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Attentat de l'Amia

L'attentat de l'Amia est une attaque Ă  la voiture piĂ©gĂ©e perpĂ©trĂ©e le Ă  Buenos Aires, la capitale de l'Argentine, et visant un bĂątiment abritant plusieurs associations juives, dont l'Association mutuelle israĂ©lite argentine (Amia). Avec un bilan de 85 morts et 230 blessĂ©s, c'est l'attentat le plus meurtrier de l'histoire du pays, mais il n'a jamais Ă©tĂ© revendiquĂ©.

Attentat de l'Amia
Image illustrative de l’article Attentat de l'Amia
Monument commĂ©morant les victimes de l'attentat de l'AMIA, situĂ© devant le MinistĂšre de la Justice argentin en forme de requĂȘte.

Cible Association mutuelle israélite argentine (Amia)
Buenos Aires (Argentine)
CoordonnĂ©es 34° 36â€Č 07″ sud, 58° 23â€Č 58″ ouest
Date
Type Véhicule piégé
Armes Bombe
Morts 84
Blessés 230
Mouvance Antisémitisme
GĂ©olocalisation sur la carte : Argentine
(Voir situation sur carte : Argentine)
Attentat de l'Amia
GĂ©olocalisation sur la carte : Buenos Aires
(Voir situation sur carte : Buenos Aires)
Attentat de l'Amia

L'enquĂȘte, toujours en cours, a souffert de nombreuses irrĂ©gularitĂ©s et a conduit Ă  l'inculpation de plusieurs policiers argentins. En 2005, le juge fĂ©dĂ©ral Juan JosĂ© Galeano, chargĂ© de l'affaire, est dĂ©mis de ses fonctions Ă  la suite de « graves irrĂ©gularitĂ©s »[1].

En 2006, le nouveau procureur chargĂ© du dossier, Alberto Nisman, accuse formellement le gouvernement iranien d'ĂȘtre le commanditaire de l'attentat, et le Hezbollah d'en ĂȘtre l'auteur[1]. Selon lui, l'Argentine aurait Ă©tĂ© visĂ©e Ă  la suite de sa dĂ©cision de suspendre son transfert de technologies nuclĂ©aires vers l'Iran. Un mandat d'arrĂȘt international est alors rĂ©clamĂ© Ă  l'encontre de plusieurs hauts responsables iraniens, dont l’ancien prĂ©sident Hachemi Rafsandjani[1].

Le procureur Alberto Nisman accuse également l'ancien président argentin Carlos Menem et ses collaborateurs de l'époque d'avoir subtilisé des preuves afin de mettre hors de cause un entrepreneur argentino-syrien soupçonné d'avoir participé à la planification de l'opération[1].

Alberto Nisman est retrouvĂ© mort en janvier 2015 Ă  son domicile dans des conditions mystĂ©rieuses[2]. Quatre jours avant son dĂ©cĂšs, il avait incriminĂ© l'ancienne prĂ©sidente argentine Cristina Kirchner, estimant qu'elle avait favorisĂ© l'impunitĂ© de suspects iraniens[2]. Dans son dossier d'accusation, le magistrat n'avait finalement pas inclus cette requĂȘte.

Des membres des services de renseignement argentins semblent avoir manipulĂ© Alberto Nisman afin de le pousser Ă  retenir la piste iranienne, malgrĂ© le manque de preuves. Un agent du FBI amĂ©ricain qui a participĂ© Ă  l’enquĂȘte reconnait en 2020 que tout a Ă©tĂ© fait pour arriver Ă  « une conclusion dĂ©cidĂ©e Ă  l’avance », qui arrangeait les États-Unis et IsraĂ«l dans un contexte de fortes tensions avec l'Iran[3].

Contexte

L'Argentine abrite depuis l'aprĂšs-guerre la plus importante communautĂ© juive d'AmĂ©rique latine. L'attentat est perpĂ©trĂ© Ă  Buenos Aires, capitale argentine et deuxiĂšme agglomĂ©ration la plus peuplĂ©e d’AmĂ©rique du Sud aprĂšs Sao Paulo. L'Argentine est alors prĂ©sidĂ©e par Carlos Menem, membre du Parti justicialiste.

L'attentat

Les circonstances et les modalités de l'attentat ont été étudiées dans plusieurs ouvrages publiés en langue espagnole. Le documentaire AMIA REPETITA en accÚs libre en propose un résumé, avec des interviews aux auteurs.

