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Allée d'artistes

L'Allée d'artistes est une allée privée comprenant une vingtaine d'ateliers d'artistes, située dans le quartier du Parc-de-Montsouris du 14e arrondissement de Paris. Son statut juridique est celui d'une copropriété.

Bordée par un espace vert sur 100 m de long, cette allée a été inscrite partiellement au titre des monuments historiques en 2016.

Elle présente des aspects remarquables du double point de vue de sa diversité végétale et du caractère de ses bâtiments. Son aspect est resté inchangé depuis la date de sa construction en 1901.

Ă€ l'origine les ateliers Ă©taient exclusivement des lieux de travail pour peintres et sculpteurs.

De nombreuses personnalités artistiques y ont vécu et travaillé.

Situation

Située dans le quartier du Parc-de-Montsouris du 14e arrondissement de Paris, cette allée privée est desservie par un passage sous immeuble au 83 rue de la Tombe-Issoire.

Elle occupe une parcelle en lanière Ouest/Est en cĹ“ur d'Ă®lot, entre un immeuble sur rue et une maison/atelier de sculpteur en fond de parcelle.  

Le bâtiment est conçu comme destiné aux artistes, avec de grandes ouvertures vitrées exposées au Nord. C’est une copropriété d'une vingtaine d'ateliers mitoyens et superposés, en bande sur deux niveaux (à grande hauteur d'étage), desservis par quatre cages d'escaliers. La construction est en ossature bois et remplissage briques de Vaugirard (briqueterie de Gournay[1] à Vitry-sur-Seine[2]). Les baies sont closes de menuiseries vitrées en fer T. Certaines poutres portent des marques des compagnons.

Desservi par un espace vert protégé[3] sur 100 m de long, l’ensemble a été inscrit au titre des monuments historiques en 2016 pour les façades et toitures, les parties communes (les quatre escaliers avec leur vestibule d’entrée et le palier du premier étage), la remise à vélos, le sol de la parcelle.

Copropriété privée, elle n'est pas ouverte au public.

Allée La Tombe-Issoire

Historique et nom

La citĂ© d'artistes a Ă©tĂ© lotie et bâtie par Monsieur Tissot, propriĂ©taire privĂ©, sur une parcelle en longueur qui lui appartenait en 1901[4]. L'architecte en est Gustave Poirier, architecte actif Ă  Paris entre 1894 et 1905[5]. Il est l’auteur d’une dizaine d’immeubles  dans le 14e arrondissement.

En 1900, le futur propriĂ©taire, Monsieur Tissot, possĂ©dait Ă  cet endroit une Ă©curie sur un terrain de 1 200 mètres carrĂ©s situĂ©e sur une partie des anciennes carrières. C'est le 25 fĂ©vrier 1901 qu'il demande l’autorisation Ă  la prĂ©fecture de construire « un bâtiment Ă  usage d’ateliers d’artistes Ă©levĂ© sur terre-plein, d’un rez-de-chaussĂ©e et un Ă©tage carrĂ© » sur sa propriĂ©tĂ©[4].

Les matériaux sont en partie issus de la récupération de matériaux de l'Exposition universelle de 1900.

Les loyers perçus par Monsieur Tissot sont modestes et les artistes ne pouvant payer leur terme paieront en œuvres d’art[4].

Ă€ l'origine, les ateliers devaient ĂŞtre exclusivement des lieux de travail pour peintres et sculpteurs. Au cours du temps, ils sont Ă©galement devenus des lieux d'habitations.

Contrairement à d'autres cités d'artistes, cette allée n'a pas formellement de nom. Certains l'appellent « La Tombe-Issoire[6] », « La Cour[7] », « La Cité d'artistes[8] » ou plus communément « Le 83 ».

Bâtiments remarquables et lieux de mémoire

Les façades et toitures du bâtiment ainsi que le sol de la parcelle (situés sur la parcelle n° 20), sont inscrits au titre des monuments historiques par arrêté du 27 septembre 2016[9].

Cette cité a abrité de nombreux artistes (peintres, sculpteurs, architectes) et en accueille aujourd'hui encore. Thomas Dufresne, artiste peintre et historien[8], en a établi une liste à partir des archives, des catalogues des salons de peintures et sculptures parisiens, des biographies d'artistes, du Bénézit, des annuaires d'art, des Bottin, des articles de la Revue d'histoire du 14e arrondissement, des fonds d'archives et de plusieurs ouvrages sur le Montparnasse des artistes[10].

