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Bloody Sunday (1972)

Bloody Sunday (irlandais : Domhnach na Fola, parfois anglais : Bogside Massacre, français : Massacre du Bogside ou Dimanche sanglant) est une tuerie survenue le dimanche dans le quartier de Bogside à Derry en Irlande du Nord, dans laquelle vingt-huit personnes (manifestants pacifistes des droits civiques et passants) ont été prises pour cible par des soldats de l'armée britannique.

Bloody Sunday
Image illustrative de l’article Bloody Sunday (1972)
Banderole et graffiti loyaliste sur un bâtiment dans une rue adjacente à Shankill Road à Belfast en 1970.

Date
Lieu Derry, Irlande du Nord
Victimes Manifestants et passants
Morts 14
Blessés 28
Auteurs Drapeau du Royaume-Uni Armée de terre britannique
Guerre Conflit nord-irlandais
CoordonnĂ©es 54° 59′ 49″ nord, 7° 19′ 32″ ouest
GĂ©olocalisation sur la carte : Irlande du Nord
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Bloody Sunday (1972)
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Bloody Sunday (1972)

Treize hommes dont sept adolescents sont morts immédiatement ; un autre homme blessé ce jour-là est mort quatre mois et demi plus tard. Quatorze personnes furent également blessées, douze par balles et deux écrasées par des véhicules militaires[1]. Cinq de ces blessés ont été touchés dans le dos[2].

Le drame est survenu au cours de la marche de l'association nord-irlandaise pour les droits civiques ; les soldats impliqués appartenaient au 1er bataillon du régiment de parachutistes du Royaume-Uni[3].

John Lennon, dans son album Some Time in New York City sorti en 1972, le groupe punk de l'Ulster, Stiff Little Fingers avec son titre Bloody Sunday, puis le groupe de rock U2 dans sa chanson Sunday Bloody Sunday, rendent hommage aux victimes de cet événement.

Contexte

Mémorial à Londonderry, sur les lieux de l’événement.

À la fin des années 1960, la discrimination contre la minorité catholique (délimitation des circonscriptions électorales favorisant le vote protestant (pratique connue sous le nom de gerrymandering), attribution des logements publics[4]) conduit des organisations telles que l'Association nord-irlandaise pour les droits civiques (NICRA) à mettre en place une campagne non-violente pour promouvoir l'égalité de droits entre catholiques et protestants[5]. Cependant, à la suite d'attaques sur les droits civils des manifestants par les loyalistes protestants, ainsi que par les membres de la Police royale de l'Ulster (RUC), la colère et la violence s'amplifient[6]. En 1969, la bataille du Bogside éclate après les perturbations qui ont suivi une parade des Apprentice Boys of Derry[7]. Les résidents du Bogside ont érigé des barricades autour de la zone afin de résister aux incursions de la police. Après trois jours d'émeutes la Police royale d'Ulster s'avère incapable de rétablir l'ordre ; le gouvernement d'Irlande du Nord demande alors le déploiement de l'armée britannique[8].

Celle-ci est d'abord accueillie par les catholiques comme une force neutre par rapport à la Police royale d'Ulster, mais les relations entre les nationalistes et l'armée se détériorent rapidement[9]. Le , deux émeutiers (Seamus Cusack et Desmond Beattie) sont abattus dans le Bogside par des soldats dans des circonstances controversées[10]. Les soldats ont affirmé qu'ils étaient armés, ce qui a été démenti par la population locale, ainsi que par des nationalistes modérés (dont John Hume et Gerry Fitt (en) qui quittent alors le Parlement d'Irlande du Nord en signe de protestation)[10] - [11].

En rĂ©ponse Ă  l'escalade de la violence Ă  travers l'Irlande du Nord, l'internement sans procès est introduit le 9 aoĂ»t 1971[10]. Dans un geste de quid pro quo pour les nationalistes, toutes les marches et dĂ©filĂ©s sont interdits, y compris la marche Ă©clair des Apprentice Boys de Derry qui devait avoir lieu le 12 aoĂ»t[12]. L'introduction de l'internement provoque des troubles dans toute l'Irlande du Nord, avec 21 personnes tuĂ©es en trois jours d'Ă©meutes[13]. Le 10 aoĂ»t Paul Challenor est le premier soldat Ă  ĂŞtre tuĂ© par l'ArmĂ©e rĂ©publicaine irlandaise provisoire, Ă  Londonderry, oĂą il a Ă©tĂ© abattu par un sniper Ă  Creggan (en)[11]. Six autres soldats avaient Ă©tĂ© tuĂ©s Ă  Londonderry Ă  la mi-dĂ©cembre 1971[14]. 1 932 cartouches ont Ă©tĂ© tirĂ©es sur l'armĂ©e britannique, qui a dĂ» faire face aussi Ă  211 explosions et 180 bombes artisanales[14] et qui a dĂ» tirer en retour 364 coups de feu.

