KĂ©naf
Hibiscus cannabinus
Le kénaf[1] (Hibiscus cannabinus L.), aussi appelé « chanvre du Deccan », est une plante annuelle de la famille des Malvaceae originaire d'Afrique.
La longue tige Ă©rigĂ©e du kĂ©naf (pouvant faire jusquâĂ 5 m en culture) fournit des fibres libĂ©riennes utilisĂ©es dans l'industrie des ficelles, cordes et toiles grossiĂšres ainsi que des biocomposites. En Afrique, les pousses et les jeunes pousses sont consommĂ©s comme des lĂ©gumes.
Nomenclature et Ă©tymologie
LâespĂšce a Ă©tĂ© nommĂ©e Hibiscus cannabinus par Carl von LinnĂ© dans Systema naturae, Editio Decima 2: 1149 en 1759.
Le nom de genre Hibiscus est emprunté au latin impérial hibiscum « guimauve ».
LâĂ©pithĂšte spĂ©cifique cannabinus est empruntĂ© au latin, dĂ©rivĂ© de cannabis (grec ÎșÎŹÎœÎœÎ±ÎČÎčÏ) « chanvre » + suffixe, « semblable au chanvre »[2] - [3] en raison dâune certaine ressemblance de sa feuille avec celle du chanvre Cannabis sativa (bien quâils appartiennent Ă des familles diffĂ©rentes).
Le terme français kĂ©naf est empruntĂ© au persan Ú©ÙÙ, kanaf, apparentĂ© au cannabis.
Noms vernaculaires
Le kĂ©naf porte de trĂšs nombreux noms, plus de 129 Ă travers le monde[4], rien quâen français on a: chanvre de Bombay, chanvre du Deccan, chanvre de GuinĂ©e, chanvre de Gambo, chanvre de roselle, jute de Java, jute de Siam, kĂ©naf, ketmie Ă feuilles de chanvre (Belgique), roselle.
Synonymes
Selon POWO[5], les synonymes sont :
- Abelmoschus congener Walp.
- Abelmoschus verrucosus Walp.
- Furcaria cannabina Ulbr.
- Furcaria cavanillesii Kostel.
- Hibiscus malangensis Baker f.
- Hibiscus vanderystii De Wild.
Description
Le kĂ©naf est une plante herbacĂ©e annuelle ou vivace pouvant atteindre 3 m de haut Ă lâĂ©tat sauvage et jusquâĂ 5 m pour les cultivars[6]. Il est constituĂ© dâune tige Ă©rigĂ©e, fine, cylindrique, de 1 Ă 2 cm de diamĂštre, souvent ramifiĂ©e, Ă©pineuse chez les formes sauvages, ancrĂ©e dans le sol par une racine pivotante.
La feuille simple comporte des stipules filiformes, soyeuse, de 5â8 mm de long, un pĂ©tiole de 3â30 cm de long, et un limbe de 1â19 cm de long sur 0,1â20 cm de large, trĂšs faiblement Ă trĂšs fortement 3â7-palmatilobĂ© dans la partie infĂ©rieure de la plante, souvent non lobĂ© dans la partie supĂ©rieure et mĂȘme bractĂ©iforme vers lâapex, Ă base cunĂ©iforme Ă cordĂ©, Ă bords dentĂ©s ou dentĂ©s en scie. Ă la base de la nervure mĂ©diane, se trouve un nectaire proĂ©minent de 3 mm de long[7].
