Accueil🇫🇷Chercher

Béryllium 8

Le béryllium 8, noté 8Be, est l'isotope du béryllium dont le nombre de masse est égal à 8 : son noyau atomique compte protons et neutrons avec un spin 0+ pour une masse atomique de 8,005 305 1 g/mol. Il est caractérisé par un excès de masse de 4 941,6 keV et une énergie de liaison nucléaire par nucléon de 7 062,43 keV[1]. Il s'agit d'un nucléide α, dont le noyau est très instable et se désintègre par radioactivité α en émettant deux particules α, c'est-à-dire deux noyaux 4
2
He
, avec une période radioactive de l'ordre de 8,19 × 10−17 s[1].

Béryllium 8

table

Général
Nom Béryllium 8
Symbole 8
4
Be
4
Neutrons 4
Protons 4
Données physiques
Présence naturelle 0[1]
Demi-vie 8,19(37) × 10−17 s[1]
Produit de désintégration 4He
Masse atomique 8,00530510(4) u
Spin 0+[1]
Excès d'énergie 4 941,67 ± 0,04 keV[1]
Énergie de liaison par nucléon 7 062,436 ± 0,004 keV[1]
Désintégration radioactive
Désintégration Produit Énergie (MeV)
Radioactivité α 4
2
He
+ 4
2
He
0,09184[2]

Le béryllium 8 est un nucléide important en astrophysique du point de vue de la nucléosynthèse stellaire car, en dépit de sa grande instabilité, c'est un intermédiaire clé de la réaction triple alpha 4
2
He
(α,γ)8
4
Be
(α,γ)12
6
C
ouvrant la voie à la nucléosynthèse d'éléments plus lourds à l'issue de la chaîne proton-proton. Ses propriétés particulères ont donné lieu à des hypothèses sur l'ajustement fin de l'univers ainsi qu'à des hypothèses sur l'évolution cosmologique d'un Univers où le béryllium 8 aurait été stable.

Propriétés

Le béryllium 8 se désintègre par émission α avec une énergie d'environ 92 keV et une résonance large d'à peine 6 eV[3]. Le noyau d'hélium 4 est particulièrement stable, ayant un nombre magique à la fois de protons et de neutrons et une énergie de liaison par nucléon de 7 074 keV/nucléon[1], plus élevée que celle du 8Be. Dans la mesure où son énergie totale est supérieure à celle de deux noyaux d'hélium 4, sa désintégration en deux particules α est énergétiquement favorable[4], et la nucléosynthèse de 8Be à partir de 4He est endothermique[5] - [6].

La désintégration du 8Be est facilitée par la structure de son noyau. Celui-ci est très déformé, et l'on pense qu'il relève davantage d'un assemblage de type « moléculaire » composé de deux particules α très faciles à séparer. Alors que bien d'autres nucléides α peuvent présenter des isomères « moléculaires » hautement instables qui ne peuvent exister que pendant des durées infinitésimales, il se trouve que 8Be est précisément dans son état fondamental sous cette forme de noyau composé de deux particules α et peut subsister ainsi pendant un temps certes très bref — 8,19 × 10−17 s[7] — mais néanmoins suffisamment long pour permettre des interactions avec d'autres particules, condition nécessaire à l'existence même de la réaction triple alpha permettant la nucléosynthèse du carbone 12.

Le béryllium 8 présente par ailleurs plusieurs isomères nucléaires. Ce sont des états de résonance à l'existence très brève, dont l'amplitude peut atteindre plusieurs mégaélectron-volts et caractérisés par des isospins variables, qui retournent rapidement à l'état fondamental ou se désintègrent en deux particules α[8].

Rôle dans la nucléosynthèse stellaire

La très brève demi-vie du béryllium 8 constitue un goulot d'étranglement à la fois lors de la nucléosynthèse primordiale et au cours de la nucléosynthèse stellaire[9] car elle nécessite une vitesse de réaction très élevée pour permettre la formation de carbone 12[10]. En l'occurrence, la fusion d'une particule α avec un noyau de béryllium 8 avant qu'il se désintègre peut donner du carbone 12 selon une réaction théorisée dès le début des années 1950[11] - [12].

La réaction triple alpha de production du 12C est favorisée lorsque la concentration de 8Be représente environ 10−8 fois celle de 4He, ce qui survient lorsqu'il se forme plus vite qu'il se désintègre[13]. Ceci n'est cependant pas suffisant, car la collision d'une particule α avec un noyau de 8Be a une probabilité plus élevée de briser ce dernier en deux particules α par fission que de former un noyau de 12C par fusion, de sorte que la vitesse de réaction resterait insuffisante pour expliquer le taux de 12C observé dans l'univers[14]. La solution est venue en 1954 de la conjecture par Fred Hoyle de l'existence d'un isomère particulier du carbone 12 dont l'énergie correspondrait à celui de la réaction triple alpha, ce qui favoriserait la formation de 12C malgré l'instabilité du 8Be[15]. L'existence de cette résonance particulière, dite état de Hoyle, a été confirmée expérimentalement peu après ; sa découverte a contribué à la formulation du principe anthropique et de l'hypothèse de l'ajustement fin de l'univers[16].

