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Catastrophe de l'usine pétrochimique de Jilin

La catastrophe de l'usine pétrochimique de Jilin en Chine consiste en une série d'explosions qui se sont produites dans une usine pétrochimique de la ville de Jilin dans la province du même nom en Chine le . Une quantité de benzène et de nitrobenzène (des produits hautement cancérigènes), estimée à une centaine de tonnes, s'est alors déversée dans la rivière Songhua, un important affluent du fleuve Amour.

Localisation des villes polluées

La nappe de polluants d'une longueur initiale de 80 km a dĂ©rivĂ© sur la Songhua puis sur l'Amour et a touchĂ© de nombreuses villes dont Songyuan (430 000 habitants), Harbin (5 000 000 d'habitants), Jiamusi (600 000 habitants), Khabarovsk (600 000 habitants) et Komsomolsk-sur-l'Amour (200 000 habitants).

La catastrophe

Province de Jilin

L'explosion

Les explosions se sont produites dans une usine pétrochimique de la Jilin Petrochemical Corporation (détenue par la China National Petroleum Corporation) à Jilin et auraient fait au moins 5 morts ou disparus, ainsi que 70 blessés. Les causes de l'explosion ont été connues 48 heures après le drame mais l'agence chinoise de l'environnement (SEPA, State Environmental Protection Administration of China) n'a confirmé officiellement l'accident que le , soit 10 jours après la catastrophe[1].

L'explosion qui s'est produite vers 15h heure locale serait due Ă  une mauvaise manipulation, après un problème dans une tour d'une unitĂ© de fabrication d'aniline. La dĂ©flagration qui a suivi a soufflĂ© les vitres dans un rayon de 200 mètres et des tĂ©moins ont rapportĂ© avoir vu de la fumĂ©e sur toute la zone industrielle. Par peur d'autres explosions et d'une contamination du site[2], plus de 10 000 personnes ont ensuite Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©es, y compris les habitants et les Ă©tudiants d'une universitĂ©. Ce n'est que dans la soirĂ©e que les incendies ont Ă©tĂ© maĂ®trisĂ©s [3].

Les polluants

Deux des produits toxiques relâchés par cette explosion sont du benzène et du nitrobenzène.

Benzène
C'est un solvant inflammable, extrêmement volatil et toxique, classé comme cancérigène par l'Union européenne. Il peut entraîner des irritations en cas de contacts avec la peau, les yeux ou les muqueuses, des malaises et des vomissements en cas d'ingestion et des vertiges, des spasmes, des insuffisances cardio-vasculaires, voire la mort en cas d'absorption.
Nitrobenzène
C'est un liquide huileux, incolore ou jaune pâle à l'odeur caractéristique d'amande amère. Son caractère cancérigène n'a pour l'instant jamais été prouvé mais il semble avoir des conséquences sur la fertilité et le fonctionnement du foie. Il peut causer des empoisonnements graves par ingestion, inhalation ou contact avec la peau. Il réagit avec l'hémoglobine du sang et l'empêche de réagir avec l'oxygène. Il peut également entraîner des troubles du système nerveux central, causant un sentiment de faiblesse, des maux de tête et des vomissements. Un taux élevé de nitrobenzène peut entraîner la mort en moins d'une heure.

Pollution des cours d'eau

Province de Jilin

L'explosion a gravement contaminé la Songhua. On estime qu'une centaine de tonnes de produits chimiques se sont déversés dans la rivière. Au plus fort de la pollution, la proportion de benzène dans l'eau dépassait 100 fois le niveau maximal toléré.
Le , une station de pompage de la ville de Jilin a été fermée. Le , la ville de Songyuan a cessé de puiser de l'eau de la rivière et l'approvisionnement a été partiellement suspendu le pour n'être rétabli que le .

Harbin

Harbin en bordure de la Songhua (image NASA)

Ă€ 380 km en aval de Jilin se trouve la mĂ©tropole de Harbin, l'une des plus grandes villes chinoises, qui dĂ©pend de la rivière Songhua pour son approvisionnement en eau.

