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Abbaye Notre-Dame d'Argenteuil

L'abbaye Notre-Dame d'Argenteuil (ou abbaye Notre-Dame d'Humilité) est à ses origines un monastère de bénédictines situé à Argenteuil dont l'existence est attestée dès le VIIe siècle. Rattaché au XIIe siècle à l'abbaye de Saint-Denis, dont il devient un prieuré masculin, il est détruit sous la Révolution française. Selon la tradition, la Sainte Tunique y est déposée par Charlemagne en 803.

Abbaye Notre-Dame d'Argenteuil
Notre-Dame d'Humilité
L'abbaye Notre-Dame d'Argenteuil à la fin du XVIIe siècle.
Présentation
Destination initiale
Abbaye féminine
Destination actuelle
Vestiges, parc paysager
Construction
VIIe siècle puis XIe siècle
Propriétaire
Commune
Patrimonialité
Localisation
Pays
RĂ©gion
DĂ©partement
Commune
Adresse
17, rue Notre-Dame
Coordonnées
48° 56′ 30″ N, 2° 14′ 59″ E
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Localisation

Épitaphe du diacre Addaldade.

L'abbaye est située dans le centre d'Argenteuil dans le quartier de la basilique Saint-Denys. Son emprise était celle d'un îlot actuel délimité au nord par la rue Notre-Dame qui la sépare de la chapelle Saint-Jean, à l'ouest par la rue du (ex-rue de la Chaussée, réputée pour mener alors au port fluvial) et celle de l'Hôtel-Dieu à l'est. Au sud elle était bordée par un bras de la Seine comblé depuis pour laisser place au boulevard Héloïse.

Extra-muros jusqu'au XVIIe siècle, la chapelle Saint-Jean située à quelques mètres de l'angle nord-ouest de la clôture dépend bien de l'abbaye comme l'établit l'épitaphe du diacre Addaldade, maître de chapelle. Ce n'est qu'au XVIe siècle que les moines la désaffectent pour la céder à un vigneron qui en fait son cellier. Incluse depuis dans un îlot devenu insalubre, son classement comme monument historique lui permet d'échapper à la destruction lors de la dernière rénovation du quartier.

Argenteuil possède également une remarquable cave dimière située à quelques centaines de mètres de l'angle nord-est de l'abbaye, aujourd'hui rue Paul-Vaillant-Couturier. Silo de stockage d'une quincaillerie au XXe siècle, elle a été rénovée depuis en studio musical par la municipalité. La cave et la chapelle Saint-Jean sont les témoins les mieux conservés d'Argenteuil médiéval.

Histoire

Une abbaye de femmes

Héloïse et Abélard.

On devrait la création au VIIe siècle de ce monastère féminin à un riche seigneur de Neustrie nommé Ermenric et sa femme Nummane. La première mention date de 697[MG 1], quand Childebert IV lui lègue la forêt de Cormeilles. Sous les Mérovingiens, il semble que l'abbaye ait pour fonction d'accueillir les filles des familles princières qui n'épousent pas toujours pour autant la vie monastique. Au début du IXe siècle, c'est encore à une fille de Charlemagne, Théodrade, que revient la charge de prieure et le privilège d'y recevoir de son père la relique de la tunique du Christ, tradition qui n'est véritablement attestée qu'à partir du XIIe siècle[1]. Cependant un document de 828 précise que Théodrade a reçu de son père l'abbaye d'Argenteuil sous la condition qu'elle revienne ensuite à l'abbaye de Saint-Denis, sauf si cette dernière y renonçait : le transfert de l'abbaye relevait de l'autorité de Saint-Denis en dehors de tout pouvoir royal[2].