Les activitĂ©s de l'ArmĂ©e rĂ©publicaine irlandaise provisoire ont Ă©galement augmentĂ© dans le Nord de l'Irlande avec une trentaine de soldats britanniques tuĂ©s dans les derniers mois de 1971, contre dix soldats tuĂ©s pendant la pĂ©riode prĂ©-internement durant la mĂŞme annĂ©e[13]. L'armĂ©e rĂ©publicaine irlandaise officielle et l'armĂ©e rĂ©publicaine irlandaise provisoire avaient Ă©tabli Ă  Londonderry une « zone de non-droit » pour l'armĂ©e britannique et la Police royale grâce Ă  l'utilisation des barricades[15]. Ă€ la fin de l'annĂ©e 1971, 29 barricades avaient Ă©tĂ© mises en place pour empĂŞcher l'accès Ă  ce qui Ă©tait connu comme le Free Derry ; 16 d'entre elles Ă©taient impraticables, mĂŞme pour les vĂ©hicules blindĂ©s d'une tonne de l'armĂ©e britannique[15]. Les membres de l'IRA ont montĂ© ouvertement des barrages routiers en face des mĂ©dias, et des affrontements quotidiens ont eu lieu entre jeunes nationalistes et soldats britanniques Ă  un endroit connu sous le nom de « aggro corner[15] ». En raison des Ă©meutes et des dommages causĂ©s aux magasins par les bombes incendiaires, le total des dommages subis par les entreprises locales est estimĂ© Ă  4 000 000 ÂŁ[15].

Malgré l'interdiction, l'Association nord-irlandaise pour les droits civiques planifie une manifestation pacifique à Londonderry le pour protester contre l’internement administratif, décidé par le Parlement nord-irlandais le . Informées de cette marche, les autorités ont décidé de l'autoriser de façon qu'elle se poursuive dans la zone nationaliste de la ville, le but étant de l'empêcher d'atteindre le Guildhall (en) (siège du conseil de la cité de Derry), comme c'était initialement prévu par les organisateurs. Le major-général Robert Ford, alors commandant des forces terrestres en Irlande du Nord, a donné l'ordre au 1er bataillon du régiment de parachutistes (1 PARA) de se rendre à Londonderry avec pour mission d'arrêter les possibles émeutiers pendant la marche[16]. Le Régiment parachutiste arrive à Londonderry le matin du dimanche 30 janvier 1972 et prend position dans la ville[17].

Événement du Bloody Sunday

Les manifestants avaient prévu de marcher vers le Guildhall, mais en raison de barricades de l'armée conçues pour modifier le parcours, ils furent redirigés vers Free Derry Corner. Un groupe d'adolescents se sépara du défilé et tenta de franchir la barricade pour marcher vers le Guildhall. Ils attaquèrent la barricade de l'armée britannique avec des pierres. À ce stade, un canon à eau, des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc sont utilisés pour disperser les émeutiers. Ces affrontements entre les soldats et les jeunes étaient alors courants, même si des observateurs ont rapporté que les émeutes étaient peu intenses[18]. Sur la William Street, deux civils, Damien Donaghy et John Johnston, sont blessés par balle par des soldats qui affirmeront que ce dernier portait un objet noir cylindrique[19].

À un certain moment, des rapports donnés au centre de commandement de l'Armée auraient indiqué qu'un sniper de l'IRA opérait dans la zone. À 16 h 07, la brigade autorise le régiment parachutiste britannique à entrer dans le Bogside. L'ordre de tirer à balles réelles est donné et un jeune homme est abattu alors qu'il descendait la Chamberlain Street, loin de la progression des troupes. Cette première victime, Jackie Duddy, était parmi la foule qui s'enfuyait. Il courait aux côtés d'un prêtre, le futur évêque Edward Daly, lorsqu'il fut abattu dans le dos. La poursuite des violences par les troupes britanniques s'intensifie et finalement l'ordre est donné de mobiliser les troupes dans une opération d'arrestation, à la poursuite de la queue du groupe principal des manifestants dans Free Derry Corner.

