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Camille Lepage

Camille Lepage, née le à Angers (Maine-et-Loire) et morte le en Centrafrique, est une photographe de guerre et journaliste française.

Camille Lepage
Camille Lepage.
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Biographie

Formation

Camille Lepage est native d'Angers, oĂč son pĂšre est paysagiste et sa mĂšre DRH[1] - [2]. Elle y effectue ses Ă©tudes secondaires au lycĂ©e Saint-Martin, aujourd'hui ensemble scolaire Saint-BenoĂźt[3]. AprĂšs un Ă©chec au concours d'entrĂ©e Ă  Sciences Po, passionnĂ©e de photojournalisme depuis son adolescence[3], elle part Ă©tudier le journalisme Ă  l’universitĂ© de Southampton Solent en Angleterre, avec une annĂ©e Erasmus Ă  la Hogeschool Utrecht aux Pays-Bas[4] et un stage d'Ă©tude Ă  Rue89 comme rĂ©dactrice[4].

Travail au Soudan du Sud

Lors d'un second stage, de trois mois en Égypte[5], elle dĂ©couvre l'importance de la crise au Soudan, pays frontalier, qui vient d'ĂȘtre divisĂ©, et dĂ©cide de s'y installer comme multicarte[6] - [7], afin d'y mener un travail journalistique de longue haleine sur un conflit peu mĂ©diatisĂ©, dans le plus jeune pays du monde. Son ami Jonathan Pedneault se moque avec affection, car elle ne parviendra jamais Ă  placer ses « photos de petits Noirs affamĂ©s »[8]. Sa lettre de motivation envoyĂ©e au studio Hans Lucas mentionne son souhait de « permettre une meilleure comprĂ©hension de fond d’une petite partie du monde, couvrir ces zones dĂ©laissĂ©es et rapporter de nouvelles images de rĂ©gions ignorĂ©es, voire oubliĂ©es »[9]. Cette approche originale lui permet de gagner la confiance des populations, des sources d'information locales, puis d'ĂȘtre rĂ©compensĂ©e par des publications dans nombre de grands mĂ©dias prestigieux.

Le conflit des Monts Nubas

À Djouba, capitale du nouvel Ă©tat du Soudan du Sud, elle trouve un emploi au sein du plus grand journal de ce nouveau pays : The Citizen (en)[5], loue pour 600 dollars une tente dans le camping d'un hĂŽtel et vend des photos Ă  l'AFP, qui n'a pas de bureau dans la ville, puis parvient Ă  partager une maison sans Ă©lectricitĂ© avec la photographe roumaine Andreea CĂąmpeanu, et Ă  acheter une vieille moto[9].

Découvrant le conflit des Monts Nouba, elle décide de s'installer en décembre au Kordofan du Sud, malgré l'interdiction de ce territoire aux médias par le gouvernement soudanais, avant et aprÚs un bref retour en France passer son dernier Noël en famille[5], au cours duquel elle confie à un quotidien français sa colÚre de voir qu'aucun média ne couvre les bombardements des Monts Nouba.

Camille Lepage trouve ensuite un emploi dans un journal ougandais, ce qui lui permet de traverser Ă  pied la frontiĂšre vers les Monts Nouba, oĂč la population meurt de faim dans les grottes oĂč elle a Ă©tĂ© contrainte de se rĂ©fugier, en raison des bombardements militaires effectuĂ©s par l'ethnie de la capitale soudanaise, qui a mis la main sur le pĂ©trole[10] Ă  l'occasion de l'État du Soudan du Sud.

En septembre 2013 [11], elle quitte le Soudan du Sud pour s'installer en Centrafrique afin de couvrir la guerre civile qui vient d'Ă©clater, et Ă  laquelle les mĂ©dias ne s'intĂ©ressent pas encore. À peine arrivĂ©e, elle est interviewĂ©e par le site spĂ©cialisĂ© Petapixel[7], qui a remarquĂ© « dĂ©termination » et « regard intuitif » dans sa couverture des Monts Nouba au Soudan du Sud. Ses rĂ©ponses dĂ©noncent l'absence de la plupart des mĂ©dias sur le front des Monts Nouba, car selon elle ils craignent de dĂ©plaire aux publicitaires pendant certaines pĂ©riodes.

