Accordéon en Bretagne
L'accordĂ©on est un instrument central de la musique traditionnelle de Bretagne. Sâil nâest arrivĂ© que tardivement dans la tradition musicale bretonne, il s'est imposĂ© dans le rĂ©pertoire breton[1].
La pratique de lâaccordĂ©on chez les sonneurs et musiciens de groupe en Bretagne *
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Domaine | Musiques et danses |
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Lieu d'inventaire | Bretagne Haute-Bretagne Basse-Bretagne |
* Descriptif officiel MinistĂšre de la Culture (France) | |
La pratique musicale liée à l'accordéon en Bretagne est inscrite à l'Inventaire du patrimoine culturel immatériel en France.
Historique
En Bretagne, lâaccordĂ©on diatonique nâarrive que tardivement (premiĂšre trace dans une noce en 1880 prĂšs de Rennes)[2], mais se rĂ©pand trĂšs vite dans toute la rĂ©gion[3]. Cependant, son apparition ne fait pas que des Ă©mules. Alors quâaujourdâhui[4], il reprĂ©sente un instrument clĂ© de la musique bretonne, il est Ă cette Ă©poque trĂšs mal vu car faisant obstruction totale aux instruments alors en vogue (vielle Ă roue, violon, biniouâŠ)[5]. Il est mĂȘme surnommĂ© « boest an diaoul » (boĂźte du diable) en Basse-Bretagne par le clergĂ© qui voyait d'un trĂšs mauvais Ćil la pratique des danses en couple oĂč l'on se frottait entre partenaires, Ă l'inverse des danses en chaĂźne beaucoup plus sages[6]. Mais lâaccordĂ©on reprend des classiques de la musique bretonne et sa modernitĂ© attire[7], ce qui permet de diffuser ces traditions musicales. Lâinstrument est Ă©galement adaptĂ© aux pratiques musicales rĂ©gionales, et notamment Ă celle des sonneurs et musiciens de groupe. Les rĂ©pertoires sont eux aussi rendus conformes Ă la pratique instrumentale, tandis que des rĂ©pertoires plus modernes sont crĂ©Ă©s directement pour lâaccordĂ©on.
L'accordĂ©on chromatique arrive en Bretagne dans les annĂ©es 1930[5]. Il va parvenir Ă remplacer lâaccordĂ©on diatonique et se rĂ©approprier le rĂ©pertoire breton. Il se fait surtout entendre dans les mariages et pour animer les bals, y compris lĂ oĂč lâaccordĂ©on diatonique nâavait pas rĂ©ussi Ă sâimplanter, faisant alors de lâaccordĂ©on un instrument phare de la culture bretonne. MalgrĂ© cela, la pratique de lâaccordĂ©on dĂ©cline jusquâaux annĂ©es 1960[5]. Câest Ă cette Ă©poque que lâon sâaperçoit de la disparition des musiques rĂ©gionales et traditionnelles, des collectes sont donc mises en place pour inventorier et enregistrer le rĂ©pertoire de la musique et des chants bretons (Dastum a ainsi enregistrĂ© plus de 700 joueurs dâaccordĂ©on chromatique et diatonique). Ces collectes ont permis de revitaliser la pratique de lâaccordĂ©on en Bretagne, cela a permis aux plus jeunes de redĂ©couvrir leur patrimoine et a suscitĂ© beaucoup de vocations dâaccordĂ©oniste amateur. La renaissance de la musique traditionnelle complĂšte le mouvement rĂ©gionaliste breton des annĂ©es 1970-80, avec la rĂ©affirmation de la culture bretonne, notamment Ă travers la musique.
Avec lâarrivĂ©e du fest-noz, lâaccordĂ©on a su trouver une place dans ce nouveau genre musical breton et sâimpose Ă nouveau comme Ă©lĂ©ment phare des instruments de musique en Bretagne. Il est alors de beaucoup de fĂȘtes, certaines lui sont mĂȘme pleinement consacrĂ©es et les rassemblements dâaccordĂ©onistes se multiplient face Ă leur succĂšs. Des concours dâaccordĂ©ons sont Ă©galement mis en place. Les deux types dâaccordĂ©ons bĂ©nĂ©ficient depuis les annĂ©es 1990 de la mĂȘme notoriĂ©tĂ© et sont utilisĂ©s dans les mĂȘmes proportions[8].