L'enquĂȘte

Pendant des années, l'affaire fut marquée par des accusations de dissimulations. Aucune prise d'empreintes digitales ni d'échantillon ADN ne furent effectuées dans les décombres du bùtiment[4].

En 2002, le New York Times publia un tĂ©moignage Ă©manant d'Abdolghassem Mesbahi, qui se prĂ©sente comme un ancien des services de renseignement iranien et qui est l'une des sources principales des accusations affirmant la responsabilitĂ© de l'Iran dans l'attentat. Selon ce tĂ©moignage, TĂ©hĂ©ran avait versĂ© 10 millions de dollars au prĂ©sident Menem pour qu'il fasse dĂ©vier l'enquĂȘte[5] - [6]. Une autre source du juge Juan JosĂ© Galeano, fournie par les dirigeants du SecretarĂ­a de Inteligencia (es) (SIDE) Hugo Alfredo Anzorreguy et Juan Carlos AnchĂ©zar, Ă©tait Manuchehr Motamer, un ex-fonctionnaire du ministĂšre de la Culture iranien et ancien secrĂ©taire de l'ayatollah Khomeini ; rĂ©fugiĂ© au Venezuela, il accusa en juillet 1994, nommĂ©ment, quatre diplomates iraniens accrĂ©ditĂ©s en Argentine d'avoir Ă©tĂ© impliquĂ©s dans l'attentat[7].

Sous le gouvernement de Néstor Kirchner, les archives des services de renseignement relatives à cette affaire sont déclassifiées et une équipe d'investigations spéciale est créée[8].

Le 2 septembre 2004, un premier procÚs s'était soldé par la relaxe de cinq Argentins soupçonnés d'avoir apporté leur aide à l'élaboration de l'attentat. Parmi les suspects figuraient plusieurs anciens membres de la police de la province de Buenos Aires, qui ont été acquittés.

En juin 2005, l'ex-commissaire Castañeda, qui travaillait depuis le dĂ©but avec le juge Juan JosĂ© Galeano, fut condamnĂ© Ă  5 ans de prison pour avoir « Ă©garĂ© » 60 cassettes contenant des Ă©coutes tĂ©lĂ©phoniques de conversations de l'avocat Carlos TelleldĂ­n (es), acquittĂ© en 2004 « faute de preuves » [9]. Carlos TelleldĂ­n (es), par ailleurs revendeur de voitures, Ă©tait accusĂ© d'avoir vendu le 10 juillet 1994 la camionnette Renault Trafic qui fut utilisĂ©e pour l'attentat en Ă©tant piĂ©gĂ©e. Le tĂ©moignage de TelleldĂ­n avait par ailleurs Ă©tĂ© rejetĂ© en raison des irrĂ©gularitĂ©s commises par le juge Juan JosĂ© Galeano, qui lui avait remis 400 000 dollars pour obtenir celui-ci. En mai 2009, la Cour suprĂȘme a cependant ordonnĂ© la rĂ©ouverture de l'enquĂȘte concernant TelleldĂ­n, en dĂ©cidant de retenir les Ă©lĂ©ments de l'enquĂȘte antĂ©rieurs au versement des 400 000 dollars[10] Les audiences ont commencĂ© le 2 dĂ©cembre.2020.

En aoĂ»t 2005, le juge Juan JosĂ© Galeano, chargĂ© de l'affaire, qui avait dĂ©signĂ© comme chef de cette attaque Moshen Rabbani, conseiller culturel de l'ambassade d'Iran, fut accusĂ© et licenciĂ© de son poste pour cause d'irrĂ©gularitĂ©s et d'incompĂ©tences dans la conduite de l'enquĂȘte[11]. Galeano Ă©tait notamment accusĂ© d'avoir versĂ© 400 000 dollars Ă  un tĂ©moin afin de faire changer sa dĂ©claration pour qu'il accuse un policier. Ce tĂ©moignage douteux Ă©tait le principal Ă©lĂ©ment de l'enquĂȘte[12].

Fin juin 2013, la cour d'appel fĂ©dĂ©rale de Buenos Aires a ordonnĂ© un complĂ©ment d"investigation visant le ministre de l'intĂ©rieur en poste au moment de l'attentat, Carlos Corach. Les enquĂȘteurs affirment avoir remontĂ© la trace du paiement de 400 000 dollars au profit de Carlos TelleldĂ­n (es) qui aurait fourni la voiture qui a Ă©tĂ© piĂ©gĂ©e pour commettre l'attentat, jusqu'Ă  Carlos Corach. Une particularitĂ© de Carlos Corach est d'ĂȘtre juif[13].