Travail en Centrafrique

Selon des médias de Guinée, Centrafrique et Burkina Faso, elle révÚle l'ampleur de la nouvelle guerre civile centrafricaine, « fratricide et absurde », en « témoignant par l'image de la réalité de la vie des populations prises en otage », grùce au succÚs de ses photos : Reuters, Associated Press, AFP, BBC, Le Monde, Wall Street Journal, Guardian[12], Sunday Times, le Washington Post[13], La Croix[14].

Amnesty International et MĂ©decins sans frontiĂšres[15] la font Ă©galement travailler, lui prĂȘtent un gilet pare-balles[16]. Sur le terrain, ses confrĂšres de l'Agence Centrafricaine de presse dĂ©couvrent l'utilitĂ© d'avoir dans leur pays une professionnelle assez engagĂ©e dans le long terme pour « capter toute l’horreur des conflits des Monts Nuba »[17], se met Ă  l'Ă©coute des rĂ©alitĂ©s locales, va « au contact » et surtout arrive « bien avant la mĂ©diatisation de la crise dans le pays avec le dĂ©barquement des Sangaris » français[17] - [9]. Avoir vĂ©cu au milieu de la population soudanaise, sans confort ni Ă©lectricitĂ©, lui a appris les codes intimes de la photo rĂ©ussie en Afrique (courtoisie, humour, bonne distance physique, acceptation du refus Ă©ventuel d'ĂȘtre photographiĂ©)[7].

À son arrivĂ©e Ă  Bangui le 2 octobre 2013, elle est hĂ©bergĂ©e chez des expatriĂ©s Ă  l'Institut Pasteur, puis par MĂ©decins sans frontiĂšres, avant de partager un appartement prĂȘtĂ© par des expatriĂ©s avec William Daniels, dĂ©barquĂ© fin novembre pour un deuxiĂšme sĂ©jour, qui a entendu parler de son sens du contact, lui permettant d'ĂȘtre « connue dans Bangui ». Elle lui prĂ©sente une famille dont une des femmes a Ă©tĂ© tuĂ©e par l’explosion d’une grenade. Ses photos des funĂ©railles valent Ă  ce dernier le prix World Press Photo. DĂ©but dĂ©cembre, face Ă  l'aggravation des violences, ils dĂ©cident de dĂ©mĂ©nager dans un secteur de Bangui moins isolĂ©.

L'arrivée des Sangaris, des menaces et sanctions et deux assassinats de journalistes dix jours avant sa mort

La plus grande couverture du drame centrafricain dans la grande presse europĂ©enne et amĂ©ricaine contribue Ă  la sensibilisation d'une partie de l'opinion publique. Le 5 dĂ©cembre 2013, une rĂ©solution de l'ONU confie Ă  la France l'OpĂ©ration Sangaris[18], qui est plutĂŽt bien accueillie par l'opinion publique française. Ce bon accueil a lieu malgrĂ© un contexte centrafricain plus complexe, et plus difficile Ă  comprendre que celui du Mali[19], oĂč les groupes islamistes combattus par les militaires français sont plus faciles Ă  identifier. Peu aprĂšs, la Cour pĂ©nale internationale envoie une mission chargĂ©e d'enquĂȘter sur les exactions commises notamment par l'ex-rĂ©bellion SĂ©lĂ©ka, Ă  majoritĂ© musulmane, au pouvoir entre mars 2013 et janvier 2014[20].