Parmi les nombreuses personnalités artistiques qui y ont résidé, on peut distinguer les premiers occupants, les artistes qui arrivent entre 1940 et 1970, et ceux qui s'installent après 1970.

Les premiers occupants des ateliers

Hypatia, signé E. Picault

Les années 1940-1970

  • Georges Jouve (1910-1964), sculpteur, cĂ©ramiste, habitait la citĂ©, vraisemblablement depuis les annĂ©es 40[6]
  • Émile Morlaix (1909-1990), sculpteur, prix de Rome, y a vĂ©cu jusqu’à sa mort. Il est arrivĂ© après le dĂ©part de Jouve
  • Maurice Prost (1894-1967), sculpteur animalier, habitait la citĂ© jusqu’en 1967[6]. En 1937, pour l’Exposition internationale des arts et techniques, il rĂ©alise deux PĂ©gases de plus de 4 mètres de hauteur destinĂ©s Ă  la passerelle de l'Alma[14]. Pour cela, il dĂ©mĂ©nage son atelier au 83 rue de la Tombe-Issoire. Son voisin est le cĂ©ramiste Jouve
  • Mario Ruspoli (1925-1986), cinĂ©aste, inventeur avec Jean Rouch du cinĂ©ma direct, prĂ©historien et entomologiste[7]. Il a habitĂ© l'allĂ©e dès les annĂ©es 1950.
  • Simone Mallan, dessinatrice et Michel Duborgel (1907-1980), Ă©crivain, rĂ©sidaient dans cette allĂ©e dans les annĂ©es 1960[15] - [6]
  • Raymond Peynet (1908-1999), dessinateur humoristique français, cĂ©lèbre pour avoir crĂ©Ă© en 1942 le couple d’amoureux qu’il a dessinĂ© sur de nombreux supports, avait son atelier dans l'allĂ©e entre 1956 et 1970
  • RenĂ© Fontayne (1892-1952), peintre, a rĂ©sidĂ© dans ce lieu
  • Michel Holley (1924-2022), architecte, habite la citĂ© jusqu’en 1956. En 1957, Il participe, sous la direction de Raymond Lopez, Ă  l'Ă©laboration d'une enquĂŞte sur les rĂ©novations urbaines qui servira de fondement aux grandes opĂ©rations d’urbanisme des annĂ©es 1960 et 1970 de Paris. Responsable du projet Front-de-Seine, dans le 15e arrondissement, il y applique son principe de « zoning vertical »
  • AndrĂ© Lefèvre-Devaux (1921-2010), architecte
  • Henri-Pierre Maillard (1924-2011), architecte, y a eu son agence dans les annĂ©es 1960[16]
  • Maurice Mourlot (1906-1983), peintre, lithographe, graveur et dessinateur français, arrive en 1968 dans l’atelier du 83 rue de la Tombe-Issoire Ă  Paris, oĂą il meurt en 1983. Son ami Jean-Pierre Hammer lui y succĂ©dera
  • Francis Guinard (1913-1996), sculpteur, rĂ©sida dans la citĂ© jusqu'en 1955. Son Ĺ“uvre est rĂ©compensĂ©e au Salon des artistes français en 1939 par une mĂ©daille d’argent et en 1947 par un second Grand Prix de Rome. Ă€ son retour de captivitĂ©, il s'installe Ă  Paris dans cette allĂ©e jusqu'en 1955, oĂą il dĂ©cide de quitter Paris pour LanguĂ©dias, en Bretagne
  • Francis Harburger (1905-1998), artiste peintre, arrive dans l'allĂ©e en 1956. Membre de la SociĂ©tĂ© historique du 14e, il participe activement Ă  la vie locale. Il est candidat aux Ă©lections municipales de 1983 et 1989 sur la liste des Verts pour Paris[17]. Il a peint une centaine de paysages de Paris et en particulier du quartier, de ses rues, ses toits et ses vieilles façades, tĂ©moignages d'un Paris aujourd’hui disparu[18]. En 2015 est paru le Catalogue raisonnĂ© de son Ĺ“uvre peint[19]
  • Georges Dominique Zezzos (1883-1959), peintre et restaurateur des musĂ©es nationaux, avait son atelier dans cette allĂ©e[10]. NĂ© Ă  Venise, Georges Zezzos Ă©tait le neveu d'Alexandre Zezzos, peintre et aquarelliste italien. Ă€ Paris, il expose Ă  la SociĂ©tĂ© nationale des beaux-arts et, Ă  partir de 1907, au Salon des indĂ©pendants, au Salon des Tuileries, ainsi qu'Ă  Florence, Milan et Turin.

