Accueil🇫🇷Chercher

Bataille d'Anzen

La bataille d'Anzen ou bataille de Dazimon se déroule le à Anzen ou Dazimon (aujourd'hui Dazman en Turquie). Elle oppose l'Empire byzantin aux forces du califat abbasside. Les Abbassides viennent de lancer une expédition massive composée de deux armées, en représailles aux succès de l'empereur Théophile l'année précédente. Le but de l'expédition est de mettre à sac la cité d'Amorium, l'une des plus grandes cités byzantines. Théophile et son armée affrontent la plus petite armée arabe, dirigée par le général Afchin Khaydar ben Kawus à Dazimon. L'armée byzantine supérieure en nombre est d'abord dans une situation favorable mais quand Théophile décide de diriger l'attaque en personne, son absence à son poste habituel crée la panique chez les Byzantins, qui craignent qu'il ait été tué. Cet évènement combiné à la vigoureuse contre-attaque des archers à cheval turcs entraînent la fuite de l'armée byzantine. Théophile et sa garde sont encerclés sur une colline avant qu'ils ne parviennent à s'échapper. La défaite ouvre la voie du sac brutal d'Amorium quelques semaines plus tard. Ce sac est l'une des plus sérieuses déroutes des Byzantins lors des longues guerres arabo-byzantines.

Bataille d'Anzen
Description de cette image, également commentée ci-après
Carte des opérations militaires byzantines et arabes en 837-838.
Informations générales
Date 22 juillet 838
Lieu Près de Dazman, Turquie
Issue Victoire musulmane
Forces en présence
25 000[1] Ă  40 000[2]20 000[3] Ă  30 000 hommes[2]

Guerres arabo-byzantines

Batailles

ConquĂŞte musulmane du Levant

Conquête musulmane de l'Égypte


ConquĂŞte musulmane du Maghreb


Invasions Omeyyades & Sièges de Constantinople


Guerre frontalière arabe-byzantine


Conquête musulmane de la Sicile et du sud de l’Italie


Guerres navales et raids


ReconquĂŞte byzantine

CoordonnĂ©es 40° 23′ 24″ nord, 36° 05′ 24″ est

Contexte

En 829, le jeune Théophile monte sur le trône byzantin. Cela fait près de deux siècles que les guerres arabo-byzantines rythment l'histoire militaire des deux empires. Ambitieux et iconoclaste convaincu, Théophile cherche à renforcer son régime et à acquérir du soutien pour sa politique religieuse grâce à des succès militaires contre les Abbassides, le plus grand adversaire de l'empire. Au cours des années 830, Théophile lance une série de campagnes aux succès contrastés contre le califat. Cela lui permet de se placer dans la lignée de la figure traditionnelle de l'empereur romain victorieux[4] - [5]. En 837, Théophile dirige en personne une campagne majeure dans la région du haut Euphrate lors de laquelle il met à sac les cités d'Arsamosate et de Sozopetra (le lieu de naissance du calife Al-Mu'tasim. Enfin, il contraint Mélitène à lui payer un tribut et à lui fournir des otages. En échange, la cité est épargnée[6] - [7].

En retour, Al-Mu'tasim dĂ©cide de lancer une expĂ©dition punitive majeure contre Byzance. Elle vise deux citĂ©s byzantines d'Anatolie centrale : Anzen et Amorium. Cette dernière est probablement la plus grande ville d'Anatolie Ă  cette Ă©poque, en plus d'ĂŞtre le lieu de naissance de la dynastie amorienne. De ce fait, elle a une importance symbolique non nĂ©gligeable. Selon les chroniqueurs, les soldats d'Al-Mu'tasim auraient peint le terme « Amorion Â» sur leurs boucliers et leurs bannières[2] - [6]. Une vaste armĂ©e se rassemble Ă  Tarse (80 000 selon Treadgold) avant d'ĂŞtre divisĂ©e en deux corps principaux. L'armĂ©e se dirigeant vers le nord est dirigĂ©e par Afchin et doit envahir le thème des ArmĂ©niaques depuis la rĂ©gion de MĂ©litène, après avoir joint ses forces avec celles d'Omar al-Aqta, l'Ă©mir local. La force se dirigeant vers le sud qui est aussi l'armĂ©e principale, est dirigĂ©e par le calife en personne. Elle doit passer par les Portes ciliciennes et entre en Cappadoce avant d'atteindre Ancyre. Après la prise de la citĂ©, les deux armĂ©es arabes doivent se rejoindre et marcher sur Amorium. Les forces d'Afchin comprennent selon Jean Skylitzès la totalitĂ© de l'armĂ©e arabe d'ArmĂ©nie et comptent 20 000 hommes selon Haldon (30 000 selon Treadgold) dont 10 000 archers Ă  cheval turcs[6] - [3].