Malgré un ordre de cessez-le-feu du quartier général de l'armée, plus d'une centaine de cartouches furent tirées directement dans la foule par les troupes sous le commandement du Major Ted Loden. Douze autres personnes furent tuées[20], beaucoup d'entre elles tentaient d'aider celles déjà tombées sous les balles. Quatorze autres furent blessées, douze par des tirs de soldats et deux renversées par des véhicules blindés.

Les victimes

Ceinture portée par Patrick Doherty. L'entaille a été faite par la balle qui l'a tué[21].
  • John (Jackie) Duddy (17 ans). Abattu d'une balle dans le dos sur le parking des appartements de Rossville. Quatre tĂ©moins ont dĂ©clarĂ© que Duddy n'Ă©tait pas armĂ© et Ă©tait en train de fuir les parachutistes quand il fut tuĂ©. Trois d'entre eux ont vu un soldat viser dĂ©libĂ©rĂ©ment le jeune homme lorsqu'il courait. Il est mort sept ans avant la naissance de son neveu John Duddy (en), qui deviendra un boxeur cĂ©lèbre[22].
  • Patrick Joseph Doherty (31 ans). Abattu par derrière alors qu'il tentait de ramper pour se mettre Ă  l'abri sur le parking des appartements de Rossville. Doherty a fait l'objet d'une sĂ©rie de photographies, prises avant et après sa mort par le journaliste français Gilles Peress. MalgrĂ© le tĂ©moignage du « Soldat F » qui affirmait avoir tirĂ© sur un homme tenant et utilisant un pistolet, John Widgery a reconnu que les photographies montraient que Doherty n'Ă©tait pas armĂ©, et que les tests mĂ©dico-lĂ©gaux pour trouver des rĂ©sidus de tir sur ses mains se sont rĂ©vĂ©lĂ©s nĂ©gatifs[22] - [23].
  • Bernard McGuigan (41 ans). TuĂ© d'une balle Ă  l'arrière de la tĂŞte alors qu'il Ă©tait allĂ© aider Patrick Joseph Doherty, en agitant un mouchoir blanc pour indiquer aux soldats ses intentions pacifiques[3].
  • Hugh Pious Gilmour (17 ans). Après l'avoir touchĂ© au coude droit, la balle est entrĂ©e dans sa poitrine alors qu'il s'Ă©loignait en courant des parachutistes sur Rossville Street[22]. John Widgery a reconnu qu'une photographie prise quelques secondes après que Gilmour a Ă©tĂ© touchĂ© corrobore les dires de tĂ©moins affirmant qu'il n'Ă©tait pas armĂ©, et que les tests de rĂ©sidus de tir ont Ă©tĂ© nĂ©gatifs[3].
  • Kevin McElhinney (17 ans). Abattu par derrière alors qu'il tentait de ramper pour se mettre Ă  l'abri Ă  l'entrĂ©e des appartements de Rossville. Deux tĂ©moins ont dĂ©clarĂ© que McElhinney n'Ă©tait pas armĂ©[22].
  • Michael Gerald Kelly (17 ans). TouchĂ© Ă  l'estomac alors qu'il se tenait près des dĂ©combres de la barricade en face des appartements de Rossville. John Widgery a admis que Kelly n'Ă©tait pas armĂ©[22].
  • John Pius Young (17 ans). TouchĂ© en pleine tĂŞte alors qu'il se tenait près des dĂ©combres de la barricade. Deux tĂ©moins ont dĂ©clarĂ© qu'Young n'Ă©tait pas armĂ©[22].
  • William Noel Nash (19 ans). TouchĂ© Ă  la poitrine près de la barricade. Des tĂ©moins ont dĂ©clarĂ© que Nash n'Ă©tait pas armĂ© et venait en aide Ă  une autre personne touchĂ©e quand il a Ă©tĂ© tuĂ©[22].
  • Michael M. McDaid (20 ans). TouchĂ© au visage Ă  la barricade, alors qu'il Ă©tait en train de quitter Ă  pied le lieu oĂą se trouvaient les parachutistes. La trajectoire de la balle a indiquĂ© qu'il pourrait avoir Ă©tĂ© tuĂ© par des soldats placĂ©s sur les murs de Londonderry[22].
  • James Joseph Wray (22 ans). BlessĂ© puis abattu Ă  bout portant alors qu'il Ă©tait couchĂ© sur le sol. Les tĂ©moins (qui n'ont pas Ă©tĂ© appelĂ©s devant le Tribunal de Widgery) ont dĂ©clarĂ© que Wray criait qu'il ne pouvait pas bouger ses jambes avant qu'il soit mortellement touchĂ© la deuxième fois[22].
  • Gerald Donaghy (17 ans). TouchĂ© Ă  l'estomac tout en essayant de courir pour se mettre Ă  l'abri entre Glenfada Park et Abbey Park. Donaghy a Ă©tĂ© amenĂ© dans une maison voisine par des passants, oĂą il a Ă©tĂ© examinĂ© par un mĂ©decin. Ses poches ont Ă©tĂ© fouillĂ©es afin de l'identifier. Plus tard, la photo du cadavre de Donaghy a montrĂ© des bombes Ă  clous dans ses poches. Ni ceux qui fouillèrent ses poches dans la maison, ni l'officier mĂ©dical de l'armĂ©e britannique (Soldat 138) qui le dĂ©clara mort peu après ne disent avoir vu des bombes. Donaghy avait Ă©tĂ© un membre de la Fianna Éireann (en), un mouvement de jeunesse rĂ©publicain liĂ© Ă  l'ArmĂ©e rĂ©publicaine irlandaise[22]. Paddy Ward, un informateur de la police[24] qui a tĂ©moignĂ© lors de l'enquĂŞte de Saville, a affirmĂ© qu'il avait donnĂ© deux bombes Ă  clous Ă  Donaghy plusieurs heures avant qu'il soit abattu[25].
  • Gerald (James) McKinney (34 ans). TouchĂ© juste après Gerald Donaghy. Des tĂ©moins ont dĂ©clarĂ© que McKinney courait derrière Donaghy, s'est arrĂŞtĂ© et a levĂ© les bras en criant « Ne tirez pas ! Ne tirez pas ! », quand il a vu tomber Donaghy. On lui a ensuite tirĂ© dans la poitrine[22].
  • William Anthony McKinney (27 ans). TouchĂ© par derrière lorsqu'il a tentĂ© d'aider Gerald McKinney. Il avait quittĂ© la zone de couverture afin d'essayer d'aider Gerald.
  • John Johnston (59 ans). TouchĂ© Ă  la jambe et Ă  l'Ă©paule gauche sur William Street 15 minutes avant que le reste de la fusillade ait commencĂ©[22] - [26]. Johnston n'Ă©tait pas dans la marche, mais sur son chemin pour rendre visite Ă  un ami Ă  Glenfada Park[26]. Il est mort 4 mois et demi plus tard ; sa mort a Ă©tĂ© attribuĂ©e aux blessures reçues ce jour-lĂ . Il fut le seul Ă  ne pas mourir immĂ©diatement ou peu de temps après avoir Ă©tĂ© touchĂ©[22].

