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CD24

CD24, ou transducteur de signal CD24, ou antigène thermostable CD24, parfois nommée nectadrine, est une molécule biologique de composition variable, dont la structure de base est une chaîne protéique fortement glycosylée. Il s'agit d'une syaloglycoprotéines[N 1], ancrée à la membrane cellulaire. Elle a été mise en évidence et étudiée plus particulièrement chez l'être humain et plusieurs autres espèces (notamment de rongeurs)[1].

Cette molécule fait l'objet de nombreuses recherches médicales dans divers domaines : immunité adaptive, inflammation, maladies autoimmunes, cancer…[2]

Caractéristiques

Espèces concernées

CD24 est présente notamment chez les mammifères, les reptiles et les oiseaux, mais elle n'a pas été détectée chez les marsupiaux et les monotrèmes[3]. Elle est exprimée sur la surface extérieure de la membrane plasmique de nombreux types différents de cellules.

Description

CD24 est constituée d'une courte chaîne protéique d'une trentaine de résidus d'acides aminés. La chaîne protéique est fortement glycosylée (ajout de glucides) et le niveau de glycosilation est très variable selon les tissus où CD24 est exprimée. Il y a de la N-glycosylation (sur les résidus d'asparagine) et de la O-glycosylation (sur les résidus de sérine et de thréonine qui représentent environ la moitié de la chaine protéique).

Des résidus d'acide sialique sont fixés par liaison covalente sur les glucides apportés par la glycosylation. À l'extrémité C-terminale de la chaîne protéique se trouve un résidu de molécule de glycosylphosphatidylinositol (GPI) qui permet l'ancrage de la molécule à la membrane cellulaire[4]. La chaine protéique glycosylée et les résidus d'acide sialique sont situés à l'extérieur de la cellule.

Activités

CD24 a des fonctions diverses, cette diversité est notamment liée à son expression dans des tissus différents et à ses différents niveaux de glycosylation.

CD24 est classée dans les protéines d'adhésion cellulaire (c'est-à-dire qu'elle intervient dans les mécanismes de liaison cellulaire), du fait qu'elle est un ligand pour la sélectine P[5].

Elle fait partie des clusters (ou classes) de différenciation qui sont utilisés pour différencier les cellules immunitaires[N 2] (d'où l'appellation « CD »). C'est également une mucine, les mucines sont des protéines fortement glycosylées, à masse moléculaire élevée, qui entrent dans la composition du mucus recouvrant les cellules en contact avec le milieu extérieur (cellules épithéliales).

CD24 est un transducteur de signal à la surface de la plupart des lymphocytes B humains. CD24 permet ainsi de moduler la réponse des lymphocytes B aux signaux d'activation qui provoquent leur différenciation en cellules productrices d'anticorps[6].

Historique

CD24 a été découverte en 1978 par le biologiste américain Timothy Springer[N 3] (Harvard Medical School) sur des cultures de cellules de souris et de rat[7]. La molécule a été alors appelée « antigène thermostable » ou HSA (en anglais Heat Stable Antigen).

Génomique et synthèse

Chez l'être humain, son gène est situé sur le chromosome 6 en position « q21 » (c'est-à-dire bande « 1 » de la région « 2 » sur le bras long « q »). Il existe des pseudogènes (gènes non transcrits) sur les chromosomes 1, 15, 20, et Y[8]. Un épissage alternatif produit de multiples isoformes (variantes) de la protéine.

Le gène contient un cadre de lecture ouvert de 0.24 kb et une région 3' non traduite inhabituellement longue qui améliore la stabilité de l'ARN messager[9].

Chez l'humain la chaîne protéique de CD24 comprend initialement (après sa synthèse par les ribosomes) 80 acides aminés pour une masse de 8083 Da (76 acides aminés chez la souris et le rat pour respectivement 7797 et 7862 Da). Après sa synthèse, la chaîne protéique subit le clivage de la séquence signal, ainsi que d'un propeptide. La protéine subit alors une glypiation (en), c'est-à-dire l'ajout du résidu de GPI. Les nombreuses glycolysations effectuées sur la molécule augmentent considérablement sa masse pour atteindre 45 à 65 kDa selon les tissus.

