Beauf
Le beauf — mot d'argot français employé dans le langage courant — est un stéréotype de Français moyen vulgaire, inculte et borné. Passé dans le langage familier, le personnage du « beauf », abréviation de « beau-frère »[1], est baptisé par le dessinateur Cabu dans Charlie Hebdo dans les années 1970[1], puis repris dans une rubrique du Canard enchaîné et plusieurs albums de dessins du même auteur (Le Grand Duduche, Mon beauf, À bas toutes les armées, Les nouveaux beaufs).
Origine
La représentation du beauf nait dans les bandes dessinées de Cabu, présentant une vision caricaturale de certaines formes de classe ouvrière, bourgeoise ou petite bourgeoise. Le « beauf de Cabu », représenté à l'origine comme un personnage bedonnant et moustachu, est conçu, dans sa première version, comme l'archétype d'une sorte de patron de bistrot[1]. Pour Cabu : « Le beauf c’est le type qui assène des vérités, ses vérités, il ne réfléchit absolument pas, il est porté par les lieux communs, par le « bon sens » entre guillemets, par des certitudes dont il ne démordra jamais. Il ne lit plus d’abord. Il ne lit plus de journaux. C’est la mort du papier. »[2].
Le personnage, dont le type physique approximatif est représenté par Cabu dès 1965, s'est par la suite développé au gré des conversations de l'équipe de Charlie Hebdo. L'expression « mon beauf » a été créée par François Cavanna en imitant des conversations de bistrot : « Dans ces moments-là , je parlais tout le temps de mon beauf, comme ça, comme on dirait mon frangin (…). Le type avec lequel on regarde le foot à la télé, celui qui vient vous aider à repeindre la cuisine le dimanche, parce que le week-end d'avant, c'est vous qui êtes allé l'aider à bricoler sa voiture. Venant d'un milieu ouvrier, cela symbolisait pour moi les relents de pastis, la pétanque, la connerie morne ». Cabu lui-même reprend l'idée dans ses dessins et fixe, en 1975, le personnage de « Mon Beauf », en s'inspirant d’un patron de bistrot de sa ville de Châlons-sur-Marne mais aussi de Jacques Médecin, à l'époque maire de Nice[3].
La référence à la belle-famille dans le terme même de « beauf » est en soi un cliché humoristique, celle-ci étant souvent présentée comme porteuse de fréquentations désagréables et de tracas divers ; ses membres, comme le beau-frère ou la belle-mère, sont dépeints dans nombre de récits comiques (La Famille Illico, Un gars, une fille, Mon beau-père et moi, Mariage à la grecque, etc.) comme des personnes insupportables, ou simplement envahissantes, dont on ne peut cependant se défaire.
Le terme « beauf » désigne généralement une personne plutôt de classe moyenne ou populaire, aux idées étroites, aux manières vulgaires, aux goûts douteux, nourrie de préjugés et peu tolérante[4]. Selon diverses représentations, le « beauf » est peu cultivé et parfois fier de l'être[4] - [5] : la caricature d'un type de beauf le veut empreint d'une certaine autosatisfaction[5].
Le mot « beauf » peut aussi être employé en tant qu'adjectif pour désigner un objet ou une activité jugé(e) démodé(e), vulgaire ou trop peu élitiste, choses associées à l'attitude et au « style beauf ».
Dans la culture
Ce type de personnages a été de nombreuses fois caricaturé dont :
Dans la bande dessinée et la caricature
- Le beauf caricaturé par Cabu est censé représenter un type de français moyen : bedonnant, moustachu et chauvin, généralement électeur de droite, mais aussi occasionnellement de gauche (Cabu représente fréquemment son personnage de beauf comme électeur, d'abord de Jacques Chirac puis, à partir des années 1980, de Jean-Marie Le Pen ; il en fait cependant à l'occasion un électeur du Parti communiste français, voire plus rarement, d'Arlette Laguiller) et souvent raciste. Au début des années 1990, Cabu a créé une version plus urbaine, « branchée » du beauf « classique » : coiffé en catogan, avide de produits de luxe, le « nouveau beauf » vote à gauche, se dit écologiste tout en roulant en 4×4, travaille dans la pub, et déteste le « beauf » classique.
