Camille Lepage
Camille Lepage, née le à Angers (Maine-et-Loire) et morte le en Centrafrique, est une photographe de guerre et journaliste française.
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(Ă 26 ans) RĂ©publique centrafricaine |
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Biographie
Formation
Camille Lepage est native d'Angers, oĂč son pĂšre est paysagiste et sa mĂšre DRH[1] - [2]. Elle y effectue ses Ă©tudes secondaires au lycĂ©e Saint-Martin, aujourd'hui ensemble scolaire Saint-BenoĂźt[3]. AprĂšs un Ă©chec au concours d'entrĂ©e Ă Sciences Po, passionnĂ©e de photojournalisme depuis son adolescence[3], elle part Ă©tudier le journalisme Ă lâuniversitĂ© de Southampton Solent en Angleterre, avec une annĂ©e Erasmus Ă la Hogeschool Utrecht aux Pays-Bas[4] et un stage d'Ă©tude Ă Rue89 comme rĂ©dactrice[4].
Travail au Soudan du Sud
Lors d'un second stage, de trois mois en Ăgypte[5], elle dĂ©couvre l'importance de la crise au Soudan, pays frontalier, qui vient d'ĂȘtre divisĂ©, et dĂ©cide de s'y installer comme multicarte[6] - [7], afin d'y mener un travail journalistique de longue haleine sur un conflit peu mĂ©diatisĂ©, dans le plus jeune pays du monde. Son ami Jonathan Pedneault se moque avec affection, car elle ne parviendra jamais Ă placer ses «âphotos de petits Noirs affamĂ©s »[8]. Sa lettre de motivation envoyĂ©e au studio Hans Lucas mentionne son souhait de « permettre une meilleure comprĂ©hension de fond dâune petite partie du monde, couvrir ces zones dĂ©laissĂ©es et rapporter de nouvelles images de rĂ©gions ignorĂ©es, voire oubliĂ©es »[9].âCette approche originale lui permet de gagner la confiance des populations, des sources d'information locales, puis d'ĂȘtre rĂ©compensĂ©e par des publications dans nombre de grands mĂ©dias prestigieux.
Le conflit des Monts Nubas
à Djouba, capitale du nouvel état du Soudan du Sud, elle trouve un emploi au sein du plus grand journal de ce nouveau pays : The Citizen (en)[5], loue pour 600 dollars une tente dans le camping d'un hÎtel et vend des photos à l'AFP, qui n'a pas de bureau dans la ville, puis parvient à partager une maison sans électricité avec la photographe roumaine Andreea Cùmpeanu, et à acheter une vieille moto[9].
Découvrant le conflit des Monts Nouba, elle décide de s'installer en décembre au Kordofan du Sud, malgré l'interdiction de ce territoire aux médias par le gouvernement soudanais, avant et aprÚs un bref retour en France passer son dernier Noël en famille[5], au cours duquel elle confie à un quotidien français sa colÚre de voir qu'aucun média ne couvre les bombardements des Monts Nouba.
Camille Lepage trouve ensuite un emploi dans un journal ougandais, ce qui lui permet de traverser Ă pied la frontiĂšre vers les Monts Nouba, oĂč la population meurt de faim dans les grottes oĂč elle a Ă©tĂ© contrainte de se rĂ©fugier, en raison des bombardements militaires effectuĂ©s par l'ethnie de la capitale soudanaise, qui a mis la main sur le pĂ©trole[10] Ă l'occasion de l'Ătat du Soudan du Sud.
En septembre 2013 [11], elle quitte le Soudan du Sud pour s'installer en Centrafrique afin de couvrir la guerre civile qui vient d'éclater, et à laquelle les médias ne s'intéressent pas encore. à peine arrivée, elle est interviewée par le site spécialisé Petapixel[7], qui a remarqué « détermination » et « regard intuitif » dans sa couverture des Monts Nouba au Soudan du Sud. Ses réponses dénoncent l'absence de la plupart des médias sur le front des Monts Nouba, car selon elle ils craignent de déplaire aux publicitaires pendant certaines périodes.