L'intervention internationale coĂŻncide avec des menaces et tracasseries contre les journalistes [21], dont Camille Lepage s'inquiĂšte lors de conversations avec RSF en dĂ©cembre, deux mois seulement aprĂšs son arrivĂ©e[22]. Les militaires français lui signalent assez rapidement que ses reportages lui font « prendre des risques », mais elle reçoit au mĂȘme moment un 2e prix du Pictures of the Year International[23] - [24].

En janvier, le procureur de Bangui Ghislain Gresenguet demande la fermeture du journal Le DĂ©mocrate et requiert un an et demi de prison contre son directeur Ferdinand Samba, accusĂ© de diffamation Ă  l'encontre de Sylvain Doutingai, ministre d’État aux finances et cousin du chef de l’État Michel Djotodia[25]. En janvier, le gouvernement est renversĂ© mais les persĂ©cutions continuent. MenacĂ© de mort, Ferdinand Samba fuit le pays[26]. En avril, c'est RĂ©gis Zouiri et Patrick StĂ©phane Akibata, respectivement directeurs des journaux PalmarĂšs et Le Peuple, qui sont dĂ©tenus plusieurs jours Ă  Bangui, Ă  la suite d'articles jugĂ©s diffamatoires contre la prĂ©sidente de transition, Catherine Samba-Panza[27].

Dans la nuit du 29 avril, des bandes armĂ©es attaquent les domiciles de deux autres journalistes centrafricains. DĂ©sirĂ© Sayenga, rĂ©dacteur au journal Le DĂ©mocrate, atteint au thorax[28], succombe Ă  ses blessures le lendemain. RenĂ© Padou, de la radio protestante Voix de la GrĂące, ne survit que jusqu'au 5 mai, son frĂšre aĂźnĂ© dĂ©cĂ©dant aussi, selon une source policiĂšre[29]. Au soir d’une marche pour protester contre ces deux assassinats, des menaces de mort sont profĂ©rĂ©es contre des journalistes de Radio Ndeke Luka. Camille Lepage, aprĂšs une semaine Ă  New York pour rencontrer des rĂ©dacteurs en chef[30], est alors revenue dans la brousse et sera assassinĂ©e quatre jours plus tard. RSF constate au mĂȘme moment que nombre de journalistes "ont Ă©tĂ© contraints de se cacher ou de quitter le pays aprĂšs avoir fait l’objet de menaces de mort" et que "la majoritĂ© des journalistes centrafricains n’exerce plus et ceux qui l’osent se voient rĂ©guliĂšrement menacĂ©s"[26]. La Centrafrique avait jusqu'ici Ă©tĂ© relativement Ă©pargnĂ©e par la censure (2986 journalistes, arrĂȘtĂ©s, agressĂ©s ou menacĂ©s dans le monde en 2013, et 36 assassinĂ©s, soit la moitiĂ© des 71 morts au travail). Sept ont Ă©tĂ© assassinĂ©s en particulier en Somalie, autre pays sous la coupe de milices islamiques.

Tuée à moto, sur la route d'un reportage à la frontiÚre camerounaise

Camille Lepage est tuĂ©e d'une balle dans la tĂȘte le 12 mai 2014. Souhaitant couvrir le problĂšme de l'exploitation diamantifĂšre, elle a dĂ©cidĂ© d'accompagner son ami canadien Jonathan Pedneault, formateur radio, envoyĂ© par une ONG pour une tournĂ©e d'un mois dans l’ouest du pays. À BerbĂ©rati, au cƓur du premier bassin diamantifĂšre du monde (un million de carats par an), ils sont hĂ©bergĂ©s par Hassan Fawaz, nĂ©gociant libanais en diamants. Ils rencontrent son ami, le « colonel Rock » , des anti-balaka[31]. Le 3 mai, Camille Lepage accompagne le groupe de ce dernier Ă  Nao pour une journĂ©e, puis dĂ©cide de repartir avec eux pour cinq jours, Jonathan devant rentrer Ă  Bangui. Une amie commune, Katarina, reçoit un appel vers 20 heures, le 10 mai, deux jours avant le retour : « Camille avait des informations Ă  transmettre par message texte », a expliquĂ© Jonathan Ă  Paris Match. Mais le message texte n'aboutira jamais. Elle est tuĂ©e le lendemain, alors qu'elle venait de traverser le village de Ngambongo, sans son gilet pare-balles, approchant Ă  moto de la frontiĂšre camerounaise, selon John MiladĂ©, responsable d'une petite Ă©quipe de militants anti-balaka qui l'escortaient[32]. TrĂšs tĂŽt le matin, elle avait filmĂ© et photographiĂ© les attaques de mercenaires de l'ex-Seleka, lourdement armĂ©s, contre un village habitĂ© par les anti-balaka. Les motos se rendaient au village de Gbambia, prĂšs de Gbiti, la localitĂ© voisine camerounaise, pour un autre reportage de Camille Lepage[33] - [34].