Les accusations de 2005-2006

Le procureur fédéral de Buenos Aires, Alberto Nisman, affirma, le 9 novembre 2005, qu'un des auteurs de l'attentat était mort lors de l'explosion, et qu'il s'appelait Ibrahim Berro. Cette affirmation provenait du Mossad, tandis que le Hezbollah affirmait que ce dernier était mort lors d'une action au Sud-Liban [4]. En l'absence de prélÚvements effectués sur la scÚne du crime, cette affirmation n'a jamais été démontrée [4].

Le 25 octobre 2006, le procureur Nisman a officiellement accusĂ© le gouvernement iranien et le mouvement libanais Hezbollah d'ĂȘtre responsables de l'attentat. Celui-ci ne rĂ©sulterait que d'un seul mobile : punir l’Argentine de Carlos Menem aprĂšs la suspension unilatĂ©rale en 1991 de l’assistance technologique nuclĂ©aire jusque-lĂ  accordĂ©e Ă  l'Iran. Les services secrets israĂ©liens et certains services occidentaux attribuent la planification de l'attentat Ă  Imad Moughniyah, membre du Hezbollah, qui fut assassinĂ© le 12 fĂ©vrier 2008 dans un attentat Ă  la voiture piĂ©gĂ©e Ă  Damas[14].

Mandat d'arrĂȘt international

Un mandat d'arrĂȘt international pour « crimes contre l'humanitĂ© » a donc Ă©tĂ© dĂ©livrĂ© le 9 novembre 2006 par le juge fĂ©dĂ©ral Rodolfo Canicoba Corral Ă  l'encontre de l'ancien prĂ©sident Hachemi Rafsandjani et de sept autres fonctionnaires et diplomates iraniens dont l'ancien ministre de l'Information et de la SĂ©curitĂ©, Ali Fallahian, l'ancien ministre des Affaires Ă©trangĂšres Ali Akbar Velayati, deux autres anciens diplomates et un ancien responsable de la sĂ©curitĂ© du Hezbollah[15].

Londres arrĂȘta en aoĂ»t 2003 l'ex-ambassadeur iranien Hadi Soleimanpour[16], mais le relĂącha en 2003 pour manque de preuves[17], et l'a mĂȘme indemnisĂ© pour cette dĂ©tention injustifiĂ©e[4]. Les accusations qui affirment que cet attentat a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© lors d'une rĂ©union Ă  Pashad en prĂ©sence des plus hautes autoritĂ©s iraniennes proviennent d'exilĂ©s opposants au rĂ©gime des mollahs, et n'ont jamais pu ĂȘtre prouvĂ©es[4]. Le gouvernement amĂ©ricain s'est immĂ©diatement saisi du dossier pour relancer les accusations contre le programme nuclĂ©aire iranien[18].

En mars 2007, Interpol a émis des « notices rouges » contre Imad Fayez Mughniyeh (membre du Hezbollah mort en 2008), l'ex-ministre Ali Fallahijan, Mohsen Rabbani (imam à Buenos Aires lors de l'attentat), Ahmad Reza Asghari (en), Ahmad Vahidi (nommé ministre de la Défense en 2009) et Mohsen Rezai (ex-commandant en chef des Pasdarans), refusant toutefois de le faire à l'égard de l'ex-président iranien, Ali Rafsanjany, l'ex-ministre des Affaires étrangÚres Ali Akbar Velayati, et l'ancien ambassadeur à Buenos Aires, Hadi Soleimanpour[19].

Claudio Lifschitz, l'un des collaborateurs du juge Juan José Galeano, accusa par la suite les services secrets argentins d'avoir infiltré une cellule des services iraniens mais d'avoir pourtant laissé faire l'attentat ; il fut victime d'un tir d'arme à feu le 18 juillet 2009, date de la commémoration des 15 ans de l'attentat, mais survécut[20].

Les analyses

Selon Elisa Drago, de RFI[21], la presse argentine, de droite comme de gauche, n'est pas convaincue : par exemple, Pågina/12, relÚve qu'il est « difficile de prouver qui a été le commanditaire de l'attentat quasiment sans données sur les exécutants »[21].