Une fille de Charles le Chauve, Judith, a succédé à Théodrade quand le monastère est ravagé par les incursions des Vikings. Il reste ensuite un siècle à l'abandon et c'est à l'initiative d'Adélaïde d'Aquitaine (vers 945-1004), épouse d'Hugues Capet, que ses ruines sont relevées à la fin du Xe siècle pour y réinstaller des religieuses[MG 2]. Un siècle et demi plus tard le monastère est sous l'autorité d'Eremburge lorsque Héloïse (vers 1092-1164) y fait ses études. Bien connue pour ses amours avec Abélard, elle en devient prieure en 1129 et entre en conflit avec l'abbé Suger qui fait valoir la clause de 828. Un concile tenu en l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés décide l'expulsion de la communauté féminine qui se réfugie en partie à l'abbaye du Paraclet. L'abbaye d'Argenteuil devient alors un prieuré d'hommes dépendant de l'abbaye de Saint-Denis[3], qui y développe l'agriculture et le vignoble.

L'abbé Suger, détail de l'arbre de Jesse, basilique de Saint-Denis.

Un prieuré masculin de Saint-Denis

À l'occasion de travaux d'agrandissement, les moines exhument la Tunique cachée par les religieuses lors des invasions normandes. Celle-ci est alors exposée en 1156 en présence de Louis VII et les pèlerinages se succèdent jusqu'au XIVe siècle, époque à laquelle la Guerre de Cent Ans, la peste noire et les Grandes compagnies ruinent le pays, particulièrement en 1411 quand Argenteuil est mis à sac par le parti d'Orléans[MG 3]. Une nouvelle église paroissiale est bâtie en 1449 mais, dès 1518, le monastère tombe sous le régime de la commende et, en 1562, Argenteuil est pris par les Huguenots du prince de Condé qui incendient l'abbatiale[MG 4]. Il semble qu'à cette époque les moines cèdent la chapelle Saint-Jean à un vigneron laïc qui la transforme en cellier.

Argenteuil aux débuts du XVIIe siècle ; à gauche l'abbaye Notre-Dame.

Le rattachement du monastère à la congrégation de Saint-Maur en 1646 relance la vénération de la Tunique qui fait chaque année l'objet de six processions solennelles[MG 5]. Le , une tempête emporte le clocher de l'abbatiale qui s'écrase sur le chœur ; les réparations restent sommaires[MG 6]. En 1706, l'abbé Fleury obtient la commende du prieuré qui entame son déclin et ne compte plus que quatre moines en 1788[MG 7]. Dégradé au fil des siècles, le bâtiment est vendu comme bien national à la Révolution française le pour être utilisé comme carrière de pierres. Le site disparaît totalement en 1916 avec l'installation de l'entreprise de mécanique Debet et Kornberger.

  • Maquette de l'abbatiale, Ă©lĂ©vation sud (1905) et coupe du dortoir.
    Maquette de l'abbatiale, élévation sud (1905) et coupe du dortoir.
  • Vestiges du chevet et du sanctuaire.
    Vestiges du chevet et du sanctuaire.
  • Vestiges du chevet et du sanctuaire.
    Vestiges du chevet et du sanctuaire.
  • Traces du rĂ©fectoire.
    Traces du réfectoire.
  • Pavement de l'abbaye.
    Pavement de l'abbaye.

La redécouverte

La faillite de Debet et Kornberger en 1984 amène la municipalité à acquérir le terrain et à y effectuer des sondages en vue de l'urbanisation du quartier. À partir de 1989, des fouilles mettent au jour les vestiges de l'abbaye, une nécropole mérovingienne ainsi que des céramiques et pavements. Les lieux sont inscrits aux monuments historiques par un arrêté du [4]. Le site fait l'objet d'un aménagement récent, ouvert au public depuis 2014. Outre la mise en valeur des fouilles, il comporte deux espaces consacrés à la culture de la vigne et du figuier, emblématiques de l'histoire agricole d'Argenteuil.

  • Le "square de l'abbaye".
    Le "square de l'abbaye".
  • Plan du square.
    Plan du square.
  • Emprise du parc actuel sur le plan du XVIIe siècle.
    Emprise du parc actuel sur le plan du XVIIe siècle.
  • Les fouilles.
    Les fouilles.

Prieurs

Architecture

Vue générale de la clôture.
Notre-Dame d'Humilité.
RĂ©ception de la Tunique Ă  Argenteuil
(tableau du XIXe siècle).

