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Anadiplose

L'anadiplose (substantif féminin) (du grec ancien ἀνά/aná, « de nouveau », et διπλόος/diplóos, « double ») est une figure de style consistant en la reprise du dernier mot d'une proposition à l'initiale de la proposition qui suit, afin de marquer la liaison entre les deux. La répétition du mot forme un enchaînement qui permet d'accentuer l'idée ou le mot ; proche de la concaténation et de l'épanadiplose. L'anadiplose peut se schématiser comme suit :

_______ A / A _______

Exemples

  • « Il est bĂŞte. BĂŞte il restera. »
  • " il n'avait rien Ă  faire jusqu'Ă  quatre heures. Ă€ quatre heures, il devait retrouver, rue de Constantinople, Mme de Marelle" (Guy de Maupassant, Bel-Ami, 2e partie, chap. V)
  • « Ă” ce verre sur mes dĂ©sirs ! Mes dĂ©sirs Ă  travers mon âme ! » (Maurice Maeterlinck, Verre ardent in Serres chaudes)
  • "[...] - Et CĂ©rès, que fit-elle ? / - Ce qu'elle fit ? Un prompt courroux / L'anima d'abord contre vous." (Jean de La Fontaine, "Le pouvoir des fables")
  • "Je vis ce beau Lyon, Lyon que tant je prise." (Joachim du Bellay, "Les Regrets", sonnet 137)
  • « Le nĂ©ant a produit le vide, le vide a produit le creux, le creux a produit le souffle, le souffle a produit le soufflet et le soufflet a produit le soufflĂ©. » (Paul Claudel dans Le Soulier de satin, quatrième journĂ©e scène II)
  • « La peur mène Ă  la colère, la colère mène Ă  la haine, la haine... mène Ă  la souffrance. » (Yoda, dans Star Wars, Ă©pisode I : La Menace fantĂ´me)
  • « Pas de pierre, pas de construction ; pas de construction, pas de palais ; pas de palais... pas de palais. » (Amonbofis, dans AstĂ©rix & ObĂ©lix : Mission ClĂ©opâtre)
  • « La grandeur inspire l'envie, l'envie engendre le dĂ©pit, le dĂ©pit rĂ©pand le mensonge. » (Lord Voldemort dans Harry Potter et le Prince de sang-mĂŞlĂ©)
  • « L'absence, c'est Dieu. Dieu, c'est la solitude des hommes. » (Jean-Paul Sartre dans Le Diable et le Bon Dieu, acte 2)
  • « Et leur chanson se mĂŞle au clair de lune, au calme clair de lune triste et beau », (Paul Verlaine dans son poème Clair de lune)
  • « D'abord, c'est curiositĂ© Qui conduit l'homme Ă  la beautĂ© ; BeautĂ© mène Ă  l'amour, l'amour Ă  l'espĂ©rance » (Charles-François Pannard, Anthologie de la poĂ©sie française du XVIIIe siècle au XXe siècle, La PlĂ©iade, Gallimard)
  • « Sa robe Ă©tait de tulle avec des roses pâles, Et rose pâle Ă©tait sa lèvre, et ses yeux froids, Froids et bleus comme l'eau qui rĂŞve au fond des bois. » (Albert Samain, Au jardin de l'Infante, Keepsake)
  • « Connaissez mieux le prix des larmes ; â€¦ Elles soulagent le malheur. Le malheur et l'amour, souvent c'est mĂŞme chose » (Jean-François de La Harpe, Ă€ un amant qui pleurait beaucoup)
  • « Que dis-je ?... hĂ©las ! hĂ©las ! Tout cela, c'est un rĂŞve, un rĂŞve Ă  jamais effacĂ© !... » (GĂ©rard de Nerval, En Avant Marche ! dans Anthologie de la poĂ©sie française du XVIIIe siècle au XXe siècle)
  • « Le fondement lui Ă©chappait [...] pour avoir mangĂ© trop de gaudebillaux. Les gaudebillaux sont de grasses tripes de coiraux. Les coiraux sont des bĹ“ufs engraissĂ©s Ă  la crèche et dans des prĂ©s guimaux. Les prĂ©s guimaux, ce sont ceux qui donnent de l'herbe deux fois par an. » (François Rabelais, Gargantua, chapitre 4)
  • « SerrĂ© dans son manteau magnifique et soyeux, Je m'y perds en noyant mes regards dans ses yeux, ses yeux indiffĂ©rents, langoureux et mystiques. » (Marcel Proust, PoĂ©sie (inĂ©dite) (critique de Marcel avant Proust â€” Le Mensuel retrouvĂ©, dans TĂ©lĂ©rama n° 3278 du 10 au ))
  • « Fausse diversion, un jour tu pètes les plombs. Les plombs, certains chanceux en ont dans la cervelle. D'autres se les envoient pour une poignĂ©e de biftons, guerre fraternelle. » (Shurik'n du groupe IAM, Demain, c'est loin)
  • « L'homme est en ce monde ainsi que l'oiseau sur la branche ; la branche est attachĂ©e Ă  l'arbre ; qui s'attache Ă  l'arbre, suit de bons prĂ©ceptes ; les bons prĂ©ceptes valent mieux que les belles paroles ; les belles paroles se trouvent Ă  la cour ; Ă  la cour sont les courtisans ; les courtisans suivent la mode ; la mode vient de la fantaisie ; la fantaisie est une facultĂ© de l'âme ; l'âme est ce qui nous donne la vie ; la vie finit par la mort ; la mort nous fait penser au Ciel ; le ciel est au-dessus de la terre ; la terre n'est point la mer ; la mer est sujette aux orages ; les orages tourmentent les vaisseaux ; les vaisseaux ont besoin d'un bon pilote ; un bon pilote a de la prudence ; la prudence n'est point dans les jeunes gens ; les jeunes gens doivent obĂ©issance aux vieux ; les vieux aiment les richesses ; les richesses font les riches ; les riches ne sont pas pauvres ; les pauvres ont de la nĂ©cessitĂ© ; nĂ©cessitĂ© n'a point de loi ; qui n'a point de loi vit en bĂŞte brute ; et, par consĂ©quent, vous serez damnĂ© Ă  tous les diables. » (Molière, Dom Juan, acte V scène 2, fin de la tirade de Sganarelle).
  • « Tuer une femme, une femme sans dĂ©fense ! » (Victor Hugo, Lucrèce Borgia, acte III, scène 3)
  • « On songea Ă  faire l'addition. L'addition Ă©tait consternante » (Albert Camus, La Peste)
  • « Saxophone, phonographe, graff de fou, foules de gens » (Odezenne, Saxophone)
  • "Je me fous, fous de vous, vous m'aimez, mais pas moi, moi je voulais ... " ( Extrait de la chanson Confidence pour confidence de Jean Schultheis)