Travail en Centrafrique
Selon des médias de Guinée, Centrafrique et Burkina Faso, elle révÚle l'ampleur de la nouvelle guerre civile centrafricaine, « fratricide et absurde », en « témoignant par l'image de la réalité de la vie des populations prises en otage », grùce au succÚs de ses photos : Reuters, Associated Press, AFP, BBC, Le Monde, Wall Street Journal, Guardian[12], Sunday Times, le Washington Post[13], La Croix[14].
Amnesty International et MĂ©decins sans frontiĂšres[15] la font Ă©galement travailler, lui prĂȘtent un gilet pare-balles[16]. Sur le terrain, ses confrĂšres de l'Agence Centrafricaine de presse dĂ©couvrent l'utilitĂ© d'avoir dans leur pays une professionnelle assez engagĂ©e dans le long terme pour « capter toute lâhorreur des conflits des Monts Nuba »[17], se met Ă l'Ă©coute des rĂ©alitĂ©s locales, va « au contact » et surtout arrive « bien avant la mĂ©diatisation de la crise dans le pays avec le dĂ©barquement des Sangaris » français[17] - [9]. Avoir vĂ©cu au milieu de la population soudanaise, sans confort ni Ă©lectricitĂ©, lui a appris les codes intimes de la photo rĂ©ussie en Afrique (courtoisie, humour, bonne distance physique, acceptation du refus Ă©ventuel d'ĂȘtre photographiĂ©)[7].
Ă son arrivĂ©e Ă Bangui le 2 octobre 2013, elle est hĂ©bergĂ©e chez des expatriĂ©s Ă l'Institut Pasteur, puis par MĂ©decins sans frontiĂšres, avant de partager un appartement prĂȘtĂ© par des expatriĂ©s avec William Daniels, dĂ©barquĂ© fin novembre pour un deuxiĂšme sĂ©jour, qui a entendu parler de son sens du contact, lui permettant d'ĂȘtre « connue dans Bangui ». Elle lui prĂ©sente une famille dont une des femmes a Ă©tĂ© tuĂ©e par lâexplosion dâune grenade. Ses photos des funĂ©railles valent Ă ce dernier le prix World Press Photo. DĂ©but dĂ©cembre, face Ă l'aggravation des violences, ils dĂ©cident de dĂ©mĂ©nager dans un secteur de Bangui moins isolĂ©.
L'arrivée des Sangaris, des menaces et sanctions et deux assassinats de journalistes dix jours avant sa mort
La plus grande couverture du drame centrafricain dans la grande presse europĂ©enne et amĂ©ricaine contribue Ă la sensibilisation d'une partie de l'opinion publique. Le 5 dĂ©cembre 2013, une rĂ©solution de l'ONU confie Ă la France l'OpĂ©ration Sangaris[18], qui est plutĂŽt bien accueillie par l'opinion publique française. Ce bon accueil a lieu malgrĂ© un contexte centrafricain plus complexe, et plus difficile Ă comprendre que celui du Mali[19], oĂč les groupes islamistes combattus par les militaires français sont plus faciles Ă identifier. Peu aprĂšs, la Cour pĂ©nale internationale envoie une mission chargĂ©e d'enquĂȘter sur les exactions commises notamment par l'ex-rĂ©bellion SĂ©lĂ©ka, Ă majoritĂ© musulmane, au pouvoir entre mars 2013 et janvier 2014[20].
L'intervention internationale coĂŻncide avec des menaces et tracasseries contre les journalistes [21], dont Camille Lepage s'inquiĂšte lors de conversations avec RSF en dĂ©cembre, deux mois seulement aprĂšs son arrivĂ©e[22]. Les militaires français lui signalent assez rapidement que ses reportages lui font « prendre des risques », mais elle reçoit au mĂȘme moment un 2e prix du Pictures of the Year International[23] - [24].
En janvier, le procureur de Bangui Ghislain Gresenguet demande la fermeture du journal Le DĂ©mocrate et requiert un an et demi de prison contre son directeur Ferdinand Samba, accusĂ© de diffamation Ă l'encontre de Sylvain Doutingai, ministre dâĂtat aux finances et cousin du chef de lâĂtat Michel Djotodia[25]. En janvier, le gouvernement est renversĂ© mais les persĂ©cutions continuent. MenacĂ© de mort, Ferdinand Samba fuit le pays[26]. En avril, c'est RĂ©gis Zouiri et Patrick StĂ©phane Akibata, respectivement directeurs des journaux PalmarĂšs et Le Peuple, qui sont dĂ©tenus plusieurs jours Ă Bangui, Ă la suite d'articles jugĂ©s diffamatoires contre la prĂ©sidente de transition, Catherine Samba-Panza[27].