Le , Les autorités de Harbin ont annoncé la suspension de la distribution de l'eau par le réseau d'aqueducs à compter du mardi à minuit pour maintenance, décision qui fut prise avant l'annonce officielle de la catastrophe et qui ne la mentionnait pas[4]. Certains habitants de la ville ont toutefois déclaré que l'eau avait été coupée plus tôt que prévu.

Le soir même, les autorités firent une nouvelle annonce et mentionnèrent explicitement cette fois-ci les explosions de Jilin. La distribution d'eau fut rétablie le entre 9 h et 20 h afin de permettre aux habitants de faire des réserves, la nappe n'ayant pas encore atteint la ville. La fermeture du réseau fut décalée au à minuit, pour une durée de 4 jours.

La nappe de benzène a atteint la ville le 24 novembre peu avant l'aurore. On mesura ce jour des taux de nitrobenzène environ 17 fois supérieurs au taux normal tandis que le taux de benzène augmentait mais ne dépassait pas les niveaux autorisés. Le 25 novembre, le taux de nitrobenzène avait doublé et atteint plus de 33 fois la norme puis commença à diminuer, le taux de benzène restant sous la norme. Au même moment, la nappe de polluants avait fini de traverser les villes de Zhaoyuan et Daqing dans le Heilongjiang. Wen Jiabao, Premier ministre de la République populaire de Chine a visité Harbin le 26 novembre pour se rendre compte de la situation au niveau de la pollution et de l'approvisionnement en eau.

En réponse à la crise, des camions ont transporté jusqu'à Harbin des centaines de mètres cubes d'eau des villes avoisinantes ainsi que des milliers de tonnes de charbon actif de tout le pays. Afin d'éviter une explosion des prix de l'eau potable, le gouvernement de la ville a gelé les prix à leurs niveaux du . La ville a de plus creusé 95 puits supplémentaires pour puiser de l'eau dans les sources souterraines (complétant ainsi les 918 autres puits déjà existants). Une quinzaine d'hôpitaux sont restés de garde afin d'accueillir les premières victimes d'éventuelles contaminations.

Après 5 jours sans eau, la municipalité de Harbin a fait rétablir l'alimentation le dimanche à 18 heures, la nappe ayant traversé la ville. Afin de rassurer la population et de tenter d'étouffer les critiques concernant la gestion et l'annonce de la catastrophe par les autorités, Zhang Zuoji, le gouverneur du Heilongjiang a été le premier à boire un verre d'eau du robinet[5].

Jiamusi

Après Harbin, la nappe de polluants, qui dĂ©rive plus lentement Ă  cause du gel de la rivière, a atteint, aux environs du 3 dĂ©cembre, la ville de Jiamusi qui compte 480 000 habitants et 2 000 000 d'habitants dans son agglomĂ©ration. Les autoritĂ©s ont fait fermer une des usines de retraitement « en raison de la possible contamination de son approvisionnement en eau », selon un responsable municipal qui a requis l'anonymat. Cette usine fournit, selon l'agence officielle Xinhua (Chine nouvelle), entre 70 et 80 % de l'eau potable de la ville. L'eau courante n'a pas Ă©tĂ© entièrement coupĂ©e car la ville a Ă©galement accès Ă  des rĂ©serves en profondeur qui ne sont pas touchĂ©es par la pollution mais le gouvernement chinois a fait acheminer des milliers de bouteilles d'eau potable vers la ville ainsi que vers d'autres localitĂ©s le long du fleuve. Des panneaux d'avertissement avaient Ă©galement Ă©tĂ© disposĂ©s le long du fleuve pour empĂŞcher les riverains d'en boire l'eau, d'en pĂŞcher les poissons ou de s'y baigner[6].