Les fleurs axillaires, solitaires ou parfois groupĂ©es prĂšs de lâapex de la plante, sont bisexuĂ©es, 5-mĂšres, de 7,5â10 cm de diamĂštre, portĂ©e par un pĂ©dicelle de 2â6 mm de long, articulĂ© Ă la base ; lâĂ©picalice de 7â8 segments linĂ©aires de 7â18 mm de long, persistant ; le calice campanulĂ© avec des lobes acuminĂ©s Ă subcaudĂ©s de 1â2,5 cm de long (jusquâĂ 3,5 cm chez les cultivars), est persistant, vert, avec des poils raides et un tomentum caractĂ©ristique, blanc laineux, avec une glande nectarifĂšre proĂ©minente sur chaque nervure mĂ©diane. Les pĂ©tales libres, habituellement Ă©talĂ©s, sont tordus dans le sens des aiguilles dâune montre ou lâinverse, obovales, de 4â6 Ă 3â5 cm, avec la face extĂ©rieure pubescente Ă poils Ă©toilĂ©s, habituellement crĂšme Ă jaunes avec la base intĂ©rieure rouge, parfois bleue ou violette ; les Ă©tamines nombreuses, ont des filets unis en une colonne entourant le style, de 17â23 mm de long, rouge sombre, avec des anthĂšres jaunes ou rouges ; lâovaire supĂšre est ovoĂŻde, 5-loculaire, le style est ramifiĂ© en 3-5 branches[7]. La floraison a lieu de lâĂ©tĂ© Ă lâautomne.
Le fruit est une capsule Ă bec court, ovoĂŻde, de 12â20 mm de long sur 11â15 mm de large, pubescente Ă poils densĂ©ment apprimĂ©s, contenant 20â25(â35) graines. Le kĂ©naf est apparentĂ© au jute - ils appartiennent tous les deux Ă la famille des Malvaceae. Par contre malgrĂ© la forme de sa feuille, il est assez Ă©loignĂ© sur le plan phylogĂ©nĂ©tique, du chanvre Cannabis sativa (voir leur positionnement respectif dans le cladogramme de la classification des papiers traditionnels chinois).
- Feuille palmatilobée
- Fleurs axillaires
- Fleur sauvage
- Capsules
Distribution
LâespĂšce est originaire dâAfrique. Elle est commune dans la plupart des pays africains au sud du Sahara[7]. La distribution couvre la majeure partie de lâAfrique et sâĂ©tend au sud-ouest de la PĂ©ninsule arabique[5].
Elle est maintenant répandue dans les régions tropicales et subtropicales. Elle a été introduite en Inde, Asie orientale (Chine, Japon, Corée), Asie du SE, Asie centrale (Kazakhstan, Turkménistan, Ouzbékistan), Iran, Afghanistan , Pakistan, Ukraine, Amérique du Sud (Venezuela, Pérou, Brésil SE), Guatemala.
Le kénaf est largement cultivé en Afrique, plus comme légume que comme plante à fibre.
Il pousse dans les prairies, les savanes arbustives, les prairies boisées et les lisiÚres forestiÚres, de 0 à 2 000 m.
Culture
Le kĂ©naf se cultive facilement dans les zones oĂč la tempĂ©rature diurne est entre 16 °C et 27 °C, avec des prĂ©cipitations de 500â650 mm. Le kĂ©naf est habituellement multipliĂ© par graines mais peut aussi lâĂȘtre par boutures. La tempĂ©rature optimale pour la germination des graines est de 35°C. Pour la production de fibre, le kĂ©naf est semĂ© Ă la volĂ©e ou en ligne.
Le taux de croissance est rapide: il peut atteindre de 1,5 Ă 3,5 m en 100 Ă 125 jours.
Le kĂ©naf potager demande 3â4 semaines depuis la levĂ©e jusquâĂ la premiĂšre rĂ©colte. En guise de premier Ă©claircissage, les plantes dâenviron 20 cm sont arrachĂ©es et commercialisĂ©es avec leurs racines. Lorsque la culture de repousses est pratiquĂ©e, la deuxiĂšme rĂ©colte survient au stade de 6 semaines, 2â3 semaines aprĂšs lâĂ©claircissage[7].
