Chapelle expiatoire
La Chapelle expiatoire est une chapelle située dans le 8e arrondissement de la ville de Paris en région Île-de-France.
Chapelle expiatoire | ||||
Façade de la chapelle expiatoire et sa double allée de rosiers blancs. | ||||
Présentation | ||||
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Culte | Catholique romain | |||
Type | Chapelle | |||
Style dominant | néoclassique | |||
Protection | Classé MH (1914) | |||
Site web | www.chapelle-expiatoire-paris.fr | |||
GĂ©ographie | ||||
Pays | France | |||
RĂ©gion | ĂŽle-de-France | |||
DĂ©partement | Paris | |||
Ville | Paris | |||
Coordonnées | 48° 52′ 25″ nord, 2° 19′ 22″ est | |||
GĂ©olocalisation sur la carte : Paris
GĂ©olocalisation sur la carte : 8e arrondissement de Paris
GĂ©olocalisation sur la carte : France
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Elle constitue un ensemble religieux et commémoratif consacré aux victimes de la Révolution, notamment le couple royal, construit de 1815 à 1826 et est classée monument historique depuis le 22 juillet 1914.
Localisation
La Chapelle expiatoire est située dans le 8e arrondissement de Paris, dans le quartier de la Madeleine, au centre du square Louis-XVI, 29 rue Pasquier.
L'édifice est dressé à l’emplacement de l’ancien cimetière de la Madeleine et sa position précise a été définie par le lieu d'inhumation du corps du roi Louis XVI à la suite de son exécution place de la Concorde le 21 janvier 1793.
Historique
De la « décoiffante » à la fosse commune
La Chapelle expiatoire est située à l'emplacement de l'ancien cimetière de la Madeleine.
Ouvert en 1721, ce cimetière relativement récent accueille en moyenne 160 corps par an jusqu'à la Révolution et présente l'avantage de disposer de beaucoup de places disponibles à l'inverse de nombre de cimetières parisiens qui débordent alors, au propre comme au figuré, tel le cimetière des Innocents dont les cadavres se déversent dans les caves des Halles, conduisant Louis XVI à interdire en 1783 toute nouvelle inhumation dans Paris et à ordonner le transfert des corps dans les catacombes.
Le cimetière de la Madeleine avait déjà été utilisé pour inhumer les 132 victimes du feu d'artifice du mariage du futur Louis XVI et de sa jeune épouse en 1770 sur la place Louis-XV. Sa proximité avec la place de la Révolution où se déroule la plupart des exécutions sous la Terreur en fait un lieu d'inhumation pratique et discret sans sortir de Paris, dont les abords plus hostiles à la Révolution sont difficiles à contrôler et auxquels on ne souhaite pas montrer les morts du régime de terreur.
C'est à ce titre que nombre de victimes de « la décoiffante » (la guillotine) comme Madame Rolland, Olympe de Gouges, Charlotte Corday, Antoine Barnave, Philippe Egalité, Jacques Hébert ou encore Madame du Barry, une dizaine de députés girondins ou bien les Suisses abattus lors de la journée du 10 août 1792, sont jetés dans des fosses communes.
Le cimetière est fermé par le Comité de salut public en 1794 puis vendu à divers propriétaires jusqu'au magistrat royaliste Louis Desclozeaux qui, habitant rue d'Anjou (sa maison disparue est matérialisée par un arbre dans l'actuel square Louis-XVI), avait noté l'emplacement de la fosse dans laquelle les corps du roi et de la reine de France avaient été jetés.
Expier la RĂ©volution
En 1814, la monarchie est restaurée après la Révolution et l'Empire. À la faveur de son arrivée sur le trône, le roi Louis XVIII s'attache à raviver le souvenir de son frère Louis XVI guillotiné sous la Terreur en 1793 et se lance à la recherche des dépouilles du couple royal.
Sur les indications de Desclozeaux, les dépouilles de Louis XVI et de Marie-Antoinette sont exhumées et transférées à la nécropole royale de Saint-Denis le 21 janvier 1815, jour du 22e anniversaire de la mort du roi.
Le même jour, Louis XVIII fait poser la première pierre de l'actuelle chapelle commémorative (le nom d'expiatoire n'a jamais été mentionné officiellement).