Contexte historique

La NICRA, menée par Ivan Cooper, est déterminée à éviter toute violence entre les différents protagonistes. Malgré son dialogue avec les autorités unionistes d'une part et les paramilitaires de l'IRA de l'autre et ses tentatives de négociation avec les forces de l'ordre britanniques, la manifestation dégénère et vingt-huit manifestants sont blessés par balles dont treize décéderont sur place. Une quatorzième personne mourra quatre mois et demi plus tard des blessures reçues ce jour-là. Deux versions coexistent :

  • selon les Britanniques, les parachutistes auraient essuyĂ© des tirs de la part de l'IRA auxquels ils auraient ripostĂ© ;
  • selon les manifestants, l'armĂ©e britannique a dĂ©libĂ©rĂ©ment tirĂ© sur une foule dĂ©sarmĂ©e.

Cette journée, désormais inscrite dans l'Histoire sous le nom de Bloody Sunday, marque une nouvelle étape dans le conflit nord-irlandais. Les rangs de l'IRA se gonflèrent après ce massacre, entraînant un engrenage mortel d'attentats et de représailles entre les camps en présence, comme lors du Bloody Friday à Belfast. L'armée britannique perdit de sa crédibilité dans l'esprit des républicains qui ne virent plus en elle une force d'interposition mais une force de répression, au même titre que la Royal Ulster Constabulary (RUC).

