Agriculture numérique
Lâagriculture numĂ©rique se dĂ©finit comme la convergence de lâagriculture et des technologies de lâinformation (capteurs, rĂ©seaux intelligents, outils de la science de la donnĂ©es, application, voire automatisme et robotique) pour, tout au long de la chaĂźne de valeurs, amĂ©liorer la productivitĂ© et rĂ©pondre aux attentes environnementales et sociĂ©tales.
Lâagriculture numĂ©rique est donc le fruit dâune convergence entre une succession de rĂ©volutions technologiques et une profonde nĂ©cessitĂ© de changement face aux nouveaux enjeux de lâagriculture moderne : remise en question de lâusage des produits phytosanitaires, enjeux alimentaires locaux - avec lâalimentation de proximitĂ© - et mondiaux, sĂ©curitĂ© alimentaire tout au long des filiĂšres, transition agroĂ©cologique, etc.[1]
Histoire
LâĂ©mergence du numĂ©rique en agriculture date des annĂ©es 1970-1980. Au dĂ©but des annĂ©es 1970, les programmes de satellites dâobservation de la Terre (ERTS puis LANDSAT aux Ătats-Unis) utilisaient des satellites conçus notamment pour rĂ©pondre aux besoins du dĂ©partement de lâagriculture. Le dĂ©but des annĂ©es 1980 a Ă©tĂ© marquĂ© par lâaccĂšs aux systĂšmes informatiques pour le grand public et le dĂ©veloppement de la « tĂ©lĂ©matique » (avec le Minitel et la mĂ©tĂ©o en application-phare pour lâagriculture)[2].
En 1983, apparaissent les premiers logiciels conçus pour lâagriculture (comptabilitĂ© agricole et gestion de parcelles) qui initient la transition vers le numĂ©rique[3].
Les images satellites sont dâabord utilisĂ©es pour des objectifs dâĂ©tude des sols, de cartographie de lâusage des terres, grĂące Ă la crĂ©ation de lâindice NDVI, Ă©laborĂ© en 1973. Lâimagerie satellitaire est rapidement associĂ©e aux SystĂšmes dâinformation gĂ©ographique (SIG) dĂ©veloppĂ©s Ă la fin des annĂ©es 1960 et qui permettent de superposer plusieurs couches de donnĂ©es sur une carte, donnĂ©es collectĂ©es par dâautres moyens (collecte manuelle ou par des capteurs embarquĂ©s) et gĂ©o-rĂ©fĂ©rencĂ©es grĂące au systĂšme GPS, ouvert aux applications civiles dans les annĂ©es 1980.
Lâapparition de lâagriculture de prĂ©cision
Ces diffĂ©rents dispositifs, souvent combinĂ©s, donnent naissance Ă lâagriculture de prĂ©cision (Ă©galement appelĂ©e « gestion intra-parcellaire »), qui voit le jour dans les annĂ©es 85-90, avec les premiĂšres cartes de rendement (1980). Ă la diffĂ©rence de lâagriculture conventionnelle, dont lâunitĂ© de gestion est la parcelle, lâagriculture de prĂ©cision consiste Ă rĂ©pondre aux besoins des plantes Ă une Ă©chelle sub-parcellaire, en dĂ©terminant un zonage, chaque zone ayant des besoins spĂ©cifiques[4].
En production animale, lâĂ©quivalent existe (Ă©levage de prĂ©cision : la gestion des animaux sâindividualise par rapport Ă une gestion plus uniforme faite au niveau du troupeau)[5].
Ainsi, lâagriculture de prĂ©cision se construit sur un cycle « observation â diagnostic â prĂ©conisation â application »[6].
Lâagriculture de prĂ©cision est rendue possible grĂące Ă l'essor des capteurs numĂ©riques, leur coĂ»t Ă©tant par ailleurs devenu plus abordable (câest la premiĂšre phase, lâobservation). Le rendement est la premiĂšre unitĂ© mesurĂ©e. Lâune des premiĂšres applications de lâagriculture de prĂ©cision en productions vĂ©gĂ©tales, a Ă©tĂ© lâintĂ©gration de capteurs de quantitĂ© rĂ©coltĂ©e (pesĂ©e, volume) dans une moissonneuse-batteuse, pour en dĂ©duire un rendement gĂ©o-rĂ©fĂ©rencĂ©. CĂŽtĂ© Ă©levage, les robots de traite apparaissent en 1995 - aprĂšs la prĂ©sentation en 1985 du premier robot de traite français, proposĂ© par le Cemagref (aujourdâhui Irstea) - et enregistrent les donnĂ©es de production (volumes produits, puis qualitĂ©)[7].
De lâagriculture de prĂ©cision Ă lâagriculture numĂ©rique
Au-delĂ de lâagriculture de prĂ©cision, lâagriculture numĂ©rique est un concept qui apparaĂźt au milieu des annĂ©es 2010 (rapport agriculture innovation 2025)[8].
Lâagriculture numĂ©rique dĂ©passe lâagriculture de prĂ©cision, concentrĂ©e sur la phase opĂ©rationnelle de production et la gestion intra-parcellaire ou intra-troupeau et ceci de 2 maniĂšres. Dâune part, du fait de la multiplication des technologies dâacquisition et dâĂ©change de donnĂ©es, dâautre part du fait des nouveaux services numĂ©riques de mise en relation, dont sâemparent les agriculteurs pour sâaffranchir des intermĂ©diaires du secteur (commercialisation, formation, Ă©change de savoir et de matĂ©riel, locations entre pairsâŠ).
Ainsi, en agriculture numĂ©rique, les TIC sont mises en Ćuvre Ă toutes les Ă©chelles de la production agricole et de son Ă©cosystĂšme :
- au niveau de lâexploitation (optimisation des opĂ©rations culturales, de la conduite de troupeauxâŠ)
- dans les services dâaccompagnement (nouveaux services de conseil agricole basĂ©s sur des donnĂ©es collectĂ©es automatiquement),
- Ă des Ă©chelles plus larges comme dans un territoire (gestion de lâeau) ou dans une chaĂźne de valeur (traçabilitĂ©, amĂ©lioration des intrants comme les semences, meilleure adĂ©quation entre la production et le marchĂ©âŠ)[9]
Les enjeux
Traçabilité agricole
Les technologies développées dans le cadre de l'agriculture numérique peuvent former des systÚmes de traçabilité agricole numérique, qui permettent aux parties prenantes de suivre les produits agroalimentaires en temps réel. La traçabilité numérique offre un certain nombre d'avantages :
- RĂ©duction du gaspillage alimentaire : sur toutes les calories alimentaires produites en un an, 25 % sont gaspillĂ©es entre la production Ă la ferme et la rĂ©ception auprĂšs des consommateurs[10]. Les systĂšmes de traçabilitĂ© facilitent une meilleure identification des dysfonctionnements du cĂŽtĂ© de l'offre, oĂč la nourriture est perdue en aval de l'exploitation et gaspillĂ©e. Les innovations numĂ©riques Ă©mergentes, telles que les cartons de lait qui suivent le lait de « la ferme au rĂ©frigĂ©rateur »[11], peuvent rĂ©pondre au gaspillage du cĂŽtĂ© de la demande en fournissant aux consommateurs des dates de pĂ©remption plus prĂ©cises.
