l'assaut, gisent sur le sol dans une mare de sang, la gorge tranchée[9].
Second procès
Jugés devant la cour d'assises de l'Aube du au , Roger Bontems et Claude Buffet sont tous deux condamnés à mort, avec exécution prévue dans l'enceinte de la prison de la Santé à Paris[10].
L'instruction et le procès ont montré que Bontems n'a tué aucun des otages, mais sa complicité active à la prise d'otages pousse les jurés à le frapper de la même peine que Buffet qui, cette fois-ci, est ravi. Pendant le procès, à plusieurs reprises, il fait d’ailleurs part de son désir de finir guillotiné :
« Comme vous l'ont dit mes avocats, Maître Thierry Lévy et Maître Crauste, on dit que je vous réclamerai la peine de mort… je vous le confirme, et vous me la donnerez ! Mardi, quand j'ai quitté le palais de justice dans les fourgons, la foule réclamait “À mort fumier !” Si elle savait qu'au fond, ça me rendait service… »
Seul Bontems signe un pourvoi en cassation, lequel est rejeté le . De son côté Buffet, pressé d'en finir, refuse de signer le sien.
Exécution
Le , les avocats des condamnés, Thierry Lévy et Rémi Crauste pour Buffet, Robert Badinter et Philippe Lemaire pour Bontems, vont plaider devant le président de la République Georges Pompidou la cause de leurs clients et demandent la grâce présidentielle. Même si Georges Pompidou n'a jamais laissé exécuter un condamné à mort depuis son arrivée au palais de l'Élysée en 1969, l'opinion publique est hostile à cette grâce[11] et l'attitude de Buffet (qui lui a envoyé de sa prison une lettre où il demande à être exécuté[12]) ne l'incite pas à la clémence.
Le au soir, les quatre avocats reçoivent un coup de téléphone leur annonçant que l'exécution de leurs clients aura lieu le lendemain matin, vers 5 heures[13].
Le , vers 4 h 30, à la maison d'arrêt de la Santé, Buffet et Bontems sont réveillés et conduits au greffe pour l'ultime « toilette ». Buffet se montre satisfait, mais ne fait aucun coup d'éclat et demande au sous-directeur de la prison de donner un message à Bontems : « Au revoir et à tout à l'heure » avant de refuser l'alcool, apparemment soucieux que cela se passe le plus rapidement possible. À 5 h 13, Bontems est guillotiné par le bourreau André Obrecht. Sept minutes plus tard, c'est au tour de Buffet[14].
L'exécution est décrite en détail dans le magazine L'Express, enfreignant la loi de l'époque qui l'interdisait : Françoise Giroud, Philippe Grumbach et Jacques Derogy seront condamnés à 5 000 francs d'amende pour cette publication[15]. Robert Badinter note toutefois que cette disposition n’était plus appliquée, et voit dans l’incrimination de l’Express un « ordre de l’Élysée »[16].
Cette exécution est la dernière qui a lieu à Paris. Après Buffet et Bontems, seuls quatre condamnés sont guillotinés en France. L'avocat général Dubost se refuse, par la suite, à tout commentaire.
Notes et références
- Relevé des fichiers de l'Insee
- Voir Les Grandes Affaires criminelles - no 3 mars/avril 2015, article « Chronique d'un carnage annoncé » de Alain Dommanget, p. 123 - Procès-verbal de l'exécution.
- Selon Alain Dommanget, Claude Buffet aurait « déserté et serait passé chez les Viets […] » — Idem « Chronique d'un carnage annoncé », p. 119.
- Sylvain Larue, Les Grandes Affaires Criminelles de France, Éditions De Borée, , p. 381.
- « Claude Buffet, auteur de quarante-quatre agressions ne conteste rien Mais il a donné trois versions du meurtre de Mme Besimensky », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
- « Claude Buffet continue de nier qu'il soit l'auteur de l'agression dont l'accuse la mère de la petite Sylvia Gautrin », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Jeune mannequin, épouse d'un médecin fort connu à Paris, spécialiste en gynécologie et chef de laboratoire à l'hôpital Beaujon.
- Alain Bauer, Dictionnaire amoureux du Crime, Plon, , p. 47.
- Jacques Batigne, Nous sommes tous des otages, Plon, , p. 30.
- Paul Cassia, Robert Badinter : un juriste en politique, Fayard, , p. 113.
- Les sondages sur le pourcentage des Français favorables à la peine de mort sont cependant manipulés à cette époque. Christian Delporte, « De l'affaire Philippe Bertrand à l'affaire Patrick Henry. Un fait-divers dans l'engrenage médiatique », Vingtième Siècle, vol. 58, no 1,‎ , p. 128.
- https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/l-histoire-en-direct-10-octobre-1981-l-abolition-de-la-peine-de-mort-1ere-diffusion-05-12-1988-7653648 (Ă partir de 0 h 14 min 28 s)
- Jacques Expert, Scènes de crime, Place des Éditeurs, , p. 133.
- Jean Ker, Le Carnet noir du bourreau. Mémoires d'André Obrecht, l'homme qui exécuta 322 condamnés, Éditions Gérard de Villiers, , p. 263.
- Jean-Marie Pontaut, « Robert Badinter : “Elle mêlait l'art et la cruauté” », l'Express,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Robert Badinter, L’Abolition, Fayard, coll. « Le livre de poche », (ISBN 978-2-253-15261-3), D’un président à l’autre, p. 18
Voir aussi
Bibliographie
- Robert Badinter, Roger Bontems et Claude Buffet, L'Exécution. (Le procès contre Claude Buffet et Roger Bontems, « les assassins de Clairvaux »), Lausanne : éditions Ex Libris, 1974 (OCLC 81693915)
- René Vigo, Tragédie à Clairvaux : la vérité sur Buffet et Bontemps, Paris : Flammarion, 1974
- Bernard Fillaire, Bontems, Buffet, Fleuve Noir, 1994
Documentaire télévisé
- « Buffet et Bontems : les mutins de Clairvaux » dans 50 ans de faits divers sur 13e rue et sur Planète+ Justice, le 27 décembre 2013
Émissions radiophoniques
- « Buffet et Bontemps, les derniers condamnés à mort parisiens » dans L'Heure du crime de Jacques Pradel sur RTL, le 8 avril 2015
- « L'affaire Buffet-Bontems » dans Hondelatte Raconte de Christophe Hondelatte sur Europe 1, le 2 décembre 2016