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Abaca

L'abaca (ou chanvre de Manille), Musa textilis, est une espĂšce de bananier de la famille des Musaceae, originaire des Philippines.

Il est cultivĂ© depuis longtemps aux Philippines pour les fibres de son pseudo-tronc qui peuvent ĂȘtre transformĂ©es en cordages, vĂȘtements et objets d’artisanat. Elles servent aussi Ă  la fabrication de papiers spĂ©ciaux tels que les billets de banque, de papiers filtres, de sachets de thĂ© entre autres.

Étymologie

Le nom de genre Musa est un emprunt Ă  l’arabe مَوْŰČÙŽŰ©, mawsa, « banane ». Le nom gĂ©nĂ©rique choisi par LinnĂ© a Ă©tĂ© publiĂ© dans Species plantarum en 1753. Ce nom est Ă©galement un hommage Ă  Antonius Musa, mĂ©decin de l’empereur Auguste.

L'Ă©pithĂšte spĂ©cifique textilis est le nom latin dĂ©signant un « tissu » (tissĂ©), en raison de l’usage de la fibre textile de l’espĂšce.

Le terme français abaca est un emprunt probable (en 1664) Ă  l’espagnol abaca, lui-mĂȘme empruntĂ© au tagalog abaka. Le mot dĂ©signe l’arbre Musa textilis et sa fibre. Ce nom est masculin mais il a Ă©tĂ© fĂ©minin jusqu’en 1752[1].

Nomenclature

Le botaniste espagnol d’origine française, Luis NĂ©e (1735-1807) accompagna l’expĂ©dition dirigĂ©e par Alessandro Malaspina et JosĂ© de Bustamante y Guerra dans l’exploration des possessions espagnoles d’AmĂ©rique et d’Asie. Il ramena une Ă©norme collection de spĂ©cimens de plantes qu’il dĂ©crivit peu Ă  peu dans une revue scientifique. Il publia la description de Musa textilis en 1801, dans Anales de Ciencias Naturales 4: 123[2].

Synonymes

Selon Powo, les synonymes sont[3]

  • Musa abaca Perr.
  • Musa amboinensis Miq.
  • Musa mindanaensis Miq.
  • Musa tikap Warb.

Description

L’abaca est une plante herbacĂ©e, vivace, qui se dĂ©veloppe Ă  partir de courts rhizomes donnant naissance Ă  un groupe de plusieurs Ă  une douzaine de pseudotroncs, de 3 Ă  m de haut, et de 12 Ă  30 cm de diamĂštre, surmontĂ©s d’un faisceau de feuilles. Ces pseudo-troncs sont formĂ©s par l’emboĂźtement de gaines foliaires[4] - [5].

Inflorescence portant fleurs et fruits

Chaque gaine foliaire[n 1] se prolonge au dĂ©but de sa croissance, par un pĂ©tiole et un limbe. Les gaines foliaires les plus anciennes qui ont perdu leurs pĂ©tiole et limbe sont Ă  l’extĂ©rieur du pseudo-tronc; les gaines les plus rĂ©centes sont au centre. Le pĂ©tiole fait de 60 Ă  70 cm de long, et le limbe est oblong, et fait de 1,2 Ă  2,4 m de long sur 20 Ă  40 cm de large. La face supĂ©rieure est d’un vert vif et la face infĂ©rieure pruineuse et souvent avec de grandes taches brunes. Le limbe est parcouru par une nervure mĂ©diane trapue.

L’inflorescence terminale est longue, d’abord verticale puis pendante. Elle est composĂ©e de bractĂ©es fortement imbriquĂ©es entre elles, avec Ă  leur aisselle un groupe de fleurs. Les bractĂ©es sont brun rougeĂątre, celles qui sont stĂ©riles sont vertes ou verdĂątres, jusqu’à 50 cm de long. Les bractĂ©es sont de forme ovales, de 10 Ă— 6 cm. Chaque bractĂ©e porte de 10 Ă  12 fleurs en deux rangĂ©es. Les fleurs dans les bractĂ©es de la base sont femelles ou bisexuelles, celles des bractĂ©es distales sont mĂąles. Parfois dans les formes cultivĂ©es toutes les fleurs sont stĂ©riles[4].

L’abaca est pollinisĂ© par les chauves-souris[6]. C’est une plante allogame, demandant une fĂ©condation croisĂ©e entre deux individus distincts.

Le fruit est une baie verte, lĂ©gĂšrement trigone, recourbĂ©e de 5 Ă  cm de long sur 2 Ă  cm de diamĂštre, non comestible en raison de sa forte teneur en grosses graines noires. Les graines sont noires d’environ mm de diamĂštre.

À maturitĂ© des fruits, le pseudo-tronc meurt. Des drageons du mĂȘme rhizome, prennent en gĂ©nĂ©ral le relais.

Parmi plus de 400 cultivars d’abaca aux Philippines, seuls 20 ont une importance commerciale[6].