- Confiance des consommateurs : garantir la sécurité, la qualité et l'authenticité des aliments est devenu une exigence réglementaire importante dans les pays à revenu élevé. L'utilisation d'étiquettes RFID pour certifier les caractéristiques des produits agroalimentaires pourrait fournir des signaux de qualité en temps réel aux consommateurs[12].
- AmĂ©lioration du bien-ĂȘtre des producteurs : les producteurs qui peuvent tirer parti de la certification environnementale pourraient vendre leurs produits Ă un prix supĂ©rieur[13], car les technologies de la chaĂźne de production pourraient permettre une plus grande confiance dans les labels tels que « durable », « biologique » ou « commerce Ă©quitable »[12].
Enjeux alimentaires
La FAO estime que le monde devra produire 56 % de nourriture en plus (par rapport à 2010, dans le cadre d'une croissance "business as usual") pour nourrir plus de 9 milliards de personnes en 2050[14]. En outre, le monde est confronté à des défis tels que la malnutrition, le changement climatique, le gaspillage alimentaire et l'évolution des régimes alimentaires[15]. Pour produire un « avenir alimentaire durable », le monde doit augmenter la production alimentaire tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en maintenant (ou en réduisant) les terres utilisées pour l'agriculture[16]. L'agriculture numérique pourrait relever ces défis en rendant la chaßne de valeur agricole plus efficace, équitable et durable sur le plan environnemental.
Enjeux agronomiques
Le numĂ©rique, au sens large, impacte le secteur de la production agricole. Au travers des diffĂ©rentes technologies mises en Ćuvre, il permet Ă lâagriculture de gagner en efficience et de la transformer en profondeur. Les masses de donnĂ©es produites par les Ă©quipements dâobservation, les capteurs installĂ©s dans les parcelles agricoles, au sein des troupeaux ou dans les bĂątiments permettent une meilleure caractĂ©risation des systĂšmes agricoles. Leur exploitation Ă travers des systĂšmes dâaide Ă la dĂ©cision doit permettre de mieux optimiser le pilotage des systĂšmes de production actuels. Ces masses de donnĂ©es contribuent Ă©galement au dĂ©veloppement de nouveaux systĂšmes de production, nĂ©cessaire Ă la transition agroĂ©cologique, notamment la diversification des cultures, la transformation des pratiques culturales et lâapparition de nouvelles organisations de travail, tant au niveau des agriculteurs que des dĂ©cideurs.
Elles permettent dâamĂ©liorer les connaissances du fonctionnement de la plante et des animaux et par consĂ©quent lâamĂ©lioration des modĂšles pour faire des prĂ©visions, anticiper les risques, amĂ©liorer la politique de gestion agricole des dĂ©cideurs ou encore de renforcer les systĂšmes dâalerte prĂ©coce Ă la sĂ©curitĂ© alimentaire.
En particulier, une meilleure caractĂ©risation de lâĂ©tat sanitaire des cultures peut permettre de rĂ©duire lâutilisation des produits phytosanitaires, en optimisant les dates et les doses de traitement et rĂ©pondre ainsi aux enjeux du plan ECOPHYTO [17].
Ă travers la caractĂ©risation comportementale et physiologique des animaux, il est possible de caractĂ©riser de maniĂšre plus objective leur Ă©tat de santĂ© et leur bien-ĂȘtre et ainsi de proposer des systĂšmes de production pour prendre en compte ce critĂšre. Cela permettrait aussi dâoffrir une vĂ©ritable transparence sur ces aspects Ă destination des consommateurs [18]. Par ailleurs, lâutilisation du potentiel de la tĂ©lĂ©dĂ©tection dans la cartographie des zones de pĂąturages offre un moyen de mĂ©diation pour limiter pour les conflits entre Ă©leveurs et agriculteurs, souvent frĂ©quents dans les pays africains.
Enjeux Ă©conomiques
Lâagriculture numĂ©rique offre la possibilitĂ© dâintĂ©grer les avancĂ©es technologiques dans lâagriculture, dans le but de diminuer les coĂ»ts de production et la quantitĂ© dâintrants (eau, Ă©nergie, engrais, pesticides, etc.), participant Ă lâamĂ©lioration de la compĂ©titivitĂ© de toute la chaĂźne de production. Les outils dĂ©cisionnels construits Ă partir des donnĂ©es collectĂ©es permettent de contrĂŽler et dâoptimiser la quantitĂ© des intrants, en accord avec les rĂ©centes orientations lĂ©gislatives et environnementales de rĂ©duction des produits phytosanitaires.
Par exemple, des outils de suivi des opĂ©rations culturales permettent ainsi dĂ©jĂ de mesurer prĂ©cisĂ©ment la consommation de carburant et ainsi mieux prendre en compte ces Ă©lĂ©ments dans le raisonnement de cette consommation [19]. En mobilisant les technologies dâautoguidage basĂ©es sur le GPS RTK, lâagriculteur peut aussi nettement rĂ©duire sa consommation en optimisant son parcours au centimĂštre prĂšs [20].
Dans le domaine de lâĂ©conomie collaborative, des plates-formes proposant des places de « marchĂ©s numĂ©riques » permettent aux producteurs de se rapprocher des consommateurs finaux. Des nouvelles formes de circuits courts pourraient ainsi se dĂ©velopper. DiffĂ©rents acteurs se positionnent dĂ©jĂ sur ce marchĂ©. Cela peut Ă©galement concerner lâĂ©change ou la location de matĂ©riel entre agriculteurs.
Enjeux environnementaux
Lâun des principaux enjeux de lâagriculture numĂ©rique est dâoptimiser le rendement de diffĂ©rents processus agricoles en utilisant le moins possible d'Ă©nergie et d'intrants, rĂ©duisant ainsi leur empreinte Ă©cologique. Dans cet objectif, lâagriculture numĂ©rique rejoint lâapproche de l'agriculture de prĂ©cision. Lâutilisation de technologies (e.g. drones, capteurs, etc.) permet dâobtenir des indicateurs prĂ©cis et rĂ©guliers sur une exploitation, tels que la vitesse du vent, la pluviomĂ©trie ou la nature des sols. Cette connaissance approfondie de lâenvironnement vise Ă adapter les pratiques agricoles Ă la spĂ©cificitĂ© du milieu de lâexploitation, de lâĂ©chelle parcellaire Ă intra-parcellaire [21].