Désintégration inattendue et spéculation sur une 5e force fondamentale

Une expérience réalisée en 2015 à l'Institut de recherche nucléaire de l'Académie hongroise des sciences à Budapest (Atomki (en)) a observé une anomalie dans la désintégration des états excités du béryllium 8 à 17,64 et 18,15 MeV obtenus par irration de 7Li par des protons. Cette anomalie se manifeste sous la forme d'un pic de désintégrations créant des paires électron-positron à un angle de 140° avec une énergie combinée d'environ 17 MeV[17]. Cette observation d'écart type 6,8 σ a été expliquée par l'existence d'un hypothétique boson de jauge protophobique « X » appelé particule X17 en référence au niveau d'énergie concerné[8]. Ce boson serait responsable d'une 5e force (en) agissant à courte distance (12 fm) et pouvant expliquer la désintégration de ces états excités du 8Be[18]. L'expérience a été renouvelée en 2018 et observa la même anomalie, et a permis d'estimer la masse de l'hypothétique boson X17 à 17,01 ± 0,16 MeV/c2[19]. Alors que d'autres observations de cette nouvelle particule sont en prépublication[20], la communauté scientifique demeure prudente[21].

Univers hypothétiques à béryllium 8 stable

Dans la mesure où le béryllium 8 se dissocie avec une énergie d'à peine 92 keV, des théoriciens ont spéculé sur l'ajustement de certaines constantes physiques telles que la constante de structure fine α susceptible de stabiliser l'énergie de liaison du 8Be et de prévenir sa désintégration α. Ceci a conduit à des spéculations sur des scénarios hypothétiques dans lesquels 8Be est stable dans des univers dont les constantes fondamentales sont différentes[14].

Ces études ont suggéré que la disparition du goulot d'étranglement[16] au niveau du 8Be résulterait en un mécanisme de réaction très différent au cours de la nucléosynthèse primordiale et de la réaction triple alpha ainsi qu'en une abondance relative différente des éléments plus lourds[3]. Dans la mesure où la nucléosynthèse primordiale s'est déroulée pendant une brève période de temps au cours de laquelle les conditions nécessaires étaient réunies, il est probable qu'il n'y aurait pas eu de différence significative dans la production de 12C même si le 8Be avait été stable[9]. Cependant, du 8Be stable permettrait des réactions alternatives à la fusion de l'hélium telles que 8Be + 4He et 8Be + 8Be donnant lieu à une phase de « fusion du béryllium » qui résulterait en des abondances relatives différentes de 12C, de 16O et d'autres isotopes plus lourds, les isotopes 1H et 4He demeurant les plus abondants dans ce cas-là également. Ceci aurait également un impact sur l'évolution stellaire en déclenchant plus rapidement la fusion de l'hélium, qui s'en trouverait accélérée, d'où une séquence principale différente[14].

