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ĂŽle d'Ellesmere

L'Ă®le d'Ellesmere, situĂ©e dans le Nunavut, est une grande Ă®le du passage du Nord-Ouest (ocĂ©an Arctique), la plus au nord de l'archipel arctique canadien, la troisième du Canada et la dixième au monde quant Ă  la superficie (avec 196 235 km2, soit l'Ă©quivalent de celle du SĂ©nĂ©gal). Pour cette raison, elle est parfois appelĂ©e terre d'Ellesmere. Elle s'Ă©tend jusqu'Ă  la latitude de 83° au cap Columbia, Ă  769 km du pĂ´le Nord.

ĂŽle d'Ellesmere
Ellesmere Island (en)
L'île d'Ellesmere vue par satellite.
L'île d'Ellesmere vue par satellite.
GĂ©ographie
Pays Drapeau du Canada Canada
Archipel Îles de la Reine-Élisabeth
Localisation Passage du Nord-Ouest (Océan Arctique)
CoordonnĂ©es 79° 50′ 00″ N, 78° 00′ 00″ O
Superficie 196 235 km2
Point culminant Mont Barbeau (2 616 m)
GĂ©ologie ĂŽle continentale
Administration
Territoire Drapeau du Nunavut Nunavut
DĂ©mographie
Population 146 hab. (2006)
Densité hab./km2
Plus grande ville Grise Fiord (141 habitants)
Autres informations
Découverte Préhistoire
GĂ©olocalisation sur la carte : Nunavut
(Voir situation sur carte : Nunavut)
ĂŽle d'Ellesmere
ĂŽle d'Ellesmere
GĂ©olocalisation sur la carte : Canada
(Voir situation sur carte : Canada)
ĂŽle d'Ellesmere
ĂŽle d'Ellesmere
Géolocalisation sur la carte : océan Arctique
(Voir situation sur carte : océan Arctique)
ĂŽle d'Ellesmere
ĂŽle d'Ellesmere
ĂŽle au Canada

Toute proche du Groenland, dont elle est séparée au nord-est par le détroit de Nares, dans la baie de Baffin, l'île est montagneuse et battue par le vent, majoritairement englacée, découpée par les fjords et prolongée par des banquises de glace, tout en étant presque dépourvue de plantes et d’animaux sur l'ensemble de sa surface.

Elle abrite l'établissement habité en permanence le plus septentrional du monde, la station des forces canadiennes d'Alert. Cette station météo et radar permet de rappeler la juridiction du Canada aux grandes puissances qui passent sans permission sous les glaces canadiennes.

En février 1979, les techniciens en météorologie de la station d'Eureka, située dans le centre de l'île, sur le bord d'un profond fjord, ont calculé une température mensuelle moyenne de –47,9 °C, un record pour le Canada.

Historique

Les premiers habitants de l'Ă®le d'Ellesmere sont de petits groupes d'Inuits, venus vers 2 000 Ă  1 000 av. J.-C. afin de chasser les caribous de Peary, les bĹ“ufs musquĂ©s et les mammifères marins.

Comme ce fut le cas pour des chasseurs de Dorset (ou Paléoeskimos) et des pionniers Neoeskimos, la culture inuit de l'après-Ruin Island et de la fin de Thulé utilisa la région de la péninsule de Bache de manière extensive, aussi bien l'été que l'hiver, jusqu'à ce que des circonstances environnementales, écologiques ou peut-être sociales entraînent l'abandon de la région. Ce fut la dernière région de l'actuel Haut Arctique canadien à être dépeuplée durant le « petit âge glaciaire », ce qui atteste son importance économique en tant que partie de la sphère culturelle du Smith Sound dont il a été occasionnellement une partie et parfois le principal peuplement.

Des Vikings, probablement venus de colonies du Groenland, atteignirent les îles d'Ellesmere, de Skraeling et de Ruin durant leurs expéditions de chasse et leur commerce avec des groupes inuits[1]. Des structures inhabituelles découvertes sur la péninsule de Bache sont peut-être les restes des longhouses de la fin de la période de Dorset.

Le premier Européen à voir l'île après le pic du petit âge glaciaire est William Baffin en 1616 (cette période d'exploration dura jusqu'en 1860) ; l'île est nommée Ellesmere en 1852 lors de l'expédition d'Edward Inglefield d'après Francis Egerton, premier comte d'Ellesmere[2] . L'expédition américaine menée par Adolphus Greely en 1881 traverse l'île d'est en ouest[3]. Elle découvre des fossiles de forêt. L'expédition tourne mal, deux navires de ravitaillement ne peuvent atteindre le camp et l'expédition n'est secourue qu'en 1884 ; 19 des 25 participants meurent de faim, de froid ou d'épuisement. À cette même époque, en 1882, peu après le transfert de souveraineté du Royaume-Uni au Canada (1880), les États-Unis émettent une revendication sur l'île et en 1902 le Stenkul Fjord est pour la première fois exploré par Per Schei, un membre de l'expédition Sverdrup. Le 28 avril 1920, le Danemark revendique l'île d'Ellesmere la qualifiant de res nullius. Le Canada réagit en multipliant les patrouilles à partir de 1922 et le Danemark abandonne ses prétentions. En 1925, le Canada rend obligatoire l'obtention de permis pour toute campagne et les expéditions suivantes, se soumettant à cette réglementation, reconnaissent implicitement la souveraineté canadienne.

