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Carbonatation du béton

La carbonatation du béton est un processus de vieillissement naturel du béton. En présence d'eau, elle est responsable de la dépassivation et de la corrosion de l'acier des armatures des bétons armés et précontraints et de l'éclatement de l'enrobage de béton protégeant les armatures en acier.

« Cancer du béton » : lorsque le front de carbonatation atteint l'armature métallique, celle-ci est atteinte de rouille qui fait augmenter le volume de l'acier, conduisant à l'éclatement du béton d'enrobage, ce qui provoque des délaminations, ou comme ici des épaufrures qui mettent à nu les armatures oxydées.

La rĂ©action chimique de carbonatation, associĂ©e Ă  un phĂ©nomĂšne de retrait dit « retrait de carbonatation »[1] entraĂźne des problĂšmes de durabilitĂ© puis de rĂ©sistance sur les structures en bĂ©ton armĂ©. Elle neutralise progressivement le milieu trĂšs alcalin (basique) du bĂ©ton. La consommation des ions hydroxyles (OH−) par le CO2 dissous dans l'eau et l'acide carbonique fait baisser le pH de l'eau interstitielle du bĂ©ton de plus de 12.5 Ă  8.5, ce qui initie la dĂ©passivation et provoque la corrosion de l'acier des armatures destinĂ©es Ă  reprendre les efforts internes de traction dans le bĂ©ton. Les armatures gonflent sous l'effet du foisonnement des produits de corrosion (oxydroxydes de fer) moins denses et font Ă©clater le bĂ©ton d'enrobage, qui subit en plus un retrait dĂ» Ă  la carbonatation. Les aciers sont alors mis Ă  nu et la vitesse de corrosion augmente.

Si la carbonatation est une source de dĂ©gradation du bĂ©ton armĂ© lorsqu'elle atteint la zone d'enrobage des armatures (notamment celle proches de la surface des parois au niveau des arĂȘtes des bĂątiments), ce phĂ©nomĂšne de vieillissement naturel n'est en gĂ©nĂ©ral pas nocif[2] et peut mĂȘme ĂȘtre bĂ©nĂ©fique pour le bĂ©ton car la formation de carbonate de calcium (CaCO3) colmate partiellement la porositĂ© de ce matĂ©riau, le rendant « moins permĂ©able aux agents agressifs (en l’occurrence les gaz CO2 et O2, mais aussi les ions sulfates, les chlorures, et plus gĂ©nĂ©ralement, les eaux agressives de type eau de mer, eaux sulfatĂ©es ou magnĂ©siennes, etc.)[3] ».

MĂ©canisme de la carbonatation

Lors de la fabrication du bĂ©ton, la quantitĂ© d'eau introduite pour l'hydratation de son ciment est toujours supĂ©rieure Ă  la quantitĂ© stƓchiomĂ©trique nĂ©cessaire. De ce fait, le ciment hydratĂ© est toujours un milieu poreux dont les pores sont d'abord remplis d'eau qui se chargent en ions pour respecter l'Ă©quilibre chimique avec les hydrates du ciment (portlandite, CSH, AFt, AFm...). Lorsque le matĂ©riau cimentaire sĂšche Ă  l'air libre, il se dĂ©sature en eau et les pores se remplissent partiellement d'air.

Le CO2 naturellement présent dans l'atmosphÚre est alors susceptible de diffuser à travers la phase gazeuse du ciment[4]. La diffusion dans la phase liquide est négligeable. On constate que les ciments totalement saturés en eau ne se carbonatent que sur leur couche limite du fait d'un colmatage immédiat des pores par formation de calcite.

Le CO2 prĂ©sent dans la phase gazeuse des pores se dissout dans la solution interstitielle pour former des ions carbonates qui rĂ©agissent principalement avec les ions calcium Ca2+. L'hydroxyde de calcium (Ca(OH)2) formĂ© durant le durcissement du bĂ©ton par l’hydratation des silicates de calcium bi- et tricalciques (SiO2, 2CaO) et (SiO2, 3CaO) et le dioxyde de carbone (CO2) crĂ©ent du carbonate de calcium (CaCO3)[5].

