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Charte du travail du 4 octobre 1941

La Charte du travail est une loi française sur le droit du travail, signée le 4 octobre 1941 par le régime de Vichy sous l'occupation allemande.

Charte du travail
Présentation
Titre Loi relative Ă  l'organisation sociale des professions
Pays Drapeau de l'État français État français
Langue(s) officielle(s) Français
Type Loi ordinaire
Branche Droit du travail
Adoption et entrée en vigueur
Rédacteur(s) René Belin, Gaston Cèbe, sous la direction du Maréchal Pétain
Adoption

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Texte de la Charte sur Wikisource

Elle est abolie par une ordonnance du Gouvernement provisoire de la République française datée du 27 juillet 1944.

Contexte

En août 1940, le régime de Vichy du maréchal Pétain met en place les comités d'organisation (C.O.) provisoires (mais qui ont perduré) dans chaque branche industrielle ou commerciale et annonce la dissolution de confédérations syndicales de travailleurs et de patrons. Un décret publié en novembre dissout trois confédérations de syndicats de travailleurs - la Confédération générale du travail (CGT), dont René Belin était l'un des dirigeants, la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et la Confédération des syndicats professionnels français - et trois groupements patronaux : la Confédération générale du patronat français (CGPF), le Comité des forges et le Comité central des houillères de France[1] - [2] - [3].

Annoncée depuis 1940, soutenue par le renouveau de l'idée corporatiste dans les années 1930, la charte fait la synthèse entre diverses influences, parfois contradictoires :

Pétain évoque la question sociale dans certains de ses discours, notamment le 1er mars 1941 à Saint-Étienne : il préconise un État qui donne une impulsion à l'action sociale, une « communauté de travail » au sein de l'entreprise, base de « l'organisation professionnelle », annonce la création d'« organismes simples » qui ne seront pas « des organisations de classe » mais seront des organismes dans lesquels patrons, cadres et ouvriers « rechercheront ensemble les solutions des problèmes actuels dans une commune volonté de justice »[4].

Il a fallu plusieurs projets et des compromis pour aboutir à ce texte, entre notamment les tenants d'un corporatisme à base syndicale liés au ministère du Travail et ceux d'un corporatisme traditionnel, proches de l'entourage du maréchal Pétain. Ce dernier a rejeté plusieurs projets préparatoires soumis par René Belin puis a confié la rédaction du projet définitif non pas au ministre du Travail mais à un chargé de mission à la présidence du Conseil, le lieutenant-colonel Gaston Cèbe, qui a rédigé plusieurs versions successives du texte de loi. Un comité de l'organisation professionnelle est créé en 1941 pour contribuer à la rédaction du texte. Présidé par Henri Moysset, il est composé de Lucien Romier, de patrons comme Jacques Lenté, président de l'Union des industries et métiers de la métallurgie, Georges Painvin, Pierre Laguionie, des magasins du Printemps, Henri Donon, président de l'Union des industries textiles, Jean Mersch, président du Centre des jeunes patrons ou Jules Verger, de syndicalistes (Marcel Roy, Auguste Savoie, Marcel Paimboeuf), de hauts-fonctionnaires. Cèbe est l'un de ses secrétaires[5]. Pétain inaugure sa première séance en juin 1941[6]. Une cinquième version est adoptée au Conseil des ministres le 4 octobre 1941. Mais les ministres René Belin et François Lehideux demandent des modifications, acceptées par Pétain qui change souvent d'avis. C'est une huitième version qui est finalement publiée au Journal officiel le 23 octobre[7].

Objet

Les rédacteurs de la Charte entendent supprimer la lutte des classes, favoriser l'entente entre patrons et ouvriers, et fonder juridiquement les bases d'un ordre social apaisé et harmonieux, marqué par une collaboration des classes sociales et une organisation des professions[8].