Dans la nuit du 29 avril, des bandes armĂ©es attaquent les domiciles de deux autres journalistes centrafricains. DĂ©sirĂ© Sayenga, rĂ©dacteur au journal Le DĂ©mocrate, atteint au thorax[28], succombe Ă ses blessures le lendemain. RenĂ© Padou, de la radio protestante Voix de la GrĂące, ne survit que jusqu'au 5 mai, son frĂšre aĂźnĂ© dĂ©cĂ©dant aussi, selon une source policiĂšre[29]. Au soir dâune marche pour protester contre ces deux assassinats, des menaces de mort sont profĂ©rĂ©es contre des journalistes de Radio Ndeke Luka. Camille Lepage, aprĂšs une semaine Ă New York pour rencontrer des rĂ©dacteurs en chef[30], est alors revenue dans la brousse et sera assassinĂ©e quatre jours plus tard. RSF constate au mĂȘme moment que nombre de journalistes "ont Ă©tĂ© contraints de se cacher ou de quitter le pays aprĂšs avoir fait lâobjet de menaces de mort" et que "la majoritĂ© des journalistes centrafricains nâexerce plus et ceux qui lâosent se voient rĂ©guliĂšrement menacĂ©s"[26]. La Centrafrique avait jusqu'ici Ă©tĂ© relativement Ă©pargnĂ©e par la censure (2986 journalistes, arrĂȘtĂ©s, agressĂ©s ou menacĂ©s dans le monde en 2013, et 36 assassinĂ©s, soit la moitiĂ© des 71 morts au travail). Sept ont Ă©tĂ© assassinĂ©s en particulier en Somalie, autre pays sous la coupe de milices islamiques.
Tuée à moto, sur la route d'un reportage à la frontiÚre camerounaise
Camille Lepage est tuĂ©e d'une balle dans la tĂȘte le 12 mai 2014. Souhaitant couvrir le problĂšme de l'exploitation diamantifĂšre, elle a dĂ©cidĂ© d'accompagner son ami canadien Jonathan Pedneault, formateur radio, envoyĂ© par une ONG pour une tournĂ©e d'un mois dans lâouest du pays. Ă BerbĂ©rati, au cĆur du premier bassin diamantifĂšre du monde (un million de carats par an), ils sont hĂ©bergĂ©s par Hassan Fawaz, nĂ©gociant libanais en diamants. Ils rencontrent son ami, le « colonel Rock » , des anti-balaka[31]. Le 3 mai, Camille Lepage accompagne le groupe de ce dernier Ă Nao pour une journĂ©e, puis dĂ©cide de repartir avec eux pour cinq jours, Jonathan devant rentrer Ă Bangui. Une amie commune, Katarina, reçoit un appel vers 20 heures, le 10 mai, deux jours avant le retour : « Camille avait des informations Ă transmettre par message texte », a expliquĂ© Jonathan Ă Paris Match. Mais le message texte n'aboutira jamais. Elle est tuĂ©e le lendemain, alors qu'elle venait de traverser le village de Ngambongo, sans son gilet pare-balles, approchant Ă moto de la frontiĂšre camerounaise, selon John MiladĂ©, responsable d'une petite Ă©quipe de militants anti-balaka qui l'escortaient[32]. TrĂšs tĂŽt le matin, elle avait filmĂ© et photographiĂ© les attaques de mercenaires de l'ex-Seleka, lourdement armĂ©s, contre un village habitĂ© par les anti-balaka. Les motos se rendaient au village de Gbambia, prĂšs de Gbiti, la localitĂ© voisine camerounaise, pour un autre reportage de Camille Lepage[33] - [34].