Dans le camp byzantin, ThĂ©ophile est très tĂ´t mis au courant des intentions du calife et il quitte Constantinople au dĂ©but du mois de juin. Son armĂ©e comprend des hommes des thèmes anatoliens et peut-ĂŞtre aussi des thèmes europĂ©ens, les tagmata d'Ă©lite ainsi qu'un contingent de Khurramites kurdes. Ces derniers sont dirigĂ©s par un certain Nasr (converti au christianisme et baptisĂ© sous le nom de ThĂ©ophobos). Ils ont fui la rĂ©pression dont ils faisaient l'objet de la part du calife et ont rejoint l'Empire byzantin pour former la turme « persane »[8] - [1]. Alors qu'il campe Ă  DorylĂ©e, l'empereur divise ses forces. Il envoie un puissant contingent renforcer la garnison d'Amorium tandis que lui-mĂŞme se dirige avec le reste de l'armĂ©e (25 000 selon Haldon, 40 000 hommes selon Treadgold) pour se positionner entre les Portes ciliciennes et Ancyre[1] - [2].

La bataille

La retraite de Théophile à travers les montagnes. Illustration issue du manuscrit Skylitzès.

Au milieu du mois de juin, Afchin traverse les monts de l'Anti-Taurus et campe au fort de Dazimon (en grec : Δαζιμῶν, modern Dazman) entre Amasée et Tokat. C'est un lieu important qui sert aussi de point de ralliement (aplekton) aux Byzantins. Quelques jours plus tard, le 19 juin, l'avant-garde de l'armée arabe principale envahit aussi le territoire byzantin, suivie deux jours plus tard par le calife et le gros des troupes[3] - [6]. Théophile est informé de ces mouvements au milieu du mois de juillet. Les forces d'Afchin lui sont inférieures en nombre mais elles menacent de couper ses lignes d'approvisionnement. De fait, l'empereur laisse une petite force de couverture contre l'armée du calife et marche vers l'est, à la rencontre d'Afchin. Le 21 juillet, l'armée impériale arrive en vue des forces arabes et campe sur une colline de la plaine de Dazimonitis, au sud du fort de Dazimon[3] - [6].

Bien que ThĂ©ophobos et le domestique des Scholes Manuel l'ArmĂ©nien lui conseillent de lancer une attaque surprise de nuit, l'empereur se range du cĂ´tĂ© de l'avis d'autres officiers et dĂ©cide d'attendre pour lancer son attaque le lendemain. L'armĂ©e byzantine attaque Ă  l'aube et les premières phases de la bataille sont Ă  son avantage. Ils bousculent une aile de l'armĂ©e adverse et les pertes arabes s'Ă©lèvent Ă  3 000 hommes. Vers midi, ThĂ©ophile dĂ©cide de renforcer l'autre aile et dĂ©tache 2 000 Byzantins et le corps khurramites. Il abandonne alors son poste et se place juste derrière les lignes de sa propre armĂ©e[6]. Toutefois, au mĂŞme moment, Afchin lance ses arches Ă  cheval turcs dans une fĂ©roce contre-attaque qui entrave la progression byzantine et permet aux Arabes de se regrouper. Les troupes byzantines notent alors l'absence de l'empereur et pensent qu'il a Ă©tĂ© tuĂ©. Elles commencent alors Ă  flĂ©chir. BientĂ´t, ce flĂ©chissement se transforme en une retraite dĂ©sordonnĂ©e. Certains soldats fuient jusqu'Ă  Constantinople, emportant avec eux la rumeur de la mort de l'empereur. Toutefois, certaines unitĂ©s parviennent Ă  maintenir une certaine cohĂ©sion lors de leur repli et se rassemblent Ă  un endroit appelĂ© Chiliokomon[6] - [3].

Théophile se retrouve isolé du reste de l'armée avec ses tagmata et les Kurdes sur une colline. Les Arabes commencent alors à encercler celle-ci mais les Byzantins sont sauvés par une averse soudaine qui détend les cordes des arcs turcs, les rendant inutilisables. Afchin envoie alors des catapultes bombarder la position byzantine[9]. Au même moment, des officiers de Théophile inquiets à l'idée d'une trahison par les Kurdes persuadent l'empereur de se replier. Celui-ci réussit à percer les lignes arabes non sans souffrir de nombreuses blessures. Selon les sources, Manuel aurait sauvé l'empereur au prix de sévères blessures, possiblement mortelles. Pour d'autres sources, c'est Théophobos qui sauve la vie de l'empereur. Quoi qu'il en soit, Théophile et sa petite escorte parviennent à rejoindre Chiliokomon où il réorganise progressivement les restants de son armée[2] - [6] - [10].

Conséquences

L'empereur Théophile et sa cour.

