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André Morellet

André Morellet, né le à Lyon et mort le à Paris, est un écrivain, encyclopédiste, économiste et traducteur français. Il se distingue des autres membres du parti philosophique, en ce que la plupart de ses écrits ont été autant d’actions, c’est-à-dire qu’ils ont été produits en vue d’une application pratique.

André Morellet
Gravure de Morellet dessiné d’après le tableau original par A. B. Massol (1822).
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  91 ans)
Paris
SĂ©pulture
Surnom
Abbé Mords-les
Pseudonymes
A. M., M. L. M.
Nationalité
Formation
Activités
Autres informations
Ordre religieux
Membre de
signature d'André Morellet
Signature d'André Morellet (Abbé)
Sépulture de Morellet au Père-Lachaise

Biographie

RĂ©futation de l'ouvrage qui a pour titre Dialogues sur le commerce des bleds, 1770.

Après avoir étudié chez les Jésuites de Lyon, Morellet fut envoyé, à quatorze ans, à Paris, au séminaire des Trente-Trois, d’où il étudia ensuite en Sorbonne, de 1748 à 1752, où il se lia intimement avec ses condisciples Loménie de Brienne, Jérôme Champion de Cicé et Turgot, à l’époque où la querelle de l’archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, avec le Parlement de Paris, soulevait la question de la tolérance civile et religieuse[1].

Tout en étudiant la théologie, il se lia avec les philosophes. Il fait ainsi connaissance avec Diderot, qu’il a rencontré chez l’abbé de Prades, dont la thèse émouvra si vivement la Sorbonne, que le parlement interviendra par un décret de prise de corps contre l’auteur, qui sera obligé de se réfugier chez le roi de Prusse. Allant voir en cachette Diderot, le dimanche, celui-ci lui fait connaitre D’Alembert[1].

Au sortir de la Sorbonne, en , il est précepteur d’un fils du chancelier de Lorraine Chaumont de La Galaizière. L’éducation dont il avait été chargé lui procurant l’occasion de visiter l’Italie, il en rapportera le Directorium inquisitorum, composé en 1358 par le cardinal Eymerich, et qu’il a traduit en , sous le titre de Manuel des inquisiteurs[2]. Frédéric II lui a fait adresser des remerciements par D’Alembert, qui séjournait alors à Berlin[1].

Son premier ouvrage, paru en , sous le titre de Petit Ă©crit sur une matière intĂ©ressante, Ă©tait une dĂ©fense des protestants, Ă©crite dans le genre de Swift. D’Alembert et Diderot furent charmĂ©s de voir un prĂŞtre se moquer des intolĂ©rants. Dès lors, il fut enrĂ´lĂ© dans l'EncyclopĂ©die, oĂą il rĂ©digea six articles de critique littĂ©raire, de thĂ©ologie et de philosophie, parmi lesquels les articles « FatalitĂ© Â», « Injures Â», « Fils de Dieu Â», Â« Foi Â», « Fondamentaux (Articles) Â», « Gomaristes Â»[1].

Chargé par Daniel-Charles Trudaine, directeur du commerce, de traiter la question contradictoirement avec les marchands, les fabricants et les chambres de commerce du royaume, il fit paraitre, en , des Réflexions sur les avantages de la libre fabrication et de l’usage des toiles peintes, qui ont eu comme résultat un arrêt du conseil établissant cette liberté[1].

Présenté, au retour de son voyage d’Italie, en , chez Marie-Thérèse Geoffrin, dont la maison était un des rendez-vous des philosophes, il fut également admis dans la société du baron d’Holbach, dont, loin de partager les opinions qui y dominaient, il combattit l’athéisme[1].

Le septième volume de l’Encyclopédie, paru en , ayant ranimé la guerre contre les Encyclopédistes, l’Encyclopédie fut supprimée par arrêt du conseil, en 1759. Le parti encyclopédique répliqua à ses ennemis par une série de pamphlets violents, à laquelle Morellet n’a pu manquer de figurer en bonne part. Parmi les réponses virulentes reçues par Palissot, soutenu par le duc de Choiseul, à sa comédie des Philosophes, l’une des plus mordantes fut la Préface des Philosophes, ou Vision de Charles Palissot, dont les exemplaires, imprimés à l’étranger, arrivèrent à Paris, le . L’auteur anonyme de ce pamphlet allait jusqu’à y mettre en scène la princesse de Robecq (Montmorency-Luxembourg), maitresse de Choiseul, connue par son aversion pour les philosophes, et qui avait assisté, quoique malade, à la première représentation de la comédie écrite contre eux par Palissot[3]. Celle-ci demanda vengeance au duc de Choiseul, et, lorsqu’on découvrit que Morellet était l’auteur du pamphlet, il fut emprisonné, le pendant deux mois à la Bastille, avant que l’intervention de Malesherbes, du maréchal de Noailles et de la maréchale de Luxembourg ne le fassent libérer, le suivant[4]. Après sa sortie de la Bastille, Morellet éprouva un redoublement d’amitié de la part des philosophes, et beaucoup de maisons lui ouvrirent leurs portes, entre autres celles d’Anne-Catherine Helvétius, de Marie-Charlotte de Boufflers et de Suzanne Necker. Il fréquente les salons de Marie Du Deffand et de Brienne[1].