Cela peut par exemple faciliter le contrĂŽle de lâutilisation de produits phytosanitaires [22], la meilleure Ă©valuation du besoin en engrais et en irrigation ou encore la maĂźtrise du rĂ©gime alimentaire des animaux, afin de rĂ©duire la quantitĂ© dâazote rejetĂ©e dans les sols.
Lâagriculture numĂ©rique est un outil permettant de promouvoir la durabilitĂ© et le recyclage du matĂ©riel utilisĂ© dans les exploitations par la rĂ©duction de lâobsolescence programmĂ©e.
Renforcer le lien entre agriculteurs et citoyens
Les outils numĂ©riques ont un rĂŽle important Ă jouer dans le renforcement du lien de confiance entre consommateur et agriculteur. Ils accompagnent dĂ©jĂ lâessor massif des circuits courts (utilisĂ©s par un agriculteur sur 5 en 2010[23]) via des plateformes qui mettent en relation directe producteur et consommateur. Au-delĂ de lâacte de vente, ces supports permettent Ă lâagriculteur de communiquer sur ses mĂ©thodes et ses produits, et au consommateur dâaccĂ©der aux informations sur la provenance de son alimentation.
Les rĂ©seaux sociaux, sites et blogs, sont de formidables outils de diffusion des connaissances agricoles. En 2016, 82% des agriculteurs visionnaient des vidĂ©os agricoles, dont 22% au moins une fois par jour[24]. CrĂ©Ă© en 2014, le site Agriculteurs dâaujourdâhui rassemble et trie les vidĂ©os du web traitant de sujets agricoles, Ă destination des professionnels comme du grand public. Lâoffre de sites Internet destinĂ©s aux agriculteurs est aujourdâhui grandissante et propose un large Ă©ventail de services: de lâachat de fournitures agricoles Ă la location de matĂ©riel entre agriculteurs.
Lâespace numĂ©rique a Ă©galement permis lâĂ©mergence de plateformes de financement participatif destinĂ©es Ă lâagriculture. Ces plateformes sont des alternatives au financement bancaire traditionnel. Elles offrent lâopportunitĂ© aux internautes dâinvestir dans des projets locaux et qui ont du sens.
La plus connue de ces plateformes, Miimosa, a ainsi collectĂ© 12 millions dâeuros et financĂ© plus de 2000 projets[25] depuis sa crĂ©ation.
Enjeux sociaux
LâintĂ©gration dâoutils numĂ©riques dans un systĂšme agricole permet Ă lâagriculteur de diminuer la pĂ©nibilitĂ© et le temps demandĂ© pour certaines tĂąches : utilisation de scans pour la crĂ©ation dâinventaires phytosanitaires automatiques[26], gestion automatisĂ©e des tĂąches de semis et de rĂ©colte grĂące Ă la robotique, systĂšme de dĂ©clenchement dâarrosage Ă distance[27], etc. Des outils numĂ©riques permettent par ailleurs une rĂ©duction de la charge cognitive de lâagriculteur, grĂące Ă des applications de gestion automatisĂ©e de la logistique et de systĂšmes dâalerte de risques climatiques, de dysfonctionnements techniques ou dâerreurs humaines : des applications rĂ©sument les informations importantes pour le suivi des cultures, des capteurs mĂ©tĂ©orologiques peuvent prĂ©venir dâun futur gel, des capteurs intĂ©grĂ©s sur le matĂ©riel dĂ©tectent des pannes Ă venir[28], lâanalyse de donnĂ©es issues de thermomĂštres connectĂ©s Ă des animaux aident Ă prĂ©dire leur futur vĂȘlage[29] ou maladie, etc. Ces Ă©lĂ©ments vont permettre Ă lâagriculteur une amĂ©lioration de ses conditions physiques et mentales, une diminution de son stress et une augmentation de son temps libre, contribuant Ă son bien-ĂȘtre et Ă la qualitĂ© de ses relations familiales et sociales.
Acteurs et usages
L'agriculture numérique s'adresse à tout type d'agriculture. Les usages sont spécifiques aux besoins aux filiÚres et aux utilisateurs.
Ils varient selon les filiĂšres :
En cultures végétales
- en grandes cultures : guidage, télédétection, modulation intra-parcellaire, etc
- en viticulture : modÚles de prédiction des maladies, pilotage de la pulvérisation, etc
- en arboriculture et maraichage (fruits et légumes) : logiciels de gestions technico-économiques, robots de désherbage
En productions animales
- en Ă©levage bovin (laitier et viande) : robots de traite, capteurs de chaleur, etc
- en élevage monogastrique (lapins, porcins, volailles...) : capteurs de CO2 et de température, etc
- en élevage caprin et ovin : distributeurs automatiques de concentrés, systÚmes de géolocalisation, etc
- d'autres filiÚres comme l'aquaculture ou l'apiculture sont également concernées
Au sein de chaque filiÚre, différents utilisateurs sont amenés à utiliser des outils et services de l'agriculture numérique :
- Chefs d'exploitation pour le pilotage des cultures, des Ă©levages et de l'exploitation
- Ouvriers agricoles pour l'observation et l'application au champ
- Conseillers agricoles pour l'observation et la réalisation des préconisations
- CUMA / ETA pour la gestion du matériel agricole et du personnel
- Structures collectives (CoopĂ©ratives, chambres d'agriculture, nĂ©goce, etc ) pour la gestion de la production Ă l'Ăchelle d'un territoire
- Structures d'essais, laboratoires de recherche (voir EcosystĂšmes de lâinnovation) pour la validation de modĂšles ou expĂ©rimentations variĂ©tales
Impacts sur les exploitations et les compétences de l'utilisateur
L'arrivée des outils numériques engendre des aspects positifs et négatifs pour les exploitations.
Les utilisateurs finaux confirment un gain en prĂ©cision et en efficacitĂ©, ainsi quâune meilleure anticipation des diffĂ©rentes tĂąches Ă accomplir, en fonction des donnĂ©es collectĂ©es et analysĂ©es par les outils. De plus, une fois maĂźtrisĂ©s, ces outils permettent une augmentation de la traçabilitĂ©, de la qualitĂ© des produits, du confort de travail, du respect des rĂ©glementations et de la simplification globale de la gestion de l'exploitation. Ils permettent ainsi de moderniser l'image d'une exploitation et parfois de lui redonner un nouveau souffle.
Si le prix des Ă©quipements et services est trop Ă©levĂ© pour certains agriculteurs, ces Ă©quipements apportent nĂ©anmoins un gain significatif sur les coĂ»ts des charges (produits, intrants et alimentation) et de main-dâĆuvre. La connaissance de l'animal, la prĂ©vention des risques sanitaires et le respect de l'environnement sont, par la mĂȘme occasion, amĂ©liorĂ©s.
Cependant, le manque de communication, l'éloignement entre les entreprises, les acteurs de l'innovation et les utilisateurs finaux conduisent à un manque d'informations sur le marché disponible et sur les possibilités offertes par les outils numériques.