Les premiĂšres motos passĂ©es, les ex-Seleka tirent sur l'arriĂšre du convoi, tuant la journaliste d'une balle dans la tĂȘte. Entendant les coups de feu, l'avant du convoi fait demi-tour[35] et riposte[35]. Le combat dure une demi-heure. Les assaillants, qui ont pris les appareils photos de la journaliste, fuient en laissant des armes et les corps de six des leurs. Les anti-balaka ramĂšnent les corps de Camille Lepage et quatre des leurs au dispensaire de Gallo-Bouyau. Dans cette bourgade de 17 000 habitants, « la population a barricadĂ© la route pour protester contre le dĂ©sarmement par la Force Sangaris des anti-balaka qui ramenaient les corps »[35]. Finalement un accord est trouvĂ© pour qu'ils puissent les ramener, dans un 4×4 et protĂ©gĂ©s par du linge, jusqu’à Bouar[36], lieu d'une importante mission catholique. Pendant ce temps-lĂ , Jonathan Pedneault, qui a appris le dĂ©cĂšs par Hassan Fawaz, appelle son correspondant sur place et apprend que les corps vont ĂȘtre ramenĂ©s. Il interroge le porte-parole de la force Sangaris, qui affirme n’ĂȘtre au courant de rien[31].

Le surlendemain de l'embuscade, les cinq corps sont remis aux militaires français. Le projet de les ramener jusqu'à Bouar ne se concrétise pas. L'adjudant Yannick, de l'opération Sangaris, alors en patrouille vers Gallo-Bouyau, témoigne[37]:

« Le responsable du 4x4 est descendu et c’est lĂ  qu’il m’a annoncĂ© qu’il y avait cinq corps dans le 4×4, dont celui d’une journaliste française. Ils m’ont dit que ce n’était pas eux, que c’était une bande armĂ©e qui Ă©tait Ă  80 kilomĂštres au sud de lĂ  oĂč j’étais. Ils venaient pour ramener les corps au dispensaire de Gallo[38]. »

Peu aprÚs, la présidence de la République française annonce sa mort[39] et demande que « ses assassins ne soient pas impunis ». Camille Lepage est le vingtiÚme journaliste français mort au travail en 25 ans, dont cinq ont été assassinés, tous en Afrique sub-saharienne[40], parmi lesquels Ghislaine Dupont et Claude Verlon (RFI), tués à proximité de Kidal (Mali) à l'automne 2013, et Jean HélÚne et Guy-André Kieffer, tous deux assassinés en CÎte d'Ivoire en 2004.