Au XVIIIe siècle, bien avant la découverte de la vaccine, un docteur toscan du nom de Gatti, avait expérimenté le procédé de l’inoculation contre le fléau de la petite vérole qui décimait les populations. Vers ce temps-là, il inocula les enfants d’Helvétius. Les vieux préjugés résistant toujours à la nouvelle pratique, le parlement crut devoir consulter, en , la faculté de théologie sur l’inoculation, et la Sorbonne se réunit au parlement pour la condamner. Morellet se fit exposer les idées du docteur Gatti par lui-même et, l’année suivante, les vulgarisa à son tour, en style clair, dans ses Réflexions sur les préjugés qui s’opposent à l’établissement de l’inoculation (1763)[1].

En , le contrôleur général François de L'Averdy fit rendre un arrêt du conseil qui défendait d’imprimer sur les matières d’administration. Morellet composa alors un petit traité De la liberté d’écrire et d’imprimer sur les matières d’administration, qui ne fut publié qu’en , sous le ministère de Jacques Turgot, avec cette épigraphe : Rara temporum felicitate, ubi sentire quæ velis, et quæ sentias scribere licet[5].

En , sur l’invitation de Malesherbes, il a traduit le traitĂ© Des dĂ©lits et des peines de Cesare Beccaria, ouvrage qui a fait une immense l’impression, et qui eut sept Ă©ditions dans une annĂ©e[6]. Il produisit la rĂ©forme des codes criminels en Europe : son premier effet fut l’abolition de la question prĂ©paratoire, puis la publicitĂ© des dĂ©bats. Servan et Dupaty y ont puisĂ© d’utiles inspirations[1].

En , il publie le prospectus d’un Nouveau Dictionnaire du commerce. La polémique antilibérale engagée en 1775 par Linguet lui a inspiré un de ses pamphlets les plus piquants, la Théorie du paradoxe. Ayant fait, en , un voyage en Angleterre, il a fait la connaissance de lord Shelburne, qui, devenu ministre, négocia la paix de 1783 entre la France et la Grande-Bretagne, et a bien voulu rapporter en partie l’honneur de cette paix à l’abbé Morellet, qui, dit-il, avait libéralisé ses idées[1].

Reçu, en 1785 à l’Académie française, il participe à la rédaction du Dictionnaire. Dans la préface de la cinquième édition de 1798, il écrit : « Le Dictionnaire de l’Académie est un témoin de l’usage qui gouverne la langue française, de celui qui est le plus général parmi les personnes qui parlent correctement et purement. » Pendant la Terreur, il sauvera les archives de l’Académie[7].

Ses travaux lui avaient valu la fortune : il touchait en pensions et en gratifications environ trente mille livres de rente, somme Ă©norme pour l’époque, mais la RĂ©volution vint renverser cette fortune. Il publia alors plusieurs Ă©crits courageux, le Cri des familles, la Cause des pères, etc. Mais il Ă©crit aussi des pamphlets pour soulager selon lui « les sentiments d'horreur et d'indignation ». Parmi ces pamphlets, Le PrĂ©jugĂ© vaincu, demeurĂ© inĂ©dit, dans lequel il propose aux patriotes « qui font une boucherie de leurs semblables, de manger la chair de leurs victimes »[8]. A travers ce pamphlet, Morellet s'inscrit dans l'idĂ©ologie de bestialisation et de criminalisation du peuple, qui commence Ă  se dĂ©velopper après la chute de Robespierre, durant la pĂ©riode de la Convention dite « Thermidorienne ». Il en conclut qu'il ne faut pas confier la politique Ă  tous les individus, mais aux seuls personnes capables de gouverner, Ă  recruter parmi les propriĂ©taires[9]. Puis, pour vivre, il traduisit des romans anglais, tels que les Enfants de l’abbaye (en) de Regina Maria Roche, le Confessionnal des pĂ©nitents noirs d’Ann Radcliffe, etc., mais le Consulat et l’Empire amĂ©liorèrent bientĂ´t sa position. Joseph Bonaparte le combla de bienfaits. En , il fut appelĂ© au Corps lĂ©gislatif, oĂą il siĂ©gea jusqu’en .

