Adrienne Avril de Sainte-Croix
Adrienne Avril de Sainte-Croix, née Adrienne Glaisette le à Carouge en Suisse et morte le à Menton en France, est une philanthrope et féministe française.
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Décès |
(Ă 84 ans) Menton |
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Nom de naissance |
Adrienne-Pierrette-Eugénie Glaisette |
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Avril de Sainte-Croix |
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Militante pour les droits des femmes, journaliste, essayiste, Ă©ditrice |
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Distinctions |
Biographie
Adrienne Pierrette Eugénie Glaisette, connue sous les noms de Savioz (nom de sa mère), « Mlle de Sainte-Croix », puis « Madame Avril de Sainte-Croix », est née le à Carouge (canton de Genève, Suisse). Son père Marc Glaisette[1] est issu d'une famille huguenote de Gap venue s'installer dans le canton de Vaud à la suite de la révocation de l'Édit de Nantes. Il meurt en 1858 et laisse à sa femme deux petites filles[2]. En 1871, la famille Glaisette obtient la citoyenneté de la commune de Sainte-Croix, canton de Vaud. C'est sans doute ce lieu d'origine Sainte-Croix - qui est également le nom de l'église catholique de Carouge, lieu de naissance d'Adrienne - qui est à l'origine du pseudonyme qu'elle empruntera plus tard.
Avril de Sainte-Croix s'établit à Paris aux alentours des années 1880. Écrivaine, journaliste, auteure de nouvelles et chroniques sous le pseudonyme de Savioz[3], elle collabore notamment au Figaro, à l'Éclair et au Siècle, dans lequel elle prend position en faveur de Dreyfus[4].
Le , elle épouse à Paris[5] un ingénieur divorcé, François Avril[6]. Bien que protestante et évoluant dans le milieu philanthropique protestant, il ne semble pas qu'elle soit pratiquante. Libre penseuse, elle fait partie de la loge du Droit humain, créée par Maria Deraismes et Georges Martin.
Le combat abolitionniste
D’après le portrait[7] élogieux dressé par la journaliste Jane Misme en 1930, c’est lors du Congrès féministe de 1896 qu’Avril de Sainte-Croix « ouvrit les yeux au féminisme ». L'année suivante, elle devient collaboratrice de La Fronde, journal de femmes créé par Marguerite Durand. Révoltée par la situation des femmes à la prison Saint-Lazare, elle publie une série d'articles dans le journal[8]. Durant la même année, elle se rend à Londres au Congrès de la fédération abolitionniste en compagnie de Louise Michel - congrès auquel participe également Isabelle Bogelot, déléguée de l'Œuvre des libérées de Saint-Lazare, et l'abolitionniste Josephine Butler.
Par ailleurs, elle est témoin de mariages forcés avec des bagnards libérés, de femmes condamnées par la justice et déportées en Nouvelle-Calédonie. En octobre 1898, elle dénonce cette situation dans un article de La Fronde sous le pseudonyme de Mme Hagen[9].
Avril de Sainte-Croix s'engage dans le combat abolitionniste : en 1901 elle fonde l'Œuvre libératrice, société de relèvement et de reclassement pour jeunes filles, qui est reconnue d'utilité publique[10] le . À l'instar du Patronage des libérées d'Isabelle Bogelot ou de l'action de Sarah Monod, il s'agit d'aider matériellement et moralement les femmes touchées par la prostitution. Avril de Sainte-Croix met ainsi en place des salles d'asiles pour les enfants, des dispensaires médicaux, une école professionnelle et même une ferme-école à Épernon (Eure-et-Loir). Parmi les bienfaiteurs de l'association se trouvent les principales actrices du Conseil national des femmes françaises : Gabrielle Alphen-Salvador, Sarah Monod et son cousin Henri Monod, directeur de l'Assistance publique, Julie Siegfried et son mari le député Jules Siegfried.
On la retrouve dans d'autres œuvres philanthropiques françaises : elle fait partie du conseil d'administration de l'Association pour la répression de la traite des blanches et la préservation de la jeune fille[11], au comité d'honneur de l'Association pour le développement de l'assistance aux malades, ou encore en 1905 dans le comité central de la Ligue des droits de l'homme.
Une féministe d'envergure internationale
Féministe convaincue, Avril de Sainte-Croix n’en est pas moins lucide et consciente sur le temps nécessaire aux changements : « après être devenues féministes par opportunisme, elles le deviendront par conviction ; et je suis sûre que bientôt elles s’imagineront très sincèrement avoir défendu l’idée au lieu de se laisser remorquer par elle »[12].