Pratique de lâaccordĂ©on en Bretagne
Sonneur dâaccordĂ©on
Le sonneur joue gĂ©nĂ©ralement seul. Sa musique nâest ni arrangĂ©e ni harmonisĂ©e. Deux sonneurs ou plus peuvent jouer ensemble, mais il sâagira de la mĂȘme mĂ©lodie, non harmonisĂ©e. Le sonneur exerce sa musique en particulier lors des noces, pour animer le cortĂšge, les danses et le repas. En plus de la connaissance de lâaccordĂ©on, il doit donc avoir un certain talent Ă animer les soirĂ©es[9]. Le jeu en solo du sonneur lui demande de mettre en place un jeu cadencĂ© et rythmĂ©, qui rendra la musique entrainante, mĂȘme avec un seul instrument. Le rĂ©pertoire est Ă lâorigine plutĂŽt traditionnel, mais au fil du temps, les sonneurs dâaccordĂ©on se sont modernisĂ©s et ont adoptĂ© des styles comme la musette. Aujourdâhui, la pratique de sonneur est un peu effacĂ©e par le fest-noz. Il est difficile pour eux de sâexprimer musicalement en solo[9]. Cependant, ils sâefforcent Ă maintenir et sauvegarder leur pratique, dâautant plus que le fest-noz ne reprend pas tout le rĂ©pertoire traditionnel breton. Les contre-danses et danses en couple par exemple ne survivent que grĂące Ă la pratique de lâaccordĂ©on « sonnĂ© ».
Accordéoniste de groupe
Les accordĂ©onistes de groupe sont gĂ©nĂ©ralement prĂ©sents dans les groupes de fest-noz. Le fest-noz est nĂ© avec le renouveau de la musique bretonne dans les annĂ©es 1970. Les groupes sont formĂ©s de 4 Ă 7 musiciens, avec des instruments traditionnels de Bretagne (bombarde, accordĂ©on, biniouâŠ) mais aussi des instruments plus modernes et internationaux (guitare, batterie, flĂ»te traversiĂšre, synthĂ©tiseurâŠ)[10].
La pratique de lâaccordĂ©on en groupe diffĂšre grandement de la pratique en solo. Ici, il faut sâaccorder avec les autres musiciens. La musique est donc arrangĂ©e, harmonisĂ©e et parfois mĂȘme amplifiĂ©e, modifiant totalement le jeu de lâaccordĂ©on. Cependant, celui-ci garde une place prĂ©pondĂ©rante dans le groupe de fest-noz. Bien souvent, ce sont les autres instruments qui sâaccordent Ă lui dans le groupe, bien que lâon ne puisse pas gĂ©nĂ©raliser cette idĂ©e. En effet, mĂȘme au sein du fest-noz, on relĂšve diffĂ©rents styles de jeu[10].
Enfin, avec les groupes de fest-noz, les accordĂ©onistes ont dĂ» se rĂ©approprier des morceaux traditionnellement chantĂ©s ou jouĂ©s sur dâautres instruments, ce qui a de nouveau conduit Ă lâĂ©largissement du rĂ©pertoire, comme lors de lâarrivĂ©e de lâaccordĂ©on en Bretagne[11].
- Yann Loïc Joly avec Carré Manchot
- Loig Troël avec Diwall
- Nicolas Rozé avec Digresk
- Janick Martin avec Hamon Martin Quintet
Enseignement
Selon un recensement réalisé en 2019, l'accordéon est présent dans 14 des 17 établissements classés de la région Bretagne[12]. Il y a un enseignement du chromatique dans 7 conservatoires et du diatonique dans 10 conservatoires (et dans trois conservatoires les deux instruments sont enseignés).
Bibliographie
- (Collectif), Accordéon diatonique. Itinéraire bis, coll. Modal, éd. Famdt, 1997.
- (Collectif), Musique bretonne. Histoire des sonneurs de tradition, Ă©dition ChasseâMarĂ©e / ArMen, Douarnenez, 512 pages, 1996.
- Defrance (Yves), Musiques traditionnelles de Bretagne 1 â Sonnoux et sonerien,â Ă©dition Skol Vreizh, 84p., 1996.
- Defrance (Yves), Musiques traditionnelles de Bretagne 2 â Etude du rĂ©pertoire Ă danser, Ă©dition Skol Vreizh, 84p., 1998.