Principales dispositions

La Charte instaure divers organismes à différentes échelles (entreprise, locale, régionale, nationale) : « familles professionnelles », sortes de corporations organisées par branches d'activité, dans les secteurs secondaire et tertiaire, syndicats uniques et obligatoires, « comités sociaux » chargés d'organiser les relations professionnelles au sein des entreprises et des métiers. Elle interdit la grève tout comme le lock-out par les patrons (article 5).

Dans le même temps, la Charte proclame la naissance d'un salaire minimum vital (article 54) fixé par l'État, une ancienne revendication syndicale qui ne sera jamais mise en œuvre dans la France de Vichy mais « ouvrira la voie » au salaire minimum interprofessionnel garanti instauré en 1950[9].

Du fait des compromis qui ont présidés à sa rédaction puis à sa promulgation, la Charte est obscure, ambiguë et lacunaire sur plusieurs points qui vont devoir être précisés ultérieurement par des décrets d'application comme les conditions de formation des syndicats ou la composition et les modes de désignation des membres des commissions, des conseils d'administration et des comités[10].

Bilan

La Charte va donner lieu à la mise en place d'organismes annoncés et définis dans ses articles. Ce sont des organismes tripartites c'est-à-dire rassemblant des patrons, des cadres et des ouvriers qui donc discutent ensemble de questions sociales, sous le contrôle de l'Etat. Elle provoque sous l'Occupation de nombreuses interrogations et des interprétations divergentes sur son application, sur les organismes à mettre en place, à propos de leur nature, leur composition, leur périmètre, leur hiérarchie, leurs missions.

La Charte annonçait la constitution de « comités sociaux d’établissement » dans les entreprises dont l’effectif est au moins égal à cent ouvriers ou employés, rassemblant « le chef d’entreprise et des représentants de toutes les catégories du personnel » (article 23) afin de réaliser « au premier degré la collaboration sociale et professionnelle entre la direction et le personnel » (article 24). Les comités sociaux d'entreprise, caricaturés parfois en « comités patates », ont été mis en place progressivement avec des réussites inégales selon les territoires et les professions, dans un contexte marqué par les difficultés sociales liées notamment aux questions du ravitaillement et des pénuries. Un organisme à l'origine privé, l'Office des comités sociaux, a tenté de convaincre patrons et salariés de l'intérêt et de la nécessité de ces comités sociaux et a contribué à leur mise en place. Ces comités préfigurent les futurs comités d'entreprise fondés à la Libération, en 1945-1946.

Des familles professionnelles ont été mises en place de façon inégale. Les animateurs de leurs commissions provisoires ont été désignés par les ministres du Travail. Les syndicats uniques ont été un fiasco[11].

Les syndicalistes se sont divisés au sujet des syndicats uniques et des comités sociaux. Certains ont accepté de participer aux organismes mis en place. Les ouvriers ont été peu réceptifs. Des patrons ont été favorables à la Charte, pour des raisons diverses, d'autres ont été indifférents. Certains patrons favorables à la Charte ont fini par se heurter à la conception étatiste et autoritaire de ministres du Travail, notamment Marcel Déat.

Notes et références

  1. « Reconstruction sur des bases entièrement nouvelles des organismes patronaux et ouvriers », Le Journal, 18 août 1940
  2. Paris-soir, 14 novembre 1940
  3. Marie-France Rogliano, « L'anticommunisme dans la CGT : Syndicats », Le Mouvement social, avril-juin 1974, n° 87, p. 82
  4. Le Journal, 2 mars 1941
  5. Le Petit journal, 27 mars 1941
  6. La DĂ©pĂŞche, 5 juin 1941
  7. Bénédicte Vergez-Chaignon, Pétain, Perrin, 2018 (chap. 11, Le réformateur 1940-1942)
  8. Jean-Pierre Le Crom, Syndicats nous voilĂ . Vichy et le corporatisme, Ă©ditions de l'Atelier, 1995
  9. Institut supérieur du travail, « L'histoire mouvementée du SMIC », (consulté le ).
  10. Jean-Pierre Le Crom, op. cit., p. 145
  11. Jean-Pierre Le Crom, op. cit.

Annexes

Articles connexes

Bibliographie indicative

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