L'idée lui avait été suggérée par l'ultra royaliste duc de Doudeauville, aide de camp du comte d'Artois, frère du roi et futur Charles X, afin d'honorer non seulement la mémoire du couple royal guillotiné mais également celle des centaines de Gardes suisses tués le 10 août 1792 lors de la prise du palais des Tuileries ou dans les prisons parisiennes dans les jours qui ont suivi et eux aussi jetés dans les fosses du cimetière de la Madeleine.
Construction de la chapelle
Le monument est commandé à Pierre Fontaine, architecte officiel de tous les régimes du Consulat au Second Empire. Il s'adjoint les services de son élève Louis-Hippolyte Lebas comme inspecteur et se sépare exceptionnellement pour l'occasion de son équipier habituel Charles Percier, qui n'approuvait pas le projet.
Commencé le 21 janvier 1815, la construction s'étale sur 11 années et se termine en 1826 sous le règne de Charles X.
Le projet, d'inspiration néoclassique, est financé sur la cassette personnelle de Louis XVIII pour un montant de 3 millions de livres.
Il se présente à l'origine comme une oasis de calme et de silence en plein cœur de Paris. La chapelle est alors entourée d'un parc à l'anglaise recouvrant l'ancien cimetière de la Madeleine et une longue allée de cyprès relie le perron à l'actuelle rue de l'Arcade.
Réaménagements haussmanniens
Sous le Second Empire, la chapelle est restaurée et son environnement remanié. L'allée de cyprès est supprimée en 1862, seuls une dizaine de mètres sont conservés pour offrir l'accès sur la rue Pasquier. Le petit jardin romantique d’origine laisse alors place au square Louis-XVI durant les grands travaux d’Haussmann, annulant ainsi le caractère d'îlot paisible de recueillement voulu initialement.
Menaces de destructions
Dès son origine, l'érection de la chapelle fait l'objet de controverses politiques.
Tout d'abord entre ultra-royalistes, favorables au retour de l’Ancien Régime absolutiste, et partisans de la Charte plus favorables à une monarchie constitutionnelle, qui dans une volonté de consensus souhaitent éviter de rouvrir des blessures encore fraîches.
Le , la Commune exigea que la chapelle fût démolie[1], mais cette résolution ne fut jamais mise à exécution, notamment grâce à l'action de Jacques Libman, qui avait retardé la destruction en se faisant passer pour un entrepreneur américain intéressé par les pierres du monument auprès de Jules Fontaine, directeur des Domaines de la Commune[2] - [3] - [4] - [5].
Plusieurs fois sous la IIIe République, la destruction du symbole est régulièrement évoquée : de 1826 à 1910, 21 projets de démolition furent présentés, notamment par Jean Jaurès[6] - [7].
Entre gestion républicaine et souvenir légitimiste
En dépit des menaces, la chapelle n’est pas détruite lors des changements de régimes. Elle est au contraire même classée monument historique le 22 juillet 1914 par décision du ministre des Beaux-Arts et à la suite de nombreuses actions parlementaires de partis royalistes notamment. Gérée par le Centre des monuments nationaux, la chapelle est ouverte au public et à la visite depuis cette époque avec de rares périodes de fermeture en temps de guerre, pour des restaurations lourdes ou des cérémonies privées.
Ce fut le cas lors de la construction de la ligne 14 du métro passant 20 mètres sous la chapelle à la fin des années 1990 ou à la suite de la « tempête du siècle » en 1999 ou celle de 2009, qui avaient endommagé les toitures et fragilisés les arbres du square.
S'il est possible de privatiser le lieu pour se marier, c'est aussi le rendez-vous annuel et traditionnel des royalistes légitimistes, qui y célèbrent chaque ou le dimanche précédent le 21 une messe pour le repos de Louis XVI et Marie-Antoinette.
Vers de nouvelles découvertes ?
Louis XVIII avait souhaité que lors de l'érection de la chapelle ne soit « déplacée aucune terre saturée de victimes ».
Un souhait qui semble avoir été respecté car en 2018, lors de fouilles et sondages de surveillance du bâtiment, il semble que les chambres scellées et aveugles, jusqu'ici inconnues, soient présentes derrière les murs de la chapelle souterraine.
On pensait que seuls les corps du roi et de la reine reposaient dans la chapelle, les restes d'autres personnes tuées lors de la Révolution, également ensevelis à cet endroit, ayant a priori été rassemblés au moment des travaux dans des caveaux non localisés et par la suite envoyés dans les catacombes de Paris.
