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Albert Cohen

Albert Cohen, né le à Corfou et mort le à Genève, est un écrivain, dramaturge et poète suisse romand dont l'œuvre est fortement influencée par ses racines juives.

Albert Cohen
Description de cette image, également commentée ci-après
Albert Cohen au lycée Thiers à Marseille en 1909.
Nom de naissance Abraham Albert Cohen
Naissance
Corfou (royaume de Grèce)
Décès
Genève (Suisse)
Nationalité Suisse
Activité principale
Distinctions
Auteur
Langue d’écriture Français
Genres

Ĺ’uvres principales

D'abord diplomate, militant sioniste jusqu'en 1944, il publie son premier roman en 1930, mais ce n'est qu'en 1968 qu'il connaît la consécration littéraire avec Belle du Seigneur.

Biographie

Plaque sur la synagogue de Corfou en 2017.

Né dans l'île grecque de Corfou en 1895, Abraham Albert Cohen a un père, Marco Cohen, d'origine juive romaniote, et une mère, Louise Judith Ferro, Juive de langue italienne. Son grand-père préside la communauté juive locale[1].

Issus d'une famille de fabricants de savon, les parents d'Albert décident d'émigrer à Marseille après un pogrom, alors qu'Albert n'a que 5 ans. Ils y fondent un commerce d'œufs et d'huile d'olive. Il évoquera cette période dans Le Livre de ma mère. Le jeune Albert commence son éducation dans un établissement privé catholique. Le , il se fait traiter de « youpin » dans la rue par un camelot de la Canebière, événement qu'il racontera dans Ô vous, frères humains. Le jeune garçon court à la gare Saint-Charles. Il s'enferme dans les toilettes, faute de pouvoir s'enfuir. Sur le mur, il écrit : « Vive les Français ! » En 1904, il entre au lycée Thiers, et, en 1909, il se lie d'amitié avec un camarade de classe, Marcel Pagnol. En 1913, il obtient son baccalauréat avec la mention « assez bien ».

En 1914, Albert Cohen quitte Marseille pour Genève. Il s'inscrit à la faculté de droit de la ville en octobre. Dès lors, il s'engage en faveur du sionisme mais n'ira jamais en Israël[2]. Il obtient sa licence en 1917 et s'inscrit à la faculté des lettres, où il reste jusqu'en 1919. Cette année-là, il obtient la nationalité suisse[3] (il était ottoman). Il tente sans succès de devenir avocat à Alexandrie. Il épouse la même année Élisabeth Brocher. En 1921 naît sa fille Myriam et il publie Paroles juives, un recueil de poèmes. En 1924, sa femme meurt d'un cancer.

En 1925, Albert Cohen prend la direction de La Revue juive à Paris, qui compte à son comité de rédaction Albert Einstein et Sigmund Freud.

De 1926 à 1931, il occupe un poste de fonctionnaire attaché à la division diplomatique du Bureau international du travail, à Genève. Il trouve dans cette expérience l'inspiration qui lui permettra de construire l'univers d'Adrien Deume et de Solal des Solal pour Belle du Seigneur.

En 1930, paraît un roman, Solal , premier volume d'un cycle que Cohen a pensé intituler « la Geste des juifs » ou « Solal et les Solal ». Le roman, préfigurant en quelque sorte Belle du Seigneur, raconte la jeunesse du jeune Grec sur l’île de Céphalonie, ainsi que ses premières amours. Le livre bénéficie en France d'une critique exceptionnelle. Il est traduit dans de nombreuses langues et le succès du roman devient universel : « Une œuvre stupéfiante », écrit le New York Herald Tribune ; pour le New York Times, Cohen, c'est James Joyce, Erskine Caldwell, Rabelais réunis, avec en plus la magie des Mille et Une Nuits. Les critiques anglaise, autrichienne, italienne ou helvétique s'expriment sur le même ton.

En 1931, il se marie en secondes noces avec Marianne Goss, dont il divorcera.

En 1938 vient Mangeclous. Aux analyses sentimentales s'ajoutent l'observation amusée du milieu de la Société des Nations.

En 1941, il propose de regrouper les personnalités politiques et intellectuelles européennes réfugiées à Londres dans un comité interallié des amis du sionisme qui aidera la cause d'un État juif, une fois la paix revenue. En effet, les dirigeants sionistes choisissent de porter tous les efforts sur le sauvetage des Juifs d'Europe quitte à sacrifier l'avenir politique . La stratégie de « propagande » de longue haleine de Cohen n'est donc plus d'actualité. De plus, avec l'entrée en guerre des États-Unis, l'Agence juive comprend que l'avenir du sionisme dépendra plus de l'Amérique que de l'Europe[4]. Cohen est alors chargé par l'Agence juive pour la Palestine d'établir des contacts avec les gouvernements en exil. Il s'irrite vite de la méfiance de ses supérieurs de l'Agence juive. Il démissionne en , très déçu par la cause sioniste.