- Dour (Yann), Accordéon diatonique en Bretagne gallÚse, éd. Breizh Hor Bro, 1984.
- Lasbleiz (Bernard), Boest an Diaoul (la boĂźte du diable). LâaccordĂ©on en pays de gavotte suivi dâun recueil de morceaux pour accordĂ©on diatonique, Ă©d. Dastum / Anche libre, 1987.
- Bardoul (Patrick), Musique à danser de Haute-Bretagne pour accordéon diatonique. Vol.1 : Pays rennais, Coglais, Pays de Dol, Vendelais, édition La BouÚze, 2003.
- Defrance (Yves), Traditions populaires et industrialisation. Le cas de lâaccordĂ©on, in Ethnologie française, XVIĂš, 1984/3, p.223-236.
- Lasbleiz (Bernard), Accordéon diatonique. Le style ancien (premiÚre partie), in Musique Bretonne, n°185, 2004, p.32-33.
- Lasbleiz (Bernard), AccordĂ©on diatonique et jazz-band dans les Monts dâArrĂ©e. 1re partie : 1935 - 1940, les annĂ©es MĂ©nez, in Musique Bretonne n°110, 1991, p.3-7.
- Lasbleiz (Bernard), AccordĂ©on diatonique et jazz-band dans les Monts dâArrĂ©e. 2e partie : les annĂ©es1940-1950, les annĂ©es chromatiques, in Musique Bretonne n°110, 1991, p.3-7.
- Lasbleiz (Bernard), Boest an aotrou Doue. LâaccordĂ©on diatonique en 1856, in Musique Bretonne n°187, 2004, p.32-33.
- Morvan (Christian), LâaccordĂ©on en 1850. Un instrument Ă jouer sans maĂźtre et sans voir la musique !, in Musique Bretonne n°184, 2004, p. 34-35.
- Lasbleiz (Bernard), La 61e gavotte, ou sur les traces dâYves MĂ©nez, accordĂ©oniste de Scrignac et compositeur de gavottes (1905-1983), in Musique Bretonne n°76, 1987.
- Jacques Caplat, Le geste technique transforme lâintentionâŻ: lâĂ©volution de lâaccordĂ©on diatonique en Bretagne (thĂšse de doctorat), Paris Sciences et Lettres (ComUE), Ăcole des hautes Ă©tudes en sciences sociales, (lire en ligne)
Notes et références
- LâaccordĂ©on en Bretagne (sonneurs et musiciens de groupe), fiche d'inventaire du patrimoine culturel immatĂ©riel en France, page 1
- LâaccordĂ©on en Bretagne (sonneurs et musiciens de groupe), fiche d'inventaire du patrimoine culturel immatĂ©riel en France, page 8
- Selon lâethnomusicologue Yves Defrance (Defrance (Yves), Musiques traditionnelles de Bretagne â 1 â Sonnoux et sonerien, Ă©ditions Skol Vreizh, 1996.), on en recense 8000 dans les annĂ©es 1920
- En 2015, et depuis la seconde moitié du XXe siÚcle
- LâaccordĂ©on en Bretagne (sonneurs et musiciens de groupe), fiche d'inventaire du patrimoine culturel immatĂ©riel en France, page 9
- Martial Le Corre, Les sonneurs bretons, Ăditions Sutton, coll. « MĂ©moire en images », , 224 p. (ISBN 978-2-813806-19-2)
- Histoire de l'accordéon sur le site de DASTUM
- LâaccordĂ©on en Bretagne (sonneurs et musiciens de groupe), fiche d'inventaire du patrimoine culturel immatĂ©riel en France, page 10
- LâaccordĂ©on en Bretagne (sonneurs et musiciens de groupe), fiche d'inventaire du patrimoine culturel immatĂ©riel en France, page 5
- LâaccordĂ©on en Bretagne (sonneurs et musiciens de groupe), fiche d'inventaire du patrimoine culturel immatĂ©riel en France, page 6
- LâaccordĂ©on en Bretagne (sonneurs et musiciens de groupe), fiche d'inventaire du patrimoine culturel immatĂ©riel en France, page 7
- https://www.conservatoiredeparis.fr/sites/default/files/Recherche-Editions/LHERMET_Vincent_Accordeon-dans-les-conservatoires-classes-France-2019.pdf