Khabarovsk

La rivière Songhua se jette ensuite dans le fleuve Heilong qui prend le nom de Amour en Russie et arrose la ville de Khabarovsk (600 000 habitants) dans l'ExtrĂŞme-Orient russe. Depuis l'annonce officielle de l'explosion et la reconnaissance de la pollution le , les autoritĂ©s de la ville savaient que celle-ci serait touchĂ©e dans le courant du mois de dĂ©cembre. Les premières traces de benzène avaient d'ailleurs dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©es aux environs de la ville dès le [7]. La ville a ainsi pu prendre ses prĂ©cautions. Un barrage de ferraille et de sable de 300 mètres de long a Ă©tĂ© construit Ă  la hâte sur un des bras du fleuve Ă  quelques kilomètres Ă  l'ouest de la ville. Le coĂ»t de ce barrage est Ă©valuĂ© Ă  1,8 million d'euros et la Russie envisage de demander des compensations financières Ă  la Chine pour les surcoĂ»ts entraĂ®nĂ©s. 200 tonnes de charbon actif avaient Ă©tĂ© acheminĂ©es pour filtrer l'eau, d'après SergueĂŻ ChoĂŻgou, ministre des Situations d'urgence. Des camions citernes ont Ă©galement Ă©tĂ© rĂ©quisitionnĂ©s pour apporter de l'eau potable afin que les habitants puissent constituer des stocks en cas de coupure.
Natalya Zimina, porte-parole de l'administration rĂ©gionale, a dĂ©clarĂ© Ă  l'agence Associated Press : « La nappe est arrivĂ©e dans la ville. Les analyses ont confirmĂ© la prĂ©sence de nitrobenzène dans l'eau. Mais la concentration n'excède le niveau maximal acceptable et nous n'envisageons pas de couper l'approvisionnement en eau Ă  Khabarovsk ». Cependant, l'approvisionnement a Ă©tĂ© suspendu pour des vĂ©rifications Ă  KrasnaĂŻa Retchka, une citĂ© de 3 000 habitants de la banlieue sud de la ville[8].

Komsomolsk-sur-l'Amour

Dans la journĂ©e du 04/01/2006, la pollution a touchĂ© Komsomolsk-sur-l'Amour, la dernière grande agglomĂ©ration sur le fleuve Amour avant l'ocĂ©an Pacifique. D'après l'antenne locale du ministère russe des situations d'urgences, la nappe de benzène, qui atteint dorĂ©navant 200 km de long, n'a pas entraĂ®nĂ© de dĂ©passement des normes et l'eau courante n'a pas Ă©tĂ© coupĂ©e[9].

Pollution maritime

Le fleuve Amour traverse le Détroit de Nevelskoï et se jette dans la mer d'Okhotsk et la mer du Japon qui baigne le Japon, la Corée et l'Extrême-Orient russe. Malgré la dilution des produits toxiques, on craint des effets sur la faune et la flore locale.

Conséquences de cette pollution

Sur le plan Ă©cologique

Cette catastrophe a permis de révéler de graves défauts dans la gestion de l'environnement en Chine et en Russie, du fait des nombreuses réformes effectuées depuis la chute de l'Union soviétique.

  • Les effets Ă  court terme de cette pollution ont pu ĂŞtre minimisĂ©s en suspendant l'approvisionnement et en utilisant du charbon actif pour filtrer l'eau polluĂ©e mais des effets Ă  plus long terme sont Ă  prĂ©voir. En effet, la tempĂ©rature dans cette rĂ©gion de l’ExtrĂŞme-Orient asiatique est largement nĂ©gative et la Songhua tout comme l'Amour sont en partie gelĂ©s. Il est possible que du benzène soit prisonnier des glaces et puisse s'infiltrer dans les nappes phrĂ©atiques. Un des autres polluants, le nitrobenzène peut, quant Ă  lui, sĂ©dimenter au fond du lit du fleuve. Une pollution Ă  long terme pourrait donc ĂŞtre envisagĂ©e. De plus lors de la fonte des glaces au printemps prochain, des produits toxiques pourraient ĂŞtre de nouveau relâchĂ©s dans le fleuve. (Le Monde du 21/11/2005)
  • Les organisations World Wildlife Fund (WWF) et Greenpeace ont critiquĂ© Moscou pour sa gestion de la catastrophe et estiment que les agences crĂ©Ă©es pour remplacer les organisations Ă©tatiques chargĂ©es de surveiller l'environnement du temps de l'Union soviĂ©tique "ont une autoritĂ© très limitĂ©e, un personnel, ainsi que du matĂ©riel et des ressources financières insuffisants" [10].