- La série Les Bidochon, de Binet, raconte les aventures d'un couple de beaufs[6].
Dans la chanson et le sketch
- Coluche l'évoque dans plusieurs de ses sketches (notamment Gérard). Il le décrit précisément :
- Le beauf français, il ferait pas de mal à une mouche, il est râleur contre tout, il a une casquette avec écrit Ricard dessus, et il va en vacances dans sa caravane. Tous les caravaniers sont pas des beaufs. Beauf, c'est un état d'esprit. C'est comme vieux et jeune, il y a des mecs qui sont jeunes à tout âge et d'autres qui sont vieux très jeunes. Beauf, c'est pareil, il y a des patrons, il y a des ouvriers. Le beauf, c'est le mec qui reproche au gouvernement le mauvais temps en été, alors que c'est vraiment la faute à personne, à mon avis[7].
- Le Studio Bagel, dans sa vidéo « La Beauféthie »[8].
- L'humoriste Jean-Marie Bigard[1].
- Mon beauf'[4], chanson du chanteur Renaud sur l'album Le Retour de GĂ©rard Lambert (1981).
Au cinéma et à la télévision
- Gérard Jugnot et, dans une moindre mesure, ses compères de la troupe du Splendid ont joué de nombreux rôles de beaufs à l'écran. Gérard Jugnot a d'ailleurs interprété un film intitulé Le Beauf, où son personnage se révèle justement moins stupide que prévu.
- Michaël Youn campe plusieurs personnages de jeunes beaufs dans ses films[9], chansons et sketches.
Dans l'émission et la série TV
- En 2003, Kad et Olivier font apparaître un beauf dans la fausse pub Beauf de France.
Bibliographie
- Jean Dutourd, Au bon beurre ou dix ans de la vie d'un crémier, Paris, Gallimard, , 375 p. (ISBN 2-07-036260-4, BNF 35224521)
- Cabu, Mon beauf', Paris, Dargaud, coll. « Humour », , 64 p. (ISBN 2-205-02206-7, EAN 9782205022063, ISSN 0758-4717, BNF 34780511)
- Cabu, Roti de beauf, Le Cherche-Midi (1985) (ISBN 978-2-86274-143-7).
- Cabu, Les nouveaux beaufs sont arrivés !, Paris, Le cherche midi, coll. « La bibliothèque du dessinateur », , 63 p. (ISBN 978-2-86274-231-1 et 2-86274-231-7, BNF 35527454)
- Frédéric Brunnquell (ill. Cabu), Liberté, égalité, sacrée soirée, Paris, générales F1rst, , 238 p. (ISBN 978-2-87691-212-0 et 2-87691-212-0, BNF 36669452)
- Hervé Algalarrondo, Les beaufs de gauche, Paris, J. C. Lattès, , 169 p. (ISBN 2-7096-1466-9, BNF 36679917)
Annexes
Liens externes
- Cabu disserte sur le « beauf » à la française - Ina, émission Apostrophes du [vidéo]
- Quand les beaufs débarquent au cinéma - Liste de films avec extraits vidéos, Cinetrafic
- Le beauf, c'est toujours l'autre…, interview de Cabu dans Le Parisien du .
- Paul Douard, « On a demandé à des Français de différentes classes sociales ce qu’était un « beauf » », sur Vice, .
Notes et références
- Les nouveaux beaufs - L'Express, .
- Cabu, au micro de GĂ©rard Holtz, .
- Florence Aubenas, Champagne light pour le nouveau beauf, Libération, , BEAUF - L'INTÉGRALE.
- Paroles de la chanson Mon beauf' de Renaud - Lyrics-Copy.com.
- Jean-Claude Convenant dans Caméra Café.
- Les Bidochon, c’est nous !, Le Parisien Magazine, .
- L'été des Dupont-Lajoie[PDF], Le Nouvel Observateur, .
- « La Beauféthie (avec Mister V, Monsieur Poulpe et Gaël Mectoob) - Youtube », sur Youtube, .
- Michaël Youn : « Fatal Bazooka, c'est le beauf que je m'interdis d'être » - Var-Matin, .