Le journaliste Gareth Porter relĂšve que le rapport d'inculpation lui-mĂȘme tend Ă  rendre incomprĂ©hensible la thĂšse iranienne. En effet, le rapport montre que la coopĂ©ration s'est poursuivie, Buenos Aires continuant Ă  livrer de l'uranium faiblement enrichi Ă  TĂ©hĂ©ran[22] - [23] - [18]. En outre, au moment de l'attentat, des nĂ©gociations pour reprendre Ă  plein rĂ©gime les trois accords de coopĂ©ration nuclĂ©aire Ă©taient en cours[22]. L'Iran a attendu 1996 avant de dĂ©clarer qu'elle allait prendre des mesures lĂ©gales contre la rupture des deux contrats avec l'Argentine[22].

Le quotidien conservateur La NaciĂłn souligne le manque de preuves dans l'enquĂȘte[17], ainsi que Pagina/12 qui notait, encore en juillet 2009, la lenteur de l'enquĂȘte[4].

Toutefois, la tension reste vive relativement Ă  cet Ă©vĂšnement, lorsque l'Argentine apprend en 2009 que l'un des protagonistes qui serait peut-ĂȘtre impliquĂ© dans l'attentat, Ahmad Vahidi, a Ă©tĂ© nommĂ© ministre de la DĂ©fense d'Ahmadinejad[24] - [25].

La piste syrienne

La « piste syrienne », rapidement abandonnĂ©e au dĂ©but de l'enquĂȘte, pointait vers Alberto Jacinto Kanoore Edul, un proche de Carlos Menem, et allĂ©guait des possibles tractations Ă©lectorales entre Menem et la Syrie de Hafez el-Assad, ainsi que d'autres proches de Menem, tel le trafiquant d'armes Monser al Kassar[4].

Kanoore Edul avait contactĂ© Carlos TelleldĂ­n le jour mĂȘme oĂč celui-ci livra aux suspects la camionnette utilisĂ©e pour l'attentat. La police, et en particulier Jorge « Fino » Palacios, fut accusĂ© d'avoir pour le moins manquĂ© de diligence dans les perquisitions effectuĂ©es Ă  son domicile le , Palacios ayant mĂȘme tĂ©lĂ©phonĂ© Ă  deux reprises au domicile d'Edul, qui alors ne se savait pas soupçonnĂ©, avant les perquisitions[26]. Par ailleurs, des enregistrements d'Ă©coutes tĂ©lĂ©phoniques visant Kanoore Edul ont disparu par la suite, tandis que les Ă©coutes ont mĂȘme Ă©tĂ© suspendues, sans autorisation judiciaire, du 2 aoĂ»t 1994 au 23 aoĂ»t 1994[26]. Or, non seulement Kanoore Edul avait-il dans son agenda les coordonnĂ©es de l'imam Mohsen Rabbani, soupçonnĂ© d'ĂȘtre proche de l'ambassade iranienne et d'organiser des prĂȘches radicaux et considĂ©rĂ© comme l'un des rares Ă  ĂȘtre dĂ©tenteur du titre d'ayatollah selon un rapport amĂ©ricain[27], mais le pĂšre de Jacinto Kanoore Edul, Alberto Kanoore Edul, Ă©tait-il un intime de Carlos Menem, selon un dossier dĂ©classifiĂ© de la SIDE[26]. Le frĂšre de Menem, Munir Menem, exerça des pressions sur le juge Juan JosĂ© Galeano afin de lever la pression sur la famille Kanoore Edul, ce qui fut longtemps niĂ© par l'intĂ©ressĂ©[26].

AprĂšs avoir Ă©tĂ© enterrĂ©e, la piste a Ă©tĂ© rouverte par le juge fĂ©dĂ©ral Ariel Lijo en octobre 2009. Carlos Menem ; son frĂšre Munir, qui Ă©tait, neuf mois avant l'attentat, ambassadeur de l'Argentine en Syrie ; Juan JosĂ© Galeano, qui fut le premier juge chargĂ© de l'enquĂȘte sur l'AMIA ; Hugo Anzorregui, l'ex-directeur de la SIDE ; le tout nouveau chef de la police mĂ©tropolitaine de Buenos Aires, Jorge « Fino » Palacios, qui fut contraint de dĂ©missionner en aoĂ»t 2009[28] - [29] ; l'ex-vice directeur de la SIDE Juan Anchezar et le commissaire Carlos Castañeda, qui avait travaillĂ© avec le juge Galeano, ont Ă©tĂ© inculpĂ©s pour entrave Ă  la justice et pour avoir empĂȘchĂ© celle-ci de continuer ses enquĂȘtes dans cette direction. Ils ont d'abord Ă©tĂ© appelĂ©s Ă  tĂ©moigner, en 2008, pour cette raison[30], avant d'ĂȘtre formellement inculpĂ©s en mars 2010[12] - [31] - [32].