Les premiĂšres motos passĂ©es, les ex-Seleka tirent sur l'arriĂšre du convoi, tuant la journaliste d'une balle dans la tĂȘte. Entendant les coups de feu, l'avant du convoi fait demi-tour[35] et riposte[35]. Le combat dure une demi-heure. Les assaillants, qui ont pris les appareils photos de la journaliste, fuient en laissant des armes et les corps de six des leurs. Les anti-balaka ramĂšnent les corps de Camille Lepage et quatre des leurs au dispensaire de Gallo-Bouyau. Dans cette bourgade de 17 000 habitants, « la population a barricadĂ© la route pour protester contre le dĂ©sarmement par la Force Sangaris des anti-balaka qui ramenaient les corps »[35]. Finalement un accord est trouvĂ© pour qu'ils puissent les ramener, dans un 4Ă4 et protĂ©gĂ©s par du linge, jusquâĂ Bouar[36], lieu d'une importante mission catholique. Pendant ce temps-lĂ , Jonathan Pedneault, qui a appris le dĂ©cĂšs par Hassan Fawaz, appelle son correspondant sur place et apprend que les corps vont ĂȘtre ramenĂ©s. Il interroge le porte-parole de la force Sangaris, qui affirme nâĂȘtre au courant de rien[31].
Le surlendemain de l'embuscade, les cinq corps sont remis aux militaires français. Le projet de les ramener jusqu'à Bouar ne se concrétise pas. L'adjudant Yannick, de l'opération Sangaris, alors en patrouille vers Gallo-Bouyau, témoigne[37]:
« Le responsable du 4x4 est descendu et câest lĂ quâil mâa annoncĂ© quâil y avait cinq corps dans le 4Ă4, dont celui dâune journaliste française. Ils mâont dit que ce nâĂ©tait pas eux, que câĂ©tait une bande armĂ©e qui Ă©tait Ă 80 kilomĂštres au sud de lĂ oĂč jâĂ©tais. Ils venaient pour ramener les corps au dispensaire de Gallo[38]. »
Peu aprÚs, la présidence de la République française annonce sa mort[39] et demande que « ses assassins ne soient pas impunis ». Camille Lepage est le vingtiÚme journaliste français mort au travail en 25 ans, dont cinq ont été assassinés, tous en Afrique sub-saharienne[40], parmi lesquels Ghislaine Dupont et Claude Verlon (RFI), tués à proximité de Kidal (Mali) à l'automne 2013, et Jean HélÚne et Guy-André Kieffer, tous deux assassinés en CÎte d'Ivoire en 2004.
Le 10 septembre 2016, François Hollande rendait hommage à Camille Lepage en ces termes[41] :
« Le 12 mai 2014, Camille Lepage, une jeune photographe de grand talent, ĂągĂ©e dâĂ peine vingt-six ans, Ă©tait tuĂ©e en Centrafrique alors quâelle effectuait un reportage dans lâOuest du pays. Jâavais partagĂ© le chagrin de sa famille et de ses proches, lors du retour de sa dĂ©pouille Ă Paris. Aujourdâhui, au ministĂšre de la Culture et de la Communication, Ă©taient exposĂ©s quinze clichĂ©s rĂ©alisĂ©s par Camille Lepage au Soudan du Sud et en Centrafrique. Ils nous saisissent par lâhorreur des scĂšnes que ses photos rĂ©vĂšlent et la profonde humanitĂ© quâelle mettait pour capter le visage de celles et ceux qui espĂ©raient encore. Camille Lepage avait un grand talent et un immense courage. Elle accomplissait son mĂ©tier comme une mission humanitaire. Elle voulait tĂ©moigner de ce que subissent les populations civiles quand lâacharnement de milices ou de factions provoquent les pires exactions dans lâindiffĂ©rence et le silence. Elle voulait alerter, informer pour que nul nâignore ces drames. La famille de Camille a crĂ©Ă© au lendemain de sa disparition une association qui, chaque annĂ©e, distingue le travail dâun photojournaliste par la remise dâun prix. Ils lâont appelĂ© du beau nom de « Camille Lepage - On est ensemble ». Nous sommes ensemble. Câest le message que je souhaite adresser aux photographes et aux journalistes qui, comme le fit Camille Lepage, sâengagent au pĂ©ril de leur vie pour nous mettre sous les yeux les souffrances des peuples martyrs. Ce fut aussi lâhonneur des militaires français que de contribuer Ă les faire cesser en Centrafrique. Camille Lepage est le vingtiĂšme journaliste français mort en mission. Celle de nous informer. Partout et toujours. »