Afin de renforcer sa souveraineté sur l'île, le gouvernement canadien lance un programme visant à coloniser l'île et à établir des familles inuites. En 1953, huit familles inuites d'Inukjuak, au Québec, s'installent alors à Grise Fjord après s'être fait promettre des maisons et du gibier. Celles-ci une fois sur place n'ont trouvé aucun bâtiment et très peu de faune leur étant familière. Les autorités déclarent alors aux colons qu'ils seraient rentrés chez eux après deux ans s'ils le souhaitaient, mais cette offre est retirée par la suite puisqu'elle aurait nui aux revendications du Canada dans la région. Finalement, les Inuits survivront en faisant l'apprentissage des voies migratoires des baleines. En 1993, le gouvernement canadien a enquêté sur le programme de relocalisation. Le gouvernement a versé 10 millions de dollars pour les survivants et leurs familles, et a présenté des excuses officielles en 2008[4].

L'île Hans (1,3 km2) située dans le détroit de Nares ou canal Kennedy, est partagée entre le Danemark et le Canada depuis 2022.

La barrière de glace d'Ellesmere est dĂ©crite par l'expĂ©dition arctique britannique de 1875-76, durant laquelle le lieutenant Pelham Aldrich atteint le cap Sheridan (en) (82° 28′ N, 61° 30′ O) Ă  l'ouest du cap Alert (82° 16′ N, 85° 33′ O), ainsi que la barrière de glace de Ward Hunt. En 1906, Robert Peary mène une expĂ©dition dans le nord de l'Ă®le, du cap Sheridan le long de la cĂ´te jusqu'au dĂ©troit de Nansen (93°W). Durant l'expĂ©dition de Peary, la barrière de glace est continue ; selon une estimation actuelle, elle devait couvrir 8 900 km2. En 1968, l'expĂ©dition de l'AmĂ©ricain Ralph Plaisted est partie de l'ĂŽle de Ward Hunt, tout près de lĂ , pour atteindre le pĂ´le Nord en motoneige. C'Ă©tait la première expĂ©dition terrestre vers cet endroit depuis l'amiral Robert Peary, en 1909.

GĂ©ographie

Glaciers au sud-est de l'île d'Ellesmere. 6 juin 1975

L'île d'Ellesmere est la terre la plus septentrionale du Canada. Son extrémité nord est représentée par le cap Columbia. Toute proche du Groenland, elle en est séparée à l'est par le détroit de Nares, la partie nord de la baie de Baffin. Au sud, le Jones Sound isole cette même terre de l'île Devon, tandis qu'à l'ouest elle est séparée de l'île Axel Heiberg par l'Eureka Sound et le Nansen Sound. Ces trois détroits font partie du passage du Nord-Ouest. Au nord-ouest et au nord, l'île d'Ellesmere borde l'océan Arctique.

La partie nord de la cordillère arctique rend l'Ă®le montagneuse. Le lobe nord de l'Ă®le est dominĂ© par les montagnes Grant Land, une chaĂ®ne irrĂ©gulière de roches sĂ©dimentaires recouvertes d'une couche de glace de près de 2 000 mètres d'Ă©paisseur, vestige de la dernière Ă©poque glaciaire. Des flèches rocheuses, les nunataks (« pic isolĂ© »), Ă©mergent de la glace. Parmi ceux-ci, le pic Barbeau, plus haut sommet de l'Est de l'AmĂ©rique du Nord et situĂ© dans la chaĂ®ne British Empire (British Empire Range), culmine Ă  2 616 m. La chaine de montagne la plus septentrionale du monde, les monts Challenger, est situĂ©e au nord-est de l'Ă®le. Au centre de l'Ă®le, les montagnes atteignent 2 000 m. Vers le sud, les terres plongent jusqu'au plateau de Hazen, presque entièrement recouvert par le lac du mĂŞme nom.

Plus d'un cinquième de l'île constitue le parc national Quttinirpaaq (anciennement la réserve du parc national de l'Île-d'Ellesmere) qui comprend sept fjords, une variété de glaciers et le lac Hazen, le plus grand lac d'Amérique du Nord au-delà du cercle Arctique.