L'arrĂȘt de mars 2010 concernant Menem et la piste syrienne remarque qu'il est Ă©vident que si les informations, alors dĂ©tenues par les enquĂȘteurs, concernant Kanoore Edul, Ă©taient rendues publiques, celles-ci auraient clairement mis en danger le gouvernement Menem, puisque Edul se trouvait Ă  l'intersection de toutes les pistes liĂ©es Ă  l'attentat, tandis que son pĂšre Ă©tait intime de la famille Menem[32].

Déclarations israéliennes

En janvier 2014, Yitzhak Aviran, l'ancien ambassadeur d'IsraĂ«l en Argentine, accorde un entretien Ă  l'Agence juive d'information Ă  Buenos Aires (Agencia Judia de Noticias, AJN) dans lequel il dĂ©clare que « La grande majoritĂ© des coupables n'est plus de ce monde, et nous l'avons fait nous-mĂȘmes » et qu'ils « savent qui sont les auteurs »[33]. Dans la foulĂ©e, le ministre des Affaires Ă©trangĂšres israĂ©lien Yigal Palmor niera ces dĂ©clarations et Yitzhak Aviran restera injoignable[34].

2015 : le rebondissement

En janvier 2015, le procureur chargĂ© de l'affaire, Alberto Nisman, accuse la prĂ©sidente argentine en place, Cristina Kirchner, d'avoir levĂ© des accusations visant Ă  couvrir des suspects iraniens, en Ă©change de pĂ©trole Ă  un prix avantageux. Le 18 janvier, le procureur en question est retrouvĂ© mort Ă  son domicile, une balle dans la tĂȘte, avec Ă  ses cĂŽtĂ©s un pistolet calibre 22 qui appartenait Ă  Diego Lagomarsino, l'informacien qu'employait le procureur Nisman. Lagomarsino a reconnu devant la justice et les mĂ©dias avoir apportĂ© son arme au procureur dans la soirĂ©e du samedi 17 janvier 2015, raison pour laquelle il a Ă©tĂ© mis en accusation pour complicitĂ© d'homicide[35]. Sur le bureau du procureur Nisman, ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es 300 pages de dĂ©nonciation oĂč figurent des Ă©coutes tĂ©lĂ©phoniques entre la prĂ©sidente et les autres initiateurs du plan[36].

Il s'apprĂȘtait Ă  exposer devant la commission de lĂ©gislation pĂ©nale de la Chambre des dĂ©putĂ©s les preuves dĂ©montrant ses accusations le 19 janvier. La mort du procureur laisse donc planer le doute quant au suicide de ce dernier. La population argentine s'est donc mobilisĂ©e dans tout le pays pour protester contre cette mort et demander justice. Le gouvernement, pour rĂ©pondre Ă  ces manifestations, a donc dĂ©cidĂ© de dĂ©classer des informations secrĂštes sur les communications maintenues entre des agents de renseignements accusĂ©s par le procureur de donner des informations Ă  l'Iran[36].

Santiago O'Donnell, un journaliste et Ă©crivain qui a publiĂ© les livres Argenleaks et Politileaks, qui analysent les fuites Wikileaks concernant les politiques Ă©trangĂšres et nationales de l'Argentine, a dĂ©clarĂ© que, lors de son enquĂȘte, il a trouvĂ© des liens clairs et solides d'« amitiĂ© » entre Nisman, la CIA et l'ambassade d'Argentine Ă  Washington, D.C.[37] - [38]. Selon O'Donnell, les cĂąbles ont rĂ©vĂ©lĂ© que Nisman avait reçu une recommandation de l'ambassade des États-Unis de ne pas enquĂȘter sur les indices syriens dans l'attentat de l'AMIA et la connexion locale de l'attaque terroriste[39] - [40] et qu'il devait plutĂŽt prĂ©sumer la culpabilitĂ© de suspects iraniens, mĂȘme si aucun procĂšs n'avait Ă©tĂ© menĂ©[41] - [42].