Son rôle au Conseil national des femmes françaises
Secrétaire générale du Conseil national des femmes françaises de 1901 à 1922, elle gère les relations entre les différentes sections, l'articulation entre le conseil national et les branches régionales, l'organisation des assemblées publiques, les relations avec le Conseil international des femmes et autres associations étrangères. En 1922, elle succède à Julie Siegfried à la tête du Conseil national. C'est elle qui ouvre les États généraux du féminisme en 1929, dont le comité d'honneur compte parmi ses membres Aristide Briand, président du Conseil, Raymond Poincaré et le récent prix Nobel de la paix Ferdinand Buisson. En 1932, elle se retire de la présidence pour raison de santé et laisse la place à Marguerite Pichon-Landry, non sans être élue par acclamation présidente d'honneur[13].
Ses relations avec le monde politique
Lorsqu’en 1903, des agents des mœurs arrêtent par erreur deux jeunes filles, féministes et abolitionnistes protestent une fois de plus contre la double morale et demandent des réformes. Le ministre de l’Intérieur et président du Conseil Émile Combes met en place une commission extraparlementaire où siège pour la première fois une femme : Avril de Sainte-Croix. Dans son ouvrage Le Féminisme publié en 1907, elle affirme ne pas avoir eu à souffrir de trop de protestations malgré le caractère nouveau d’une présence féminine. Siègent à ses côtés quelques sénateurs favorables aux droits des femmes comme Jean Cruppi, Francis de Pressensé ou encore Paul Strauss.
Après quatre ans de travail, la commission aboutit « à un projet de loi qui, dans son essence, réclamait simplement pour la femme comme pour l’homme le retour au droit commun » et condamne la prostitution[14]. En 1913, elle devient présidente de l’une des sous-commissions formée pour étudier la lutte contre la prostitution et les maladies vénériennes. Le gouvernement fera encore appel à elle sur cette question abolitionniste en 1921, en la nommant rapporteur à la Conférence internationale de la Ligue des Croix-Rouges pour l’étude de la lutte contre les maladies vénériennes.
Elle figure également au sein de la commission Coulon-Chavagnes (1905-1907) qui étudie les lois conjugales inégalitaires et l’incapacité civile des épouses[15].
En 1916, Avril de Sainte-Croix et Julie Siegfried[16] sont chargées de constituer la Section d’études féminines créée au sein du Musée social. La collaboration entre le Conseil national des femmes françaises et le gouvernement se poursuit puisque le ministère de l’Armement met en place un Comité du travail féminin, dont les dix membres sont issues de cette section féminine du Musée social. Ce comité – dont fait partie Avril de Sainte-Croix – est chargé d’étudier la situation des ouvrières dans les usines de guerre. L'un des aboutissements est l'élaboration d'un salaire minimum pour les femmes qui travaillent à domicile[17]. Dans le même temps, Avril de Sainte-Croix fonde les Foyers-cantines pour ouvrières d'usine (qui deviendront après la Première Guerre mondiale les Foyers féminins de France[18]) : les femmes bénéficient ainsi de repas, de salles de repos et d'autres secours.
L'engagement d'Avril de Sainte-Croix dépasse les frontières françaises. Proche de Josephine Butler dont elle partage le combat abolitionniste, elle l'est également d'Ishbel Hamilton-Gordon, présidente du Conseil international des femmes, et d'Emma Pieczynska-Reichenbach. En 1898, elle préside la section Unité de la morale du Conseil international des femmes, avant de devenir en 1930 première vice-présidente de l'organisation. Elle encourage la constitution de conseils nationaux en Grèce, Turquie, Pologne, Tchécoslovaquie, Autriche[19] et devient la marraine avec Julie Siegfried des conseils nationaux du Paraguay en 1918.
Sa renommée internationale lui permet d’être, après la guerre, déléguée des associations féminines internationales auprès de la Société des Nations. Elle y est chargée des questions de prostitution, de trafic des femmes et des enfants et de prophylaxie des maladies vénériennes.
Son action est récompensée par l'ordre de la Légion d'honneur : chevalier par décret du , elle est faite officier le [20]. Elle reçoit par ailleurs les grandes médailles d'or de l'Assistance et de l'Hygiène.
Celle qui était de son vivant la personnalité féministe française qui connut le plus vaste rayonnement international[21] s'éteint le à Menton, à l'âge de 84 ans.