Notes et références

  1. (en) « Live Chart of Nuclides: 8
    4
    Be
    4
    »
    , sur https://www-nds.iaea.org/, AIEA, (consulté le )
    .
  2. (en) « 8Be », sur https://periodictable.com/ (consulté le ).
  3. (en) Alain Coc, Pierre Descouvemont, Keith A. Olive, Jean-Philippe Uzan et Elisabeth Vangioni, « Variation of fundamental constants and the role of A=5 and A=8 nuclei on primordial nucleosynthesis », Physical Review D, vol. 86, no 4, , article no 043529 (DOI 10.1103/PhysRevD.86.043529, Bibcode 2012PhRvD..86d3529C, arXiv 1206.1139, lire en ligne)
  4. (en) Hendrik Schatz et Klaus Blaum, « Nuclear masses and the origin of the elements », Europhysics News, vol. 37, no 5, , p. 16-21 (DOI 10.1051/epn:2006502, Bibcode 2006ENews..37e..16S, lire en ligne)
  5. (en) M. Freer, « Clustering in Light Nuclei; from the Stable to the Exotic », C. Scheidenberger et M. Pfützner, The Euroschool on Exotic Beams: Lecture Notes in Physics, vol. IV, Springer, 2014, p. 1-37, DOI 10.1007/978-3-642-45141-6. (ISBN 978-3-642-45140-9)
  6. (en) Bo Zhou et Zhongzhou Ren, « Nonlocalized clustering in nuclei », Advances in Physics: X, vol. 2, no 2, , p. 359-372 (DOI 10.1080/23746149.2017.1294033, Bibcode 2017AdPhX...2..359Z, lire en ligne)
  7. (en) Audi G. (欧乔治), F. G. Kondev, Wang Meng (王猛), Huang W.J. (黄文嘉) et S. Naimi, « The NUBASE2016 evaluation of nuclear properties », Chinese Physics C, vol. 41, no 3, , article no 030001 (DOI 10.1088/1674-1137/41/3/030001, Bibcode 2017ChPhC..41c0001A, lire en ligne)
  8. (en) Jonathan L. Feng, Bartosz Fornal, Iftah Galon, Susan Gardner, Jordan Smolinsky, Tim M. P. Tait et Philip Tanedo, « Protophobic Fifth-Force Interpretation of the Observed Anomaly in 8Be Nuclear Transitions », Physical Review Letters, vol. 117, no 7, , article no 071803 (PMID 27563952, DOI 10.1103/PhysRevLett.117.071803, Bibcode 2016PhRvL.117g1803F, arXiv 1604.07411, lire en ligne)
  9. (en) Alain Coc et Elisabeth Vangioni, « The triple-alpha reaction and the A=8 gap in BBN and Population III stars », Memorie della Societa Astronomica Italiana, vol. 85, , p. 124-129 (Bibcode 2014MmSAI..85..124C, lire en ligne)
  10. (en) Klaas Landsman, « The Fine-Tuning Argument », Prépublication, (Bibcode 2015arXiv150505359L, arXiv 1505.05359, lire en ligne)
  11. (en) E. J. Öpik, « Stellar Models with Variable Composition. II. Sequences of Models with Energy Generation Proportional to the Fifteenth Power of Temperature », Proceedings of the Royal Irish Academy. Section A: Mathematical and Physical Sciences, vol. 54, , p. 49-77 (JSTOR 20488524, Bibcode 1951PRIAA..54...49O, lire en ligne)
  12. (en) E. E. Salpeter, « Nuclear Reactions in the Stars. I. Proton-Proton Chain », Physical Review Journals Archive, vol. 88, no 3, , p. 547-553 (DOI 10.1103/PhysRev.88.547, Bibcode 1952PhRv...88..547S, lire en ligne)
  13. (en) H. Sadeghi, R. Pourimani et A. Moghadasi, « Two-helium radiative capture process and the 8Be nucleus at settler energies », Astrophysics and Space Science, vol. 350, no 2, , p. 707-712 (DOI 10.1007/s10509-014-1806-1, Bibcode 2014Ap&SS.350..707S, lire en ligne)
  14. (en) Fred C. Adams et Evan Grohs, « Stellar helium burning in other universes: A solution to the triple alpha fine-tuning problem », Astroparticle Physics, vol. 87, , p. 40-54 (DOI 10.1016/j.astropartphys.2016.12.002, Bibcode 2017APh....87...40A, arXiv 1608.04690, lire en ligne)
  15. (en) Fred Hoyle, « On Nuclear Reactions Occuring in Very Hot Stars. I. The Synthesis of Elements from Carbon to Nickel », Astrophysical Journal Supplement, vol. 1, , p. 121-146 (DOI 10.1086/190005, Bibcode 1954ApJS....1..121H, lire en ligne)
  16. (en) Evgeny Epelbaum, Hermann Krebs, Dean Lee et Ulf-G. Meißner, « Ab Initio Calculation of the Hoyle State », Physical Review Letters, vol. 106, no 19, , article no 192501 (PMID 21668146, DOI 10.1103/PhysRevLett.106.192501, Bibcode 2011PhRvL.106s2501E, arXiv 1101.2547, lire en ligne)
  17. (en) A. J. Krasznahorkay, M. Csatlós, L. Csige, Z. Gácsi, J. Gulyás, M. Hunyadi, I. Kuti, B. M. Nyakó, L. Stuhl, J. Timár, T. G. Tornyi, Zs. Vajta, T. J. Ketel et A. Krasznahorkay, « Observation of Anomalous Internal Pair Creation in 8Be: A Possible Indication of a Light, Neutral Boson », Physical Review Letters, vol. 116, no 4, , article no 042501 (PMID 26871324, DOI 10.1103/PhysRevLett.116.042501, Bibcode 2016PhRvL.116d2501K, arXiv 1504.01527, lire en ligne)
  18. (en) Edwin Cartlidge, « Has a Hungarian physics lab found a fifth force of nature? », sur https://www.nature.com/, Nature, (consulté le ).
  19. (en) A. J. Krasznahorkay, M. Csatlós, L. Csige, Z. Gácsi, J. Gulyás, Á. Nagy, N. Sas, J. Timár, T. G. Tornyi, I. Vajda et A. J. Krasznahorkay, « New results on the 8Be anomaly », Journal of Physics: Conference Series, vol. 1056, no 1, , article no 012028 (DOI 10.1088/1742-6596/1056/1/012028, Bibcode 2018JPhCS1056a2028K, lire en ligne)
  20. (en) A. J. Krasznahorkay, M. Csatlos, L. Csige, J. Gulyas, M. Koszta, B. Szihalmi, J. Timar, D. S. Firak, A. Nagy, N. J. Sas et A. Krasznahorkay, « New evidence supporting the existence of the hypothetic X17 particle », Prépublication, (Bibcode 2019arXiv191010459K, arXiv 1910.10459, lire en ligne)
  21. (en) Jonathan O'Callaghan, « Evidence of New X17 Particle Reported, but Scientists Are Wary », sur https://www.scientificamerican.com/, Scientific American, (consulté le ).


Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.