Au sein de l'enceinte extérieure protégée dans son ensemble par un mur renforcé d'échauguettes à l'ouest et au sud, on distingue les espaces suivants : au nord-est le jardin du prieur (F), au sud l'ancien logis du prieur transformé en communs et sa vaste cour (H) ouverte sur la Seine à l'angle sud-est près du logis du prieur commendataire et au nord-ouest la clôture intérieure. Selon le Monasticon Gallicanum, celle-ci comporte au XVIIe siècle :

  • l'abbatiale (A) qui est rĂ©gulièrement orientĂ©e. Les fondations du chevet (G) qui dĂ©borde sur le potager des moines (E) en restent la seule partie visible ; le reste des fondations est actuellement enfoui sous des immeubles rĂ©cents. Elle est de plan basilical avec une nef et deux collatĂ©raux se raccordant Ă  l'est Ă  un transept ; sa façade s'ouvre Ă  l'ouest par un porche encadrĂ© initialement de deux tours ;
  • dans le prolongement du croisillon sud du transept un bâtiment qui abrite chapitre et rĂ©fectoire en rez-de-chaussĂ©e et dortoir en Ă©tage, fermant le cloĂ®tre du cĂ´tĂ© est. Lors de la destruction de celui-ci en 1855 un fragment de 13 mètres 50 sur 4 mètres 70 du chapiteau de la salle capitulaire est remis au musĂ©e de Cluny et intĂ©grĂ© au jardin avant d'ĂŞtre rendu Ă  Argenteuil en 1947 en vue de la crĂ©ation d'un musĂ©e local. En attente de rĂ©alisation, les Ă©lĂ©ments soigneusement dĂ©montĂ©s sont stockĂ©s dans des conditions dĂ©plorables et quand le musĂ©e s’inquiĂ©ta Ă  nouveau de leur devenir, dans les annĂ©es 1970, il n’en reste plus rien[6] ;
  • le cloĂ®tre jouxte ensuite immĂ©diatement le mur sud de la nef et est bordĂ© Ă  l'ouest par les restes d'un autre bâtiment (D). Entre 1855 et 1947, la façade de la salle capitulaire orne les jardins des thermes de Cluny. ConservĂ©e ensuite dans des conditions prĂ©caires Ă  Argenteuil, elle est condamnĂ©e au rebut en 1963[MG 8].

Mobilier

La majorité des éléments préservés de la destruction, dont le tympan mutilé de l'abbatiale, ont intégré les collections du musée de Cluny, à Paris.

Une Vierge Ă  l'Enfant connue comme Notre-Dame d'HumilitĂ©, pourrait provenir de l'abbaye. Elle est en bois naturel, lĂ©gèrement vernie, sculptĂ©e en ronde-bosse, au revers plat, mesure 122 cm de hauteur et date de la limite XVIIe siècle/XVIIIe siècle. ClassĂ©e monument historique au titre objet en [7], elle est visible sur le pilier gauche de l'entrĂ©e du chĹ“ur de la basilique actuelle.

Ostensions de la tunique du Christ

La première ostension de la tunique d'Argenteuil, attestée par une charte de l'archevêque de Rouen Hugues III d'Amiens, est celle de 1156[8]. Les suivantes sont bientôt interrompues par la guerre de Cent Ans. L’abbaye est pillée et incendiée en 1411 et l’église paroissiale n’est reconstruite qu’en 1449[MG 9]. La tunique fait alors l'objet de pèlerinages des rois de France François Ier, Henri III, Louis XIII, des reines Marie de Médicis et Anne d’Autriche, ou du cardinal de Richelieu[9], bien attestés par les documents d'archives à partir du XVe siècle.

Après la RĂ©volution, les pèlerinages et les ostensions solennelles reprennent au XIXe siècle, en principe tous les cinquante ans. La dernière s'est dĂ©roulĂ©e en 1984 et la suivante Ă©tait programmĂ©e pour 2034. Cependant, l'Ă©vĂŞque de Pontoise dĂ©cide d'en organiser une du au en raison de la conjonction de trois Ă©vĂ©nements : les 50 ans du diocèse de Pontoise, les 150 ans de la basilique Saint-Denys et l'annĂ©e sainte du jubilĂ© de la MisĂ©ricorde. Plus de 200 000 pèlerins ont Ă©tĂ© accueillis pendant ces deux semaines[10].