Hommages
La ville de Paris a nommé l'allée Avril-de-Sainte-Croix en sa mémoire[22], dans le jardin du Ranelagh, au cœur du 16e arrondissement.
Notes et références
- Marc Henry Glaisette, fils de Philippe Glaisette et d’Henriette Grandchamp, né le 2 septembre 1812 à Aigle (canton de Vaud), décédé le 2 mars 1858 à Carouge (canton de Genève), serait arrivé à Genève vers 1834.
- Marie-Cécile, née en 1849, et Adrienne. Un fils, Louis Adrien, est né en 1853 et décédé l'année suivante à Céligny (canton de Genève)
- Elle figure dans l'Almanach féministe de 1899 à la rubrique femmes de lettres
- Le Petit Jurassien, 3 août 1907, Dossier biographique, Bibliothèque Marguerite-Durand
- Acte de mariage, Paris 16e arrondissement
- François Avril, né le 14 mai 1840 à Montbrison, décédé le 7 septembre 1910 à Lausanne (Suisse), divorcé de Marie Thérèse Brunet en 1892.
- Article de Jane Misme dans Minerva, 30 novembre 1930
- Articles de Savioz, La Fronde, 15-17 décembre 1897 [lire en ligne]
- Article « La femme au bagne », en 3 épisodes des 24, 25 et 26 octobre 1898 lire en ligne partie 1/3, partie 2/3 et partie 3/3
- Archives de Paris, Ĺ’uvres de bienfaisance, cote DX 6/28
- Association reconnue d’utilité publique le 31 mai 1912, vice-présidée par Marguerite de Witt-Schlumberger. Archives de Paris, Œuvres de bienfaisance, cote DX 6/12
- Sous le pseudonyme Savioz, « À travers le féminisme, du salon à l’atelier », La Suisse, 13 février 1899. Dossier biographique, Bibliothèque Marguerite Durand
- Centre des Archives du Féminisme, Procès-verbal du 28 octobre 1932, cote 2 AF 254.
- Avril de Sainte-Croix, Le FĂ©minisme, p.164-166
- Karen Offen, « « La plus grande féministe de France ». Mais qui est donc Madame Avril de Sainte-Croix ? », Archives du féminisme, n°9, décembre 2005
- Son mari Jules Siegfried est fondateur et président du Musée social.
- Avril de Sainte-Croix et Julie Siegfried posent également la question des chambres d’allaitement et des garderies d’enfant. Voir Anne Cova, Maternité et droits des femmes en France, XIXe – XXe siècle, 1997
- Œuvre reconnue d’utilité publique le 30 décembre 1922, qui offre une aide matérielle et morale aux femmes qui travaillent : restaurants féminins, salles de repos, d’étude, organisation de cours, conférences, fêtes, etc. Archives de Paris, Œuvres de bienfaisance, cote DX 6/12.
- Article de L’Europe nouvelle, s.d.. Centre des Archives du féminisme, cote 1 AF 567
- Archives nationales, dossier de LĂ©gion d'honneur, [lire en ligne]
- Article de Jane Misme, Minerva, 30 novembre 1930.
- « Les rues de Paris | allée Avril-de-Sainte-Croix | 16e arrondissement », sur www.parisrues.com (consulté le )
Annexes
Bibliographie
- Avril De Sainte-Croix , L’éducation sexuelle, Paris, Librairie Félix Alcan, 1918 p. 40.
- Patrick Cabanel et Emmanuel Naquet, « Adrienne-Pierrette-Eugénie Avril de Sainte-Croix (née Glaisette) », in Patrick Cabanel et André Encrevé (dir.), Dictionnaire biographique des protestants français de 1787 à nos jours, tome 1 : A-C, Les Éditions de Paris Max Chaleil, Paris, 2015, p. 121-123 (ISBN 978-2846211901)
- Anne Cova, Maternité et droits des femmes en France, XIXe – XXe siècle, 1997
- Karen Offen, « « La plus grande féministe de France ». Mais qui est donc Madame Avril de Sainte-Croix ? », in Archives du féminisme, n°9,
- Geneviève Poujol, Un féminisme sous tutelle : les protestantes françaises, 1810-1960, Paris, les Éditions de Paris, 2003 (ISBN 978-2846210317)
- Florence Rochefort, « Féminisme et protestantisme au XIXe siècle, premières rencontres, 1830-1900 », in Bulletin de la société de l'histoire du protestantisme français, tome 146, janvier-, pp. 69-89
Articles connexes
Liens externes
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- Ressource relative aux militaires :