L'enquĂȘte sur son assassinat
Une enquĂȘte prĂ©liminaire est lancĂ©e quelques jours aprĂšs sa mort. L'Ă©tape suivante est l'ouverture d'une information judiciaire, rĂ©vĂ©lĂ©e par la presse le 28 mai. DâaprĂšs le rapport dâautopsie, selon une source proche de lâenquĂȘte, la journaliste est morte d'une balle dans la tĂȘte[42]. Deux juges dâinstruction du Tribunal de grande instance de Paris sont dĂ©signĂ©s : RaphaĂ«lle Agenie-FĂ©camp et Virginie Van Geyte. Les enquĂȘteurs de l'Office central pour la rĂ©pression des violences aux personnes prĂ©voient de se rendre sur le terrain, Ă la frontiĂšre de la Centrafrique avec le Cameroun, avec lâaide de lâarmĂ©e française. Un mois aprĂšs, lâenquĂȘte piĂ©tine pour dĂ©terminer les circonstances de son assassinat[43]. Le 19 juin, la France a envoyĂ© ses enquĂȘteurs en Centrafrique afin de poursuivre les investigations[44].
En mai 2016, l'enquĂȘte n'a toujours pas Ă©tĂ© Ă©lucidĂ©e. La mĂšre de Camille Lepage dĂ©clare « Deux ans aprĂšs, on ne sait toujours pas qui sont les assaillants »[45].
En 2018, dâaprĂšs des informations recueillies par RSF, l'avocat de la famille Lepage affirme que le dossier dâinstruction sur lâaffaire Camille Lepage a disparu ce qui contraint les magistrats Ă reporter le procĂšs dâassises qui devait initialement se tenir au dĂ©but de lâannĂ©e 2018[46].
RĂ©actions Ă l'assassinat
Son assassinat est condamnĂ© par le Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies[47], dans une dĂ©claration inhabituellement axĂ©e sur la libertĂ© de la presse, appelant le gouvernement de transition de la RĂ©publique centrafricaine Ă enquĂȘter rapidement sur cet incident et Ă traduire les coupables en justice[48].
Les grands mĂ©dias amĂ©ricains, influents auprĂšs des dĂ©cideurs, expliquent immĂ©diatement l'enjeu. DĂšs l'annonce du meurtre Associated Press estime que le dĂ©cĂšs de cette reporter « trĂšs talentueuse » soulĂšve la question de l'aggravation des conditions de travail des mĂ©dias dans les rĂ©gions trĂšs instables[49]. Le Washington Post rappelle qu'elle avait dĂ©veloppĂ©, par un investissement de deux ans, une Ă©coute des populations oubliĂ©es ou marginalisĂ©es, au moment oĂč un quart des habitants de Centrafrique est dĂ©placĂ© Ă cause des violences[50].
La colĂšre monte en particulier dans la presse africaine. L'Agence centrafricaine de presse s'inquiĂšte de la disparition d'une professionnelle assez engagĂ©e dans le long terme pour « capter toute lâhorreur des conflits », capable « d'aller au contact » et d'arriver « bien avant la mĂ©diatisation de la crise dans le pays » et le dĂ©barquement des Sangaris français [51]. Le Syndicat des journalistes ivoiriens condamne les trois « assassinats », y voyant une intention de « museler » la presse en Centrafrique et invite toutes les parties prenantes dans la rĂ©solution de la crise Ă assurer « une meilleure sĂ©curitĂ© des citoyens dont les journalistes et professionnels des mĂ©dias ». La presse guinĂ©enne juge que ce meurtre pose le problĂšme du « devoir de tĂ©moignage » dans les « zones les plus dangereuses »[52] et le ministre guinĂ©en de l'Administration du territoire, Aristide Sokambi, y voit « un coup dur qui est portĂ© Ă la transition, par ceux qui ne veulent absolument pas que la paix revienne dans ce pays, ceux qui continuent de tirer les ficelles des violences ». Le CPJ, association Ă but non lucratif fondĂ©e en 1981, demande Ă connaĂźtre les circonstances de l'embuscade[53].