L'historien Aymeric Peniguet de Stoutz eut un doute sur une possible confusion entre le cimetière de la Madeleine sur l'emplacement duquel la chapelle a été construite, et un cimetière qui était voisin de l'ancienne église de la Madeleine d'où les ossements en question ont été extraits. Après études des plans et documents, le président du Centre des monuments nationaux Philippe Bélaval autorise en le médecin légiste Philippe Charlier, spécialisé dans la recherche et l'authentification de dépouilles historiques, d'insérer des micro-caméras dans les joints en mortier de l'édifice, permettant ainsi de découvrir des cavités contenant des coffres et des ossements. Les recherches se poursuivent[8].
Architecture
Style
Pierre-Francois-Léonard Fontaine et son assistant Louis-Hippolyte Le Bas adoptent un style néoclassique empruntant à l'Antiquité, au Moyen-Âge et à la Renaissance, très en vogue depuis le règne de Louis XVI et plus particulièrement après l'Empire et à l'aube de la période romantique.
Chateaubriand qualifie la chapelle comme « peut-être le monument le plus remarquable de Paris »[9].
Composition générale
De l'extérieur, l’édifice se présente comme une enceinte fermée au sein de laquelle on pénètre par un pavillon autrefois ceint d'un jardin à l'anglaise et précédé d'une allée de cyprès qui se prolongeait jusqu'à la rue de l'Arcade.
Le pavillon d'entrée se compose d'un vestibule et d'un escalier droit donnant accès à une cour d'honneur surélevée de 2 mètres. Cette cour est bordée de cénotaphes dédiés aux Gardes suisses tués le 10 août 1792 ; au centre, une allée bordée de rosiers créés pour Marie-Antoinette à Trianon mène à la chapelle proprement dite. En contrebas de part et d'autre de la cour, deux galeries de cloître entourent la cour mais au niveau du parc.
Pavillon d'entrée
Première étape imposante du parcours vers la chapelle, le pavillon masque et protège le cœur sacré du monument depuis l'extérieur. Sa façade se compose d'une paroi nue, uniquement percée d'une porte monumentale est surmontée d'un sarcophage colossal dont le fronton se découpe sur le ciel. Un large cartouche reprend la dédicace de l'édifice par Louis XVIII pour honorer le lieu d'inhumation de son frère Louis XVI et Marie-Antoinette.
Vestibule
Cette très haute pièce d'entrée accueille deux portes d'accès aux galeries de cloîtres latérales. Au centre, un escalier mène deux mètres plus haut à la cour d'honneur. Les murs sont décorés de guirlandes, motifs floraux et monogrammes du couple royal décapité. Volontairement aveugle et sombre, cette pièce permet de sublimer l'effet de contraste et de luminosité en arrivant au sommet des marches de la cour d'honneur.
Jardin intérieur
Le jardin intérieur, autrement nommé cour d'honneur ou encore Campo Santo, est constitué de la terre tamisée de l'ancien cimetière. De part et d'autre, des cénotaphes marquent les limites de l'ancien cimetière et perpétuent le souvenir des Gardes suisses tués lors de la prise des Tuileries le 10 août 1792. Sur chaque stèle, un sablier ailé figure la fuite du temps, le pavot symbolise lui le repos éternel et enfin les branches de cyprès représentent le deuil.
Les rosiers entourant l'allée centrale sont de la variété créée pour Marie-Antoinette à Versailles.
Chapelle supérieure
Au fond de la cour, un portique tétrastyle (à quatre colonnes) surmonté d'un fronton de style dorique donne accès à la chapelle[10], dont la composition générale rappelle le couvent de la Reine élevé par Richard Mique à Versailles.
Fontaine et Le Bas ont retenu un plan centré en croix grecque très approprié à un édifice commémoratif, en référence aux martyria mais également contraint par l'emplacement exact de la fosse d'inhumation des dépouilles royales, empêchant la construction d'un bâtiment en longueur et donc sur le plan latin. Une harmonie très équilibrée se dégage de la coupole et des deux demi-coupoles entourant le massif cubique adouci par le péristyle.
À l'intérieur, trois voûtes, en cul de four à caissons et éclairés par un oculus dans leur partie supérieure, contrebutent la coupole centrale également à caissons et ajourée, reposant sur des pendentifs. L’éclairage zénithal est naturel, seulement dispensé par les oculus des voûtes.