Le 10 septembre 2016, François Hollande rendait hommage à Camille Lepage en ces termes[41] :

« Le 12 mai 2014, Camille Lepage, une jeune photographe de grand talent, ĂągĂ©e d’à peine vingt-six ans, Ă©tait tuĂ©e en Centrafrique alors qu’elle effectuait un reportage dans l’Ouest du pays. J’avais partagĂ© le chagrin de sa famille et de ses proches, lors du retour de sa dĂ©pouille Ă  Paris. Aujourd’hui, au ministĂšre de la Culture et de la Communication, Ă©taient exposĂ©s quinze clichĂ©s rĂ©alisĂ©s par Camille Lepage au Soudan du Sud et en Centrafrique. Ils nous saisissent par l’horreur des scĂšnes que ses photos rĂ©vĂšlent et la profonde humanitĂ© qu’elle mettait pour capter le visage de celles et ceux qui espĂ©raient encore. Camille Lepage avait un grand talent et un immense courage. Elle accomplissait son mĂ©tier comme une mission humanitaire. Elle voulait tĂ©moigner de ce que subissent les populations civiles quand l’acharnement de milices ou de factions provoquent les pires exactions dans l’indiffĂ©rence et le silence. Elle voulait alerter, informer pour que nul n’ignore ces drames. La famille de Camille a crĂ©Ă© au lendemain de sa disparition une association qui, chaque annĂ©e, distingue le travail d’un photojournaliste par la remise d’un prix. Ils l’ont appelĂ© du beau nom de « Camille Lepage - On est ensemble ». Nous sommes ensemble. C’est le message que je souhaite adresser aux photographes et aux journalistes qui, comme le fit Camille Lepage, s’engagent au pĂ©ril de leur vie pour nous mettre sous les yeux les souffrances des peuples martyrs. Ce fut aussi l’honneur des militaires français que de contribuer Ă  les faire cesser en Centrafrique. Camille Lepage est le vingtiĂšme journaliste français mort en mission. Celle de nous informer. Partout et toujours. »

L'enquĂȘte sur son assassinat

Une enquĂȘte prĂ©liminaire est lancĂ©e quelques jours aprĂšs sa mort. L'Ă©tape suivante est l'ouverture d'une information judiciaire, rĂ©vĂ©lĂ©e par la presse le 28 mai. D’aprĂšs le rapport d’autopsie, selon une source proche de l’enquĂȘte, la journaliste est morte d'une balle dans la tĂȘte[42]. Deux juges d’instruction du Tribunal de grande instance de Paris sont dĂ©signĂ©s : RaphaĂ«lle Agenie-FĂ©camp et Virginie Van Geyte. Les enquĂȘteurs de l'Office central pour la rĂ©pression des violences aux personnes prĂ©voient de se rendre sur le terrain, Ă  la frontiĂšre de la Centrafrique avec le Cameroun, avec l’aide de l’armĂ©e française. Un mois aprĂšs, l’enquĂȘte piĂ©tine pour dĂ©terminer les circonstances de son assassinat[43]. Le 19 juin, la France a envoyĂ© ses enquĂȘteurs en Centrafrique afin de poursuivre les investigations[44].

En mai 2016, l'enquĂȘte n'a toujours pas Ă©tĂ© Ă©lucidĂ©e. La mĂšre de Camille Lepage dĂ©clare « Deux ans aprĂšs, on ne sait toujours pas qui sont les assaillants »[45].

En 2018, d’aprĂšs des informations recueillies par RSF, l'avocat de la famille Lepage affirme que le dossier d’instruction sur l’affaire Camille Lepage a disparu ce qui contraint les magistrats Ă  reporter le procĂšs d’assises qui devait initialement se tenir au dĂ©but de l’annĂ©e 2018[46].

RĂ©actions Ă  l'assassinat

Son assassinat est condamnĂ© par le Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies[47], dans une dĂ©claration inhabituellement axĂ©e sur la libertĂ© de la presse, appelant le gouvernement de transition de la RĂ©publique centrafricaine Ă  enquĂȘter rapidement sur cet incident et Ă  traduire les coupables en justice[48].