AprĂšs sa mort, certains reporters font remarquer que l'investissement trĂšs important des photoreporters comme Camille Lepage pourrait ĂȘtre mieux reconnu par les mĂ©dias [16], qui attendent de choisir les meilleures photos, sans passer commande, systĂšme de plus en plus critiquĂ© car il exerce une forme de pression Ă la prise de risque[16]. Elle avait dĂ©plorĂ© dans une interview que sa couverture soit infĂ©odĂ©e Ă l'agenda des mĂ©dias. Autre consĂ©quence, le manque de moyens, la journaliste voyageant en moto, Ă pied ou dans des vieux taxis[16].
L'AFP reprend aussi une enquĂȘte de la SCAM de novembre 2013 indiquant que bon nombre de photoreporters de guerre n'ont pas de contrat d'assurances lorsqu'ils partent faire leur mĂ©tier[54], et qu'un sur deux a des revenus de moins de 1 000 euros par mois. Plus globalement, les reporters de guerre (incluant les rĂ©dacteurs et les reporters de tĂ©lĂ©vision) sont mieux payĂ©s: la moitiĂ© a un revenu annuel d'au moins 40 000 euros[54]. Camille Lepage travaillait installĂ©e dans le pays, pour mieux comprendre les rĂ©alitĂ©s locales, Ă l'Ă©coute de la population et des organisations non-gouvernementales, sur un mode non-intrusif et plus apte Ă se faufiler sur tous les terrains.
Distinctions
- Camille Lepage : deuxiÚme prix, dans la catégorie « Portrait » en février 2014, pour la série Vanishing Youth[23] - [24], au Pictures of the Year International (POYi). Datant de 1944, le plus ancien et l'un des plus prestigieux et respecté concours de photojournalisme dans le Monde (avec le World Press Photo of the Year et le Prix Pulitzer ), selon le magazine suisse L'Hebdo[55] et l'agence Reuters[56].
- « Coup de cĆur » de lâA.N.I. (association nationale des iconographes), lors du festival Visa pour l'image en 2013 [57]
- Finaliste de la bourse du Talent #57 de photographie.com en 2014 pour son reportage On est ensemble[58], réalisé en Centrafrique. dans la catégorie Reportage[59] - [60].
- Photo du jour du 15 juillet 2013 sur The New York Times [61]
- Bourse du talent reportage 2014 - Prix exceptionnel de la photographie, juin 2014 [62] - [63]
- Prix de la Fondation Manuel Rivera-Ortiz[64] - [65] - [66] - [67]
Hommages
- Le 3 mai 2019, une Place Ghislaine-Dupont-Claude-Verlon-Camille-Lepage est inaugurée dans le 2e arrondissement de Paris, en hommage aux trois journalistes tués[68].
- Le collÚge public de Loireauxence en Loire-Atlantique, inauguré à la rentrée 2021, reçoit officiellement le nom de Camille Lepage le 23 juin 2022[69].
- Depuis le 25 novembre 2022, le nouvel amphithéùtre de l'ensemble scolaire Saint-Benoßt à Angers porte le nom de Camille Lepage, ancienne élÚve du collÚge et du lycée.
Biographie cinématographique
- 2019 : Camille, film réalisé par Boris Lojkine qui revient sur le parcours de Camille Lepage en Afrique jusqu'à son assassinat. Le rÎle-titre est interprété par l'actrice Nina Meurisse.
Expositions
- Camille Lepage, photojournaliste, Grand Théùtre d'Angers, (novembre - décembre 2014)[70].
- Le travail de Camille Lepage exposé à la BibliothÚque nationale de France (BnF) dans le cadre de l'édition 2014 de la Bourse du talent (décembre 2014 - février 2015)[71].
Prix Camille Lepage
Le prix Camille Lepage crĂ©Ă© par l'association « Camille Lepage â On est ensemble » vise Ă encourager le travail dâun photojournaliste. Il est dĂ©cernĂ© chaque annĂ©e pendant le festival international du photojournalisme Visa pour l'image Ă Perpignan.