Barrière de glace d'Ellesmere vue de l’Île de Ward Hunt. Le cap Columbia est visible en arrière-plan à gauche

De grandes parties d'Ellesmere sont couvertes par des glaciers et de la glace comme le champ de glace de Manson et Sydkap dans le sud, le champ de glace Prince of Wales et la calotte glaciaire d'Agassiz le long du côté centre-est de l'île, avec l'importante couverture de glace du nord de l'île. La côte nord-ouest d'Ellesmere Island était couverte par une massive et longue (500 km) barrière de glace jusqu'au XXe siècle. Elle s'est réduite de 90 % au cours de ce siècle à cause du réchauffement climatique, laissant séparées les barrières de glace d'Alfred Ernest, de Ayles, de Milne, de Ward Hunt et de Markham.

La rupture de la barrière de glace d'Ellesmere a continuĂ© au cours du XXIe siècle : la barrière de glace de Ward a connu une cassure importante durant l'Ă©tĂ© 2002, celle de Ayles s'est entièrement dĂ©tachĂ©e le 13 aoĂ»t 2005, la plus grande rupture d'une barrière de glace en 25 ans, crĂ©ant un risque pour l'industrie pĂ©trolière en mer de Beaufort. Elle forme une pièce de 66 km2. En avril 2008, il fut dĂ©couvert que la barrière de Ward Hunt Ă©tait fracturĂ©e en une douzaine de profondes fissures et en septembre 2008, la barrière de Markham shelf (50 km2) s'est complètement dĂ©tachĂ©e, devenant une glace flottante.

Flore et faune

Flore de toundra (Chamerion latifolium) au bord de la rivière Beauty dans le Parc national Quttinirpaaq.

À l’exception des poches de toundra où apparaissent durant le bref été, arbrisseaux rampants et fleurs multicolores (dryades, saxifrages, pavots), la flore, principalement constituée de nombreuses espèces de mousses, est peu abondante sur Ellesmere[3]. Par contraste, la vie marine y est très riche. On trouve dans les fjords et le long du littoral des populations de baleines boréales, de narvals et d’ours polaires. Le parc national de Quttinirpaaq a été créé pour préserver cette vie sauvage fragilisée par les conditions climatiques.

Le saule arctique, Salix arctica famille des Salicaceae minuscule arbre rampant, est la seule espèce d'arbre à pousser sur l'île.

Ellesmere est l'endroit le plus septentrional au monde où l'on trouve des insectes eusociaux, spécifiquement le bourdon Bombus polaris. Il existe aussi une seconde espèce de bourdon, le Bombus hyperboreus, qui est un parasite des nids du Bombus polaris. On y trouve en tout treize espèces d'insectes[3].

L'île abrite également plusieurs espèces de mammifères comme le caribou, le bœuf musqué[3], le lièvre arctique ou le loup arctique[5].

Population

En 2006, la population de l'île était de 146 habitants se répartissant entre la base d'Alert (5 personnes) et Grise Fiord, une communauté inuite (141 personnes) dans le sud de l'île (la station Eureka n'est pas comptabilisée).

Paléontologie

Les trois seuls fossiles de Tiktaalik roseae ont été découverts sur l'île ; ils datent de l'époque du Dévonien supérieur (entre -385 et -365 millions d'années). En 2015, des archéologues ont mis au jour les ossements fossilisés d'un oiseau géant, le Gastornis, ayant vécu là à l'Éocène, il y a 53 millions d'années à une époque où le climat était de type tempéré[6] - [7].

Galerie

  • L'Ă®le d'Ellesmere et le Groenland, sĂ©parĂ©s par des dĂ©troits.
    L'île d'Ellesmere et le Groenland, séparés par des détroits.
  • Photo satellite prise en juillet 2002 du nord d'Ellesmere, avec le Groenland Ă  droite.
    Photo satellite prise en juillet 2002 du nord d'Ellesmere, avec le Groenland Ă  droite.
  • La chaine d'Osborn photographiĂ© de Twin Otter.
    La chaine d'Osborn photographié de Twin Otter.
  • Photo satellite montage d'Ellesmere.
    Photo satellite montage d'Ellesmere.

Notes et références

  1. (en) Peter Schledermann et Karen Margrethe McCullough, Late Thule culture developments on the central east coast of Ellesmere Island, Copenhague, Service polaire danois, (ISBN 978-87-90369-64-4).
  2. (en) Lyle Dick, Muskox Land: Ellesmere Island in the Age of Contact, University of Calgary Press, (ISBN 978-1-55238-050-5).
  3. James H. Marsh, « Île d'Ellesmere », sur L'Encyclopédie canadienne, (consulté le )
  4. Office national du film du Canada, « Martha qui vient du froid » (consulté le )
  5. (en) Neil Shea, « Inside the harsh lives of wolves living at the top of the world », sur National Geographic, (consulté le )
  6. (en) The palaeobiology of high latitude birds from the early Eocene greenhouse of Ellesmere Island, Arctic Canada, Thomas A. Stidham et Jaelyn J. Eberle, Scientific Reports 6:20912, 12 février 2016.
  7. (en) Flightless bird with giant head roamed swampy Arctic 53m years ago par Oliver Milman dans The Guardian du 13 février 2016.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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