Les grands mĂ©dias amĂ©ricains, influents auprĂšs des dĂ©cideurs, expliquent immĂ©diatement l'enjeu. DĂšs l'annonce du meurtre Associated Press estime que le dĂ©cĂšs de cette reporter « trĂšs talentueuse » soulĂšve la question de l'aggravation des conditions de travail des mĂ©dias dans les rĂ©gions trĂšs instables[49]. Le Washington Post rappelle qu'elle avait dĂ©veloppĂ©, par un investissement de deux ans, une Ă©coute des populations oubliĂ©es ou marginalisĂ©es, au moment oĂč un quart des habitants de Centrafrique est dĂ©placĂ© Ă  cause des violences[50].

La colĂšre monte en particulier dans la presse africaine. L'Agence centrafricaine de presse s'inquiĂšte de la disparition d'une professionnelle assez engagĂ©e dans le long terme pour « capter toute l’horreur des conflits », capable « d'aller au contact » et d'arriver « bien avant la mĂ©diatisation de la crise dans le pays » et le dĂ©barquement des Sangaris français [51]. Le Syndicat des journalistes ivoiriens condamne les trois « assassinats », y voyant une intention de « museler » la presse en Centrafrique et invite toutes les parties prenantes dans la rĂ©solution de la crise Ă  assurer « une meilleure sĂ©curitĂ© des citoyens dont les journalistes et professionnels des mĂ©dias ». La presse guinĂ©enne juge que ce meurtre pose le problĂšme du « devoir de tĂ©moignage » dans les « zones les plus dangereuses »[52] et le ministre guinĂ©en de l'Administration du territoire, Aristide Sokambi, y voit « un coup dur qui est portĂ© Ă  la transition, par ceux qui ne veulent absolument pas que la paix revienne dans ce pays, ceux qui continuent de tirer les ficelles des violences ». Le CPJ, association Ă  but non lucratif fondĂ©e en 1981, demande Ă  connaĂźtre les circonstances de l'embuscade[53].

AprĂšs sa mort, certains reporters font remarquer que l'investissement trĂšs important des photoreporters comme Camille Lepage pourrait ĂȘtre mieux reconnu par les mĂ©dias [16], qui attendent de choisir les meilleures photos, sans passer commande, systĂšme de plus en plus critiquĂ© car il exerce une forme de pression Ă  la prise de risque[16]. Elle avait dĂ©plorĂ© dans une interview que sa couverture soit infĂ©odĂ©e Ă  l'agenda des mĂ©dias. Autre consĂ©quence, le manque de moyens, la journaliste voyageant en moto, Ă  pied ou dans des vieux taxis[16].

L'AFP reprend aussi une enquĂȘte de la SCAM de novembre 2013 indiquant que bon nombre de photoreporters de guerre n'ont pas de contrat d'assurances lorsqu'ils partent faire leur mĂ©tier[54], et qu'un sur deux a des revenus de moins de 1 000 euros par mois. Plus globalement, les reporters de guerre (incluant les rĂ©dacteurs et les reporters de tĂ©lĂ©vision) sont mieux payĂ©s: la moitiĂ© a un revenu annuel d'au moins 40 000 euros[54]. Camille Lepage travaillait installĂ©e dans le pays, pour mieux comprendre les rĂ©alitĂ©s locales, Ă  l'Ă©coute de la population et des organisations non-gouvernementales, sur un mode non-intrusif et plus apte Ă  se faufiler sur tous les terrains.

Distinctions

Hommages

Biographie cinématographique

  • 2019 : Camille, film rĂ©alisĂ© par Boris Lojkine qui revient sur le parcours de Camille Lepage en Afrique jusqu'Ă  son assassinat. Le rĂŽle-titre est interprĂ©tĂ© par l'actrice Nina Meurisse.

Expositions

Prix Camille Lepage

Le prix Camille Lepage crĂ©Ă© par l'association « Camille Lepage – On est ensemble » vise Ă  encourager le travail d’un photojournaliste. Il est dĂ©cernĂ© chaque annĂ©e pendant le festival international du photojournalisme Visa pour l'image Ă  Perpignan.