Ouvrage
- RĂ©publique Centrafricaine : On est ensemble[72], Paris, Collection des photographes - CDP Ăditions, , 64 p. (ISBN 978-2-35130-157-9).
- Pure colĂšre, Paris, Ă©ditions de la MartiniĂšre, , 160 p. (ISBN 978-2-7324-8211-8).
Notes et références
- Florence Pagneux, « Maryvonne et Camille Lepage, toujours ensemble », sur La Croix,
- Flore Olive, « Meurtre d'une photojournaliste », sur Paris Match,
- « Camille Lepage, une « force de caractÚre impressionnante », selon sa mÚre » par l'AFP sur Liberation.fr et lamontagne.fr le 14 mai 2014
- Camille Lepage, tuée en Centrafrique, avait fait « un bout de rue » avec nous sur le site Rue89 le 13 mai 2014
- « Le combat de Camille au Soudan », article de Mireille Puau dans Le Courrier de l'Ouest du 30 décembre 2012
- Site du distributeur de ses photos
- Hidden World of South Sudan: An Interview with Photojournalist Camille Lepage sur le site petapixel.com publié le 22 octobre 2013
- DĂ©claration de Jonathan Pedneault dans Paris Match
- « Meurtre d'une photojournaliste » par Flore Olive, dans Paris Match du 21 mai 2014
- « Le pétrole brouille l'avenir du Sud-Soudan », par Tanguy Berthemet dans Le Figaro du 11/07/2011
- Analyse du journal burkinabé FasoZine reprise sur Courrier International
- French photojournalist Camille Lepage killed in Central African Republic sur le site du Guardian le 13 mai 2014
- The work of Camille Lepage, French photojournalist killed in Africa sur le site du Washington Post consulté le 16 mai 2014
- Laurent Larcher, « Camille Lepage, journaliste française, tuée en Centrafrique » sur le site de La Croix le 13 mai 2014
- âFrench journalist Camille Lepage killed in CARâ, bbc.com, le 13 mai 2014.
- Analyse de l'AFP sur la nécessité de donner plus de moyens, sécurité et publications aux photoreporters de guerre indépendants
- Commentaire Ă©logieux sur le site de l'Agence Centrafricaine de presse
- Commentaire de l'Agence Centrafricaine de presse
- Sondage, dans Ouest-France
- « Centrafrique: arrivée d'une premiÚre mission de la Cour pénale internationale » par l'AFP, sur le site de Jeune Afrique, le 8 mai 2014
- « Médias: la Fondation Hirondelle primée » Le Figaro 04/06/2014
- Communiqué RSF
- (en)Winners of the Seventy-First Annual Pictures of the Year International Competition sur le site poyi.org, consultée le 15 mai 2014
- (en) POY â Second Place â Camille Lepage.
- "Affaire Ferdinand Samba, les magistrats donneront-ils raison à François Bozize?"
- "RCA: des journalistes poursuivis pour «outrage au chef de lâĂtat", par RFI
- « Centrafrique: un journaliste tué dans des violences intercommunautaires », par l'AFP, sur le site de Jeune Afrique, le 1er mai 2014
- « Centrafrique: décÚs d'un journaliste griÚvement blessé », par l'AFP, le 5 mai 2014
- « Meurtre d'une photojournaliste » par Flore Olive, dans Paris Match du 21 mai 2014
- « Meurtre d'une photojournaliste » par Flore Olive, dans Paris Match du 21 mai 2014
- Témoignage de John Miladé au micro de Radio Siriri, le 15 mai 2014, dans le diocÚse de Bouar
- selon des informations recueillies par le pÚre Jean Marius Zoumlade, de la mission catholique de Bouar et directeur de la Radio Siriri « Comment Camille Lepage a été assassinée ! » sur le site LNC Agence centrafricaine de presse citant des déclarations faites au micro de Radio Siriri
- Témoignage de John Miladé au micro de Radio siriri, le 15 mai 2014, dans le diocÚse de Bouar
- Témoignage d'Achille Hamazoudé, "Comzone" des anti-balaka de Galo-Bouyau, Blog "Lignes de Défense", de Philippe Chafgeau, hébergé parOuest-France
- Interrogé par RFI le 17 mai
- RFI : Camille Lepage: témoignage du militaire qui a trouvé son corps
- Une photojournaliste française tuĂ©e en Centrafrique sur lemonde.fr le 14 mai 2014 Ă partir de dĂ©pĂȘches AFP et Reuters.