Sur le plan politique

Cette catastrophe a révélé de nombreuses lacunes de gestion au niveau des autorités du complexe pétrochimique, des autorités locales ou même des organismes d'état chargés de surveiller l'environnement et de prévenir la population, aussi bien en Chine qu'en Russie. Cette pollution a également eu de nombreuses conséquences politiques :

  • Après l'explosion de l'usine de Jilin et la gestion calamiteuse des consĂ©quences immĂ©diates, le directeur gĂ©nĂ©ral et secrĂ©taire du Parti communiste du complexe pĂ©trochimique a Ă©tĂ© limogĂ©[11].
  • Ă€ la suite des tentatives faites pour Ă©touffer la catastrophe, le plus haut responsable chinois de l'environnement, Xie Zhenhua, directeur de SEPA (Agence d'État pour la protection de l'environnement) a dĂ©missionnĂ© le . Il a Ă©tĂ© remplacĂ© par Zhou Shengxian, jusqu'Ă  prĂ©sent directeur de l'administration des forĂŞts[12].
  • Au moment oĂą PĂ©kin annonçait la mise en place d'une enquĂŞte visant Ă  dĂ©masquer les officiels fautifs, le maire-adjoint de Jilin, Wang Wei, accusĂ© d'avoir tentĂ© de camoufler la catastrophe, s'est suicidĂ© et a Ă©tĂ© retrouvĂ© pendu[11].

Chronologie

  • : explosions dans une usine pĂ©trochimique Ă  Jilin Ă  380 km en amont d'Harbin qui provoque la mort d'au moins 5 personnes et la pollution de la rivière Songhua par une nappe de benzène de 80 km de long.
  • : la municipalitĂ© de Harbin, capitale du Heilongjiang, annonce que l'eau potable sera coupĂ©e Ă  partir du pour une durĂ©e de 4 jours en raison de travaux de maintenance.
  • : les mĂ©dias officiels confirment que la contamination de l'eau par les explosions est la cause de la suspension de l'approvisionnement en eau potable.
  • : arrivĂ©e de la nappe tĂ´t le matin dans les environs de Harbin.
  • : une explosion dans une usine pĂ©trochimique près de la ville de Chongqing, dans le centre de la Chine, fait un mort et trois blessĂ©s. Plus de 6 000 personnes sont Ă©vacuĂ©es en raison de craintes d'une contamination au benzène[13].
  • : la nappe ayant traversĂ© Harbin, la municipalitĂ© a dĂ©cidĂ© de rĂ©tablir l'eau potable.
  • : le consul gĂ©nĂ©ral chinois dans l'ExtrĂŞme-Orient russe fournit 150 tonnes de carbone pour filtrer l'eau de la ville de Khabarovsk, sur le fleuve Amour en Russie.
  • : la municipalitĂ© de Jiamusi, une ville de 480 000 habitants dans le Heilongjiang, dĂ©cide de fermer une de ses usines de retraitement des eaux.
  • : les autoritĂ©s russes et chinoises achèvent la construction d'un barrage de sacs de sable sur l'Amour.
  • : la nappe de benzène, d'une longueur de 180 km, atteint la ville de Khabarovsk.
  • : le gouvernement chinois approuve un plan quinquennal de plus de 10 milliards de yuans (1,04 milliard d'euros), qui seront investis pour rĂ©duire les rejets industriels, traiter les eaux usĂ©es et assurer la surveillance de la Songhua, polluĂ©e de façon chronique, et accidentellement par une nappe de benzène, Ă  la suite de la catastrophe de l'usine pĂ©trochimique de Jilin. Le plan se compose de plus de 100 projets de contrĂ´le industriel, plus de 70 projets d'Ă©puration des eaux usĂ©es urbaines et plus de 20 projets de prĂ©vention contre la pollution dans certaines zones importantes. Les projets seront principalement construits près des villes de Harbin, Changchun, Jilin, Qiqihar, Daqing, Jiamusi et de Mudanjiang, toutes le long du fleuve.

Notes et références

Lien externe

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