Ouvrage

  • RĂ©publique Centrafricaine : On est ensemble[72], Paris, Collection des photographes - CDP Éditions, , 64 p. (ISBN 978-2-35130-157-9).
  • Pure colĂšre, Paris, Ă©ditions de la MartiniĂšre, , 160 p. (ISBN 978-2-7324-8211-8).

Notes et références

  1. Florence Pagneux, « Maryvonne et Camille Lepage, toujours ensemble », sur La Croix,
  2. Flore Olive, « Meurtre d'une photojournaliste », sur Paris Match,
  3. « Camille Lepage, une « force de caractÚre impressionnante », selon sa mÚre » par l'AFP sur Liberation.fr et lamontagne.fr le 14 mai 2014
  4. Camille Lepage, tuée en Centrafrique, avait fait « un bout de rue » avec nous sur le site Rue89 le 13 mai 2014
  5. « Le combat de Camille au Soudan », article de Mireille Puau dans Le Courrier de l'Ouest du 30 décembre 2012
  6. Site du distributeur de ses photos
  7. Hidden World of South Sudan: An Interview with Photojournalist Camille Lepage sur le site petapixel.com publié le 22 octobre 2013
  8. DĂ©claration de Jonathan Pedneault dans Paris Match
  9. « Meurtre d'une photojournaliste » par Flore Olive, dans Paris Match du 21 mai 2014
  10. « Le pétrole brouille l'avenir du Sud-Soudan », par Tanguy Berthemet dans Le Figaro du 11/07/2011
  11. Analyse du journal burkinabé FasoZine reprise sur Courrier International
  12. French photojournalist Camille Lepage killed in Central African Republic sur le site du Guardian le 13 mai 2014
  13. The work of Camille Lepage, French photojournalist killed in Africa sur le site du Washington Post consulté le 16 mai 2014
  14. Laurent Larcher, « Camille Lepage, journaliste française, tuĂ©e en Centrafrique Â» sur le site de La Croix le 13 mai 2014
  15. “French journalist Camille Lepage killed in CAR”, bbc.com, le 13 mai 2014.
  16. Analyse de l'AFP sur la nécessité de donner plus de moyens, sécurité et publications aux photoreporters de guerre indépendants
  17. Commentaire Ă©logieux sur le site de l'Agence Centrafricaine de presse
  18. Commentaire de l'Agence Centrafricaine de presse
  19. Sondage, dans Ouest-France
  20. « Centrafrique: arrivée d'une premiÚre mission de la Cour pénale internationale » par l'AFP, sur le site de Jeune Afrique, le 8 mai 2014
  21. « Médias: la Fondation Hirondelle primée » Le Figaro 04/06/2014
  22. Communiqué RSF
  23. (en)Winners of the Seventy-First Annual Pictures of the Year International Competition sur le site poyi.org, consultée le 15 mai 2014
  24. (en) POY – Second Place – Camille Lepage.
  25. "Affaire Ferdinand Samba, les magistrats donneront-ils raison à François Bozize?"
  26. "RCA: des journalistes poursuivis pour «outrage au chef de l’État", par RFI
  27. « Centrafrique: un journaliste tué dans des violences intercommunautaires », par l'AFP, sur le site de Jeune Afrique, le 1er mai 2014
  28. « Centrafrique: décÚs d'un journaliste griÚvement blessé », par l'AFP, le 5 mai 2014
  29. « Meurtre d'une photojournaliste » par Flore Olive, dans Paris Match du 21 mai 2014
  30. « Meurtre d'une photojournaliste » par Flore Olive, dans Paris Match du 21 mai 2014
  31. Témoignage de John Miladé au micro de Radio Siriri, le 15 mai 2014, dans le diocÚse de Bouar
  32. selon des informations recueillies par le pÚre Jean Marius Zoumlade, de la mission catholique de Bouar et directeur de la Radio Siriri « Comment Camille Lepage a été assassinée ! » sur le site LNC Agence centrafricaine de presse citant des déclarations faites au micro de Radio Siriri