Ă€ la suite de cette dĂ©faite et des rumeurs entourant le possible dĂ©cès de ThĂ©ophile, celui-ci voit sa position se fragiliser. Il abandonne la campagne et se replie Ă  DorylĂ©e d'oĂą il se dirige rapidement vers la citĂ© impĂ©riale. Ancyre est abandonnĂ©e et pillĂ©e par les Arabes le 27 juillet[10]. Par la suite, l'armĂ©e abbasside marche vers Amorium sans rencontrer d'opposition. La grande citĂ© byzantine chute après un siège de deux semaines. Sur une population totale estimĂ©e Ă  70 000 âmes, seule la moitiĂ© survit au sac brutal de leur citĂ© pour ĂŞtre vendue comme esclaves. La chute de la citĂ© est l'un des plus sĂ©rieux coups reçus par les Byzantins lors du IXe siècle, tant matĂ©riellement que symboliquement. Heureusement pour l'Empire byzantin, les nouvelles d'une rĂ©bellion au sein du califat contraignent Al-Mu'tasim Ă  se retirer du territoire byzantin peu après le sac d'Amorium[2] - [10].

Au mĂŞme moment, ThĂ©ophile doit faire face Ă  une rĂ©volte menĂ©e par Kurdes qui ont nommĂ© ThĂ©ophobos empereur. Quand les rumeurs de la mort de ThĂ©ophile atteignent la capitale, le nom de ThĂ©ophobos liĂ© Ă  celui de l'empereur du fait d'une alliance matrimoniale fait de lui un sĂ©rieux partisan au trĂ´ne impĂ©rial, d'autant qu'il est connu pour ĂŞtre un iconodoule (un partisan du culte des images). Lors de son retour Ă  Constantinople, ThĂ©ophile fait appel Ă  son gĂ©nĂ©ral mais ce dernier, craignant d'ĂŞtre puni, fuit avec des Kurdes loyaux vers Sinope oĂą il est proclamĂ© empereur. Toutefois, ThĂ©ophobos est persuadĂ© par l'empereur de se rendre l'annĂ©e suivante tandis que le corps « persan Â» est dĂ©mantelĂ© et ses membres dispersĂ©s Ă  travers les diffĂ©rents thèmes de l'empire[11].

Bien qu'elle soit tragique pour les Byzantins sur le moment, la défaite d'Anzen suivie du sac d'Amorium n'ont pas de conséquences militaires à long terme pour l'empire car les Abbassides ne parviennent pas à exploiter leur succès. Toutefois, elles jouent un grand rôle dans le discrédit qui frappe l'iconoclasme, qui comptait sur les succès militaires pour conserver sa légitimité. Peu après la mort soudaine de Théophile en 842, la vénération des icônes est restaurée lors du Dimanche de l'Orthodoxie[12]. La bataille d'Anzen est aussi importante car elle illustre les difficultés de l'armée byzantine face aux archers à cheval, ce qui constitue un changement remarquable par rapport aux VIe et VIIe siècles où ces unités étaient l'un des éléments majeurs de la doctrine militaire byzantine. En outre, cette bataille est aussi la première confrontation entre l'armée byzantine et les Turcs nomades d'Asie centrale dont les descendants deviennent les ennemis principaux de l'empire à partir du milieu du XIe siècle[13] - [14].

Notes et références

  1. Haldon 2001, p. 78
  2. Treadgold 1997, p. 441
  3. Haldon 2001, p. 80
  4. Whittow 1997, p. 152-153.
  5. Treadgold 1997, p. 437-440.
  6. Kiapidou 2003, Chapitre 2
  7. Treadgold 1997, p. 440-441.
  8. Kazhdan 1991, p. 2067.
  9. Haldon 2001, p. 80-82.
  10. Haldon 2001, p. 82
  11. Kazhdan 1991, p. 2068.
  12. Whittow 1997, p. 153-154.
  13. Haldon 2001, p. 82-83.
  14. Kiapidou 2003, Chapitre 3.

Annexes

Bibliographie

  • (en) Warren Treadgold, The Byzantine Revival, 780-842, Stanford, Calif., Stanford University Press, , 504 p. (ISBN 0-8047-1462-2)
  • (en) Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, , 1re Ă©d., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6 et 0-19-504652-8, LCCN 90023208)
  • (en) Mark Whittow, The Making of Byzantium, 600-1025, University of California Press, (ISBN 0-520-20496-4)
  • (en) John F. Haldon, Warfare, State and Society in the Byzantine World, 565–1204, Londres, University College London Press,
  • (en) Irini-Sofia Kiapidou, « Battle of Dazimon, 838 », Encyclopedia of the Hellenic World, Asia Minor, Athènes, Foundation of the Hellenic World,‎

Articles connexes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.