Chez l'humain[10] :

  • la chaĂ®ne protĂ©ique synthĂ©tisĂ©e est la suivante (80 rĂ©sidus d'acides animĂ©s[N 4]) : MGRAMVARLGLGLLLLALLLPTQIYSSETTTGTSSNSSQSTSNSGLAPNPTNATTKAAGGALQSTASLFVVSLSLLHLYS
  • le peptide signal est constituĂ© des 26 premiers rĂ©sidus d'acides aminĂ©s : MGRAMVARLGLGLLLLALLLPTQIYS
  • le propeptide clivĂ© est constituĂ© des 20 derniers rĂ©sidus : ALQSTASLFVVSLSLLHLYS

CD24 et système immunitaire

CD24 est fortement exprimé à la surface des lymphocytes. Son rôle précis sur ces cellules n'est pas connu, mais il contribue à la régulation du système immunitaire adaptatif[11].

RĂ©action du greffon contre l'hĂ´te

Dans les années 2010 la société américaine OncoImmune[N 5] a développé un traitement utilisant des molécules CD24Fc, une protéine de fusion soluble obtenue par la combinaison des domaines extra-cellulaires non polymorphes de CD24 liés au domaine Fc (fragment cristallisable) d'une immunoglobuline G1 (IgG1)[12], pour lutter contre la réaction du greffon contre l'hôte (graft-versus-host disease, GVHD). En septembre 2016, OncoImmune a démarré un essai clinique de phase II au centre médical de l'université du Michigan[13].

Covid-19

Plusieurs essais cliniques ont été initiés en 2020 et 2021 dans le but d'étudier l'efficacité de CD24 pour diminuer la réponse inflammatoire chez des patients atteints de la Covid-19. Des essais randomisés en double aveugle avec placebo ont notamment débuté en Israël[14] et aux États-Unis[15]. L'essai américain consistait à évaluer un traitement imaginé par la société OncoImmune (acquise en 2020 par le groupe Merck), il s'agissait d'injecter en intraveineuse une solution de CD24Fc (renommé MK-7110 par Merck). Le groupe Merck a décidé en avril 2021 d'arrêter ces travaux[16], la société estime en effet qu'elle ne pourra pas commercialiser ce traitement avant la mi-2022, à un moment où d'autres traitements concurrents devraient d'ores et déjà être disponibles. Cependant des chercheurs de l'université d'État de l'Ohio ont étudié les résultats disponibles pour 22 patients de cet essai clinique et ils estiment qu'ils sont positifs[17]. Par ailleurs les essais de phase I/II du traitement israélien (nommé EXO-CD24) ont donné des résultats encourageants[18], le traitement imaginé par le professeur Nadir Arber[N 6] prend la forme d'un spray nasal d'exosomes dont la surface porte des molécules de CD24. L'essai clinique randomisé de ce traitement a commencé le 11 juillet 2021 pour une durée prévue d'un an.

Expression de CD24 dans les cellules cancéreuses

CD24 est exprimée dans de nombreux types de cellules saines, mais elle est souvent surreprésentée dans les cellules des tumeurs cancéreuses. Ce qui en a fait un marqueur pour certains cancers et notamment un marqueur défavorable en termes de pronostic. À la surface de ces cellules cancéreuses, CD24 fait office de signal inhibant la phagocytose par les macrophages[19]. Cette inhibition résulte de la fixation de CD24 sur la protéine humaine Siglec-10[N 7] en surface des macrophages. Ces découvertes récentes font de CD24 une cible pour le traitement de certains cancers par immunothérapie[20].

Notes

  1. Une syaloglycoprotéine est la combinaison d'une glycoprotéine (combinaison d'une protéine et d'un sucre) et d'acide sialique
  2. Un cluster (ou classe) de différenciation est une glycoprotéine membranaire qui permet d'identifier un type de cellule immunitaire, l'ensemble de ces classes constituent une nomenclature des cellules immunitaires
  3. Timothy A. Springer, né le 23 février 1948, est plus particulièrement connu pour la découverte des premières intégrines et de leurs ligands, il est également connu pour ses investissements fructueux dans des entreprises de biotechnologie, notamment Moderna dont il a acquis 3,5% du capital.
  4. Chacune des lettres dans la chaine est l'abréviation d'un acide aminé protéinogène.
  5. OncoImmune a été fondée en 2000 à Rockville (Maryland) par Kun-Liang Guan, Ming You, Pan Zheng et Yang Liu
  6. Le professeur de médecine israélien Nadir Arber est spécialiste de gastro-entérologie, il dirige le Integrated Cancer Prevention Center du Tel Aviv Sourasky Medical Center (Ichilov)
  7. Siglec (Sialic acid-binding immunoglobulin-type lectin) désigne des protéines de surface qui se lient à l'acide sialique, on les trouve principalement sur les cellules immunitaires.