DĂ©finition

DĂ©finition linguistique

L'anadiplose opère une transformation sémantique par répétition à l'identique d'un mot (étymologiquement c'est un redoublement). Elle est très proche de la concaténation. Étymologiquement, elle se fonde sur un redoublement ; elle peut se représenter par le schéma : ____A / A____ comme dans « Mourir pour des idées, l'idée est excellente… » (Georges Brassens) ; elle est donc une sorte de symétrie en miroir des mots répétés, qui se démarquent par une ponctuation spécifique. Elle est synonyme de la figure appelée redoublement qui est la répétition de mots mais dans le cadre d'une seule phrase.

Une anadiplose se fondant non plus sur des mots mais des syllabes est une dorica castra. On parle d'anadiplose de liaison lorsque dans un raisonnement elle a pour fonction d'introduire la suite du développement.

DĂ©finition stylistique

L'anadiplose marque souvent, à l'écrit, un procédé d'oralisation (« Et lui, que dit-il? - Ce qu'il dit? Il s'emportera... »), mais elle est très employée en argumentation pour lier des arguments et soutenir un raisonnement efficace et rigoureux. L'anadiplose aboutit ainsi à un effet de clôture du discours, qui ne semble pas permettre de critique. La solennité est un effet visé par cette figure. Elle permet globalement : de fixer l'attention sur les mots importants, de mieux mémoriser certains termes et enfin de relier logiquement deux propositions pour développer un argument.