Pour le kĂ©naf Ă fibres, le meilleur moment de la rĂ©colte se situe quand 50 % des plantes sont en fleurs. Les plantes sont coupĂ©es au ras du sol et liĂ©es en bottes lĂąches qui sont dressĂ©es debout sur le champ pendant 2â3 jours pour assurer la dĂ©foliation et le sĂ©chage. Les tiges sont ensuite rouies dans de lâeau claire et presque stagnante pendant 10â15 jours Ă des tempĂ©ratures dâenviron 30 °C pour libĂ©rer les fibres de lâĂ©corce. AprĂšs le rouissage, les fibres sont dĂ©tachĂ©es manuellement de la tige, soigneusement lavĂ©es dans lâeau claire et bien sĂ©chĂ©es Ă lâabri du sable et de la poussiĂšre. Les fibres sĂ©chĂ©es sont transportĂ©es en balles brutes de 60â150 kg vers les usines de filage[7].
Utilisations
Le kénaf est plus proche du jute (Corchorus) que du chanvre. Kénaf et jute font partie de la famille des Malvaceae alors que le chanvre est un Cannabaceae.
La fibre de kĂ©naf se compose de la cellulose, composant majoritaire (45â57 %) ainsi que dâhĂ©micellulose (21,5 %), de la lignine (8â13 % en poids), de la pectine (3-5% en poids) et de substances cireuses[8]. La fibre de kĂ©naf est rugueuse, rigide et a une faible capacitĂ© de filage.
Alimentation
Le kĂ©naf est un lĂ©gume Ă haut rendement qui est de plus en plus apprĂ©ciĂ© sur les marchĂ©s urbains dâAfrique. Les pousses ou les jeunes feuilles, et parfois les fleurs et les jeunes fruits, sont cuisinĂ©s comme des lĂ©gumes[7].
Pour le bétail, la jeune plante entiÚre fournit un excellent fourrage.
Huile
L'huile des graines est non comestible mais elle peut ĂȘtre utilisĂ©e dans l'industrie ainsi que dans les lampes Ă huile.
En Afrique, les graines des cultures de fibre sont utilisĂ©es pour en extraire lâhuile, les rĂ©sidus servant de fourrage. Lâhuile convient comme lubrifiant, pour lâĂ©clairage et pour la fabrication de savon, de linolĂ©um, de peintures et de vernis.
En Asie, le kĂ©naf est cultivĂ© surtout pour ses fibres et son huile utilisĂ©e dans lâindustrie[1].
Cordes, toiles
Le kĂ©naf Ă©tait cultivĂ© en Ăgypte un millĂ©naire avant notre Ăšre pour la fabrication de cordages et dâĂ©toffes (sacs, voiles)[1].
La tige de kĂ©naf est une source de fibres utilisĂ©es dans lâindustrie des ficelles, des cordes, des textiles grossiers pour les sacs et des toiles dâemballage ; il existe divers cultivars Ă fibres avec des propriĂ©tĂ©s spĂ©ciales. La production de fibres de kĂ©naf est relativement peu courante en Afrique, mais peut localement ĂȘtre importante comme dans le nord du Nigeria, au Niger et au Soudan oĂč elle est utilisĂ©e pour des cordages, des ficelles, des lignes et des filets de pĂȘche.
Dans toute lâAsie, le kĂ©naf est cultivĂ© pour ses fibres et son huile pour lâindustrie.
Le kénaf produit une fibre libérienne similaire à celle du jute, mais avec une résistance à la traction plus grande, un peu plus grossiÚre et plus cassante.
Les fibres libériennes de kénaf, de lin, chanvre, jute et ramie, servent à renforcer les piÚces automobiles tout en réduisant leur poids.
Papier
Comme nous avons vu, les tiges de kĂ©naf peuvent ĂȘtre mises Ă rouir dans lâeau, pour libĂ©rer les fibres des tissus de l'Ă©corce par l'action enzymatique des micro-organismes. Les fibres sont ensuite sĂ©parĂ©es manuellement de la tige, soigneusement lavĂ©es et sĂ©chĂ©es.
Le papier fait avec des fibres libériennes de kénaf préparées par voie chimique est plus résistant que le papier fabriqué à partir de pùte de bois résineux[7].