Le 7 dĂ©cembre 2017, un mandat d'arrĂȘt pour trahison est dĂ©livrĂ© contre l'ancienne prĂ©sidente[43].

Le 28 fĂ©vrier 2019, l'ancien prĂ©sident argentin Carlos Menem est acquittĂ© d'entrave Ă  la Justice, tout comme l'ex-prĂ©sident de la communautĂ© juive, Ruben Beraja, alors que l’ancien juge d’instruction Juan JosĂ© Galeano, accusĂ© de torpiller l’enquĂȘte, est condamnĂ© Ă  six ans de prison, et le chef du renseignement de l’époque, Hugo Anzorreguy, Ă  quatre ans et demi[44].

De nombreux tĂ©moignages dĂ©crivent le procureur Nisman comme trĂšs nerveux durant les 24 heures prĂ©cĂ©dant sa mort. Divers Ă©changes recueillis par des journalistes indiquent qu'on lui avait promis des preuves de l'implication iranienne qu’il n’a jamais reçues. En outre, le procureur s’interrogeait sur la crĂ©dibilitĂ© des informations que lui avait fournies un agent, dont il apparut qu’il ne faisait pas partie des services de renseignements. Nisman semblait donc craindre avoir Ă©tĂ© victime d’une manipulation[3].

Un documentaire du britannique Justin Webster diffusĂ© sur Netflix en exclusivitĂ© pour l’Argentine vient renforcer les soupçons de rĂšglement de comptes politique. Le documentaire met en avant la personnalitĂ© d'Antonio Jaime Stiuso, homme fort des services de renseignement pendant plus de quatre dĂ©cennies jusqu'Ă  son Ă©viction par la prĂ©sidente Cristina Fernandez de Kirchner, et connu comme ayant Ă©tĂ© le principal informateur de Nisman. D'aprĂšs l'expert sollicitĂ© par le journaliste, la disposition du sang au sol exclut que Nisman n’ait pas Ă©tĂ© seul au moment oĂč la balle a Ă©tĂ© tirĂ©e[3].