Le , la mère de Cohen meurt à Marseille. Cette même année il rencontre Bella Berkowich, qui deviendra sa troisième épouse. En 1944, il devient conseiller juridique au Comité intergouvernemental pour les réfugiés dont font partie entre autres la France, le Royaume-Uni et les États-Unis. Il est chargé de l'élaboration de l'accord international du portant sur le statut et la protection des réfugiés.

En 1947, il rentre à Genève. Il est directeur d'une des institutions spécialisées des Nations unies.

En 1954, après seize ans de silence, Cohen publie Le Livre de ma mère, poignant portrait d'un être à la fois quotidien et parfaitement bon qu'il évoquera une nouvelle fois dans ses Carnets (1978). En 1957, il refuse d'occuper le poste d'ambassadeur d'Israël, pour poursuivre son activité littéraire.

1968 est l'année de consécration pour Albert Cohen qui publie son œuvre majeure, Belle du Seigneur, dont une première version a été écrite entre 1935 et 1938[5]. L'œuvre reçoit le grand prix du roman de l'Académie française. Albert Cohen est fait chevalier de la Légion d'honneur en 1970.

Vue de la sépulture.

Dans les annĂ©es 1970, Albert Cohen souffre de dĂ©pression nerveuse et manque de mourir d'anorexie en 1978. Cette mort qu'il attend Ă  chaque instant depuis toujours, ne veut pas de lui. Il change alors radicalement de vie (Ă  plus de 80 ans…) et va employer ses dernières annĂ©es Ă  faire ce que son grand ami Marcel Pagnol avait fait toute sa vie : la promotion de son Ĺ“uvre. Sortant de l'ascèse, il publie ses Carnets 1978 et rĂ©pond aux demandes d'interviews. Une interview tĂ©lĂ©visĂ©e exclusive de Bernard Pivot, diffusĂ©e le et rĂ©alisĂ©e depuis son domicile genevois, situĂ© 7 avenue Krieg, pour Apostrophes le propulse sur le devant de la scène littĂ©raire. Un numĂ©ro du Magazine littĂ©raire lui est enfin consacrĂ©.

Lors d'une radioscopie de Jacques Chancel, en mars-, il exprime ses opinions sur Marguerite Yourcenar, se demandant à son sujet comment il était « possible qu'une femme si grosse, si laide, si grasse, puisse écrire ». Des découvertes scientifiques de Marie Curie, il affirme qu'elles sont l'œuvre de « son mari, voyons !… J'en suis sûr. Pas elle. Elle était si sèche[6] ! »

En , il publie dans Le Nouvel Observateur son dernier texte, « Aimer et être aimé », qui rend hommage à l'amour qui l'unit à sa femme. Albert Cohen meurt à 86 ans, le , des complications d'une pneumonie. Il est enterré au cimetière israélite de Veyrier, près de Genève[7] - [8].

Bella Cohen est morte le , Ă  83 ans.

Publications

Sont parus en volume du vivant de Cohen :

Et, de manière posthume, les recueils suivants :

  • Écrits d'Angleterre, textes rĂ©digĂ©s par Cohen en Angleterre entre 1940 et 1949 ; prĂ©face de Daniel Jacoby, Les Belles Lettres, 2002
  • Mort de Charlot, textes rĂ©digĂ©s en revue par Cohen dans les annĂ©es 1920 ; prĂ©face de Daniel Jacoby, Les Belles Lettres, 2003
  • Salut Ă  la Russie, textes rĂ©digĂ©s par Cohen en 1942 dans la revue française de Londres 'La France libre' ; prĂ©face de Daniel Jacoby, Le PrĂ©au des collines, 2004.
  • Le Roi mystère : entretiens avec Françoise Estèbe et Jean Couturier, entretiens rĂ©alisĂ©s en 1976 pour France Culture, Le PrĂ©au des collines, 2009

Éditions critiques

  • Belle du Seigneur, Ă©dition de Bella Cohen et Christel Peyrefitte, Paris, Gallimard, 1986, Bibliothèque de la PlĂ©iade.
  • Ĺ’uvres, Ă©dition de Bella Cohen et Christel Peyrefitte ; avant-propos de Christel Peyrefitte, Paris, Gallimard, 1993, Bibliothèque de la PlĂ©iade, Contient : Paroles juives - Solal - Mangeclous - Le Livre de ma mère - ÉzĂ©chiel - Les Valeureux - Ă” vous, frères humains - Carnets 1978.
  • Solal et les Solal. Solal, Mangeclous, Les Valeureux, Belle du Seigneur, Paris, Gallimard, 2018, 1664 p., Quarto, Ă©dition annotĂ©e et prĂ©sentĂ©e par Philippe Zard, En annexe : Combat de l'homme et « Ă€ propos de la première version de Belle du Seigneur », par Anne-Marie Boissonnas-Tillier..