Références

  1. Fiche sur CD24 sur GeneCards
  2. Xianfeng Fang, Pan Zheng, Jie Tang, Yang Liu, CD24: from A to Z | Cellular & Molecular Immunology, Nature, 15/02/2010, accès libre
  3. Craig Ayre, Nikitha K. Pallegar, Nicholas A. Fairbridge, Marta Canuti, Andrew S. Lang, Sherri L. Christian, Analysis of the structure, evolution, and expression of CD24, an important regulator of cell fate, Gene, volume 590, num. 2, 2016, pp. 324-337, ISSN 0378-1119, résumé en ligne
  4. Advances in Experimental Medicine and Biology, vol. 633, Structure and Function of the Neural Cell Adhesion Molecules NCAM, Vladimir Berezin, Springer, 2016, page 20, (ISBN 978-1-4419-1169-8)
  5. V. Berezin, Structure and Function of the Neural Cell Adhesion Molecule NCAM, Springer, New York, 2010, p. 30
  6. Robert Kay, Patricia M. Rosten, R. Keith Humphries, CD24, a signal transducer modulating B cell activation responses, is a very short peptide with a glycosyl phosphatidylinositol membrane anchor, Journal of Immunology, Vol. 147, N° 4, 15/08/1991
  7. Timothy Springer et al., Monoclonal xenogeneic antibodies to murine cell surface antigens: identification of novel leukocyte differentiation antigens, European Journal of Immunology, 1978. 8:539-551, fac simile consultable en ligne
  8. Article sur CD24 humain sur le site du National Center for Biotechnology Information (U.S. National Library of Medecine)
  9. Daniel T. Gilliam, Vishal Menon, Niko P. Bretz, Jan Pruszak, The CD24 surface antigen in neural development and disease, Neurobiology of Disease, Elsevier, volume 99, mars 2017, pp. 133-144, résumé consultable en ligne ici
  10. Données récupérées sur la base de données Uniprot consultable ici
  11. Li, O., Zheng, P., & Liu, Y. (2004). CD24 expression on T cells is required for optimal T cell proliferation in lymphopenic host. The Journal of experimental medicine, 200(8), 1083–1089. https://doi.org/10.1084/jem.20040779
  12. Définition de CD24Fc sur le site web de l'Institut national du cancer (National Cancer Institute) aux États-Unis
  13. Article sur les recherches d'OncoImmune sur le site web golden.com
  14. Présentation d'un essai clinique du Tel-Aviv Sourasky Medical Center sur le site américain ClinicalTrials.gov
  15. Présentation d'un essai clinique de la société américaine OncoImmune sur le site américain ClinicalTrials.gov
  16. Berkeley Lovelace Jr., Merck ends development of Covid drug it acquired from OncoImmune, article publié sur le site internet de CNBC, 15/04/2021
  17. No-Joon Song et al., Immunological Insights Into the Therapeutic Roles of CD24Fc Against Severe COVID-19, medRxiv 2021.08.18.21262258; doi: https://doi.org/10.1101/2021.08.18.21262258 - À noter que ce document est une prépublication disponible sur MedRxiv qui n'a pas encore été acceptée par une revue scientifique.
  18. (en-US) « Israel's promising COVID drug successfully passes II Phase of research », sur healthcaremarketexperts.com, (consulté le )
  19. Altevogt, P, Sammar, M, Hüser, L, Kristiansen, G. Novel insights into the function of CD24: A driving force in cancer. Int. J. Cancer. 2021; 148: 546– 559. https://doi.org/10.1002/ijc.33249
  20. Barkal AA, Brewer RE, Markovic M, Kowarsky M, Barkal SA, Zaro BW, Krishnan V, Hatakeyama J, Dorigo O, Barkal LJ, Weissman IL. CD24 signalling through macrophage Siglec-10 is a target for cancer immunotherapy. Nature. 2019 Aug;572(7769):392-396. doi: 10.1038/s41586-019-1456-0. Epub 2019 Jul 31. PMID 31367043; PMCID: PMC6697206.
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