Notes et références

  1. « L'ancien prĂ©sident Carlos Menem inculpĂ© pour entrave Ă  enquĂȘte », sur Le Nouvel Obs, .
  2. « Le procureur Nisman avait envisagé la détention de la présidente Kirchner », sur Le Monde, .
  3. « Argentine: l'ombre des services secrets plane sur la mort du procureur Nisman », sur RFI,
  4. RaĂșl Kollmann, « Una causa que no puede salir de los escombros », PĂĄgina/12, 18 juillet 2009.
  5. Larry Rohter, « Iran Blew Up Jewish Center In Argentina, Defector Says », The New York Times, 22 juillet 2002.
  6. Lourdes Heredia, « AMIA: Irån y Menem en la mira », BBC, 22 juillet 2002.
  7. « AMIA: confirman el procesamiento de Menem y Galeano por encubrimiento », Centre judiciaire d'information du gouvernement argentin, 22 mars 2010, avec lien vers l'arrĂȘt en question, p. 27 sq. de l'arrĂȘt.
  8. (pt-BR) « 25 verdades sobre Cristina Kirchner: fundos abutres e o sistema financeiro mundial », sur Opera Mundi, .
  9. Lucio Fernåndez Moores, « AMIA: cuatro años de prisión a un ex jefe policial por perder pruebas », Clarín, 23 juin 2005.
  10. « Attentat/Buenos Aires : enquĂȘte rouverte », AFP sur Le Figaro, 28 mai 2009.
  11. (es) « AMIA: destituyeron a Galeano », Clarín, 3 août 2005.
  12. « L'ancien prĂ©sident Carlos Menem inculpĂ© pour entrave Ă  enquĂȘte », Nouvel Observateur, 2 octobre 2009.
  13. Gerard Fredj, « Argentine - Attentat contre l'AMIA : investigations contre un ancien ministre juif », Israël Infos, no 1251, 02.07.2013.
  14. (es) « Attacks blamed on assassinated militant Imad Mughniyeh », International Herald Tribune, (consulté le ).
  15. Le Monde, 9 novembre 2006.
  16. « Arrestation en Angleterre », Libération, 23 août 2003.
  17. « Una cuestión de fe, no de pruebas », La Nación, 10 novembre 2006.
  18. Ignacio Klich, « Et le Proche-Orient fait irruption en Argentine », Le Monde diplomatique, mars 2007.
  19. « Le ComitĂ© exĂ©cutif d’INTERPOL prend une dĂ©cision dans le diffĂ©rend concernant les notices rouges relatives Ă  l’AMIA », communiquĂ© d'Interpol, 15 mars 2007.
  20. « Crime sans chùtiment », RFI, 25 juillet 2009.
  21. Elisa Drago, « L'Iran au banc des accusés en Argentine », RFI, 26-10-2006.
  22. Gareth Porter, Argentine Report Casts Doubt on Iran Role in '94 Bomb, IPS, 13 novembre 2006. Cité par Alain Gresh, « Argentine, la piste iranienne », Le Monde diplomatique, 18 novembre 2006.
  23. « Iran Defends Its Pursuit Of Nuclear Technology », Christian Science Monitor, 18 février 1993.
  24. « Iran : un ministre recherché par Interpol », Libération, 22 août 2009, consulté le 17 février 2010.
  25. « Le ministre iranien de la Défense désigné est recherché par Interpol », RTL, 27 août 2009.
  26. « AMIA: confirman el procesamiento de Menem y Galeano por encubrimiento », Centre judiciaire d'information du gouvernement argentin, 22 mars 2010, avec lien vers l'arrĂȘt en question, p. 35.
  27. Il s'agit du rapport de Steven Emerson fait pour le compte du ComitĂ© des affaires extĂ©rieures de la Chambre des reprĂ©sentants du CongrĂšs des États-Unis, citĂ© p. 41 de l'arrĂȘt suivant : « AMIA: confirman el procesamiento de Menem y Galeano por encubrimiento », Centre judiciaire d'information du gouvernement argentin, 22 mars 2010, avec lien vers l'arrĂȘt en question.
  28. RaĂșl Kollmann, « Las hazañas del Fino Palacios », Pagina/12, 5 juillet 2009.
  29. « Otro de los policías de Macri debió abandonar la Metropolitana », Pagina/12, 25 mars 2010.
  30. « Argentine judge links ex-president to bombing », USA Today (avec l'Associated Press), 13 novembre 2008.
  31. « La Cåmara confirmó los procesamientos de Menem, Galeano y el "Fino" Palacios », Pagina/12, 22 mars 2010.
  32. « AMIA: confirman el procesamiento de Menem y Galeano por encubrimiento », Centre judiciaire d'information du gouvernement argentin, 22 mars 2010, avec lien vers l'arrĂȘt en question.
  33. https://www.lemonde.fr/international/article/2014/01/03/israel-a-supprime-la-plupart-des-responsables-des-attentats-de-buenos-aires_4342503_3210.html#Y13W438U5VHRt8R7.99.
  34. https://www.haaretz.com/israel-news/1.566948.
  35. Justin Webster, « Nisman : le procureur, la présidente et l'espion (épisode 6) », sur myCANAL (consulté le )
  36. https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2015/01/21/l-etrange-suicide-d-un-procureur-ebranle-l-argentine_4560330_3222.html.
  37. (es)Santiago O'Donnell, « Nisman used to bring forward his rulings to the US Embassy and he took his drafts so it could correct them. », Radio Nacional Calafate.
  38. (es) Santiago O’Donnell, « Nisman me dijo que toda la info se la da Stiusso que es el enlace con la CIA y el Mossad », Radio Nacional Argentina.
  39. (es)« El fiscal, la embajada y los servicios », pagina12.com.ar, 20 janvier 2015.
  40. (es)Nisman in Wikileaks/Nisman en Wikileaks, pagina12.com.ar, 15 janvier 2015
  41. (es)Rodrigo Lloret, « Los cables de Wikileaks sobre la AMIA y la grieta mediåtica », Perfil, 28 janvier 2015.
  42. (es)« Nisman iba a la embajada de Estados Unidos y le decían que había que acusar a Irån », telam.com.ar, 15 janvier 2015.
  43. « Argentine : l'ex-prĂ©sidente Cristina Kirchner visĂ©e par un mandat d'arrĂȘt », sur Le Figaro, (consultĂ© le ).
  44. Christiane Legrand, « Attentat de 1994 Ă  Buenos Aires : l’ex-prĂ©sident Carlos Menem acquittĂ© d’entrave Ă  la justice », sur lemonde.fr, (consultĂ© le ).

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