Quatre compositions religieuses : la Passion du Christ, l'Eucharistie, la Trinité, les Tables de la Loi ainsi qu'un tympan au dessus de l'entrée représentant la translation des ossements à Saint-Denis composent le programme décoratif imaginé par Francois-Antoine Gérard.
Deux groupes sculptés en marbre blanc montrent les souverains en attitude extatique de chaque côté de la chapelle : Louis XVI, auquel un ange montre le ciel, de François Joseph Bosio, et Marie-Antoinette soutenue par la Religion de Jean-Pierre Cortot. Les « testaments » des deux souverains sont reproduits sur leur socle[11]. Ils ont été offerts en 1834 par la duchesse d'Angoulême, fille aînée survivante de Louis XVI et Marie-Antoinette.
- François-Joseph Bosio, Louis XVI, auquel un ange montre le ciel.
- Jean-Pierre Cortot, Marie-Antoinette soutenue par la Religion (1826).
Chapelle basse
Accessible par les escaliers en fer à cheval situés derrière les groupes sculptés, elle se compose d'un couloir transversal desservant une petite chapelle ornée d'un autel de marbre noir de forma antique, posé précisément à l'endroit duquel a été exhumé le corps de Louis XVI.
Dans et derrière les murs, des ossuaires sont scellés pour recueillir les restes des victimes guillotinées de la Révolution.
Sacristie nord et travée nord
Cette pièce ornée de boiseries blanches est destinée à accueillir les objets du culte. Elle présente aujourd’hui un confessionnal recouvert de velours rouge et un portrait de la duchesse d’Angoulême et donne accès à une des galeries à neuf travées d'arcades au niveau du parc. La même configuration est présente au sud.
- Entrée rue Pasquier.
- Sur les côtés, pierres tombales en souvenir des Gardes suisses.
- DĂ©tail de l'aile gauche.
- DĂ©tail de l'aile droite.
- Galerie latérale.
- DĂ©tail de l'abside.
- Vue depuis la rue d'Anjou.
Notes et références
- « Arrêté concernant la destruction d'une chapelle "expiatoire" de Louis XVI ».
- FĂ©lix Sordet, 1870-1871: ou, Une page d'histoire Administration et guerre. Campagne de 1870. Gouvernement du 4 Septembre. La commune, Sordet-Montalan, (lire en ligne), p. 395-396.
- Ch Bergerand, Paris sous la Commune en 1871, Ad. Lainé, (lire en ligne), p. 208.
- Helene Lewandowski, La face cachée de la Commune, Editions du Cerf, (ISBN 978-2-204-12165-1, lire en ligne).
- Bulletin des lois de la Republique Francaise, Impr. Nationale des Lois, (lire en ligne), p. 613.
- Eric Le Mitouard, « Il ouvre la chapelle Expiatoire au quartier Haussmann », sur leparisien.fr, (consulté le ).
- Ruth Fiori, L'invention du vieux Paris: naissance d'une conscience patrimoniale dans la capitale, Editions Mardaga, (ISBN 978-2-8047-0099-7, lire en ligne), p. 184-185.
- Caroline Becker, « Une incroyable découverte à la chapelle expiatoire de Paris », sur fr.aleteia.org, (consulté le ).
- Visite du monument, texte Ă la disposition des visiteurs.
- Gilles Marchand, Dictionnaire des monuments de Paris, Jean-paul Gisserot, (lire en ligne), p. 66.
- « Nostalgie de la monarchie dans l'église de la Madeleine à Paris et dans son quartier », sur atheisme.org (consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
- Abbé Savornin, Notice historique sur les faits et particularités qui se rattachent à la Chapelle expiatoire de Louis XVI et de la Reine Marie-Antonette, d’après documents officiels pleins d’émouvantes révélations, éd. du Patrimoine, , 343 p..
- Jean Marie Darnis, Les monuments expiatoires du supplice de Louis XVI et de Marie-Antoinette sous l'Empire et la Restauration 1812-1830, Ă©d. J-M Darnis, , 224 p..
- Jean-Philippe Garric, La Chapelle expiatoire, Paris, éd. du Patrimoine, coll. « Itinéraires du patrimoine », , 55 p. (ISBN 2-85822-877-9).
Liens externes
- Ressource relative Ă l'architecture :
- (fr) (en) (es) Site officiel