Par ailleurs, les utilisateurs se sentent submergĂ©s par la vague d'offres en outils et services. Des craintes sur la complexitĂ© (manque d'interopĂ©rabilitĂ© entre les outils), la fiabilitĂ© et la dĂ©pendance aux outils numĂ©riques sont Ă©galement apparues. De plus, avec l'apparition de ces nouveaux outils, les utilisateurs ont besoin d'acquĂ©rir de nouvelles compĂ©tences pour leur dĂ©ploiement et leur utilisation, compĂ©tences pour lesquelles ils pourront ĂȘtre formĂ©s auprĂšs des entreprises (et/ou des collectivitĂ©s) qui leur fournissent le matĂ©riel. Mais plus que d'une simple formation, les utilisateurs font remonter un besoin de conseils personnalisĂ©s et d'un accompagnement pour le dĂ©ploiement de ces outils sur leur exploitation.
Services et outils numĂ©riques pour lâagriculture
Le dĂ©veloppement de services et outils numĂ©riques a considĂ©rablement favorisĂ© lâessor de nouvelles sources dâinformations en agriculture. Lâensemble des services/outils numĂ©riques aident Ă recueillir les donnĂ©es pour apporter de lâinformation qui permettent par la suite de conseiller ou dâorienter lâaction ou le traitement agricole (irrigation, traitement pesticide, etc.). Lâacquisition de ces informations est possible grĂące Ă lâutilisation dâobjets connectĂ©s (stations mĂ©tĂ©o, smartphones) et de capteurs (imagerie, Lidar, etc.). Ces technologies permettent dâobtenir des informations sur le suivi de cultures (maladies, demande Ă©vaporative) ou de cheptel.
ParallĂšlement, les vecteurs mobiles (drone, tracteur, moissonneuse, robotâŠ) sont des technologies qui sâamĂ©liorent permettant dâembarquer de plus en plus de capteurs (imagerie, Lidar, GPS RTK). Ce dĂ©veloppement rend accessibles des informations Ă la fois prĂ©cises et gĂ©olocalisĂ©es.
Les services de type imagerie satellitaire (Sentinel), gĂ©nĂ©ralement dĂ©veloppĂ©s pour dâautres secteurs dâactivitĂ©s, permettent le suivi de cultures Ă lâĂ©chelle dâun champ. Lâutilisation de donnĂ©es mutualisĂ©es Ă travers les rĂ©seaux sociaux ou des applications smartphones permettent dâĂ©tudier lâinformation de maniĂšre rĂ©gionalisĂ©e.
La réglementation des données
Compte tenu des enjeux Ă©conomiques importants autour de la donnĂ©e agricole, et en lâabsence de rĂ©glementation sur la maĂźtrise de lâusage des donnĂ©es en France, le contrat est la seule alternative permettant de rĂ©tablir les rapports de force dans les relations commerciales entre les acteurs de lâagriculture numĂ©rique[30].
Plusieurs initiatives proposent des recommandations visant Ă favoriser les Ă©changes de donnĂ©es, tout en les encadrant[31]. Certains sont Ă©galement allĂ©s plus loin en proposant de faire exister un cadre autour de la donnĂ©e, il sâagit de soft law. Par consĂ©quent, elle ne lie juridiquement que ceux qui sây soumettent, la contrainte est dâordre social et Ă©conomique. On a diffĂ©rents exemples de chartes Ă©tablies dans le secteur agricole aux Ătats-Unis[32], en France[33] et en Europe[34].
Les chartes sur les données agricoles ont plusieurs points communs[35] :
- Elles sâinscrivent dans une dĂ©marche volontaire dâauto-rĂ©glementation ;
- Elles sont fondĂ©es sur des principes (rĂ©sultats des pratiques en matiĂšre de donnĂ©es agricoles plutĂŽt que sur le processus par lesquels cela doit ĂȘtre rĂ©alisĂ©) ;
- Elles ont Ă©tĂ© prĂ©parĂ©es par une combinaison dâacteurs (associations ou syndicats dâagriculteurs, de fournisseurs de technologies agricoles, de machines et dâintrants) ;
- Elles sâarticulent autour de trois points communs fondamentaux: le consentement, la divulgation et la transparence.
Lâadoption des chartes relatives aux donnĂ©es agricoles nâest pas encore assez large pour Ă©valuer leur succĂšs jusquâĂ prĂ©sent. On peut nĂ©anmoins souligner certains aspects positifs clĂ©s des chartes : (1) Elles renforcent la confiance. (2) Elles comblent des lacunes juridiques. (3) Elles simplifient lâĂ©valuation des comportements (surtout quand elles sont accompagnĂ©es dâune certaine forme de certification). (4) Elles sensibilisent (tant les fournisseurs de technologies que les agriculteurs). (5) Elles favorisent la participation et lâinclusion (Ă©laborĂ©es conjointement par diffĂ©rentes organisations reprĂ©sentant les parties prenantes concernĂ©es ; cela Ă son tour favorise la confiance et accroĂźt la crĂ©dibilitĂ©)[36].
Les technologies numériques en agriculture et leurs fonctions
Les technologies mobilisĂ©es en agriculture numĂ©rique sont nombreuses et diverses. Elles regroupent les technologies de lâinformation et de la communication (TICs) au sens large avec notamment : les objets connectĂ©s et lâInternet des objets (IoT), les capteurs embarquĂ©s, les technologies satellitaires ou aĂ©roportĂ©es (drones, ULM), les applications smartphones, les rĂ©seaux sociaux, ou encore les robots. Le numĂ©rique â ou âdigitalâ â renvoie au traitement de lâinformation via des opĂ©rations logiques. Ainsi, les technologies numĂ©riques permettent lâacquisition, le stockage, lâĂ©change, la gestion des donnĂ©es de lâagriculture ainsi que leur traitement, analyse et modĂ©lisation. Par lâintermĂ©diaire de ces processus, les TICs rendent possible la production et la mise en circulation dâinformations entre acteurs du monde agricole : agriculteurs, conseillers, formateurs, entreprises, consommateurs etc.