La modification de l'Ă©quilibre chimique entre les hydrates de la matrice cimentaire et la solution interstitielle entraĂźne une dissolution des hydrates. Le nouvel Ă©quilibre chimique correspond alors Ă  une solution bien plus acide qu'initialement. Le pH passe d'une valeur de 13 dans la zone non carbonatĂ©e (permettant la passivation de l'acier) Ă  une valeur infĂ©rieure Ă  9 dans la zone dĂ©gradĂ©e. Lorsque la zone de carbonatation atteint les armatures en acier, la corrosion du mĂ©tal peut commencer en formant des produits de corrosion (FeO(OH), Fe2O3·nH2O) plus volumineux que l'acier au carbone initialement prĂ©sent[6]. Cette rĂ©action expansive explique l'Ă©clatement du bĂ©ton autour des armatures corrodĂ©es. Toutefois, la carbonatation peut aussi augmenter l’impermĂ©abilitĂ© du bĂ©ton grĂące au colmatage de certains pores par les carbonates : l’absorption capillaire est rĂ©duite et la rĂ©sistance mĂ©canique est meilleure[7] - [8] - [9]. Ce phĂ©nomĂšne est gĂ©nĂ©ralement observĂ© pour les bĂ©tons utilisant du ciment Portland.

L’humiditĂ© relative de l’air joue un rĂŽle important sur la vitesse de carbonatation[10] - [11]. Pour les bĂ©tons courants, elle est maximale pour une humiditĂ© relative de l’ordre de 50-70 % et presque nulle en atmosphĂšre sĂšche ou saturĂ©e en eau[12] - [5]. La carbonatation est par consĂ©quent plus importante sur les surfaces protĂ©gĂ©es que sur celles exposĂ©es Ă  la pluie[13]. Une importante concentration en CO2 est Ă©galement un facteur augmentant la vitesse de carbonatation[11]. La cinĂ©tique de carbonatation, Ă©galement fonction de la tempĂ©rature[14], est rĂ©gie par la concurrence de l'effet thermique sur les transferts hydriques et sur la solubilitĂ© rĂ©trograde des rĂ©actifs. Les profondeurs carbonatĂ©es augmentent avec la tempĂ©rature jusqu'Ă  une tempĂ©rature limite, caractĂ©ristique de la formulation, au-delĂ  de laquelle la solubilitĂ© rĂ©trograde des rĂ©actifs deviendrait le facteur limitant.

La dĂ©termination de cette profondeur de carbonatation s’effectue sur une coupe fraĂźche de bĂ©ton. AprĂšs dĂ©poussiĂ©rage, on pulvĂ©rise un colorant sensible au pH, la phĂ©nolphtalĂ©ine (cancĂ©rigĂšne/mutagĂšne)[15] ou encore la thymolphtalĂ©ine[16] - [17]. La phĂ©nolphtalĂ©ine vire au rouge violacĂ© au contact de matĂ©riaux dont le pH est supĂ©rieur Ă  9,2 et demeure incolore pour les plus faibles valeurs de pH, c’est-Ă -dire pour les zones carbonatĂ©es.