Après 1970

  • Jacques Dufresne (1922-2014), sculpteur, habite la citĂ© Ă  partir de 1970 et jusqu’à sa mort[20]. Il est le fils de Charles Dufresne (1876-1938), peintre, graveur et sculpteur français. Son fils Thomas Dufresne (nĂ© en 1958) artiste peintre et historien, lui succède dans l'atelier jusqu'en 2015[8]
  • Rudolf BĂĽchi (1926-2002), peintre et sculpteur suisse, prend en 1966 le pseudonyme de Damaro[21]. Après des Ă©tudes artistiques parisiennes (Beaux-Arts, AcadĂ©mie de la Grande Chaumière), il fait une exposition Ă  Paris en 1957 "RĂ©alitĂ©s nouvelles". Ă€ cette Ă©poque il fait la connaissance de Diego Giacometti. Il acquiert un atelier dans l'allĂ©e dans les annĂ©es 1960.
  • Maryse Eloy (1930-2020) artiste peintre[7], fondatrice de l'École d'art Maryse Eloy en 1981, a habitĂ© la citĂ© Ă  partir des annĂ©es 1970[22]
  • Jean Barluet (1908-2004), peintre et cĂ©ramiste, a habitĂ© et travaillĂ© dans un atelier de l'allĂ©e[23]. Après des Ă©tudes aux Beaux-Arts et Ă  l’École des arts dĂ©coratifs, il commence son parcours d’artiste comme peintre, dessinateur et modĂ©liste dans la veine figurative de l’École de Paris. Dans les annĂ©es trente, il fait la connaissance de Jacques GrĂĽber, maĂ®tre-verrier, de son fils Francis Gruber, et d'Alberto et Diego Giacometti, avec qui il travaille. Après-guerre, il pratique la cĂ©ramique. Il se consacre Ă  la peinture Ă  partir des annĂ©es 1960, avec un tournant vers l’abstraction. En 1970, il dispose d'un deuxième atelier dans l'allĂ©e.
  • Iris Alter (nĂ©e en 1955), artiste peintre et chanteuse, a son atelier dans l'allĂ©e entre 2003 et 2017[24].
  • Jim Haynes ( -2021), nĂ© Ă  Haynesville, en Louisiane. Journaliste, enseignant et Ă©crivain amĂ©ricain. Il fut, pendant les annĂ©es 1960-1970, l'un des principaux animateurs de la scène alternative europĂ©enne. Il arrive Ă  Paris en 1969[7].

Aujourd’hui

L'allée en 2020

Cette allée compte une vingtaine d'ateliers de toutes tailles. Les parties communes sont sous le statut de la copropriété. Les résidents sont chacun propriétaire de leur atelier.

À la différence d'autres cités d'artistes, cette allée n'est pas ouverte au public. Seuls les résidents et leurs invités y ont accès.

Parmi les propriétaires actuels on compte des descendants d'artistes, ainsi que plusieurs artistes, en particulier Clara DeLamater, artiste sculpteur, qui a réalisé plusieurs commandes publiques dont, en 1987, le buste du Président François Mitterrand[25], en 1995, le buste du général de Gaulle à Issy-les-Moulineaux[26]. Elle enseigne la sculpture et le dessin à l’Université Américaine de Paris. Elle a obtenu en 1989, le premier prix du portrait Paul-Louis Weiller de l’Académie des beaux-arts, qui lui a été remis à l'Institut de France[27]. Elle a son atelier dans l'allée depuis les années 1990. Jean-Pierre Hammer (né en 1927), universitaire, poète, peintre, acquiert l’atelier de Maurice Mourlot en 1983[28]. Jean-Charles Yaïch (né en 1948), artiste plasticien, a son atelier dans l'allée depuis 2018[29]. Jean Pierre Rémond, lithographe[30].