Acquisition des données
Les donnĂ©es sont principalement acquises par deux moyens, soit de maniĂšre automatique, soit de maniĂšre plus ou moins manuelle. Lâautomatisation de lâacquisition des donnĂ©es met en Ćuvre des capteurs, quâils soient portatifs[37], statiques (station mĂ©tĂ©o connectĂ©e, radar de pluie, piĂšge connectĂ©, quantitĂ©/ qualitĂ© du lait, etc.), implantĂ©s ou portĂ©s pour le suivi des animaux (capteurs de chaleurs, de monitoring santĂ© etc des ovins-bovins[38]) ou embarquĂ©s sur matĂ©riel agricole (dĂ©tection des mauvaises herbes, estimation du besoin dâazoteâŠ), sur des vecteurs aĂ©riens de type avion et drone ou satellite. Ils dĂ©livrent un signal ou une image qui sont spĂ©cifiques du phĂ©nomĂšne observĂ© ou au contraire qui sont trĂšs gĂ©nĂ©riques (tempĂ©rature, humiditĂ©, pression etc.), et qui â pour atteindre la grandeur recherchĂ©e - nourrissent un modĂšle spĂ©cifique. Lâalternative Ă lâautomatisation de la collecte est la saisie manuelle. Le smartphone est un dispositif trĂšs intĂ©ressant et de plus en plus utilisĂ©[39] car bien fourni en capteurs (appareil photo â voir application PixFruit pour dĂ©terminer le rendement des manguiers[40], gĂ©olocalisation, accĂ©lĂ©romĂštreâŠ) et facile Ă utiliser en tant que terminal de saisie par les agriculteurs (observation des maladies ou des ravageurs au champ, suivi de maturitĂ©, suivi de contrainte hydrique comme lâapplication Apex Vigne pour dĂ©terminer la contrainte hydrique de la vigne[41] etc.). Il faut noter que les donnĂ©es acquises pour lâagriculture et en agriculture sont de plus en plus nombreuses. Le dĂ©ploiement des objets connectĂ©s - Ă©quipĂ©s de capteurs et gĂ©o-localisĂ©s qui communiquent les donnĂ©es collectĂ©es via internet - et de lâinternet des objets, ou IoT pour « Internet of things » Ă©merge au dĂ©but des annĂ©es 2010. Câest - avec les images satellitaires et le phĂ©notypage haut dĂ©bit - un levier fort de cette massification. Le dĂ©veloppement des objets connectĂ©s touche tous les secteurs avec selon le Digiworld institute - une forte attractivitĂ© de 3 domaines (utilities, automobile, et Ă©lectronique grand public) â et 36 milliards dâobjets connectĂ©s dans le monde en 2030 (Digiworld Yearbook 2017[42]). En agriculture, des objets comme un smartphone, tracteur, un outil agricole tractĂ©, une station mĂ©tĂ©o, un piĂšge Ă insectes etc., dĂ©livreront en temps rĂ©el les informations utiles Ă la gestion. Cette massification permettra rapidement de constituer des mĂ©ga-donnĂ©es â ou Big Data â pouvant ĂȘtre analysĂ©es pour fournir Ă lâagriculteur des outils dâaide Ă la dĂ©cision.
Stockage et transfert
Les donnĂ©es et informations acquises ou observĂ©es peuvent ĂȘtre reportĂ©es et Ă©changĂ©es via des plateformes (rĂ©seaux sociaux, logiciel, etc.) disponibles sur smartphone ou tablette. Les Ă©changes, stockages et transferts des donnĂ©es sont de plus en plus complexes du fait du volume croissant des donnĂ©es, de leur hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© (diffĂ©rentes sources), de leur complexitĂ© (diffĂ©rents rĂ©fĂ©rentiels) et des questions liĂ©es Ă la confidentialitĂ©. Cependant, la donnĂ©e seule nâest pas intĂ©ressante en soi mais câest sa compilation avec un grand nombre de donnĂ©es et son traitement qui peut en faire ressortir de lâinformation. DâoĂč le besoin de crĂ©er des plateformes pour faciliter ces Ă©changes et rendre ces donnĂ©es accessibles. Un tel portail ouvrant les donnĂ©es agricoles favoriserait lâinnovation ouverte (rapport Bournigal, 2017[43]). En France comme ailleurs, des infrastructures et des entreprises Ă©mergent pour faciliter les Ă©changes de donnĂ©es agricoles et encourager lâinnovation ouverte Ă partir de ces donnĂ©es: en Australie avec AgReFed, aux Pays-Bas avec JoinData, en France avec API-Agro[44].
Traitement, analyse des données et aide à la décision
Les donnĂ©es peuvent ĂȘtre Ă la fois utilisĂ©es pour lâĂ©talonnage, lâajustement et la validation des modĂšles existants et pour la crĂ©ation des modĂšles reprĂ©sentant les phĂ©nomĂšnes agronomiques mais aussi Ă©conomiques, climatiques etc. La nouveautĂ© est le caractĂšre plus en plus massif des donnĂ©es, desquelles on infĂšre des informations et des modĂšles en utilisant des mĂ©thodes mathĂ©matiques classiques (rĂ©gression, classification, etc.), lâintelligence artificielle, et si les donnĂ©es sont trop abondantes, les mĂ©thodes de traitement Big data[45]. Dans ces approches dâinfĂ©rence de modĂšles, qui sâopposent Ă la construction mĂ©caniste des modĂšles, lâenjeu est alors de trouver des rĂšgles qui ont un sens du point de vue de lâhomme de lâart. Ceci nâest pas trivial car avec ces mĂ©thodes, de type « boite noire », les relations entre paramĂštres ne sont pas explicites. Lâanalyse des donnĂ©es peut servir plusieurs fonctions.
Ăchanges et communications
Le dernier maillon de la chaĂźne de traitement des donnĂ©es est la communication et lâĂ©change des informations, connaissances, recommandations ou dĂ©cisions tirĂ©es de lâanalyse. Les modĂšles infĂ©rĂ©s, par les statistiques ou lâintelligence artificielle, ne sont pas appropriables directement par les acteurs (agriculteurs, commerçants, etc.), les 2 Ă©cueils Ă©tant trop de variables Ă renseigner et des sorties incomprĂ©hensibles. Les informations peuvent ĂȘtre transmises sous forme de recommandations (ex : date de traitement), dâindicateurs bruts (ex : tempĂ©rature moyenne) ou de distribution (ex : cartographie). La transmission de ces informations peut se faire au travers dâoutils dâaide Ă la dĂ©cision (logiciels, application, alerte sms, etc..) qui alimentent des systĂšmes automatiques (ex : pilotage automatique de lâirrigation) ou qui sont soumis Ă lâagriculteur pour quâil prenne lui-mĂȘme la dĂ©cision par rapport Ă la recommandation. Lâaide Ă la dĂ©cision est la fonction la plus rĂ©guliĂšrement citĂ©e et la plus mise en Ćuvre par les entreprises quand il sâagit de lâanalyse de donnĂ©es en agriculture. Cependant le rĂ©sultat de cette analyse peut ĂȘtre autre chose quâune aide Ă la dĂ©cision. Cela peut servir Ă de lâĂ©valuation a posteriori, Ă de la rĂ©flexion, Ă une prise de recul. Cela pourrait ĂȘtre utilisĂ© pour de la capitalisation de connaissances, Ă de nouvelles formes dâexpĂ©rimentations agronomiques. Par ailleurs les transferts de donnĂ©es ne sont pas forcĂ©ment associĂ©s Ă de lâanalyse. Des donnĂ©es âbrutesâ peuvent ĂȘtre transmises, on pense notamment Ă tout ce qui est traçabilitĂ©.