Notes et références

  1. Houst Y.F (1989) Le retrait de carbonatation. Chantiers (Suisse), 20 (LTP-article-2008-036), 55-60 PDF, 6 pages.
  2. Mehrez Khemakhem et Omrane Benjeddou, Diagnostic, entretien et réparation des ouvrages en béton armé, Le Moniteur, , p. 18.
  3. Patrick Guiraud, « La carbonatation, un phénomÚne naturel bénéfique pour le béton », sur infociments.fr, .
  4. (en) « Influence of porosity and water content on the diffusivity of CO2 and O2 through hydrated cement paste », Cement and Concrete Research, vol. 24, no 6,‎ , p. 1165–1176 (ISSN 0008-8846, DOI 10.1016/0008-8846(94)90040-X, lire en ligne, consultĂ© le )
  5. (en) « Carbonation of cement paste: Understanding, challenges, and opportunities », Construction and Building Materials, vol. 117,‎ , p. 285–301 (ISSN 0950-0618, DOI 10.1016/j.conbuildmat.2016.04.138, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. (en) « Reinforced concrete structures: A review of corrosion mechanisms and advances in electrical methods for corrosion monitoring », Construction and Building Materials, vol. 269,‎ , p. 121240 (ISSN 0950-0618, DOI 10.1016/j.conbuildmat.2020.121240, lire en ligne, consultĂ© le )
  7. (en) S. E. Pihlajavaara, « Some results of the effect of carbonation on the porosity and pore size distribution of cement paste », MatĂ©riaux et Construction, vol. 1, no 6,‎ , p. 521–527 (ISSN 1871-6873, DOI 10.1007/BF02473640, lire en ligne, consultĂ© le )
  8. (en) « Impact of carbonation on unsaturated water transport properties of cement-based materials », Cement and Concrete Research, vol. 74,‎ , p. 44–58 (ISSN 0008-8846, DOI 10.1016/j.cemconres.2015.04.002, lire en ligne, consultĂ© le )
  9. (en) « Effect of carbonation on cement paste microstructure characterized by micro-computed tomography », Construction and Building Materials, vol. 263,‎ , p. 120079 (ISSN 0950-0618, DOI 10.1016/j.conbuildmat.2020.120079, lire en ligne, consultĂ© le )
  10. (en) Vagelis G. Papadakis, Costas G. Vayenas et Michael N. Fardis, « Physical and Chemical Characteristics Affecting the Durability of Concrete », Materials Journal, vol. 88, no 2,‎ , p. 186–196 (ISSN 0889-325X, DOI 10.14359/1993, lire en ligne, consultĂ© le )
  11. (en) Andreas Leemann et Fabrizio Moro, « Carbonation of concrete: the role of CO2 concentration, relative humidity and CO2 buffer capacity », Materials and Structures, vol. 50, no 1,‎ , p. 30 (ISSN 1871-6873, DOI 10.1617/s11527-016-0917-2, lire en ligne, consultĂ© le )
  12. (en) « Natural and accelerated CO2 binding kinetics in cement paste at different relative humidities », Cement and Concrete Research, vol. 49,‎ , p. 21–28 (ISSN 0008-8846, DOI 10.1016/j.cemconres.2013.03.009, lire en ligne, consultĂ© le )
  13. (en) « Impact of different climates on the resistance of concrete to natural carbonation », Construction and Building Materials, vol. 216,‎ , p. 450–467 (ISSN 0950-0618, DOI 10.1016/j.conbuildmat.2019.04.263, lire en ligne, consultĂ© le )
  14. (en) « Carbonation of cement-based materials: Challenges and opportunities », Construction and Building Materials, vol. 120,‎ , p. 558–570 (ISSN 0950-0618, DOI 10.1016/j.conbuildmat.2016.05.080, lire en ligne, consultĂ© le )
  15. (en) Alan R. Duggan, Jamie Goggins, Eoghan Clifford et Bryan A. McCabe, « The Use of Carbonation Depth Techniques on Stabilized Peat », Geotechnical Testing Journal, vol. 40, no 6,‎ , p. 1083–1100 (ISSN 0149-6115, DOI 10.1520/GTJ20160223, lire en ligne, consultĂ© le )
  16. (en) Myoung-Youl Yu, Jae-Yong Lee et Chul-Woo Chung, « The Application of Various Indicators for the Estimation of Carbonation and pH of Cement Based Materials », Journal of Testing and Evaluation, vol. 38, no 5,‎ , p. 534–540 (ISSN 0090-3973, DOI 10.1520/JTE102382, lire en ligne, consultĂ© le )
  17. (en) « Alternative pH-indicators for determination of carbonation depth on cement-based concretes », Cement and Concrete Composites, vol. 109,‎ , p. 103565 (ISSN 0958-9465, DOI 10.1016/j.cemconcomp.2020.103565, lire en ligne, consultĂ© le )

Bibliographie

  • (fr) MickaĂ«l Thiery, ModĂ©lisation de la Carbonatation atmosphĂ©rique des matĂ©riaux cimentaires, ThĂšse pour obtenir le grade de docteur de l'École des Ponts et ChaussĂ©es .
  • Sous la direction de Jean-Pierre Ollivier et AngĂ©lique Vichot pour l'ATILH - La durabilitĂ© du bĂ©ton - Presses de l'Ă©cole des Ponts et ChaussĂ©es - Paris - 2008 - (ISBN 978-2-85978-434-8)
  • (fr) Drouet Emeline (2010), Impact de la tempĂ©rature sur la carbonatation des matĂ©riaux cimentaires, ThĂšse pour obtenir le grade de docteur de l'École Normale SupĂ©rieure de Cachan .

Voir aussi

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