Autres monastères argenteuillais

L'abbaye Notre-Dame n'est pas le seul monastère argenteuillais.

Avec le succès des ostensions, on relève dans la première moitié du XVIIe siècle les créations :

  • d'un couvent d'Augustins en 1632[12] dont le parc et les bâtiments ont laissĂ© place Ă  l'Ă©cole nationale des professions de l'automobile (GARAC),
  • d'un prieurĂ© de Bernardines en 1635[13]. Celui-ci dĂ©pendait de l'abbaye de Penthemont, fondĂ©e près de Blincourt en 1227 et dĂ©placĂ©e Ă  Paris en 1672 Ă  la suite d'une inondation,
  • d'un couvent d'Ursulines en 1647[14] situĂ© rue de Pontoise.
  • des religieux de Saint-Vincent-de-Paul s'Ă©tablissent Ă  Argenteuil dès le dĂ©but du siècle. Ils sont Ă  l'origine du premier hĂ´pital Ă  la limite est de la ville en 1674 et participent Ă  l'extension de l'ordre. Le , les habitants de Domfront donnent Ă  Philippe Durocq et SimĂ©on Maurice, religieux de la CharitĂ©, venus d'Argenteuil, le prieurĂ© Saint-Antoine et l'hĂ´pital Ă©ponyme de leur ville, Ă  charge pour eux d'instruire leurs enfants. Les religieux ne parvenant pas Ă  remplir leurs obligations rendent hĂ´pital et prieurĂ© aux habitants trois ans plus tard, le [15] - [16].

Tous sont disparu dans le remaniement urbain. Jusqu'à la Révolution d'autres ordres et communautés religieuses possèdent également des biens sur Argenteuil[17].

Références

    • Autres rĂ©fĂ©rences :
    1. Pierre Dor 2002, p. 30.
    2. RI I n. 848, in: Regesta Imperii Online
    3. (en) Thomas G. Waldman, « Abbot Suger and the nuns of Argenteuil », Traditio, New York, Université Fordham, vol. 41,‎ , p. 239–272.
    4. « Abbaye Notre-Dame d'Argenteuil », notice no PA95000001, base Mérimée, ministère français de la Culture.
    5. 44 Histoire Ecclésiastique..., chez Jean Mariette, rue Saint-Jacques, aux Colonnes d'Hercule, Paris, 1720. Texte en ligne
    6. Musée d'Argenteuil
    7. « Statue : Vierge à l'Enfant dite Notre-Dame d'Humilité », notice no PM95000017, base Palissy, ministère français de la Culture.
    8. Albert Florence, La tunique d'Argenteuil. Étude médico-légale sur son identité, Storck, , p. 9.
    9. Marion et Lucotte 2006, p. 176.
    10. Edouard de Mareschal, « La Sainte Tunique du Christ exposée à Argenteuil en mars 2016 », sur lefigaro.fr, .
    11. Le château du Mail sur France archives
    12. Abbé J. Lasailly Le couvent des Augustins à Argenteuil in Mémoire de la Société historique "Le vieil Argenteuil" Tome XIII, p. 83-88, 1941
    13. Danièle Ducoeur - Les Bernardines d’Argenteuil. État de leurs revenus en 1729 in Bulletin n° 42 (2012-2013) de la Société d'histoire et d'archéologie d'Argenteuil et du Parisis
    14. Magazine Vivre en Val-d'Oise, no 101, janvier-février 2007 p. 14-15.
    15. Église Notre-Dame-sur-L'Eau
    16. R. P. Dom Paul Piolin, Histoire de l'Église du Mans, Paris, 1863, Éditeur: H. Vrayet de Surcytome.VI, p. 69-70
    17. Danièle Ducoeur - Les communautés et institutions religieuses non argenteuillaises possessionnées à Argenteuil avant la Révolution in Bulletin n° 44 (2016-2017) de la Société d'histoire et d'archéologie d'Argenteuil et du Parisis

    Annexes

    Bibliographie

    Articles connexes

    Liens externes

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