On notera toutefois que la variĂ©tĂ© des formes dâĂ©changes dâinformations en agriculture ne saurait se rĂ©duire aux complexes processus dâacquisition, de traitement et de transmission de donnĂ©es numĂ©riques dĂ©crits jusquâĂ prĂ©sent. En effet, ces Ă©changes peuvent aussi sâopĂ©rer suivant des circuits de communication plus directs. Câest le cas notamment des Ă©changes entre agriculteurs, qui au moyen de leurs smartphones produisent eux-mĂȘmes des informations sur leurs activitĂ©s et les partagent Ă un public plus ou moins ouvert sur les rĂ©seaux sociaux. Les technologies utilisĂ©es sont alors beaucoup plus ordinaires (smartphones Ă©quipĂ©s de camĂ©ra) et les donnĂ©es transfĂ©rĂ©es sous forme de captations audiovisuelles sont le plus souvent montĂ©es et accompagnĂ©es par un discours (texte et/ou prise de parole) qui participe de les rendre intelligibles. Ainsi, les technologies numĂ©riques gĂ©nĂ©riques peuvent servir Ă Ă©changer des connaissances mais aussi de biens et de services.
Domaines dâapplication des technologies
Depuis le milieu des annĂ©es 2010, de nombreuses start-up ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es dans le domaine de lâagriculture numĂ©rique. Il sâagit principalement de sociĂ©tĂ©s de service, qui produisent un conseil Ă partir de donnĂ©es collectĂ©es dans les champs, qui connectent les agriculteurs et des tiers (agriculteurs, consommateursâŠ) pour vendre/ acheter des produits et services ou qui proposent des services et des technologies disruptives (robots). Ils sont regroupĂ©s dans une association, La Ferme Digitale. Au-delĂ des technologies proposĂ©es par ces start-up, des technologies numĂ©riques, allant du simple site Internet au tracteur connectĂ©, sont aussi mises sur le marchĂ© par des entreprises dâagrofournitures ainsi que par des organisations professionnelles agricoles[46], des associations, des organisations publiques ou parapubliques[47]. Le numĂ©rique en agriculture comprend aussi le numĂ©rique non spĂ©cifique Ă lâagriculture mais utilisĂ© dans ce domaine, avec des technologies proposĂ©es alors par les acteurs classiques du numĂ©rique.
Production végétale ou animale
De nombreuses technologies numĂ©riques sont dĂ©veloppĂ©es pour la production vĂ©gĂ©tale et animale en tant que telle. Certaines technologies permettent de collecter des donnĂ©es pour connaitre lâĂ©tat de lâenvironnement et des productions (plantes, animaux) : sont concernĂ©s les sols (hygromĂ©trie, texture, teneur en azote etc.), les plantes (stress hydrique, maladies, croissance), lâenvironnement (mĂ©tĂ©o, qualitĂ© de lâeau, qualitĂ© de lâair), les animaux (dĂ©tection des chaleurs, santĂ©, alimentation etc.). Par exemple, plusieurs entreprises proposent des stations mĂ©tĂ©o connectĂ©es Ă©quipĂ©es de pluviomĂštre, dâanĂ©momĂštre, de thermomĂštre, dâhygromĂštre etc. La donnĂ©e collectĂ©e peut ĂȘtre traitĂ©e pour fournir des indicateurs, des prĂ©conisations, ou pour automatiquement rĂ©gler le fonctionnement de lâoutil. Ainsi, une des utilisations est lâagriculture de prĂ©cision oĂč lâapport des intrants (produits phytosanitaires, engrais, irrigation, semences, alimentation animale, traitements pharmaceutiques) est pilotĂ© - en quantitĂ©, en qualitĂ© - selon des caractĂ©ristiques spatiales et temporelles mesurĂ©es. Pour ce qui concerne la production au sens strict, il y a Ă©galement tous les outils de robotique et dâautomatisation : robot de traite, distributeur automatique dâaliment, robot de dĂ©sherbage etc., les outils de gĂ©olocalisation, etc.
Recherche et développement
Le numĂ©rique en agriculture peut ĂȘtre utilisĂ© pour la recherche et le dĂ©veloppement[48], apportant de nouvelles connaissances mais aussi sĂ»rement de nouvelles maniĂšres de faire et dâorganiser la recherche et le dĂ©veloppement. Les donnĂ©es collectĂ©es sur les parcelles, en conditions rĂ©elles, peuvent servir Ă alimenter des thĂ©matiques de recherches. Par ailleurs, on constate le dĂ©veloppement des sciences participatives, notamment sur tout ce qui concerne la biodiversitĂ© et lâenvironnement. Un domaine de recherche particuliĂšrement touchĂ© par le dĂ©veloppement du numĂ©rique est la gĂ©nĂ©tique.
Sélection variétale accélérée par le phénotypage haut-débit
Le phĂ©notypage haut-dĂ©bit est un verrou technologique Ă lever pour accĂ©lĂ©rer la sĂ©lection de variĂ©tĂ©s plus adaptĂ©es aux nouvelles conditions de climat et de marchĂ© et moins consommatrices en intrants. Lâobjectif est de caractĂ©riser des collections de gĂ©notypes de plantes en fonction de leur rĂ©ponse Ă divers scĂ©narios environnementaux associĂ©s aux changements climatiques. Tout lâenjeu est de faciliter lâidentification de gĂšnes dâintĂ©rĂȘt agronomique afin de sĂ©lectionner les plantes pour des systĂšmes de culture innovants, Ă bas niveau dâintrants, ou de mieux bĂ©nĂ©ficier de leur diversitĂ© gĂ©nĂ©tique. Les technologies haut-dĂ©bit ont ici un potentiel important et viennent bousculer les maniĂšres de faire de la sĂ©lection variĂ©tale.
Outils dâinformation et de formation
Ne lâoublions pas, le numĂ©rique est avant tout un outil qui permet de transfĂ©rer de lâinformation. Et avoir accĂšs Ă de lâinformation en agriculture est dĂ©jĂ trĂšs utile et parfois compliquĂ©. Le numĂ©rique peut faciliter cet accĂšs-lĂ , que ce soit pour des donnĂ©es mĂ©tĂ©o, des donnĂ©es techniques, rĂ©glementaires ou Ă©conomiques. Le dĂ©veloppement du secteur de la formation digitale impacte aussi le secteur agricole. GrĂące Ă Internet, Ă la vidĂ©o et aux simulateurs 3D, de nouvelles offres de formations se dĂ©veloppent. On peut citer IcosystĂšme, une plateforme numĂ©rique de formation en ligne en agro-Ă©cologie, Ver de Terre Production ou encore Le Mas NumĂ©rique et sa visite virtuelle.