EnquĂŞtes

Une enquête menée rapidement par une commission présidée par Lord Widgery (en) blanchit l'armée britannique en concluant qu'elle répondait aux tirs de l'IRA provisoire. Cependant, aucune arme n'a été retrouvée sur les lieux, pas plus que de traces d'explosif sur les victimes. De plus, toutes les victimes se comptent parmi les manifestants ; aucun soldat n'a été tué ou blessé ce jour-là. Les familles des victimes reprochent à l'enquête menée par Widgery son manque d'objectivité. Le rapport Widgery est également critiqué pour son parti-pris dans l'audition des témoins[27]. Ces positions expliquent la polémique persistante entre les partisans des deux versions qui campent sur leurs positions respectives.

Le , Channel 4 diffuse un documentaire des journalistes Lena Ferguson et Alex Thomson dans lequel quatre soldats révèlent anonymement que les parachutistes ont tiré l'arme à la hanche dans la foule, contredisant la thèse officielle qui prétendait que les tirs avaient visé des cibles précises et hostiles.

Du fait des critiques adressĂ©es Ă  la version britannique de cet Ă©vĂ©nement, le Premier ministre Tony Blair fait ouvrir une nouvelle enquĂŞte le , veille de la commĂ©moration annuelle de la tragĂ©die. L'enquĂŞte est confiĂ©e au juge Mark Saville, assistĂ© de magistrats canadiens et australiens. Entre 1998 et novembre 2004, 921 tĂ©moins sont entendus et 1 555 tĂ©moignages Ă©crits examinĂ©s. Plusieurs soldats avoueront avoir menti lors de leurs dĂ©positions prĂ©cĂ©dentes et reconnaĂ®tront que les victimes Ă©taient dĂ©sarmĂ©es. Attendu pour 2007, le rapport final est publiĂ© le Ă  Derry. Les familles des victimes organisent pour l'occasion une marche silencieuse[28]. Ă€ la suite de sa publication, le gouvernement britannique, par une intervention de David Cameron Ă  la Chambre des communes, reconnaĂ®t la responsabilitĂ© des parachutistes et prĂ©sente ses excuses. Si leurs actes n'Ă©taient pas prĂ©mĂ©ditĂ©s, l'enquĂŞte prĂ©cise que :

  • tandis qu'aucun militaire ne se trouvait en Ă©tat de lĂ©gitime dĂ©fense, ils tirèrent sur des innocents, sans sommation ni avertissements, alors qu'il leur Ă©tait parfaitement visible que les civils Ă©taient dĂ©sarmĂ©s et cherchaient Ă  prendre soin des blessĂ©s ;
  • ils ont par la suite menti sur les circonstances exactes de l'incident[29].

Si le rapport Saville a été plutôt bien reçu par les familles des victimes, il n'en a pas moins essuyé des critiques venant des deux camps. Pour certains activistes républicains, la publication de ce rapport est avant tout une opération de communication au service du gouvernement britannique. Les réponses apportées par ce rapport ne font pas non plus l'unanimité au sein des proches des victimes, notamment en ce qui concerne les cas de Gerald Donaghy, qui a été accusé de transporter des bombes à clous lors de sa mort. Enfin, le fait que les témoins de l'enquête, notamment les soldats ayant ouvert le feu sur la foule, aient reçu l'assurance qu'ils ne seraient pas poursuivis pour les faits révélés dans le rapport, suscite une certaine frustration au sein de la communauté catholique. De l'autre côté, le rapport a été perçu par certains unionistes comme un cadeau injustement offert aux républicains[27].

Hommage

Une fresque à la mémoire du Bloody Sunday

Pendant le conflit, catholiques et protestants se sont aussi affrontés à coups de fresques sur les façades de leurs villes. Aujourd'hui, ces œuvres attirent les visiteurs du monde entier.

Dans le quartier républicain du Bogside, à Londonderry, à l'endroit même où le conflit débuta, se trouve une fresque commémorant le Bloody Sunday de 1972. Elle sert moins à défier les protestants qu'à célébrer l'identité catholique.

Une source d'inspiration artistique

Deux chansons nommées Sunday Bloody Sunday, la première de John Lennon en 1972, et la seconde de U2 en 1983, ainsi que Give Ireland Back to the Irish des Wings en 1972 et Zombie de The Cranberries en 1994, s'inspirent de ces événements. Le film Bloody Sunday de 2002, réalisé par Paul Greengrass relate également ces événements.