  33. Témoignage de John Miladé au micro de Radio siriri, le 15 mai 2014, dans le diocÚse de Bouar
  34. Témoignage d'Achille Hamazoudé, "Comzone" des anti-balaka de Galo-Bouyau, Blog "Lignes de Défense", de Philippe Chafgeau, hébergé parOuest-France
  35. Interrogé par RFI le 17 mai
  36. RFI : Camille Lepage: témoignage du militaire qui a trouvé son corps
  37. Une photojournaliste française tuĂ©e en Centrafrique sur lemonde.fr le 14 mai 2014 Ă  partir de dĂ©pĂȘches AFP et Reuters.
  38. Des journalistes français tués dans l'exercice de leur métier, AFP, 15 mai 2014
  39. François Hollande, , sur Page officielle de François Hollande, président de la République Française. www.elysee.fr., samedi 10 septembre 2016. https://www.facebook.com/francoishollande.fr/posts/10154562649947502?pnref=story
  40. "Deux juges d’instruction vont enquĂȘter sur la mort de Camille Lepage", par Frederic Gerschel et Sandrine Briclo, dans Le Parisien du 26 mai 2014
  41. Camille Lepage, l'enquĂȘte piĂ©tine, Le Point, 11 juin 2014.
  42. 19 juin 2014 - Les enquĂȘteurs français sont arrivĂ©s en Centrafrique
  43. DĂ©cĂšs de Camille Lepage: deux ans aprĂšs, l'enquĂȘte piĂ©tine toujours sur RFI, 12 mai 2016
  44. rsf.org/fr/actualites/le-dossier-dinstruction-de-camille-lepage-perdu-bangui
  45. DĂ©claration officielle, site de l'ONU
  46. « L'ONU au secours des paysans centrafricains », dans Paris Normandie du 16 mai
  47. STEVE NIKO et KRISTA LARSON, pour l'Associated Press, sur l'aggravation des conditions de travail des médias en Afrique, le 13 mai 2014
  48. « Though heart-achingly young, Lepage had already distinguished herself through her work over the past two years out of central Africa, first in Sudan and later in the Central African Republic », dans le Washington Post
  49. Commentaire de l'Agence Centrafricaine de presse
  50. « CAMILLE LEPAGE : Morte pour la Centrafrique », par Maria de Babia, sur Guinée Info du 16 mai 2014
  51. « Le CPJ exige une enquĂȘte sur la mort de la photo-journaliste en RCA », cpj.org, le 13 mai 2014.
  52. EnquĂȘte de la SCAM de novembre 2013 (page 10)
  53. Luc Debraine, « Concours « Photos de l'annĂ©e » – Une guerre un peu trop jolie », hebdo.ch, 16 fĂ©vrier 2011.
  54. « Pictures of the Year International Awards Announced », insideagency.reuters.com, 1er mars 2013.
  55. « Les députés observent une minute de silence en hommage à Camille Lepage » sur le site Liberation.fr le 14 mai 2014
  56. http://www.photographie.com/folio/camille-lepage-la-guerre-etouffe
  57. Présentation du reportage sur le site photographie.com
  58. Page sur le site du studio Hans Lucas consultée le 14 mai 2014
  59. (en) « Pictures of the Day: South Sudan and Elsewhere », 15 juillet 2013.
  60. « Bourse du talent reportage 2014 - Prix exceptionnel de la photographie », 12 juin 2014
  61. « Picto.fr Bourse du talent 2014 »
  62. Slain « French Photographer Camille Lepage to receive Manuel Rivera-Ortiz Foundation Prize »
  63. « Camille Lepage reçoit le prix d'honneur de la fondation Manuel Rivera-Ortiz »
  64. « Un prix posthume pour l’Angevine Camille Lepage Ă  Arles », Le Courrier de l'Ouest (consultĂ© le )
  65. Photo Fans (Chine)
  66. AFP, « Une place inaugurée à Paris en hommage à trois journalistes français tués », sur Le Monde,
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