Outils de communication et de collaboration entre acteurs du monde agricole
Avec Internet et les NTIC, le numĂ©rique permet de crĂ©er facilement la mise en relation entre producteurs, acteurs du monde agricole, ou encore consommateurs. Parmi les outils de mise en relation entre agriculteurs et acteurs du monde agricole (prestataires, fournisseurs), citons des exemples comme LinkinFarm (plateforme numĂ©rique de mise en relation entre agriculteurs et prestataires de travaux agricoles), Wefarmup.com ou VotreMachine.com (sites de location de matĂ©riel agricole), ou encore Agriconomie, un site internet qui permet (i) aux agriculteurs de trouver tout ce dont ils ont besoin pour leur exploitation au mĂȘme endroit et au meilleur prix, afin de leur faire Ă©conomiser du temps et de lâargent ; (ii) aux distributeurs et fournisseurs dâĂ©tendre leur pĂ©rimĂštre gĂ©ographique de ventes et de proposer leurs offres Ă un plus grand nombre dâagriculteurs en Europe, Ă moindre coĂ»t. Au-delĂ de ces services marchands, les NTIC peuvent servir Ă communiquer et coopĂ©rer pour la gouvernance des structures collectives[49], Ă co-construire et diffuser des connaissances, Ă se coordonner entre acteurs, Ă mettre en Ćuvre des projets etc. Une liste exhaustive ne peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e, les potentiels de coopĂ©ration via les NTIC Ă©tant multiples. Le numĂ©rique peut permettre de mettre en relations les agriculteurs entre eux et notamment permettre le partage de connaissances, dâexpĂ©riences et de services entre agriculteurs.
La valorisation des productions
Les technologies numĂ©riques en agriculture servent aussi Ă la valorisation de la production. Les NTIC se dĂ©veloppent pour des Ă©changes entre les agriculteurs et le reste de la sociĂ©tĂ©. Elles sont Ă©galement utilisĂ©es pour vendre ou mieux vendre sa production. Plusieurs exemples : Connecting Food[50], un site Internet qui permet une transparence pour les consommateurs des processus de production de leur alimentation, Les Grappes qui mettent en relation vignerons et consommateurs, Miimosa, une plateforme de financement participatif de projets agricoles, Panier Local, un outil qui propose la gestion de l'ensemble des tĂąches liĂ©es Ă la commercialisation (prise de commande, stock, prĂ©paration, livraison, facturation, etc), ou encore Poiscailles, un site qui permet dâacheter en circuit court des produits de la mer. Sur un autre registre, le site Comparateur Agricole est une place de marchĂ© en ligne pour la vente de cĂ©rĂ©ales Ă la tonne ou lâapplication Captain Farmer fournit une aide pour vendre au meilleur prix sur les marchĂ©s. Pour valoriser la production, les outils de traçabilitĂ© numĂ©rique se sont dĂ©veloppĂ©s et se complexifient avec notamment la technologie de la blockchain [51].
Traçabilité - Gestion globale- Logistique
Enfin, le numĂ©rique est et sera de plus en plus utilisĂ© pour la gestion globale de lâexploitation agricole. Notamment, les exigences rĂ©glementaires de traçabilitĂ© sont fortes â concernant les apports dâintrant par exemple â et le temps passĂ© par les agriculteurs pour les respecter est important, de 5 Ă 10 h par semaine, pour lâensemble des tĂąches administratives[52]. Le numĂ©rique permet dâautomatiser certaines entrĂ©es de donnĂ©es de traçabilitĂ©, de les rassembler, les organiser, les sauvegarder. Cependant, les nouveaux outils numĂ©riques requiĂšrent souvent de la saisie manuelle et de la manutention, ce qui peut amener de nouvelles tĂąches Ă effectuer (et donc du temps passĂ© en plus). Ainsi, numĂ©rique et gain de temps ne sont pas toujours associĂ©s. Au-delĂ du respect des exigences rĂ©glementaires, le numĂ©rique peut servir Ă rassembler de la donnĂ©e afin de gĂ©rer son parcellaire et ses rotations, de gĂ©rer son parc matĂ©riel, ses stocks, dâorganiser la main-dâĆuvre, la logistique et les diffĂ©rentes tĂąches (ex du systĂšme Keyfield qui facilite la saisie dâopĂ©rations agricoles avec un scanner RFID ou le logiciel Agreo de Smag, cahier de culture Ă©lectronique). Avoir une traçabilitĂ© des tĂąches effectuĂ©es permet de constituer un capital informationnel, de calculer des coĂ»ts de production et dâapprendre Ă partir des annĂ©es passĂ©es.
Le numĂ©rique est aussi lĂ pour diminuer la charge mentale des agriculteurs, leur niveau de stress : le succĂšs du GPS a largement Ă©tĂ© dĂ» au fait que les agriculteurs pouvaient relĂącher leur concentration lors des labours ou autres tĂąches rĂ©pĂ©titives. Les systĂšmes dâalerte (chaleurs ou de vĂȘlage pour les vaches, fuites dâeau, portes ouvertesâŠ) facilitent la gestion et permettent de maĂźtriser les gros risques. Câest la promesse de sociĂ©tĂ©s comme Ekylibre. Cependant, les effets induits par lâutilisation de ces technologies ne correspondent pas toujours aux effets attendus. Par exemple, lâutilisation de ces technologies numĂ©riques en Ă©levage amĂšne parfois Ă un stress et une charge mentale plus importants pour les Ă©leveurs[53]. Lâanticipation et la gestion des risques est lâun est des domaines avec lesquels le numĂ©rique est attendu[48]. Il ne faut pas oublier non plus le numĂ©rique qui sert pour les services bancaires, la comptabilitĂ©, les dĂ©clarations administratives, les demandes dâaide. Globalement, les outils numĂ©riques peuvent intervenir dans diffĂ©rentes fonctions et Ă diffĂ©rentes Ă©chelles, allant de la plante au territoire. Ils peuvent ĂȘtre utilisĂ©s directement par les exploitants, mais Ă©galement par dâautres acteurs du secteur, que ce soient les conseillers, les fournisseurs, le secteur aval, etc. Un des points de vigilance est que les effets promis par ceux qui proposent ces technologies peuvent ĂȘtre diffĂ©rents des effets constatĂ©s lors de lâusage en agriculture. OĂč peuvent avoir des effets diffĂ©rents selon le contexte dans lequel la technologie est utilisĂ©e. Ainsi, lâutilisation du numĂ©rique doit ĂȘtre raisonnĂ©e en fonction dâun ensemble de paramĂštres tels que les objectifs recherchĂ©s, le contexte socio-Ă©conomique et environnemental, les compĂ©tences mobilisables, etc. De plus, le numĂ©rique en agriculture a de nombreuses potentialitĂ©s, mais ne peut pas ĂȘtre la solution Ă tout type de problĂšme et en toutes circonstances. Le numĂ©rique apporte un ensemble dâoutils, mobilisables parmi dâautres types dâoutils. Lâarticulation entre technologies, numĂ©riques ou non, est un Ă©lĂ©ment important Ă considĂ©rer pour un raisonnement global et cohĂ©rent des systĂšmes agricoles.