Références

  1. 'Bloody Sunday', Derry 30 January 1972 – Names of the Dead and Injured CAIN Web Service, 23 March 2006. Retrieved 27 August 2006.
  2. Extracts from 'The Road to Bloody Sunday' by Dr Raymond McClean. Retrieved 16 February 2007.
  3. « Widgery Report », CAIN (consulté le ).
  4. (en) Gallager et al, Contemporary Irish Studies, Manchester, Manchester University Press, , 144 p. (ISBN 978-0-7190-0919-8, LCCN 82020897, lire en ligne).
  5. (en) Bob Purdie, Politics in the Streets : The origins of the civil rights movement in Northern Ireland, Belfast, Blackstaff Press, , poche (ISBN 978-0-85640-437-5, LCCN 90224943, lire en ligne).
  6. (en) Eamonn McCann, War and an Irish Town, Pluto Press, , 312 p. (ISBN 978-0-7453-0830-2, lire en ligne).
  7. (en) « Police use tear gas in Bogside », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. (en) Russell Stetler, The Battle of Bogside : The Politics of Violence in Northern Ireland, Sheed and Ward, (lire en ligne).
  9. (en) Niall O Dochartaigh, From Civil Rights to Armalites : Derry and the Birth of the Irish Troubles, Cork University Press, , 332 p. (ISBN 978-1-4039-4430-6, lire en ligne).
  10. (en) Tony Geraghty, The Irish War : The Hidden Conflict Between the IRA and British Intelligence, Harper Collins, , 408 p. (ISBN 978-0-00-638674-2), p. 45.
  11. (en) Peter Taylor, Brits : The War Against the IRA, Londres, Bloomsbury Publishing, , 1re Ă©d., 450 p. (ISBN 978-0-7475-5806-4), p. 83.
  12. The Irish War: The Hidden Conflict Between the IRA and British Intelligence, p. 46.
  13. (en) Richard English, Armed Struggle : The History of the IRA, Londres, Pan Books, , 492 p. (ISBN 978-0-330-49388-8), p. 141.
  14. Brits, p. 84.
  15. Brits, p. 82.
  16. (en) Report of The Bloody Sunday Inquiry, vol. 2.15-2.16, (lire en ligne).
  17. (en) Report of The Bloody Sunday Inquiry, vol. 3.1, (lire en ligne).
  18. (en) Peter Pringle et Philip Jacobson, Those Are Real Bullets, Aren't They? : Bloody Sunday, Derry, 30 January 1972, Londres, Fourth Estate, , 1re éd., 320 p. (ISBN 978-1-84115-316-2, LCCN 00063621), p. 100 : « …the level of rioting was no greater than usual – and no petrol bombs or nail bombs were being thrown. »
  19. (en) Peter Pringle et Philip Jacobson, Those Are Real Bullets, Aren't They? : Bloody Sunday, Derry, 30 January 1972, Londres, Fourth Estate, , 1re éd., 320 p. (ISBN 978-1-84115-316-2, LCCN 00063621), p. 116 : « Seconds after the corporal fired, he would say that he spotted the same man with a black cylindrical object in one hand strike what appeared to be a match against the wall. Johnston was standing a few feet from Donaghy. One of the bullets sliced through his right thigh. »
  20. « CAIN: Events: Bloody Sunday: Menu Page », Cain.ulst.ac.uk (consulté le ).
  21. « Superb new look for Museum of Free Derrya », Derryjournal.com (consulté le ).
  22. « 'Bloody Sunday', Derry 30 January 1972 », CAIN (consulté le ).
  23. « Inquiry urged to identify soldiers », BBC News, (consulté le ).
  24. « derryjournal.com/journal/Death… »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
  25. John Innes, « McGuinness is named as bomb runner », Edinburgh, The Scotsman, (consulté le ).
  26. Brits, p. 96.
  27. Charlotte Barcat, « Vérité et justice comme remèdes au trauma : Bloody Sunday et l’enquête Saville », Études irlandaises, Rennes, Presses universitaires de Rennes, nos 36-1 « Trauma et mémoire en Irlande »,‎ , p. 91-106 (ISBN 978-2-7535-1348-8, DOI 10.4000/etudesirlandaises.2154, lire en ligne).
  28. AFP, « « Bloody Sunday » : publication ce mardi du rapport d'enquête, marche silencieuse sur les lieux du drame » (consulté le ).
  29. BBC, « Bloody Sunday report states those killed were innocent », sur http://news.bbc.co.uk/, (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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