Genres concernés

L'anadiplose se retrouve dans tous les genres littéraires, principalement ceux à dialogues. La poésie y a recours également.

Les chansons utilisent majoritairement l'anadiplose afin de lier les vers entre eux ; la pédagogie utilise l'anadiplose en chanson pour cerner l'enchaînement des idées dans un texte[1]. Les cadavres exquis fonctionnent sur le principe de l'anadiplose. L’anadiplose est l’élément constitutif des chansons en laisse.

Historique de la notion

Antoine Fouquelin dans La Rhetorique Françoise (1555) présente une étude de l'anadiplose[2].

Figures proches

Notes et références

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Pierre Pellegrin (dir.) et Myriam Hecquet-Devienne, Aristote : Ĺ’uvres complètes, Éditions Flammarion, , 2923 p. (ISBN 978-2081273160), « RĂ©futations sophistiques », p. 457. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Quintilien (trad. Jean Cousin), De l'Institution oratoire, t. I, Paris, Les Belles Lettres, coll. « BudĂ© SĂ©rie Latine », , 392 p. (ISBN 2-2510-1202-8).
  • Antoine Fouquelin, La RhĂ©torique françoise, Paris, A. Wechel, (ASIN B001C9C7IQ).
  • CĂ©sar Chesneau Dumarsais, Des tropes ou Des diffĂ©rents sens dans lesquels on peut prendre un mĂŞme mot dans une mĂŞme langue, Impr. de Delalain, (rĂ©impr. Nouvelle Ă©dition augmentĂ©e de la Construction oratoire, par l’abbĂ© Batteux.), 362 p. (ASIN B001CAQJ52, lire en ligne)
  • Pierre Fontanier, Les Figures du discours, Paris, Flammarion, (ISBN 2-0808-1015-4, lire en ligne).
  • Patrick Bacry, Les Figures de style et autres procĂ©dĂ©s stylistiques, Paris, Belin, coll. « Collection Sujets », , 335 p. (ISBN 2-7011-1393-8).
  • Bernard Dupriez, Gradus, les procĂ©dĂ©s littĂ©raires, Paris, 10/18, coll. « Domaine français », , 540 p. (ISBN 2-2640-3709-1).
  • Catherine Fromilhague, Les Figures de style, Paris, Armand Colin, coll. « 128 Lettres », 2010 (1re Ă©d. nathan, 1995), 128 p. (ISBN 978-2-2003-5236-3).
  • Georges MoliniĂ© et Michèle Aquien, Dictionnaire de rhĂ©torique et de poĂ©tique, Paris, LGF - Livre de Poche, coll. « EncyclopĂ©dies d’aujourd’hui », , 350 p. (ISBN 2-2531-3017-6).
  • Michel Pougeoise, Dictionnaire de rhĂ©torique, Paris, Armand Colin, , 228 p., 16 cm Ă— 24 cm (ISBN 978-2-2002-5239-7).
  • Olivier Reboul, Introduction Ă  la rhĂ©torique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Premier cycle », , 256 p., 15 cm Ă— 22 cm (ISBN 2-1304-3917-9).
  • Hendrik Van Gorp, Dirk Delabastita, Georges Legros, Rainier Grutman et al., Dictionnaire des termes littĂ©raires, Paris, HonorĂ© Champion, , 533 p. (ISBN 978-2-7453-1325-6).
  • Groupe µ, RhĂ©torique gĂ©nĂ©rale, Paris, Larousse, coll. « Langue et langage », .
  • Nicole Ricalens-Pourchot, Dictionnaire des figures de style, Paris, Armand Colin, , 218 p. (ISBN 2-200-26457-7).
  • Michel Jarrety (dir.), Lexique des termes littĂ©raires, Paris, Le Livre de poche, , 475 p. (ISBN 978-2-253-06745-0).
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