EcosystĂšme de l'innovation
En France
Au niveau français, tous les grands Instituts agronomiques sont impliquĂ©s dans lâagriculture numĂ©rique : l'Inra [54], le Cirad[55], Acta - les instituts techniques[56] - [57] ou encore Irstea[58]. Afin de rĂ©unir diffĂ©rents acteurs de la recherche en agriculture numĂ©rique, lâInstitut Convergences Agriculture NumĂ©rique #DigitAg [59]a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 2017. Il rĂ©unit 17 partenaires publics et privĂ©s et a pour vocation de crĂ©er un socle de connaissance pour permettre le dĂ©ploiement de lâagriculture numĂ©rique en France et dans le monde[60]. La chaire AgroTIC est lâune chaire dâentreprises permettant lâassociation dâĂ©tablissements dâenseignement et de recherche (Montpellier SupAgro, Bordeaux Sciences Agro et Irstea) avec des acteurs socio-Ă©conomiques dans le domaine de lâagriculture numĂ©rique[61]. Montpellier SupAgro, lâESA dâAngers et Bordeaux Sciences Agro proposent des formations en agriculture numĂ©rique [62]
A lâinternational
En Hollande, lâUniversitĂ© de Wageningen sâengage Ă©galement dans la recherche en agriculture de prĂ©cision et numĂ©rique[63], Ă lâinstar de lâUniversitĂ© de Californie Davis aux Ătats-Unis[64]. En Australie, de nombreux acteurs sont impliquĂ©s dans lâagriculture numĂ©rique comme les universitĂ©s du Queensland, Griffith, Curtin, le CSIRO ou encore Food Agility[65].
Les entreprises et startups
Depuis quelques annĂ©es, on assiste Ă lâĂ©mergence dâun nouvel Ă©cosystĂšme de startups Ćuvrant dans lâAgTech, marquĂ© par des levĂ©es de fonds dĂ©passant la centaine de millions dâeuros, comme avec lâentreprise Ynsect (125 millions dâeuros en 2019)[66]. Selon le media AgFunder news, ces levĂ©es ont augmentĂ© de 550â% sur les six derniĂšres annĂ©es[67], ce qui est un indicateur important du dynamisme du secteur. Ces startups sont accompagnĂ©es par des incubateurs spĂ©cialisĂ©s dans les thĂ©matiques agricoles. Aux Ătats-Unis, les plus gros dâentre eux se situent en Californie (Terra, PNP) ou plus proche des centres traditionnels de production comme the Yield Lab (St Louis, Missouri)[68]. En France, Euratechnologies a une antenne consacrĂ©e Ă lâAgTech[69], et des rĂ©seaux dâaccĂ©lĂ©rateurs comme Le Village by CA permettent Ă des startups de se dĂ©velopper Ă proximitĂ© des agriculteurs[70]. En France, certaines de celles-ci sâorganisent en association comme la Ferme Digitale[71] afin de promouvoir lâinnovation et le numĂ©rique dans lâagriculture, par exemple Ă travers des Ă©vĂ©nements comme les LFDays[72].
Toujours en France, la plupart des acteurs privĂ©s de lâagriculture numĂ©rique sont regroupĂ©s au sein de la Chaire AgroTIC[73].L'agriculture numĂ©rique a suscitĂ© l'intĂ©rĂȘt d'entreprises historiques de diffĂ©rents domaines tels que l'Ă©lectronique, le dĂ©veloppement de logiciels et les producteurs de produits agricoles. Par exemple, les grands acteurs du marchĂ© de la sĂ©lection et de la gestion des cultures, tels que Bayer [74] et Syngenta[75], ou bien des agroĂ©quipementiers comme John Deere[76] ont commencĂ© Ă fournir des services numĂ©riques aux agriculteurs. Leur rĂŽle est important par leur capacitĂ© Ă intĂ©grer des entreprises innovantes dans leur cĆur de mĂ©tier (rachat de Climate corporation par Monsanto/Bayer [77], rachat de Blue river Technology par John Deere [78]). Certaines entreprises du numĂ©rique commencent Ă©galement Ă sâinvestir dans lâagriculture numĂ©rique, identifiĂ©e comme un levier de croissance potentiel. Microsoft a lancĂ© lâinitiative âAI for Earthâ ainsi que Farm Beats avec pour but de dĂ©velopper lâutilisation de lâintelligence artificielle pour le dĂ©veloppement durable et lâagriculture [79]. Enfin, Bosch dĂ©veloppe aussi des capteurs connectĂ©s pour lâagriculture [80].
Living Lab
Plusieurs Living labs se sont dĂ©veloppĂ©s ces derniĂšres annĂ©es pour promouvoir le dĂ©veloppement de l'agriculture numĂ©rique. Il y a par exemple l'Institut BioSense en Serbie [81], le Yeesal Agrihub Ă ThiĂšs (SĂ©nĂ©gal) [82] ou encore le projet OccitaNum qui vise Ă faire de lâOccitanie le leader de lâagriculture et de lâalimentation de demain en mobilisant les technologies numĂ©riques dans une approche dâinnovation ouverte [83].
Risques et controverses
Lâagriculture numĂ©rique est un domaine qui Ă©volue trĂšs rapidement, tout comme les multiples controverses qui y sont liĂ©es. Pour illustration, les 24 Ăšmes Controverses europĂ©ennes de Bergerac, organisĂ©es en se sont interrogĂ©es sur âLâagriculture augmentĂ©e : quels impacts sociaux et Ă©conomiques ?â[84].
Sont énumérées ci-dessous les principales controverses :
Automatisation du travail sur lâexploitation agricole
Individuation des traitements sur les plantes et les animaux
Pour | Contre |
|
|
ex. : les robots de traite et les vaches normandes pas bien adaptées à ces robots, remplacées par des vaches FFPN |
Acquisition des connaissances sur lâexploitation
Pour | Contre |
|
|
ex. : capteurs qui mesurent la quantitĂ© dâeau dans le sol |
Gestion de données
Pour | Contre |
|
|
Ex : Les outils sur lâestimation des surfaces de cĂ©rĂ©ales plantĂ©es peuvent rĂ©vĂ©ler des informations stratĂ©giques sur les prix de marchĂ©s, dont les agriculteurs ne bĂ©nĂ©ficient pas personnellement[91]. |
Un secteur en constante Ă©volution
Pour | Contre |
Des technologies toujours plus pointues, précises.
Prise en compte des problématiques actuelles |
CoĂ»ts dâinvestissement Ă©levĂ©s [92] gĂ©nĂ©rant des difficultĂ©s en termes dâaccĂšs aux technologies numĂ©riques
Temps dâapprentissage Ă lâutilisation et la maĂźtrise des nouvelles technologies vite obsolĂštes [93] Temps dâadaptation des institutions en chargĂ©es de la diffusion des savoirs [94] |
ex. : |
Impact environnemental
Pour | Contre |
|
|
Agriculture numérique dans les pays en développement
Pour | Contre |
|
|
ex. : |
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