Articles connexes

Bibliographie

  • Jacques Franju, « CitĂ©s d'artistes. Mais la Tombe-Issoire n'a pas oubliĂ© LĂ©nine Â», LibĂ©ration, 23 aoĂ»t 1957
  • Yann Le Houelleur, « Les artistes ont toujours habitĂ© dans cette cour Â», quotidien Quatorze quinze (BNF 34392392), 12 mars 1984
  • ValĂ©rie Pfeiffer, « Il Ă©tait une fois les artistes Â», Le Point, 19 janvier 2012.
  • «Ile-de-France, un autre patrimoine Â», septembre 2020[31]

Filmographie

  • 2015 : Dans les coulisses du Paris Rive-Gauche, documentaire de Laurent Lefebvre[32], 52min
  • 1987 : Un village dans Paris, documentaire de Jean-NoĂ«l Rey
  • 1991 : Les sept collines de Paris[33], documentaire de Christian Bussy

Références

  1. « La briqueterie. Premières pierres », sur alabriqueterie.com
  2. « la brique de Vaugurard », sur archives.yvelines.fr
  3. « Atlas des plans de détail - Secteurs de Maisons et Villas », sur pluenligne.paris.fr
  4. Anne-Laure Sol, « Lotissement d'ateliers d'artistes », sur Inventaire.iledefrance.fr
  5. « Gustave Poirier »
  6. Jacques Franju, « Cités d'artistes. Mais la Tombe-Issoire n'a pas oublié Lénine », Libération,‎
  7. Yann Le Houelleur, « Les artistes ont toujours habité dans cette cour », Quotidien quatorze quinze,‎ 12 mars 1984. (BNF 34392392)
  8. Valérie Pfeiffer, « Il était une fois les artistes », Le Point,‎
  9. « MInistère de la Culture », sur pop.culture.gouv.fr,
  10. Thomas Dufresne, « Le 14e arrondissement, village des arts », Revue d'histoire du 14e arrondissement de Paris, vol. n°43 et n°44,‎ 1999 et 2000, p.55-87 du n°43 et p.59-80 du n°44 (ISSN 0556-7335)
  11. « base Leonore », sur culture.gouv.fr
  12. Dominique Driss-Ecole, Ridha Driss, Vincent Driss, Pierre Henri Ecole-Villar, Paris, Dominique Driss-Ecole, (ISBN 979-10-699-3927-1)
  13. (ar) Ahmida El-Souly, « Actualités de l’art », Al-Hayat,‎
  14. « Passerelle de l'Alma », sur parismuséescollections.paris.fr
  15. « Michel Duborgel », sur data.bnf.fr
  16. « André Lefèvre-Devaux », sur culture.gouv.fr
  17. François Heintz, « Francis Harburger. L'épiderme du réel », LaPage14, no 58,‎ , p. 4 (lire en ligne)
  18. Francis B. Conem, « Harburger témoin de Paris », L'Amateur d'art, no 421,‎ 5 décembre 1968.
  19. Sylvie Harburger, Caroline Larroche et Didier Schulmann (préf. Bruno Gaudichon) (préf. Bruno Gaudichon), Francis Harburger. Catalogue raisonné de l'œuvre peint, Montreuil, Gourcuff-Gradenigo, , 400 p. (ISBN 978-2-35340-223-6)
  20. « Jacques Dufresne », sur centrepompidou.fr
  21. (de) « Büchi Rudolf (Damaro) », sur sikart.ch
  22. « EME Paris - Ecole d'art Maryse Eloy », sur ecoles-arts.com
  23. Tartarin, « Assemblée générale des Indépendants, Le taureau dans l'arène », Rappel,‎ , p. 3 (lire en ligne)
  24. « Iris Alter », sur saisonsdeculture.com,
  25. Clara DeLamater, témoignage, « Sculpter le Président », La lettre de l'Institut Mitterrand,‎ , p. 14-15 (lire en ligne)
  26. François Dufay, « Un sculpteur à l'oeuvre », Le Point, no 933,‎
  27. « Prix de portrait Paul-Louis Weiller », sur cnap.fr
  28. « Jean-Pierre Hammer », sur data.bnf.fr
  29. « Les artistes : Jean-Charles Yaïch », sur le4parisart.com,
  30. (en) « Jean-Pierre Remond », sur askart.com
  31. Inventaire du patrimoine, ĂŽle-de-France, un autre patrimoine, Paris, Lieux Dits, septembre 2020., 272 p. (ISBN 978-2-36219-199-2 et 2-36219-199-0, EAN 978-2362191992), p. 125 et 129
  32. « Dans les coulisses de Paris Rive Gauche », sur senscritique.com,
  33. « Les sept collines de Paris », sur pointculture.be, 36 novembre 1991

Liens externes

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