- Des journalistes français tués dans l'exercice de leur métier, AFP, 15 mai 2014
- François Hollande, , sur Page officielle de François Hollande, président de la République Française. www.elysee.fr., samedi 10 septembre 2016. https://www.facebook.com/francoishollande.fr/posts/10154562649947502?pnref=story
- "Deux juges dâinstruction vont enquĂȘter sur la mort de Camille Lepage", par Frederic Gerschel et Sandrine Briclo, dans Le Parisien du 26 mai 2014
- Camille Lepage, l'enquĂȘte piĂ©tine, Le Point, 11 juin 2014.
- 19 juin 2014 - Les enquĂȘteurs français sont arrivĂ©s en Centrafrique
- DĂ©cĂšs de Camille Lepage: deux ans aprĂšs, l'enquĂȘte piĂ©tine toujours sur RFI, 12 mai 2016
- rsf.org/fr/actualites/le-dossier-dinstruction-de-camille-lepage-perdu-bangui
- DĂ©claration officielle, site de l'ONU
- « L'ONU au secours des paysans centrafricains », dans Paris Normandie du 16 mai
- STEVE NIKO et KRISTA LARSON, pour l'Associated Press, sur l'aggravation des conditions de travail des médias en Afrique, le 13 mai 2014
- « Though heart-achingly young, Lepage had already distinguished herself through her work over the past two years out of central Africa, first in Sudan and later in the Central African Republic », dans le Washington Post
- Commentaire de l'Agence Centrafricaine de presse
- « CAMILLE LEPAGE : Morte pour la Centrafrique », par Maria de Babia, sur Guinée Info du 16 mai 2014
- « Le CPJ exige une enquĂȘte sur la mort de la photo-journaliste en RCA », cpj.org, le 13 mai 2014.
- EnquĂȘte de la SCAM de novembre 2013 (page 10)
- Luc Debraine, « Concours « Photos de l'annĂ©e » â Une guerre un peu trop jolie », hebdo.ch, 16 fĂ©vrier 2011.
- « Pictures of the Year International Awards Announced », insideagency.reuters.com, 1er mars 2013.
- « Les députés observent une minute de silence en hommage à Camille Lepage » sur le site Liberation.fr le 14 mai 2014
- http://www.photographie.com/folio/camille-lepage-la-guerre-etouffe
- Présentation du reportage sur le site photographie.com
- Page sur le site du studio Hans Lucas consultée le 14 mai 2014
- (en) « Pictures of the Day: South Sudan and Elsewhere », 15 juillet 2013.
- « Bourse du talent reportage 2014 - Prix exceptionnel de la photographie », 12 juin 2014
- « Picto.fr Bourse du talent 2014 »
- Slain « French Photographer Camille Lepage to receive Manuel Rivera-Ortiz Foundation Prize »
- « Camille Lepage reçoit le prix d'honneur de la fondation Manuel Rivera-Ortiz »
- « Un prix posthume pour lâAngevine Camille Lepage Ă Arles », Le Courrier de l'Ouest (consultĂ© le )
- Photo Fans (Chine)
- AFP, « Une place inaugurée à Paris en hommage à trois journalistes français tués », sur Le Monde,
- Ouest-France/Presse Océan, 23 juin 2022.
- « Exposition exceptionnelle en hommage à la photojournaliste Camille Lepage », rfi.fr, consulté le 28 décembre 2014.
- « Le travail poignant de la photo-journaliste Camille Lepage exposé à la BnF », Culturebox.francetvinfo.fr, consulté le 4 janvier 2015.
- « ââRĂ©publique Centrafrique : on est ensemble - Camille Lepageââ », sur Collection des Photographes
Liens externes
- Article de presse sur Camille Lepage avant son assassinat : « Le monde caché du Soudan du Sud, interview de Camille Lepage » à Petapixel, site américain spécialisé dans le photoreportage, le 22 octobre 2013
- Association Camille Lepage - On est ensemble
- Site officiel