Les tiges entiĂšres de kĂ©naf peuvent Ă©galement ĂȘtre transportĂ©es directement du champ aux usines de fabrication de pĂąte Ă papier. Les tiges sont alors rĂ©duites directement en pĂąte avec succĂšs grĂące Ă une gamme de procĂ©dĂ©s chimiques, semi-chimiques et mĂ©caniques.
Le kénaf est utilisé en Inde pour la fabrication du papier cigarette.
Câest une fibre papetiĂšre moderne au Japon[1].
Biocomposite
Les biocomposites sont des matĂ©riaux composites formĂ©s dâune matrice de polymĂšres renforcĂ©e par des fibres naturelles telles que des fibres de coton, de lin, de chanvre ou de kĂ©naf.
Lâindustrie des transports (automobiles, chemin de fer, aĂ©rospatial) et de la construction sâintĂ©resse de plus en plus aux biocomposites parce que ce sont des matĂ©riaux renouvelables, bon marchĂ©, recyclables et biodĂ©gradables. Les fibres vĂ©gĂ©tales peuvent absorber lâeau, ce qui entraine leur dĂ©composition. Elles noircissent aussi Ă la lumiĂšre solaire. Elles sont donc moins durables que les fibres polymĂšres synthĂ©tiques qui finissent par s'accumuler dans les ocĂ©ans[9].
Le kĂ©naf est choisi comme un matĂ©riau alternatif pour la production de biocomposite en raison de ses propriĂ©tĂ©s de croissance rapide qui le rendent capable de fournir un grand volume de matiĂšre premiĂšre dans une courte pĂ©riode de temps. En effet, trois mois aprĂšs les semailles, le kĂ©naf atteint une hauteur supĂ©rieure Ă 3 m et un diamĂštre de 3â5 cm[9].
- Inconvénients
Malgré sa croissance rapide et ses nombreux usages, le kénaf a aussi des inconvénients.
Les Ă©pines acĂ©rĂ©es de ses tiges le rendent difficile Ă manipuler. Sa grande vigueur est responsable de lâĂ©puisement rapide des sols. Son enracinement en profondeur fait quâil peut ĂȘtre difficile de sâen dĂ©barrasser.
Notes
Références
- Claude Laroque, Université Panthéon-Sorbonne, en collaboration avec des instituts partenaires en Chine, Corée et au Japon, « Hibiscus cannabinus L. », sur Khartasia (consulté le )
- Alain Rey (direction), Marianne Tomi, Tristan Hordé, Chantal Tanet, Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Tomes I et II, Le Robert,
- François Couplan, Dictionnaire étymologique de botanique, delachaux et niestlé, , 238 p.
- Miyake et Suzuta (1937)
- (en) Référence Plants of the World online (POWO) : Hibiscus cannabinus L.
- (en) Référence Flora of China : Hibiscus cannabinus Linnaeus
- « Hibiscus cannabinus L. », sur PROTA4U (consulté le )
- F. Hassan, R. Zulkifli, M. J. Ghazali, C. H. Azhari, « Kenaf Fiber Composite in Automotive Industry: An Overview », Int Jour. on Advenced Science Engineering Information Technology, vol. 7, no 1,â (lire en ligne)
- H.M. Akil, M.F. Omar, A.A.M. Mazuki, S. Safiee, Z.A.M. Ishak, A. Abu Bakar, « Kenaf fiber reinforced composites: A review », Materials and Design, vol. 32,â
Liens internes
- Autre plante apparentée au jute, le dah (Hibiscus sabdariffa)
Liens externes
- Référence African plants - A Photo Guide : Hibiscus cannabinus (en)
- (en) Référence GRIN : espÚce Hibiscus cannabinus L.
- Fiche de l'ADEME
- Fiche descriptive de Hibiscus cannabinus sur la base Khartasia (papiers asiatiques) du Centre de Recherche sur la Conservation des Collections (CRCC) du CNRS, et MNHN