  • Musa textilis
    Musa textilis
  • Feuille
    Feuille
  • Fleurs femelles
    Fleurs femelles
  • Fleurs femelles
    Fleurs femelles
  • Fruits
    Fruits

Distribution

Selon Powo (Kew), Musa textilis est originaire des Philippines. Il a été introduit aux ßles Andaman, Bornéo, ßles Caroline, Chine du Centre-Sud et du Sud-Est, au Costa Rica, Java, Myanmar, ßle Nicobar, Trinidad-Tobago[3].

Actuellement, il est cultivĂ© aux Philippines et dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est, en Chine (Guangdong, Guangxi, Yunnan), ainsi qu’en AmĂ©rique centrale et en Équateur et en Afrique (GuinĂ©e Ă©quatoriale, Kenya).

Culture

Fibres d'abaca séchant sur le bord d'une plantation, Costa Rica.

La culture de l’abaca commence aux Philippines Ă  partir de 1830. L’occupation des Philippines par les États-Unis en 1904 marqua un tournant dans la production. Les AmĂ©ricains Ă©tablissent des plantations dans l’üle de Mindanao, dans la rĂ©gion de Davao et lancent des programmes de recherche en vue d’amĂ©liorer le rendement et la qualitĂ© des fibres. Quelques annĂ©es plus tard, les Japonais, pourvus d’importants capitaux s’installent aussi Ă  Davao[5].

Jusque dans les annĂ©es 1920, il n’existait pas ou peu de cultures commerciales en dehors des Philippines[5].

Selon des estimations de la FAO, la production mondiale annuelle moyenne de fibres d’abaca en 2001–2005 Ă©tait d’environ 99 000 t. Les principaux producteurs Ă©taient les Philippines avec une moyenne annuelle d’environ 69 000 t et l’Équateur avec environ 28 000 t.

En 2020, les deux plus gros producteurs d’abaca sont les Philippines et l’Équateur, suivis de loin par le Costa Rica et l’IndonĂ©sie[7].

Production d’abaca[7]
en tonnes
Pays2020
Philippines67 388
Équateur36 634
Costa Rica1 242
Indonésie561

L’abaca a besoin des conditions chaudes et humides des tropiques pour bien pousser. Il est cultivĂ© avec succĂšs Ă  des latitudes comprises entre 5°S et 15°N, avec une tempĂ©rature moyenne de 27 °C, et une humiditĂ© relative d’environ 80 %.

Quand le premier pseudo-tronc pousse Ă  partir de semis, de nombreux drageons commencent Ă©galement Ă  pousser Ă  la base de la plante. Les plantes provenant de drageons d'un an peuvent fleurir 10–12 mois aprĂšs leur transplantation, et celles provenant de cormes (organe de rĂ©serve souterrain) aprĂšs 16 Ă  18 mois[6].

RĂ©colte

Extraction des fibres de la gaine foliaire

Les pseudo-troncs sont rĂ©coltĂ©s individuellement Ă  l’apparition de la feuille terminale, une petite feuille qui prĂ©cĂšde la sortie de l’inflorescence. La rĂ©colte d’un pseudo-tronc consiste Ă  Ă©cimer le tronc Ă  la base des limbes et Ă  abattre le tronc par une coupe oblique Ă  proximitĂ© du niveau du sol.

Dans les 24 heures suivant la coupe du pseudo-tronc, les gaines foliaires sont dĂ©roulĂ©es une par une. La qualitĂ© des fibres varie suivant leur position dans le pseudo-tronc. Les gaines extĂ©rieures donnent des fibres solides, grossiĂšres et plus sombres (meilleures pour des cordages) et les gaines intĂ©rieures donnent des fibres plus lĂ©gĂšrement colorĂ©es, moins rĂ©sistantes, et plus fines (meilleures pour la fabrication de papier)[6].

Les couches extĂ©rieures des gaines foliaires sont dĂ©tachĂ©es en rubans de 5–8 cm de large, avec un couteau ou un morceau de bambou pointu. Ces rubans (ou tuxies) sont ensuite nettoyĂ©s de leur pulpe[8].

Propriétés de la fibre

Fibres d’abaca mises Ă  sĂ©cher

La fibre primaire est obtenue à partir des faisceaux vasculaires de la couche extérieure de la gaine foliaire. La couche intermédiaire contient une petite quantité de fibres secondaires fragiles, et la couche interne ne contient pas de fibres.

La fibre de l’abaca est classĂ©e parmi les fibres dures, comme le sisal. Elle est remarquable pour sa soliditĂ© et sa rĂ©sistance Ă  l’eau douce et salĂ©e. Elle est trois fois plus rĂ©sistante que la fibre de coton (Gossypium spp.), deux fois plus que le sisal et est Ă©galement plus rĂ©sistante que le chanvre (Cannabis sativa L.) et le chanvre du Bengale (Crotalaria juncea L.). Elle est plus rĂ©sistante Ă  l’eau salĂ©e que la plupart des autres fibres vĂ©gĂ©tales[6].