Reprises et utilisations de l’œuvre

  • Dans le livre Aladin et le crime de la bibliothèque, le livre Mangeclous est, page 119, l'indice d'une Ă©nigme Ă  rĂ©soudre.
  • En 2015 paraĂ®t Ma mère et moi de Brahim Metiba, autofiction autour du Livre de ma mère.
  • En 2016, Luz publie une adaptation en bande dessinĂ©e de Ă” vous, frères humains ( Ă©d. Futuropolis), alternant de longs passages sans texte, purement graphiques, et des extraits du livre de Cohen.
  • S'inspirant du Livre de ma mère, Patrick Timsit a mis en scène une pièce de théâtre portant le mĂŞme nom, en forme d'hommage.
  • Le personnage Solal Aronowicz de l'auteur suisse Florian Eglin est inspirĂ© de Solal.

Notes et références

  1. Association Albert Cohen Corfou, « Biographie d'Albert Cohen (Corfou 1895 – Genève 1981) », sur albertcohen.gr (consulté le ).
  2. Schaffner et Zard 2005, p. 13.
  3. Doris Jakubec, « Albert Cohen » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du ..
  4. Schaffner et Zard 2005, p. 118.
  5. Anne-Marie Boissonnas-Tillier, « À propos de la première version de Belle du Seigneur (1935-1938) », Cahiers Albert Cohen, 2,‎ , p. 15-24.
  6. Albert Cohen, Radioscopie de Jacques Chancel, Paris, Éditions du Rocher, France inter, , 131 p. (ISBN 2-268-03251-5), p. 119.
  7. La Tribune de Lausanne, « Albert Cohen inhumé », sur scriptorium.bcu-lausanne.ch, (consulté le ).
  8. Philippe Landru, « VEYRIER (Suisse) : cimetière israélite », sur Cimetières de France et d'ailleurs, (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Carole Auroy, Albert Cohen, une quĂŞte solaire, Presses universitaires de la Sorbonne, Paris, 1996
  • Mathieu BĂ©lisle, Le DrĂ´le de roman. L'Ĺ“uvre du rire chez Marcel AymĂ©, Albert Cohen et Raymond Queneau, Presses de l'UniversitĂ© de MontrĂ©al, coll. « Espace littĂ©raire », 2010
  • Bella Cohen, Albert Cohen, mythe et rĂ©alitĂ©, Paris, Gallimard, 1991.
  • Bella Cohen, Autour d'Albert Cohen, Paris, Gallimard, 1990.
  • Maxime Decout, Albert Cohen : les fictions de la judĂ©itĂ©, Paris, Garnier, 2011.
  • Goitein-Galperin, Visage de mon peuple. Essai sur Albert Cohen, Paris, Nizet, 1982.
  • Amenan Gisèle Kouassi, Les formes du temps dans l'Ĺ“uvre d'Albert Cohen (thèse de doctorat en Langue, LittĂ©rature et Civilisation françaises, UniversitĂ© Sorbonne-Nouvelle-Paris 3), , 502 p. (SUDOC 17491802X, prĂ©sentation en ligne, lire en ligne)
  • LĂ©onard Rosmarin, Albert Cohen, tĂ©moin d'un peuple, Éditions du Grand-PrĂ©, 1992.
  • Alain Schaffner, Le GoĂ»t de l'absolu. L'enjeu sacrĂ© de la littĂ©rature dans l'Ĺ“uvre d'Albert Cohen, Paris, Champion, 1999.
  • Alain Schaffner (dir.) et Philippe Zard (dir.), Albert Cohen dans son siècle : actes du colloque international de Cerisy-la-Salle, 2-9 septembre 2003, Paris, Éditions Le Manuscrit, , 518 p. (ISBN 2-7481-5562-9, lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • GĂ©rard Valbert, Albert Cohen, ou le pouvoir de vie, Lausanne-Paris, L'Ă‚ge d'homme, 1981.
  • Philippe Zard, La Fiction de l'Occident. Thomas Mann, Franz Kafka, Albert Cohen, Paris, PUF, 1999. Texte intĂ©gral : [PDF]

Articles connexes

Liens externes

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