Lors de la rĂ©organisation de l’Institut, il fut compris dans la classe de la « Langue et littĂ©rature françaises Â», et il y fut un des membres les plus actifs de la commission du Dictionnaire. Il fit partie de cette sociĂ©tĂ© d’Auteuil qui avait recueilli dans les premières annĂ©es du dix-neuvième siècle les dĂ©bris du siècle passĂ©, et qui en faisait revivre l’esprit philosophique et littĂ©raire. MalgrĂ© les mesures rĂ©volutionnaires qui l’avaient dĂ©pouillĂ© de sa fortune, l’abbĂ© Morellet n’abjura jamais les principes qu’il avait autrefois soutenus en faveur de la tolĂ©rance et de la libertĂ© de la pensĂ©e ; et mĂŞme, malgrĂ© la rĂ©action très prononcĂ©e qui avait alors de puissants organes, et qui ramenait les esprits au spiritualisme cartĂ©sien, il a dĂ©fendu la philosophie des Lumières jusqu’à sa mort[1].

Comme économiste, il appartient à l’École classique, dont les doctrines ont préparé l’abolition des barrières qui formaient alors plusieurs royaumes distincts au sein de la France. L’importance croissante du commerce dans les États, comme élément de puissance politique, et la liaison étroite remarquée entre les progrès de l’industrie et l’accroissement des richesses sociales, créaient alors la science nouvelle de l’économie politique, dont il a été l’un des premiers adeptes, en France[1].

Sa nièce avait épousé Jean-François Marmontel[1].

Publications

Principaux ouvrages

  • ThĂ©orie du paradoxe (1775) et RĂ©ponse sĂ©rieuse Ă  M. L**, par l'auteur de la thĂ©orie du paradoxe (MĂŞme annĂ©e) - il s'agit d'une dispute littĂ©raire avec l'avocat Simon-Nicolas-Henri Linguet rayĂ© au mĂŞme moment du Barreau.
  • Éloges de Madame Geoffrin, contemporaine de Mme Du Deffand, par MM. Morellet, Thomas et d'Alembert, suivis de lettres de Mme Geoffrin et Ă  Mme Geoffrin, et d'un Essai sur la conversation (1812)
  • MĂ©langes de littĂ©rature et de philosophie du XVIIIe siècle (1818)
  • MĂ©moires de l'abbĂ© Morellet, de l'AcadĂ©mie française, sur le dix-huitième siècle et sur la RĂ©volution (1821). RĂ©Ă©dition : Mercure de France, Paris, 1988. Texte en ligne (extraits annotĂ©s) : c18.net
  • Lettres inĂ©dites de l'abbĂ© Morellet, sur l'histoire politique et littĂ©raire des annĂ©es 1806 et 1807, pour faire suite Ă  ses MĂ©moires (1822)

Traductions de l'anglais et de l'italien

Références

  1. Nicolas-Louis Artaud, Études sur la littérature : depuis Homère jusqu’à l’école romantique, Paris, Henri Plon, , 360 p. (lire en ligne), p. 288.
  2. C’est Ă  propos de ce livre que Voltaire a Ă©crit Ă  D’Alembert : « Si j’ai lu la belle jurisprudence de l’inquisition ? Eh ! oui, mordieu, je l’ai lue, et elle a fait sur moi la mĂŞme impression que fit le corps sanglant de CĂ©sar sur les Romains. Les hommes ne mĂ©ritent pas de vivre, puisqu’il y a encore du bois et du feu, et qu’on ne s’en sert pas pour bruler ces monstres dans leurs infâmes repaires. Mon cher frère, embrassez pour moi le digne frère qui a fait cet excellent ouvrage : puisse-t-il ĂŞtre traduit en portugois et en castillan ! »
  3. C’est sans doute Ă  l’occasion de cette violente polĂ©mique que Voltaire l’a appelĂ© en plaisantant « l’abbĂ© Mords-les Â», ainsi que le rapportent les MĂ©moires de la baronne d’Olterkirch, qui le rendait propre Ă  jouer le rĂ´le de pamphlĂ©taire au service de l’EncyclopĂ©die.
  4. Voltaire dit, à l’occasion de l’arrestation de Morellet : « C’est dommage qu’un si bon officier ait été fait prisonnier au commencement de la campagne. »
  5. « Rare moment de bonheur quand l’on peut penser ce qu’on veut, et quand il est permis d’écrire. Â»
  6. L’abbĂ© Beccaria a Ă©crit, Ă  cette occasion, Ă  son traducteur : « Je dois tout aux livres français : ils ont dĂ©veloppĂ© dans mon âme des sentiments d’humanitĂ© Ă©touffĂ©s par huit annĂ©es d’une Ă©ducation fanatique. »
  7. « André Morellet », dans Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Edgar Bourloton, 1889-1891 [détail de l’édition]
  8. Jean-Clément MARTIN, Nouvelle histoire de la Révolution français, Paris, Perrin, , 636 p., p. 469
  9. Jean-Clément MARTIN, Nouvelle histoire de la Révolution française, Paris, Perrin, , 636 p., p. 470

Liens externes

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