L’industrie du papier utilise les meilleures qualitĂ©s de fibre d’abaca pour les papiers poreux et rĂ©sistants tels que les sachets de thĂ© et le papier d’emballage de saucisses. Les qualitĂ©s infĂ©rieures sont utilisĂ©es pour fabriquer des papiers rĂ©sistants tels que les sacs d’aspirateurs et les enveloppes de Manille.

Utilisations

L’abaca a une importance Ă©conomique, en raison de sa fibre, appelĂ©e chanvre de Manille, extraite de la gaine foliaire du pseudo-tronc.

  • Fibres d’abaca classĂ©es par couleur
    Fibres d’abaca classĂ©es par couleur
  • Fibres d’abaca sur un mĂ©tier Ă  tisser (Philippines)
    Fibres d’abaca sur un mĂ©tier Ă  tisser (Philippines)
  • Jupe tissĂ©e d’abaca (HawaĂŻ)
    Jupe tissĂ©e d’abaca (HawaĂŻ)
  • Fabrication du papier d’abaca
    Fabrication du papier d’abaca

La fibre est utilisĂ©e pour fabriquer des ficelles et des cordes. Elle a longtemps Ă©tĂ© la fibre prĂ©fĂ©rĂ©e pour les cordages de pĂȘcheurs et des marins, en raison de sa soliditĂ© et de sa rĂ©sistance Ă  l’eau de mer mais cet usage s’est retreint avec l’avĂšnement des fibres synthĂ©tiques.

Chapeau d’abaca

Actuellement, la fibre sert principalement Ă  fabriquer diffĂ©rents produits en papier, comprenant des sachets de thĂ©, des billets de banque, du papier filtre, du papier d’emballage de saucisses, du papier pour condensateurs, du papier Ă  cigarettes et les fameuses enveloppes de Manille (qui Ă©taient traditionnellement fabriquĂ©es Ă  partir de vieux cordages en abaca)[6].

Au Japon, l’abaca est utilisĂ© dans la fabrication des kairyo hanshi ou papiers hanshi amĂ©liorĂ©s, aprĂšs la seconde guerre mondiale. En ThaĂŻlande, l’abaca est utilisĂ© dans la confection de papier fantaisie et d'objets artisanaux. Il est aussi utilisĂ© pour fabriquer des papiers pour l’écriture ou l’impression[9].

Une fois floconnĂ©e, la fibre convient Ă  la fabrication de textiles. Le floconnage est un processus au cours duquel les paquets de fibres sont coupĂ©s Ă  une longueur uniforme afin qu’ils puissent ĂȘtre filĂ©s dans un dispositif de filature du coton. Elle sert Ă  fabriquer des Ă©toffes haut de gamme, particuliĂšrement des mĂ©langes avec de la soie ou de la fibre d’ananas (Ananas comosus (L.) Merr.).

La fibre de l’abaca est Ă©galement utilisĂ©e pour des produits artisanaux tels que des paniers, des dessous de plat, des hamacs, des sacs et des chaussures. Elle trouve de plus en plus d’usages dans des matĂ©riaux de construction manufacturĂ©s tels que les panneaux de revĂȘtement, les carreaux de sol et les tuiles, et comme fibre de renfort dans l’asphalte et le bĂ©ton. Elle est aussi utilisĂ©e dans les composites de plastique en carrosserie automobile comme substitut au renfort par des fibres de verre.

Notes

  1. Partie plus ou moins dilatée de la base d'une feuille entourant la tige

Références

  1. Alain Rey (direction), Marianne Tomi, Tristan Hordé, Chantal Tanet, Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Tomes I et II, Le Robert,
  2. Anales de Ciencias Naturales, « De la Abacå, Musa textilis, Née », sur BHL
  3. (en) Référence Plants of the World online (POWO) : Musa textilis Née
  4. (en) Référence Flora of China : Musa textilis
  5. IRCT [Guadeloupe], « Note bibliographique sur l’abaca (Musa textilis, NĂ©e) », Coton et Fibres Tropicales, vol. 4, no 2,‎ , p. 57-67 (lire en ligne)
  6. G. Vaughan, Musa textilis, NĂ©e (PROTA4U), PROTA Network Office Europe, 24 april 2022. (lire en ligne)
  7. « Culture d’abaca », sur FAOSTAT (consultĂ© le )
  8. Victor Waller, Astrid Wilsby, Abaca in the Philippines, an overview of a potential important resource for the country: Relating the tensile strength of the single fiber to the microfibrilar angle, Agricultural Science Paper, Pulp and Fiber Technology,
  9. Claude Laroque, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, en collaboration avec des instituts partenaires en Chine, Corée et au Japon, « Musa textilis Née », sur Khartasia (consulté le )

Liens internes

EntrĂ©es de Wikipedia traitant de la fabrication du papier. Celles marquĂ©es de ** comportent des dessins Ă  l’encre illustrant le processus de fabrication du papier.

Liens externes

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